tirent en toute diligence vers la mission de Saint-François-Xavier, où ils furent joints par cinq cents Indiens Chiquites, tous armés de flèches. Comme l'endroit où cette mission est située n'étoit pas assez sûr, on jugea plus à propos d'aller camper sur la rivière Aperé, que les Espagnols nomment de Saint-Michel. Le commandant envoya aussitôt des coureurs pour reconnoître l'ennemi, et le lendemain il eut nouvelle qu'il étoit arrivé à la bourgade de Saint-Xavier, qu'on venoit d'abandonner. On reçut même une lettre du commandant portugais, qu'il écrivoit au missionnaire, dont voici la teneur : « MON RÉVÉREND PÈRE, >> Je suis arrivé ici avec deux compagnies de braves soldats de ma nation; nous n'avons nul dessein de vous faire du mal: nous venons chercher quelques-uns de nos gens qui se sont réfugiés dans ce pays; ainsi vous pouvez retourner dans votre maison et ramener avec Vous vos néophytes, vous y serez en toute sûreté. >> Je prie Dieu qu'il vous conserve. >> ANTOINE FERRAEZ. » Après la lecture de cette lettre, le commandant espagnol fit aussitôt marcher ses troupes vers les Portugais. Il arriva sur les trois heures après midi à une lieue du camp ennemi. Il crut devoir différer le combat jusqu'au lendemain matin, soit pour délasser ses troupes, soit pour donner le temps aux Espagnols et aux Indiens de se confesser. Les missionnaires qui les accompagnoient furent occupés jusqu'à minuit à entendre les confessions. Sur les trois heures du matin le commandant donna ses ordres pour le combat: il fut réglé qu'on sommeroit d'abord les Portugais de mettre bas les armes ; qu'à leur refus, on tireroit un coup de fusil qui serviroit de signal pour commencer le combat. Cet ordre fut troublé par l'imprudence de six Espagnols, qui obligèrent un Indien du parti portugais à décharger son mousquet dans la tête de l'un d'eux : cette mort est aussitôt vengée par celle de deux Portugais, et le combat s'étant ainsi engagé, on se mêla avec furie. Antoine Ferraez et Manuel de Friaz, qui commandoient les deux compagnies, furent tués à ce premier choc; la mort des chefs effraya leurs soldats, qui se jetèrent avec précipitation dans la rivière de Saint-Michel pour se sauver à la nage. Ce fut vainement les Espagnols et les Indiens en firent un tel carnage que de cent cinquante hommes qu'ils étoient, il n'en resta que six, dont trois furent faits prisonniers, trois autres prirent la fuite et allèrent porter la nouvelle de leur défaite à une autre troupe de leurs gens qui étoient entrés par un autre chemin dans le pays des Pegnoquis et avoient enlevé quinze cents de ces malheureux Indiens. Ils n'eurent pas plutôt appris cette nouvelle, qu'ils repassèrent au plus vite la rivière Paraguay et se retirèrent au Brésil. Les Espagnols s'en retournèrent à Sainte-Croix, n'ayant perdu que six de leurs soldats et deux Indiens; ils y conduisirent trois prisonniers portugais, et ils eurent la gloire d'avoir sauvé cette chrétienté naissante, qui était perdue si elle n'avoit été secourue à temps. Don Louis-Antoine Calvo, gouverneur de Sainte-Croix, remit les prisonniers au pouvoir du conseil royal de Charcas, auquel il envoya une relation détaillée de cette expédition. Il eut ordre du conseil d'en informer les missionnaires et les Indiens du Paraguay afin qu'ils prissent les mesures convenables pour prévenir de semblables malheurs qui intéressoient également et la religion et l'état. On ne pouvoit douter que ces Mamelus n'eussent le même dessein sur le pays des Chiquites et sur la ville de Sainte-Croix, qu'ils avoient tâché