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pas avisé jusque là, et que la musique n'avait pas laissé d'aller son train.

Toutes ces difficultés sont présentes à mon esprit avec toute la force qu'elles peuvent avoir dans celui des lecteurs: malgré cela, je ne saurais croire qu'elles puissent tenir contre les vérités de démonstration que j'ai à établir. Que tous les systèmes qu'on a proposés en ce genre aient échoué jusqu'ici, je n'en suis point étonné : même, à égalité d'avantages et de défauts, l'ancienne méthode devait sans contredit l'emporter, puisque pour détruire un système établi il faut que celui qu'on veut substituer lui soit préférable, nonseulement en les considérant chacun en lui-même et par ce qu'il a de plus propre, mais encore en joignant au premier toutes les raisons d'ancienneté et tous les préjugés qui le fortifient.

C'est ce cas de préférence où le mien paraît être, et où l'on reconnaîtra qu'il est en effet s'il conserve les avantages de la méthode ordinaire, s'il en sauve les inconvéniens, et enfin s'il résout les objections extérieures qu'on oppose à toute nouveauté de ce genre, indépendamment de ce qu'elle est en soi

même.

A l'égard des deux premiers points, ils seront discutés dans le corps de l'ouvrage, et l'on ne peut savoir à quoi s'en tenir qu'après l'avoir lu. Pour le troisième, rien n'est plus simple à décider: il ne faut pour cela qu'exposer le but même de mon projet, et les effets qui doivent résulter de son exécution.

Le système que je propose roule sur deux objets principaux : l'un de noter la musique et toutes ses difficultés d'une manière plus simple, plus commode, et sous un moindre volume.

Le second et le plus considérable est de la rendre aussi aisée à apprendre qu'elle a été rebutante jusqu'à présent, d'en réduire les signes à un plus petit nombre, sans rien retrancher de l'expression, et d'en abréger les règles de façon à faire un jeu de la théorie, et à n'en rendre la pratique dépendante que de P'habitude des organes, sans que la difficulté de la note y puisse jamais entrer pour rien.

Il est aisé de justifier par l'expérience qu'on apprend la musique en deux et trois fois moins de temps par ma méthode que par la méthode ordinaire; que les musiciens formés par elle seront plus sûrs que les autres à égalité de science; et qu'enfin sa facilité est selle, que, quand on voudrait s'en tenir à la musique ordinaire, il faudrait toujours commencer par la mienne pour y parvenir plus sûrement et en moins de temps. Proposition qui, toute paradoxe qu'elle paraît, ne laisse pas d'être exactement vraie, tant par le fait que par la démonstration. Os, ces faits supposés vrais, toutes les objections tombent d'elles-mêmes et sans ressource. En premier lieu, la musique notée suivant l'ancien système ne sera point inutile, et il ne faudra point se tourmenter pour la jeter au feu, puisque les élèves de ma méthode parviendront à chanter. à livre ouvert sur la musique ordinaire en moins de de temps encore, y compris celui qu'ils auront donné à la mienne, qu'on ne le fait communément. Comme ils sauront donc également l'une et l'autre sans y avoir employé plus de temps, on ne pourra pas déjà

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dire à l'égard de ceux-là que l'ancienne musique est inutile.

Supposons des écoliers qui n'aient pas des années à sacrifier, et qui veuillent bien se contenter de savoir en sept ou huit mois de temps chanter à livre ouvert sur ma note, je dis que la musique ordinaire ne sera pas même perdue pour eux. A la vérité, au bout de ce temps-là ils ne la sauront pas exécuter à livre ouvert; peut-être même ne la déchiffreront-ils pas sans peine: mais enfin ils la déchiffreront; car, comme ils auront d'ailleurs Phabitude de la mesure et celle de Pintonation, il suffira de sacrifier cinq ou six leçons dans le septième mois à leur en expliquer les principes par ceux qui leur seront déjà connus, pour les mettre en état d'y parvenir aisément par eux-mêmes et sans le secours d'aucun maître; et, quand ils ne voudraient pas se donner ce soin, toujours seront-ils capables de traduire sur-le-champ toute sorte de musique par la leur, et par conséquent ils seraient en état d'en tirer parti même dans un temps où elle est encore indéchiffrable pour les écoliers ordinaires.

