qui a duré plusieurs anées « le comité central faisait un apel aux homes compétants pour intervenir afin de le remanier et le compléter ». C'était un devoir pour moi de répondre à cet apel et de vous adresser mes observacions, en vous priant de vouloir bien les soumettre aux divers comités de la Suisse et de la Belgique ainsi qu'à tous ceux qui concourent avec tant de zèle à faciliter et propager de plus en plus l'étude de la langue française (1). Vous avez bien voulu, Monsieur le Présidant, soumettre ces observacions au Comité central et à plusieurs membres de l'Institut genevois réunis au congrès de Lausanne, et dans la lettre, en date du 3 août 1871, que vous m'avez fait l'honeur de m'adresser, vous me comuniquez le résultat de vos délibéracions; mais, malgré ma gratitude pour la confiance qu'on veut bien me témoigner, permettez-moi de décliner la part oficièle dont il y est question. Elle dépasserait de beaucoup mes intancions, mon pouvoir et ma posicion eccepcionèle d'imprimeur de l'Académie française. D'ailleur, ainsi que j'ai eu l'honeur de vous le dire dès le comancemant, comparée, M. Egger regrète que l'on n'écrive pas ce mot come au seizième siècle, ortografie, et il l'emploie ainsi écrit dans son Histoire des théories grammaticales de l'antiquité. Dans plusieurs livres de grammaire, on s'indigne égalemant contre ce barbarisme. On ne dit pas une cacografe, mais une cacografie; une télégrafe, mais une télégrafie; une ortodoxe, une géografe, une litografe, mais une ortodoxie, une géografie, une litografie. Il faut donc distinguer la chose de la persone. Je possède dans ma bibliothèque un traité d'ortografie du sieur de Palliot, secrétaire ordinaire du Roi; Paris, 1608, in-4°, où l'auteur s'intitule ainsi le Vray Orthographe françois; de même un auteur, écrivant un livre touchant la tipografie, se désignerait sous le titre de le Vrai Tipografe. P. Corneille et beaucoup d'autres écrivent ortographe, jujant qu'il sufisait pour ce mot come pour rythme, etc., de ne laisser qu'une seule marque de son étimologie grecque. (1) Observacions de Ambroise-Firmin Didot sur l'écrit intitulé: « Pro« grame oficiel de la nouvèle ortografe adoptée en 1870 par le Comité santral « (sic) de la Société néografique suisse et étranjère et par pluzieurs néografes « de la Belgique et de la France. » Seconde édicion. Paris, 1871, in-12, 32 pp. je dois, à mon âge, me borner à doner des conseils; c'est un rôle bien autremant facile que celui de législateur, surtout en fait d'ortografie. Tant que l'Académie française ne s'était pas prononcée et qu'il ne s'agissait que des préliminaires d'une nouvèle édicion de son Diccionaire qu'elle prépare, mon désir et même mon devoir étaient de lui soumettre les modificacions et amélioracions que je croyais utiles; et j'espérais qu'à l'example de ses prédécesseurs qui, dans les édicions successives de leur Diccionaire, avaient aporté dans l'ortografie de si notables changemants, elle suivrait la même voie, et, revenant aux principes de notre anciène ortografie nacionale, se raprocherait de la simplicité des autres langues néolatines, nos sœurs : l'italien, l'espagnol et le portugais. Mais l'Académie, tout en aportant de nombreuses amélioracions et addicions dans la partie littéraire, n'a voulu acueillir que de faibles modificacions en ce qui touche à l'ortografie, ne voulant pas déroger à cette maxime : qu'elle devait se borner à constater l'USAGE. Mais comant sortir de ce cercle vicieux où l'Académie veut se renfermer, puisque c'est elle qui consacre cet usage par l'autorité dont elle jouit, à si juste titre? Son Diccionaire, devenu la règle et le code auquel chacun obéit, va, dans la nouvèle édicion qu'elle prépare, confirmer encore plus, et pour un temps indéfini, les imperfeccions et les anomalies de notre ortografie. C'est donc à la Suisse et à la Belgique, libres de se soustraire à ce joug auquel l'habitude nous a façonés, de prandre l'iniciative, à l'example de la Hollande aux seizième et dix-septième siècle. C'est aussi contre cette doctrine sur l'usage que se sont prononcés les nombreux comités réçamant formés en France dans le but de ramener notre ortografie à plus de simplicité. Jusqu'à présant les éforts avaient été isolés; maintenant une force de coésion acquiert de jour en jour plus de poids; la nécessité a forcé de recourir à l'associacion. Parmi tant d'écrits publiés réçamant sur ce sujet qui intéresse le présant et l'avenir, je me bornerai à ce passage d'un écrit intitulé: La Réforme de l'orthographe française d'après M. Firmin Didot (1). « L'usage seul, croyait-on, était appelé avec le « temps à corriger tout ce qu'il y a d'anormal dans notre orthographe; mais l'usage est un vieux routinier qu'on ne peut << plus invoquer dans notre siècle de vapeur et d'électricité. « Aussi, au lieu d'attendre que cet usage au pas tardif et lent, << comme les bœufs du poëte, vienne jeter un peu d'ordre dans <«< ce chaos, les linguistes s'occupent depuis quelque temps de « déblayer le terrain d'un seul coup et d'opérer sur-le-champ << les réformes désirées. A la nouvelle du projet présenté par « M. Didot, un grand nombre de comités se sont aussitôt formés << en France, en Angleterre, en Suisse, en