noît-il ceux qui ont médité ma ruine, & ce qu'ils ont fait pour l'exécuter! Par quels méprifables infectes, par quels ténébreux moyens il verroit s'émou voir les Puiffances! quels levains s'échauffer par leur pourriture & mettre le Parlement en fermentation! Par quelle rifible caufe il verroit les Etats de l'Europe feliguer contre le fils d'un horloger! Que je jouirois avec plaifir de fa furprise, fije pouvois n'en être pas l'inftrument! Jufqu'ici ma plume, hardie à dire la vérité, mais pure de toute fatire, n'a jamais compromis perfonne; elle a toujours refpecté l'honneur des autres," même en déféndant le mien. Irois-je en fa quittant la fouiller de médifance, & la teindre des noirceurs de mes ennemis? Non, laiffons-leur l'avantage de porter leurs coups dans les ténébres. Pour moi, je ne veux me défendre qu'ouvertement, & même je ne veux que me défendre. Il fuffit pour cela de ce qui eft fu du public, ou de ce qui peut Fêtre fans que perfonne en foit offenfe. Une chofe étonnante de cette efpece, & que je puis dire, eft de voir l'intrépide Chriftophe de Beaumont, qui ne fait plier fous aucune puiffance ni faire aucune paix avec les Janféniftes, deve nir fans le favoir leur fatellite & l'inftru ment de leur animofité : de voir leur ennemi le plus irréconciliable févir contre' moi pour avoir refufé d'embraffer leur parti, pour n'avoir point voulu prendre la plume contre les Jéfuites, que je n'aime pas, mais dont je n'ai point à me plaindre, & que je vois opprimés. Daignez, Monfeigneur, jetter les yeux fur le fixieme Tome de la nouvelle He toïfe, premiere édition: vous trouverez dans la note de la page 138 (*) la véritable fource de tous mes malheurs. J'ai prédit dans cette note (car je me mêle auffi quelquefois de prédire) qu'auf fi-tôt que les Janféniftes feroient les maîtres, ils feroient plus intolérans & plus durs que leurs ennemis. Je ne fa vois pas alors que ma propre hiftoire vé rifieroit fi bien ma prédiction. Le fil dë cette trame ne feroit pas difficile à fuivre à qui fauroit comment mon Livre a été déféré. Je n'en puis dire davantage fans en trop dire, mais je pouvois au moins vous apprendre par quelles gens vous avez été conduit fans vous en douter? है। Croira-t-on que quand mon Livre n'eût point été déféré au Parlement vous ne l'euffiez pas moins attaqué? *) De la premiere Edition, répondant à la page 420 du Tome II. de l'Edition 2.40 & p. 21$ du Tome IV. in-8°, & 206 de l'in-12.1 6 D'autres pourront le croire ou le dire: mais vous dont la confcience ne fait point fouffrir le menfonge, vous ne le direz pas. Mon difcours fur l'inégalité a couru votre Diocefe, & vous n'avez point donné de Mandement. Ma lettre à M. d'Alembert a couru votre Dioeefe, & vous m'avez point donné de Mandement. La nouvelle Héloïfé a couru votre Diocefer, & vous n'avez point donné de Mandement, Cependant tous ces Livres, que vous avez lus, puifque -vous les jugez, refpirent les mèmes ma, ximes: les mêmes manieres de penfer n'y font pas plus déguifées: fi le fujet ne les a pas rendu fufceptibles du même développement, elles gagnent en force ce qu'elles perdent en étendue, & l'on y voit la profeffion de foi de l'Auteur exprimée avec moins de réferve que celle du Vicaire Savoyard. Pourquoi donc n'avez-vous rien dit alors, Monfeigneur votre troupeau vous étoitil moins cher? Me lifoit-il moins? Goûtoit-il moins mes livres? Etoit-il moins expofé à l'erreur? Non, mais il n'y avoit point alors de Jéfuites à profcrire des traîtres ne m'avoient point encore enlacé dans leurs pieges : la note fatale n'étoit point connue: & quand elle le fut, le public avoit déjà donné fon fuffrage au Livre, il étoit trop tard pour faire du bruit. On aima mieux différer, on attendit l'occafion, on l'épia, on la faifit, on s'en prévalut avec la fureur ordinaire aux dévots; on ne parloit que de chaînes & de bûchers; mon Livre étoit le Tocfin de l'Anarchie & la Trompette de l'Atheisme ; l'Auteur étoit un monftre à étouffer; on s'étonnoit qu'on l'eût fi long-tems laiffé vivre. Dans cette rage univerfelle, vous eutes honte de garder le filence: vous aimates mieux faire un acte de cruauté que d'être accufé de manquer de zèle, & fervir vos ennemis que d'effuyer leurs reproches, Voilà, Monfeigneur, convenez-en, le vrai motif de votre Mandement; & voilà, ce me femble, un concours de faits affez finguliers pour donner à mon fort le nom de bizarre. Iby a long-tems qu'on a fubftitué des bienféances d'état à la juftice. Je fais qu'il eft des circonftances malheureufes: qui forcent un homme public à févir. malgré lui contre un bon Citoyen. Qui veut être modéré parmi des furieux s'expofe à leur furie, & je comprends que dans un déchaînement pareil à celui dont je fuis la victime, il faut hurler: avec les Loups, ou rifquer d'étre dévoré. Je ne me plains donc pas que vous ayez donné un Mandement contre mon Livre; mais je me plains que vous l'ayez donné contre ma perfonne avec auffi peu d'honnêteté que de vérité ; je me plains qu'autorifant par votre propre langage celui que vous me reprochez d'avoir mis dans la bouche de l'infpiré, vous m'accabliez d'injures, qui fans nuire à ma caufe attaquent mon honneur, ou plutôt le vôtre: je me plains que de gaîté de coeur, fans raifon, fans néceffité, fans refpect au moins pour mes malheurs, vous m'outragiez d'un ton fi peu digne de votre caractere. Et que vous avois-je donc fait, moi qui parlai toujours de vous avec tant d'eftime; moi qui tant de fois admirai votre inébranlable fermeté, en déplorant, il eft vrai, l'ufage que vos préjugés vous en faifoient faire; moi qui toujours honorai vos mœurs, qui toujours refpectai vos vertus, & qui les refpecte encore, aujourd'hui que vous m'avez déchiré? C'eft ainfi qu'on fe tire d'affaire quand on veut quereller & qu'on a tort. Ne pouvant réfoudre mes objections vous m'en avez fait des crimes: vous avez cru m'avilir en me maltraitant, & vous vous êtes trompé ; fans affoiblir mes raifons, vous avez intéreffé les |