remplacé par un Christ assis sur son trône et présidant au Jugement général; la figure haute de six palmes allait être accompagnée de quatre anges hauts de quatre, dont deux porteraient les instruments de la Passion et deux sonneraient de la trompette; au-dessous l'artiste devait figurer la résurrection des morts en seize personnages; il y aurait en outre les statues des apôtres saint Pierre et saint Paul et douze represias (1). « Le monument tout entier, dit M. l'abbé << Requin, avait à peu près sept mètres de haut; « il était divisé en trois parties bien distinctes : << probablement au bas, sur les gradins de l'autel, << Notre-Dame de Pitié et les quatre bas-reliefs du << premier prix fait; au milieu, la Résurrection des « morts, encadrée par les statues des apôtres << Pierre et Paul; enfin au sommet, Notre Sei« gneur et les quatre anges, surmontés de pinacles « et de dais richement sculptés. Le tout était « encastré dans le mur intérieur de l'abside et fixé « avec des crampons de fer. Ce bel ensemble fut détruit vers le commencement du xvIIe siècle et remplacé par des boiseries, « d'un goût douteux > il n'en subsiste aujourd'hui << que l'encadrement de la partie supérieure, les pi<< nacles du sommet, l'auréole croisée qui couron« nait la tête du Christ, un tronçon de rinceau de (1) M. l'abbé Requin, qui rapporte aux pièces justificatives le texte latin des contrats passés avec Oboli et les chanoines, d'après les originaux existant aux archives de Vaucluse et dans l'étude de Me Reynaud, notaire à Avignon, ne donne pas la traduction du mot represias. Mais est-il bien certain de la lecture? le mot ne se trouve ni dans du Cange ni dans les autres dictionnaires.. << feuilles de vignes et de raisin qui sépare la partie « supérieure de celle du milieu, enfin les deux << anges du côté gauche, l'un portant la croix, << l'autre sonnant de la trompette: la main qui tenait << la trompette et la trompette elle-même ont été << brisées. Ces précieux restes, d'une facture déli« cate, nous font regretter encore plus la perte de « ce chef-d'œuvre ; ils sont aujourd'hui masqués << par les boiseries, et c'est à peine si l'on y peut << atteindre en se glissant péniblement entre la « boiserie et le mur ». Quant aux travaux d'art exécutés par le Moiturier à Saint-Antoine de Viennois, M. l'abbé Requin déclare n'en avoir trouvé aucune trace documentaire, mais il est manifeste qu'il la faut chercher, fût-ce à l'état de souvenir, dans la célèbre abbaye de l'ordre de Saint-Augustin (1). En tout cas ces travaux furent prolongés et importants puisque le Moiturier fixa sa résidence à Saint-Antoine, et ne fit d'abord que des apparitions soit à Avignon soit à Dijon. Sa première venue en Bourgogne est de 1461, et il lui est alloué treize francs neuf gros, monnaie royale, pour un voyage de seize jours y compris l'aller, le séjour, et le retour, à Avignon où il se remet au retable de l'église Saint-Pierre; le 12 octobre M. l'abbé Requin le montre prenant un apprenti Jean Morel alias le Clerc. C'est alors que survint la mort du chanoine (1) L'église abbatiale, bel édifice des xime et xivesiècles, existe encore; M. l'abbé Requin pense que le Moiturier a pu travailler aux ornements de la chapelle de la Trinité fondée en 1441 par Antoine de Montchenu. Oboli et les travaux commandés par lui furent suspendus; le Moiturier quitta donc Avignon pour Saint-Antoine, d'où il partit en 1462 pour un voyage à Dijon. Cette fois il examina de près le travail du tombeau et, en homme qui connaît son métier, déclara que les blocs d'albâtre venus de Foncines étaient pleins de veines, fissurés et impropres à la statuaire; en conséquence on en commanda trois autres aux carrières de Saint-Lothain (1). En attendant qu'ils fussent transportés à Dijon, le Moiturier retourna à Avignon où il termina le retable de Saint-Pierre; son voyage en Bourgogne avait duré quarante et un jours et il reçut 23 livres 3 gros pour ses vacations. Il y revint encore l'année suivante et reçut le 13 juin 1463 10 livres tournois (2); libre enfin du côté d'Avignon et de Saint-Antoine il revint, sinon s'établir à demeure, du moins résider à Dijon en 1464; les blocs étaient enfin arrivés ou allaient arriver de Saint-Lothain, nous avons en effet, à la date du 28 septembre 1465, l'ordonnance de payement au voiturier Pierre Baul de Poligny qui les amena de la carrière au logis de l'imagier (3). Pendant ce temps le gros œuvre du tombeau s'élaborait sur place dans une loge de bois construite exprès (4), et le massif et les table et base de marbre noir étaient achevés à la fin de 1464, ainsi qu'il résulte d'un mandat de payement du 11 avril 1464 (1) Foncines-le-Haut et Foncines-le-Bas, Jura, arrondissement de Poligny, canton des Planches. Saint-Lothain, Jura, arrondissement de Lons-le-Saunier, canton de Sellières. (2) Pièces justificatives, 9. (3) Pièces justificatives, 12. (4) Pièces justificatives, 7. 