Les maîtres ne doivent pas craindre de redevenir écoliers: ma méthode est si simple qu'elle n'a besoin que d'être lue, et non pas étudiée; et j'ai lieu de croire que les difficultés qu'ils y trouveraient viendraient plus des dispositions de leur esprit que de l'obscurité du système, puisque des dames, à qui j'ai eu l'honneur de l'expliquer, ont chanté sur-lechamp, et à livre ouvert, de la musique notée suivant cette méthode, et ont elles-mêmes noté des airs fort correctement, tandis que des musiciens du premier ordre auraient peut-être affecté de n'y rien comprendre.

Les musiciens, je dis du moins le plus grand nombre, ne se piquent guère de juger des choses sans préjugés et sans passion; et communément ils les considèrent bien moins par ce qu'elles sont en ellesmêmes que par le rapport qu'elles peuvent avoir à leur intérêt. Il est vrai que, même en ce sens-là, ils n'auraient nul sujet de s'opposer au succès de mon système, puisque dès qu'il est publié ils en sont les maîtres aussi bien que moi; et que, la facilité qu'il introduit dans la musique devant naturellement lui donner un cours plus universel, ils n'en seront que plus occupés en contribuant à le répandre. Il est cependant très-probable qu'ils ne s'y livreront pas les premiers, et qu'il n'y a que le goût décidé du public qui puisse les engager à cultiver un système dont les avantages paraissent autant d'innovations dangereuses contre la difficulté de leur art.

Quand je parle des musiciens en général, je ne prétends point y confondre ceux d'entre ces messieurs qui font l'honneur de cet art par leur caractère et par leurs lumières. Il n'est que trop connu que ce qu'on appelle peuple domine toujours par le nombre dans toutes les sociétés et dans tous les états, mais il ne l'est pas moins qu'il y a partout des exceptions honorables; et tout ce qu'on pourrait dire en particulier contre la profession de la musique, c'est que le peuple y est peut-être un peu plus nombreux, et les ceptions plus rares.

Quoi qu'il en soit, quand on voudrait supposer et grossir tous les obstacles qui peuvent arrêter l'effet de mon projet, on ne saurait nier ce fait plus clair que le jour, qu'il y a dans Paris deux ou trois mille personnes qui, avec beaucoup de dispositions, n'apprendront jamais la musique, par l'unique raison de sa longueur et de sa difficulté. Quand je n'aurais travaillé que pour ceux-là, voilà déjà une utilité sans réplique. Et qu'on ne dise pas que cette méthode ne leur servira de rien pour exécuter sur la musique ordinaire; car, outre que j'ai déjà répondu à cette objection, il sera d'autant moins nécessaire pour eux d'y avoir recours, qu'on aura soin de leur donner des éditions des meilleures pièces de musique de toute espèce et des recueils périodiques d'airs à chanter et de symphonies, en attendant que le système soit assez répandu pour en rendre l'usage universel.

Enfin, si l'on outrait assez la défiance pour s'imaginer que personne n'adopterait mon système, je dis que, même dans ce cas-là, il serait encore avantageux aux amateurs de l'art de le cultiver pour leur commodité particulière. Les exemples qu'on trouve notés à la fin de cet ouvrage feront assez comprendre les avantages de mes signes sur les signes ordinaires, soit pour la facilité, soit pour la précision. On peut avoir en cent occasions des airs à noter sans papier réglé; ma méthode vous en donne un moyen trèscommode et très-simple. Voulez-vous envoyer en province des airs nouveaux, des scènes entières d'opéra; sans augmenter le volume de vos lettres, vous pouvez écrire sur la même feuille de très-longs

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