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PROJET

CONCERNANT DE NOUVEAUX SIGNES

POUR LA MUSIQUE,

Lu par l'auteur à l'Académie des Sciences, le 22 août 1742.

Ce projet tend à rendre la musique plus commode à noter, plus aisée à apprendre, et beaucoup moins diffuse.

Il paraît étonnant que, les signes de la musique étant restés aussi long-temps dans l'état d'imperfection où nous les voyons encore aujourd'hui, la difficulté de l'apprendre n'ait pas averti le public que c'était la faute des caractères, et non pas celle de l'art. Il est vrai qu'on a donné souvent des projets en ce genre; mais de tous ces projets, qui, sans avoir les avantages de la musique ordinaire, en avaient presque tous les inconvéniens, aucun que je sache n'a jusqu'ici touché le but, soit qu'une pratique trop superficielle ait fait échouer ceux qui l'ont voulu considérer théoriquement, soit que le génie étroit et borné des musiciens ordinaires les ait empêchés d'embrasser un plan général et raisonné, et de sentir les vrais inconvéniens de leur art, de la perfection actuelle du

quel ils sont d'ailleurs pour l'ordinaire très-en

têtés.

Cette quantité de lignes, de clefs, de transpositions, de dièses, de bémols, de bécarres, de mesures simples et composées, de rondes, de blanches, de noires, de croches, de doubles, de triples croches, de pauses, de demi-pauses, de soupirs, de demi-soupirs, de quarts de soupirs, etc., donne une foule de signes et de combinaisons, d'où résultent deux inconvéniens principaux, l'un d'ococcuper un trop grand vo'ume, et l'autre de surcharger la mémoire des écoliers; de façon que, l'oreille étant formée, et les organes ayant acquis toute la facilité nécessaire long-temps avant qu'on soit en état de chanter à livre ouvert, il s'ensuit que la difficulté est toute dans l'observation des règles, et non dans l'exécution du chant.

Le moyen qui remédiera à l'un de ces inconvéniens remédiera aussi à l'autre; et dès qu'on aura inventé des signes équivalens, mais plus simples et en moindre quantité, ils auront par là même plus de précision, et pourront exprimer autant de choses en moins d'espace.

Il est avantageux, outre cela, que ces signes soient déjà connus, afin que l'attention soit moins partagée, et faciles à figurer, afin de rendre la musique plus commode.

Il faut pour cet effet considérer deux objets principaux chacun en particulier : le premier doit être l'expression de tous les sons possibles, et l'autre, celle de toutes les différentes durées, tant des sons que de leurs silences re'atifs, ce qui comprend aussi la différence des mouvemens.

Comme la musique n'est qu'un enchaînement de sons qui se font entendre ou tous ensemble, ou successivement, il suffit que tous ces sons aient des expressions relatives qui leur assignent à chacun la place qu'il doit occuper par rapport à un certain son fondamental, pourvu que ce son soit nettement exprimé, et que la relation soit facile à connaître : avantages que n'a déjà point la musique ordinaire, où le son fondamental n'a nulle évidence particulière, et où tous les rapports des notes ont besoin d'ètre long-temps étudiés.

Prenant ut pour coson fondamental, auquel tous les autres doivent se rapporter, et l'exprimant par le chiffie 1, nous aurons à sa suite l'expres-sion des sept sons naturels, ut, ré, mi, fa, sol, la, si, par les sept chiffres 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7; de façon que, tant que le chant roulera dans l'étendue des sept sons, il suffira de les noter chacun par son chiffre correspondant, pour les exprimer tous sans équivoque.

Mais quand il est question de sortir de cette étendue pour passer dans d'autres octaves, alors. cela forme une nouvelle difficulté.

Pour la résoudre, je me sers du plus simple de tous les signes, c'est-à-dire du point. Si je sors de: l'octave par laquelle j'ai commencé, pour faire une note dans l'étendue de l'octave qui est au

dessus, et qui commence à l'ut d'en haut, alors je mets un point au-dessus de cette note par laquelle je sors de mon octave; et ce point une fois placé, c'est un indice que non-seulement la note sur laquelle il est, mais encore toutes celles qui la suivront sans aucun signe qui le détruise, devront être prises dans l'étendue de cette octave supérieure où je suis entré.

Au contraire, si je veux passer à l'octave qui est au-dessous de celle où je me trouve, alors je mets le point sous la note par laquelle j'y entre. En un mot, quand le point est sur la note, vous passez dans l'octave supérieure; s'il est au dessous, vous passez dans l'inférieure : et quand vous changeriez d'octave à chaque note, ou que vous voudriez monter ou descendre de deux ou trois octaves tout d'un coup ou successivement, la règle est toujours générale, et vous n'avez qu'à mettre autant de points au-dessous ou au-dessus que vous avez d'octaves à descendre ou à monter.

Ce n'est pas à dire qu'à chaque point vous montiez ou descendiez d'une octave, mais à chaque point vous passez dans une octave différente de celle où vous êtes par rapport au son fondamental ut d'en bas, lequel ainsi se trouve bien dans la même octave en descendant diatoniquement, mais non pas en montant. Sur quoi il faut remarquer que je ne me sers du mot d'octave qu'abusivement, et pour ne pas multiplier inutilement les termes, parce que proprement cette étendue n'est composée que de sept notes, le 1 d'en haut qui commence une autre octave n'y étant pas compris.

Mais cet ut, qui, par la transposition, doit toujours être le nom de la tonique dans les tons majeurs, et celui de la médiante dans les tons mineurs, peut, par conséquent, être pris sur chacune des douze cordes du système chromatique; et, pour la désigner, il suffira de mettre à la marge le chiffre qui exprimerait cette corde sur le clavier dans l'ordre naturel; c'est-à-dire que le chiffre de la marge, qu'on peut appeler la clef, désigne la touche du clavier qui doit s'appeler ut, et par conséquent être toniques dans les tons majeurs, et médiante dans les mineurs. Mais, à le bien prendre, la connaissance de cette clef n'est que pour les instrumens, et ceux qui chantent n'ont pas besoin d'y faire attention

Par cette méthode, les mêmes noms sont toujours conservés aux mêmes notes : c'est-à-dire que l'art de solfier toute musique possible consiste précisément à connaître sept caractères uniques et invariables, qui ne changent jamais ni de nom ni de position; ce qui me paraît plus facile que cette multitude de transpositions et de clefs qui, quoique ingénieusement inventées, n'en sont pas moins le supplice des commençans.

Une autre difficulté qui naît de l'étendue du clavier et des différentes octaves où le ton peut être pris, se résout avec la même aisance. On con

Musique,

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