1465 fait à Jehan de Monsterot et à Girard des frères mineurs (1). On peut remarquer que le marbre employé ici pour la table est moins noir et moins homogène que ceux de la base et du tombeau de Philippe le Hardi. A cette date le monument doit être à peu près achevé et le Moiturier paraît alors définitivement fixé à Dijon; en tout cas c'est dans son « hostel » que sont apportés les blocs destinés à l'exécution des gisants. Le marché définitif fut fait le 4 novembre 1466, ainsi qu'en témoigne la page suivante : B. 1760, fol. 137. 12 décembre 1466. COMPTE de JEAN DRUET A Maistre Anthoine le Moiturier tailleur dymaiges demourant à Dijon, la somme de trente livres tournois sur ce qui lui peut et pourra estre deu pour et à cause de la marchandise par lui nouvellement faicte, de faire, parfaire et assouvy bien et convenablement de son dit mestier, les deux gisans de la sépulture de feu Monseigneur le duc Jehan et de Madame Marguerite sa compaigne que Dieu absoille que Mondit seigneur fait faire pour mectre aux Chartreux lez Dijon selons les patrons que ledit Maistre Anthoine a sur ce faiz qui ont esté corrigiez et amandez par Mondit Seigneur et aussi pour parfaire, polyr et achever tous les angelos plourans, tabernacles lampettes (2), mectre sus lesdits gisans et semblablement asseoir toute la maconnerie d'alabastre (3) et y faire au surplus toutes autres choses y nécessaires de sondit mestier le mieulx que faire ce pourra à ses fraiz, missions et despens en dedans le terme de trois ans prouchainement venant, moiennant la somme de six cens cinquante livres tournois qui lui seront payées par portion en faisant ledit ouvraige comme il appert plus à plain par le marchié sur ce fait avec ledit Maistre Anthoine estant en la chambre des Comptes, pour ce payé à icellui Maistre Anthoine par vertu des lectres de mandement de Mesdits Seigneurs des Comptes sur ce faictes adressans audit Receveur (1) Pièces justificatives, 11 et 14. (2) Culs-de-lampe? (3) C'est-à-dire disposer et coordonner autour du massif plein les parties architecturales. général, données en date le douzième jour de décembre mil quatre cens soixante six cy rendues, ensemble quictance dudit Maistre Anthoine de ladite somme escripte au doz d'icelles lectres. XXX liv. turo. Entre temps on s'occupe des ornements dorés de l'imagerie inférieure et l'orfèvre Charles Hum belot, dit Bernard, demeurant à Dijon, est chargé de dorer les vingt-huit paires d'ailes en cuivre destinées aux angelots du pourtour; ce travail lui est payé huit écus d'or (1). Nous n'avons trouvé aucune trace de la commande relative à la dorure des grandes ailes que déploient si superbement les anges agenouillés à la tête des gisants. Antoine le Moiturier acheva son œuvre au jour dit, ainsi qu'il résulte d'une pièce comptable du 22 décembre 1469 (2). Philippe le Bon était mort à Bruges le 4 juillet 1467 et Charles le Téméraire régnait. Il n'y avait donc plus qu'à recevoir le tombeau, ce qui eut lieu le 7 juin 1470, par une commission composée de Jehan de Monsterot, Lambert Royer, maçon, Jehan Valas, maçon, Pierre Spich, peintre, un nom du nord - et Anthoine Dubois, verrier, qui reçurent 18 gros d'honoraires (3); nous donnerons le procès-verbal en entier. A Maistre Anthoine le Moiturier tailleur dymaiges demourant B. 4513, fol. 425. à Dijon la somme de quatre vingt onze francs unze gros, c'est assavoir: la somme de quatre vingt francs laquelle mes Seigneurs (1) Pièces justificatives, 20. Il résulte d'un compte de 1475 que l'orfèvre ne s'acquitta pas bien de sa tâche et fut condamné à offrir un calice d'argent à Messieurs des Comptes, ce qu'il fit. (2) Pièces justificatives, 22. (3) Pièces justificatives, 23. 5 juin 1470. COMPTE D ARNOLET DE MACHECO |