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& fans plaifirs, au moins de ce qui porte ces noms parmi nous, ils paf foient, dans cette douce uniformité la journée fans la trouver trop longue, & la vie fans la trouver trop courte. Ils s'en retournoient chaque foir, gais & difpos, prendre leur frugal repas, contens de leur patrie, de leurs concitoyens, & d'eux-mêmes. Si l'on demande quelque exemple de ces divertiffemens publics, en voici un rapporté par Plutarque. Il y avoit, ditil, toujours trois danfes en autant de bandes, felon la différence des âges;

furent pleines de fpectatrices qui donnoient un nouveau zele aux acteurs; elles ne purent tenir longtems à leur fenêtres elles defcendirent; les maitreffes venoient voir leurs maris, les fervantes apportoient du vin, les enfans même éveillés par le bruit accoururent demi-vétus entre les peres & les. meres. La danfe fut fufpendue; ce ne furent qu'embraffemens, ris, fantés, careffes. Il réfulta de tout cela un attendriffement général que je ne faurois peindre, mais que dans l'allégreffe univerfelle on éprouve affez naturellement au milieu de tout. ce qui nous eft cher. Mon pere, en m'embraffant, fut faifi d'un treffaillement que je crois fentir & partager encore. Jean-Jacques, me difoit-il, aime ton pays. Vois-tu ces bons Genevois, ils font tous amis, ils font tous freres; la joie & la concorde regne au milieu d'eux. Tu es Genevois? tu verras un jour d'autres peuples; mais quand tu voyagerois autant que ton pere, tu ne trouveras jamais leur pareil.

& ces danfes fe faifoient au chant de chaque bande. Celle des vieillards commençoit la premiere, en chantant le couplet fuivant :

Nous avons été jadis

Jeunes, vaillans, & hardis.

Suivoit celle des hommes qui chantoient à leur tour, en frappant de leurs armes en cadence:

Nous le fommes maintenant,
A l'épreuve à tout venant.

Enfuite venoient les enfans qui leur répondoient, en chantant de toute leur force:

On voulut recommencer la danse, il n'y eut plus moyen: on ne favoit plus ce qu'on faifoit, toutes les tétes étoient tournées d'une ivreffe plus douce que celle du vin. Après avoir refté quelque tems encore à rire & à caufer fur la place, il fallut fe féparer, chacun fe retira paisiblement avec sa famille; & voilà comment ces aimables & prudentes femmes ramenerent leurs maris, non pas en troublant leurs plaifirs, mais en allant les partager. Je fens bien que ce fpectacle dont je fus fi touché, feroit fans attrait pour mille autres: il faut des yeux faits pour le voir, & un cœur fait pour le fentir. Non, il n'y a de pure jole que la joie publique, & les vrais fentimens de la Nature ne regnent que fur le peuple. Ah! Dignité, fille de l'orgueil & mere de l'enmui, jamais tes triftes efclaves eurent-ils un pareil moment en leur vie?

Et nous bientôt le ferons,
Qui tous vous furpafferons.

Voilà, Monfieur, les fpectacles qu'il faut à des Républiques. Quant à celui dont votre article Geneve m'a forcé de traiter dans cet effai, fi jamais l'intérêt particulier vient à bout de l'établir dans nos murs, j'en prévois les triftes effets, j'en ai montré quelques uns, j'en pourrois montrer davantage; mais c'eft trop craindre un malheur imaginaire que la vigilance de nos Magiftrats faura prévenir. Je ne prétends point inftruire des hommes plus fages que moi: il me fuffit d'en avoir dit affez pour confoler la jeuneffe de mon pays d'être privée d'un amufement qui coûteroit fi cher à la patrie. J'exhorte cette heureufe jeuneffe à profiter de l'avis qui termine votre article. Puiffe-t-elle connoître & mériter fon fort! Puiffe-t-elle fentir toujours combien le folide bonheur eft préférable aux vains plaifirs qui le détruifent! Puiffe-t-elle tranf mettre à fes defcendans les vertus, la liberté, la paix qu'elle tient de fes peres! C'eft le dernier vou par lequel je finis mes écrits, c'eft celui par lequel finira ma vie.

A UNE LETTRE ANONYME

Dont le contenu fe trouve en caractere italique dans cette Réponse.

Je fuis fenfible aux attentions_dont

E

m'honorent ces Meffieurs que je ne connois point; mais il faut que je réponde à ma maniere; car je n'en ai qu'une.

Des Gens de loi qui eftiment, &c. M. Rouffeau, ont été furpris & affliges de fon opinion dans fa Lettre à M. d'Alembert fur le Tribunal des Maréchaux de France.

J'ai cru dire des vérités utiles. Il eft trilte que de telles vérités furprennent, plus trifte qu'elles affligent, & bien plus trifte encore qu'elles affligent des Gens de loi.

Un Citoyen auffi éclairé que M. Rouffeau.

Je ne fuis point un citoyen éclairé, mais feulement un citoyen zélé.

N'ignore pas qu'on ne peut justement dévoiler aux yeux de la Nation les fautes de la Législation.

Je l'ignorois, je l'apprends: mais qu'on me permette à mon tour une petite queftion. Bodin, Loifel, Fénelon, Boulainvilliers, l'Abbé de Saint Pierre, le Président de Montefquieu, le Marquis de Mirabeau, l'Abbé de Mabli, tous bons François & gens éclairés, ont-ils ignoré qu'on ne peut justement dévoiler aux yeux de la Nation les fautes de la Légiflation? On a tort d'exiger qu'un Etranger foit plus favant qu'eux fur ce qui eft jufte ou injufte dans leur pays.

On ne peut juftement dévoiler aux yeux de la Nation les fautes de la Législation. Cette maxime peut avoir une application particuliere & circonfcrite, felon les lieux & les perfonnes. Voici la premiere fois, peut-être, que la justice eft oppofée à la vérité.

On ne peut justement dévoiler aux yeux de la Nation les fautes de la Législation. Si quelqu'un de nos Citoyens m'ofoit tenir un pareil difcours à Geneve, je le pourfuivrois criminellement, comme traître à la patrie.

On ne peut juffement dévoiler aux yeux de la Nation les fautes de la Législation.

Il y a dans l'application de cette maxime quelque chofe que je n'entends point. J. J. Rouffeau, Citoyen de Ge

neve,

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