livre, dont la détermination est difficile; peut-être saint Philippe. Sur le cul-de-lampe de la figure principale, un écu aux armes des Machefoing, d'(azur) à trois molettes d'(or) et au croissant de (même) en abîme nous donne la signature du donateur apposée sur son œuvre. Enfin une crête trilobée suit la moulure supérieure du retable entre les statues. Tout cet ensemble d'une belle proportion est appliqué à la muraille du fond (1). Assurément nous ne prétendons pas le moins du monde donner l'autel de Rouvres pour une œuvre certaine de Jehan de la Huerta, tout au plus est-ce une œuvre possible de sa main, ce à quoi ni l'époque, ni le style, ni le nom du donateur ne contredisent. Et pourquoi, après tout, n'aurions-nous pas là cet ouvrage pour lequel l'artiste aragonais se mit dans un si mauvais cas? C'en était un, en effet, de répondre par des menaces à M. le Vicomte Maïeur marchant précédé de ses sergents, un pire de mettre la main à la poignée de sa dague, et surtout de la tirer, ne fût-ce qu'à demi, hors du fourreau; cent ans plus tard, à la vérité, ce hâbleur de Benvenuto Cellini contera en avoir fait impunément bien d'autres, mais nous n'en L'autel de Rouvres est gravé dans le t. IV de l'ouvrage de Gailhabaud, L'Architecture du vie au XVI siècle et les Arts qui en dépendent. sommes pas encore aux temps batailleurs de la Renaissance et Jehan de la Huerta n'est pas le compère des papes, des princes et des rois; puis le Dijon du xve siècle est déjà une ville grave, un peu compassée, où l'on n'aime ni les charlatans ni les capitans. Le Vicomte Maïeur répond assez doucement au trop démonstratif Aragonais, ombrageux comme tout étranger condamné à vivre isolé parmi une autre race d'hommes, mais en définitive il a souci de sa dignité d'homme public et provoque une enquête. On rendra justice à l'esprit de modération et d'équité qui préside à cette information; le cas de conscience - le maire a-t-il été insulté oui ou non dans l'exercice de ses fonctions? - est discuté avec impartialité, mais la conclusion finale n'en sera pas moins que si Jehan de la Huerta avait donné de sa dague dans la gorge de Philippe Machefoing, M. le Vicomte Maïeur s'en serait fort mal trouvé et voici comment se termina l'affaire. Le 13 janvier De (deliberé) que pour l'affaire et rebellion de Jean de Drogues au Maire en lui disant qu'il ne feroit riens pour lui et qu'il estoit aussi bien à M. le duc et lui a dit plusieurs autres paroles santans injures et desobeissance, le dit Jean de Drogues sera condempné à venir vendredi prouchain en la Chambre de la ville, crier mercy au Maïeur et les Echevins et en oultre pour l'amende il sera condempné à faire sur la porte devant la Maison de Ville une belle ymaige de N. D. de deux pieds et demi de hault a frise sur une belle soubasse et soubs icelle soubasse seront taillées les armes de la Ville que deux singes tiendront et en la somme de 20 1. la dicte ymaige de Messrs feront audit Jehan tant que sera content. Il s'agit du premier Hôtel de Ville de Dijon, dit Maison au Singe, situé à l'angle de la rue du Chastel ARCHIVES MUNICIPALES REGISTRE IU SECRET de la MAIRIE DE DIJON Année 1448/9 rue de l'Ecole de Droit -- et de la rue au Singe aujourd'hui partie de la rue Chabot-Charny. Au sud il s'appuyait sur les murs du Castrum que coupait la porte Vacange, et le périmètre en est encore déterminé exactement par la maison Koch, toutefois celle-ci a subi en 1819 un retranchement sur la rue Chabot-Charny. Jusqu'à cette date la Maison au Singe avait son entrée principale sur l'ancienne rue du Chastel. Nous ne ferons ni la description ni l'histoire de ce logis municipal, l'une et l'autre ayant été faites d'une manière définitive par M. Joseph Garnier dans sa savante monographie intitulée - Les deux premiers Hôtels de Ville de Dijon (1). - Nous ferons remarquer seulement que le nom de Maison au Singe ou aux Singes remontait au moins au XIIIe siècle et provenait d'une des sculptures grotesques, dont raffolait le Moyen Age, celle-ci représentait un singe jouant avec une boule enchaînée. Quand en 1350 la Ville acquit