Prusse, en Hollande, << en Belgique, en Autriche et en Italie, dans le but d'appuyer « et d'étendre encore la réforme proposée. » C'est donc avec un vif intérêt que j'ai vu cette question de l'ortografie préocuper de plus en plus aussi bien la France que les pays étrangers, et particulièremant la Suisse et la Belgique, où de nombreux comités, composés d'homes sérieux et persévérants, se sont doné la mission de réaliser les vœux depuis si longtemps manifestés, même par un grand nombre de membres de l'Académie française (2). Je ne pouvais rester indiférant à ce mouvemant, et tout en signalant le péril d'entreprises fonografiques qui, partant d'un (1) Extrait des Mémoires de la Société d'émulation de Roubaix, t. II, 10 juin 1870; Rapport de M. Aristide FAIDHERBE. (2) Il sufira de citer, parmi les anciens membres de l'Académie, Corneille, Bossuet, Dangeau, Choisy, l'abbé Girard, l'abbé de Saint-Pierre, Duclos, Beauzée, de Wailly, Voltaire, François de Neufchâteau, Domergue, Volney, Destutt de Tracy, Daunou et d'autres encore, parmi lesquels tout dernièremant Sainte-Beuve et M. Littré. L'Académie des Inscripcions et Belles-Lettres compte aussi un nombre principe radical, auraient compromis par un eccès de zèle d'aussi généreux éforts, c'est sur votre invitacion et celle des comités de Genève et de Lausanne que je me suis permis quelques avis fondés sur une longue expériance. Je rapèlerai que déjà en 1829 la réforme de l'ortografie préocupait les esprits, et que le public prenait un vif intérêt à la levée de boucliers, un peu tumultueuse, qui se fit alors pour l'obtenir. L'Académie elle-même paraissait disposée à acueillir favorablemant des demandes renfermées dans de justes limites, lorsque l'audace et même l'inconvenante conduite de M. Marle à l'égard du secrétaire perpétuel de l'Académie française, M. Andrieux, ce littérateur aussi savant que spirituel, dont l'esprit fin et logique était porté à adérer à quelques amélioracions qu'il aurait pu présanter à l'Académie et faire adopter, causèrent un reviremant complet dans les heureuses disposicions de l'Académie et refroidirent le public. On peut même dire que si l'Académie s'est montrée en dernier lieu aussi persévérante dans sa résolucion et si impassible à mes solicitacions, c'est à ce souvenir qu'on doit surtout l'atribuer. Quelques voix cepandant se sont élevées contre cette immuabilité, et je ne saurais trop regréter que la longue et douloureuse maladie, suivie de la mort prématurée, de M. Sainte-Beuve, m'ait privé du principal soutien que j'avais trouvé chez quelques membres de l'Académie française. J'ai été témoin de ses regrets de ne pas voir l'Académie marcher dans la voie du progrès, conformémant à ses anciènes tradicions, et c'est en parlant des réformes que je proposais et de la nouvèle édicion du Diccionaire, qu'il exorta l'Académie à « oser le plus possible » et n'hésita pas à dire « M. Didot a raison, et mille fois raison, mais depuis << quand a-t-il suffi dans les choses humaines, et même dans les considérable de partisans de la réforme; celui des gramairiens, des litérateurs et des imprimeurs serait infini. Parmi nos anciens poètes, il sufira de nomer Ronsard et Baïf, et parmi les filosofes, Ramus et Descartes. <«< choses littéraires, d'avoir cent mille fois raison? C'est déjà << beaucoup quand on ne vous donne pas tout à fait tort (1). » Je ne saurais donc trop féliciter les comités de Suisse et de Belgique de s'être successivemant raprochés d'un résultat pratique et qu'il leur est facile d'établir là où l'Académie française exerce une moindre influance. Cet example devra nécessairemant réagir sur nous; mais je ne cesserai de vous le répéter, Monsieur le Présidant plus les modificacions qu'on introduira dans l'ortografie seront restrintes, plus on aura de chances d'obtenir un acord unanime, sinon dès aujourdui, du moins successivemant, peut-être même plus vite qu'on ne le supose, vu l'urjante nécessité de faciliter la lecture et l'écriture dans notre France si ariérée sous ce raport. Il se pourait que le Ministre de l'instruccion publique crût de son devoir de concourir à la simplificacion de l'ortografie, au moyen de ses instituteurs primaires qui consacrent un temps si péniblemant employé à l'instruccion de la jeunesse, découragée par les dificultés et les anomalies qui faussent la rectitude de son jugemant. Ne serait-ce pas aussi un devoir pour le gouvernemant, ne fût-ce que sous le raport de l'économie, d'abréger le temps considérable consacré à ces études préliminaires? Pourquoi enfin dégoûter le peuple de s'éclairer par la lecture, maintenant surtout qu'il a tant besoin d'y être encouragé? Je crois même, à ce sujet, utile de rapeler que François de Neufchateau, membre de l'Institut, ministre de l'intérieur et l'un des membres du Directoire, posait come premier principe., dans ses écrits relatifs à l'instruccion publique dont il s'est tant préocupé, que « Jamais on n'apprendra à lire aux enfants des pauvres, surtout dans les campagnes, s'il faut con (1) Je crois devoir reproduire à la fin de cet essai l'article fort remarquable de M. Sainte-Beuve, où cet éminant critique a manifesté son opinion sur la nécessité de la réforme de notre ortografie. |