« en la chapelle sainct Anthoine et sainct Loys << devant l'autel (1). » Il y demeura, sans signe apparent de sépulture, jusqu'à la prise de Montereau par le nouveau duc de Bourgogne; ce jour-là dimanche 23 juin 1420, Philippe III il n'était pas encore le Philippe le Bon de l'histoire - se fit indiquer aussitôt le lieu où reposait le corps de son peèr, un drap mortuaire y fut étendu avec des cierges allumés et l'on procéda le lendemain à l'exhumation. Le cadavre fut retrouvé à demi dépouillé, sans sa robe, mais avec ses houseaulx et son pourpoint; quant aux joyaux ils avaient naturellement disparu, et le crâne fracassé montrait cette large entaille qui le devait faire reconnaître 420 ans plus tard. L'embaumement eut lieu sur-le-champ et le lendemain un service solennel fut célébré en présence du jeune Duc, du roi d'Angleterre, de ses frères et d'un grand nombre de seigneurs bourguignons, français et anglais. Le cercueil était acheminé le même jour vers la Chartreuse de Dijon où il fut reçu en grande cérémonie le 11 juillet et déposé dans le caveau préparé sous le chœur de l'église, près de celui du duc Philippe le Hardi. Quand on était venu lui annoncer à Gand le guet-apens de Montereau, le jeune Duc avait versé des larmes qui n'étaient pas seulement des larmes d'héritier et on sait quelle vengeance il tira (1) Dans l'église de Montereau, reconstruite en grande partie après le drame de 1419, il ne subsiste aucune trace de la sépulture passagère de Jean sans Peur; la chapelle Saint-Antoine était la quatrième à gauche en entrant. Quant à l'épée du Duc suspendue à l'un des piliers du sanctuaire, ce n'est qu'une contrefaçon sans la moindre valeur historique ou artistique. des assassins, du Dauphin et de la France. Toutefois quand il s'agit d'élever à la victime un monument digne de la magnificence héréditaire de sa maison, ce bon fils prit le temps de la réflexion et Jean sans Peur s'était montré plus empressé pour faire achever le tombeau de son père. La duchesse douairière Marguerite de Bavière mourut elle-même le 23 janvier 1423, et ce fut seulement en 1443, vingt-quatre ans après le drame de Montereau, que le duc s'occupa sérieusement de donner un pendant au chef-d'œuvre de Claus Sluter et de Claus de Werve (1). A vrai dire ce n'était pas la première fois qu'il en était question. Pendant que Claus de Werve achevait l'œuvre laissée à peine commencée par son oncle Claus Sluter il restait à exécuter le gisant, les deux anges portant le casque, toutes les statuettes du pourtour, sauf deux, et tous les angelots qui figurent dans l'architecture, sans compter d'autres détails compris dans l'etc. du marché (1) Claux de Werve, ou mieux Claus, c'est-à-dire Claés, Nicolas, mais il signait Claux, appelé quelquefois, sans qu'on sache pourquoi, de Vouzonne, avait été chargé, après la mort de Claus Sluter survenue à la fin de 1404 ou au commencement de 1405, d'achever le tombeau du duc Philippe le Hardi. Nous avons publié les deux demandes en réduction d'impôt présentées par lui à la Chambre de Ville en 1424 et 1434, dans les Mémoires de la Société bourguignonne de Géographie et d'Histoire, t. VI, - Réclamations en matière d'impôt au XVe siècle. Quant au nom de l'artiste, il semble acquis aujourd'hui qu'il doit s'écrire Werve et non Werne, la ressemblance de l'u qui égale le v avec la lettre n, a causé cette confusion traditionnelle. Il résulte en effet d'une communication qu'a bien voulu nous faire M. A. J. Enschessé, archiviste de la province de. Harlem, que le nom de l'artiste est réellement Van der Werve, ou Van der Werf, ce qui signifie du Chantier. L'erreur de lecture avait déjà été signalée par M. Bernard Prost; quant à l'appellation Claus de Vouzonne, il la faut écarter absolument. - Jean sans Peur méditait de faire travailler à son propre tombeau, et par une lettre du 31 mai 1410 demandait à Claus de Werve les devis d'une sépulture semblable à celle de feu « son père », mais au « meilleur marché possible ». Le meilleur marché possible de Claus de Werve parut sans doute trop coûteux, vu le malheur des temps, et l'affaire en demeura là pour être reprise en juillet 1419, deux mois avant le drame de Montereau qui rompit encore une fois toutes les mesures. Plus tard, d'après M. Bernard Prost, Philippe le Bon aurait eu la pensée vers 1434 de faire exécuter à la fois son tombeau et celui du duc Jean; et en effet, il ne pouvait honnêtement penser à lui-même sans assurer la sépulture de son père. Ainsi en juin 1436, Claus de Werve est envoyé en Dauphiné pour rechercher « de bonnes pierres d'albatre >>> que l'on emmènerait à Dijon pour le travail à exécuter, mais il n'en fut pas davantage, et Claus eut le