la Maison au Singe, elle adopta pour supports de son écu, alors de gueules plein - c'est seulement en 1391 que Philippe le Hardi lui conféra le chef de Bourgogne - les singes qui figurent dans le programme donné à Jehan de la Huerta. On voyait d'ailleurs des singes dans toute la Maison de Ville, il y en avait quatre en bois dans l'auditoire de la Justice, et jusque sur la poulie du puits un singe mettait un pauvre homme à la gêne (2). (1) Mémoires de la Commission des Antiquités de la Côte-d'Or, t. X. (2) Cette sculpture curieuse est au musée de la Commission des Antiquités. On a voulu voir dans les singes emblématiques de la Jehan de la Huerta s'exécuta, et fit la statue de.. mandée, ce qui très probablement lui valut quittance de l'amende; la Chambre de Ville procédait volontiers ainsi pour obtenir, sans grever les contribuables, certains objets d'utilité ou d'art. Ainsi les quatre singes en bois de la Chambre avaient été exécutés en 1390 par l'imagier Guillaume Taillebou pour se rédimer d'une amende prononcée contre lui le 5 décembre. L'œuvre de Jehan de la Huerta eut sans doute l'heur de plaire à Messieurs de la Chambre de Ville, car en 1462 on l'abrita sous un auvent de menuiserie. Mais elle ne survécut pas à la reconstruction de la maison, transformée en habitation particulière depuis l'acquisition faite le 9 décembre 1500 de l'hôtel du chancelier Rollin, qui va devenir pour plus de trois siècles la Maison de Ville (1). Au cours de cette même année 1448 Jehan de la Huerta traitait avec Jean de Chalon, prince d'Orange, pour l'exécution de trois tombeaux, que celui-ci voulait ériger, on ne sait pas exactement où, ville une allusion au renom de moqueurs qu'avaient les Dijonnais dès le xm siècle, mais cela est par trop ingénieux. (1) Cette reconstruction eut lieu, semble-t-il, dans la première partie du xvne siècle. A la vérité, M. Garnier semble attribuer le bâtiment actuel à Pierre de Xaintonge, conseiller au Parlement, acquéreur de la ville par acte du 5 avril 1518/9, mais il paraît difficile de reporter si haut une construction dans laquelle on a employé cet escalier à double révolution droite qui n'a été en usage que vers la fin du XVIe siècle ou au commencement du XVII. Peut-être la Maison au Singe a-t-elle été reconstruite en partie par Pierre de Xaintonge pour en faire une habitation logeable, mais la maison actuelle doit plutôt appartenir à son descendant, Pierre de Xaintonge, avocat général au Parlement, de 1614 à 1641. très probablement dans l'église des Cordeliers de Lons-le-Saulnier. Mais il n'était pas toujours facile de s'accommoder avec notre artiste et il s'ensuivit un procès devant l'officialité de Besançon, dont le résultat ne nous est pas connu (1). A cette date les affaires commencent à se gâter avec Messieurs des Comptes; ils trouvent que Jehan de la Huerta se moque un peu beaucoup d'eux, et refusent net tout nouveau subside. Qu'à cela ne tienne, l'Aragonais ne s'embarrasse pas pour si peu, il va trouver le duc à Bruxelles, lui représente la gloire qu'il recevra de l'achèvement du tombean et lui extorque un mandement donné à Bruxelles le 17 mars 1448/9, aux termes duquel il sera désormais payé « 6 gros par jour qu'il ouvrera lui« même au dit tombeau et 2 gros à chacun de ses « ouvriers (2) ». Un peu plus tard nous retrouvons Jehan de la Huerta dans la requête suivante : Messieurs remectent au suppliant de son impost six gros. Fait en la chambre de ville le second jour de may mil IIIIe XLIX. H. GIRARD A mes tres honnorez seigneurs messieurs les maire et eschevins de la ville et commune de Dijon. Supplie tres humblement votre humble serviteur Jehan de la Verta dit de Darroca, tailleur d'imaiges. Que comme icellui soit marchant de faire la sépulture de monseigneur le Duc Jehan cui (1) Ce renseignement extrait d'un inventaire des titres de la maison de Chalon, conservé à la Bibliothèque nationale, nous a été communiqué par M. Bernard Prost. (2) A. D. - B. 1713, compte de Jean de Visen. - Le gros était la douzième partie du franc, ce qui porte les honoraires de l'artiste à 18 francs environ. |