temps de mourir le jeudi 8 octobre 1439, avant que le premier coup d'ébauchoir eût été donné au premier modèle. Il fut enterré dans l'église abbatiale Saint-Etienne de Dijon, où Palliot recueillit son épitaphe, dont M. Bernard Prost a retrouvé le texte à la Bibliothèque nationale. CI GIST CLAUDE DE WERVE DE HATHEIM AU COMTÉ DE HOLLANDE TAILLEUR D'IMAIGE ET VARLET DE CHAMBRE DE MONSEIGNEUR LE DUC DE BOURGOGNE QUI TRESPASSAY LE JEUDI VIII JOUR D'OCTOBRE MCCCCXXXIX, DIEU EUT SON AME, AMEN (1). (1) M. Bernard Prost, archiviste paléographe, sous-chef du bureau des Archives au ministère de l'Instruction publique et de Il semblait que Claus de Werve eût emporté avec lui la prospérité de la grande école créée par Jean de Marville et qui atteignit son apogée sous Claus Sluter. Philippe le Bon, tout entier à son empire flamand qu'il accroît sans cesse par des acquisitions plus ou moins fondées en droit, réside peu à Dijon où toutefois il reconstruit en grande partie Beaux-Arts, a pris pour objet de ses recherches dans les Archives départementales et à la Bibliothèque nationale, les documents relatifs aux artistes bourguignons sous les dues de la seconde race, et a livré au public le résultat de ses premières découvertes dans La Revue des Musées, no 59, fascicule du 1er septembre 1890, Les tombeaux des ducs de Bourgogue au musée de Dijon, et dans la Gazette des Beaux-Arts, à Une nouvelle source de documents sur les artistes dijonnais au XVe siècle, en cours de publication à partir d'octobre 1890. Il s'agit du Fonds L, Impositions aux Archives municipales de Dijon, réclamations en matière d'impôt, série importante qui va du xive siècle à la fin de l'ancien régime. Nous avons emprunté quelques faits à ces savants travaux, notamment l'épitaphe de Claus de Werve découverte dans le manuscrit 24019, Fonds français, à la Bibliothèque nationale, recueil d'épitaphes extraites en 1741 des manuscrits de Pierre Palliot. Il y a une lacune au chiffre des unités dans la date du décès, mais M. Prost a établi d'une manière concluante qu'il faut lire 1439; en effet, une charte originale de Philippe le Bon en date du 18 octobre 1439, Archives départementales de la Côte-d'Or, B. 382, prouve qu'à cette date, Claus de Werve était décédé récemment, ce que confirment certains textes du Fonds de Bourgogne à la bibliothèque nationale, XXIII, fo 150, vo, XXIX, fo 115 et L. VIII, fo 281. Enfin, et cela achève la démonstration, le 8 octobre 1439 était un jeudi. est une Hatheim, aujourd'hui Hattem - beaucoup de noms qui s'écrivaient autrefois avec le suffixe de lieu heim, s'écrivent maintenant avec la désinence em, ainsi Haarlheim est devenu Haarlem petite ville de la Gueldre, située sur un affluent et très proche de la rive gauche de l'Issel, à 8 kil. environ au sud de Zvolle. Il est très probable que Claus Sluter était originaire du même lieu ou tout au moins de la Gueldre; en effet, la forme hollandaise de son nom est Sluiter, celui qui ferms, et nous savons que le sceau de l'auteur du Puits de Moïse, conservé aux Archives de la Côte-d'Or, porte une clé, mais M. A. J. Enschessé nous a appris que dans le dialecte gueldre on prononce Sluter, ce qui est la forme orthographique adoptée par le grand artiste lui-même. Son origine gueldre devient donc des plus vraisemblables. le palais ducal, ainsi qu'en témoigne sa signature monumentale, le rabot et le silex de la Toison d'Or qu'on y voit en plusieurs lieux ; il se plait surtout à Bruxelles, à Bruges, à Lille dans ces riches cités commerciales où le luxe sous toutes ses formes, les banquets et les fêtes atteignent à un degré de magnificence inconnu aux villes plus graves et incomparablement moins opulentes de ses possessions bourguignonnes. Aussi pendant son règne, l'art languit en Bourgogne et à part le tombeau de Jean sans Peur, qui encore eut beaucoup de peine à sortir des limbes, on ne pourrait citer aucune commande faite à un imagier quelconque. C'est pourquoi dans les requêtes en modération d'impôt présentées à la Chambre de Ville en 1424/5 et 1434/5, Claus de Werve se plaint-il fort de la misère des temps. Ce n'est pas toutefois que Dijon manquât alors de tailleurs d'images et le marché, dont nous rapporterons le texte, en cite deux: Guillaume Ami, et Jehannim Conteke, un nom essentiellement flamand, peut-être les derniers survivants de l'atelier de Sluter, auxquels il semble que l'on s'adressa d'abord pour l'exécution du tombeau; mais pour cause d'insuffisance, sans doute, la commande leur fut retirée. Quoi qu'il en soit, on songea à un tailleur d'images d'origine étrangère établi alors à Dijon, Jehan de la Huerta et Messieurs des Comptes firent avec lui le marché suivant : |