d'exécuter auparavant sur les Guarinis du Paraguay et sur d'autres nations indiennes sujettes à la couronne d'Espagne. Leur vue est de s'emparer de toutes ces terres et de se frayer un un passage au Pérou, se mettant peu en peine de ruiner le christianisme pourvu qu'ils satisfassent leur ambition et leur avarice. Comme la connoissance de la route que tinrent les Mamelus du Brésil peut être utile afin de se précautionner contre leurs violences, et que d'ailleurs cet itinéraire ne servira pas peu à réformer les cartes géographiques, il est à propos de rapporter ici ce que l'on en a appris de Gabriel-Antoine Maziel, l'un des trois Portugais qui furent faits prisonniers dans le combat dont nous venons de parler. Il déclara donc qu'il partit du Brésil avec ses compagnons et qu'ils se mirent en canot sur la rivière Anemby, qui tombe dans le fleuve Parana par le côté du nord; qu'ils entrèrent ensuite dans ce fleuve, et qu'ayant trouvé l'embouchure de la rivière Imuncina, qui s'y décharge du côté du sud, ils la remontèrent pendant huit jours, ne faisant, Tel fut ensuite l'ordre de leur marche. Le premier jour ils partirent du port des Itatines, tirant à l'occident un peu vers le nord, et ils arrivèrent à un marais d'eau salée. Le deuxième, ils marchèrent ce jour-là et presque tout le reste du voyage à l'occident, et ils s'arrêtèrent en un lieu nommé Mbocaytibazon, où ils ne trouvèrent point d'eau. Le troisième, détournant un peu vers le sud, ils vinrent sur les bords d'un ruisseau, ils y firent quelques puits pour avoir plus d'eau. Le quatrième, ils se rendirent à une mare appelée Guacuruti. Le cinquième, ils s'arrêtèrent dans un champ près d'un ruisseau. Le sixième, ils allèrent à un autre ruisseau au pied d'une montagne. Le septième, à une mare dans un grand champ nommé Jacuba. Le huitième, ils marchèrent dans une vaste campagne tirant au nord, et ils campèrent sur les bords d'un ruisseau. Le neuvième, suivant la même route, ils allèrent à Yacu. Le dixième, ils passèrent une montagne en tirant sur le nord, et ils arrivèrent auprès d'une mare. Le onzième, ils marchèrent vers l'occident et ils s'arrêtèrent dans un champ. Le douzième, sils passèrent dans une plaine, et, suivant la même route, ils arrivèrent à une bourgade ruinée qui avoit appartenu aux Itatines. Le Le Portugais qui nous a donné ce détail déclara encore que, trois ans auparavant, il avoit fait une excursion avec ses compagnons, en remontant la rivière Paraguay, dans un vaste pays où est la nation des Paresis ; que, commençant leur marche à l'entrée de l'étang Manioré, ils étoient arrivés en quatre jours à l'île des Yaracs: c'est un peuple que les Espagnols appellent Grandes-Oreilles, parce qu'ils se les percent et y mettent des pendans de bois; qu'après avoir parcouru l'île, ils mirent quatre jours à trouver l'embouchure de la rivière Yapuy, qui se jette du côté gauche dans la rivière Paraguay; que de là, en quatre autres journées, ils arrivèrent à l'embouchure du Isipoli, et que, continuant de naviguer, ils se trouvérent cinq jours après aux habitations des Guarayus, appelés Caraberes et Araaibaybas; qu'ils continuèrent leur chemin à pied pendant trois jours, et qu'ayant suivi une assez longue chaîne de montagnes, ils entrèrent dans le pays des Paresis et des Mboriyaras, d'où, par la même route, ils s'en retournèrent au Brésil. L'entreprise toute récente des Mamelus, et la crainte qu'on eut qu'ils ne fissent dans la suite de nouvelles courses, porta les missionnaires à changer de lieu; ils quittèrent donc la bourgade de Saint-François-Xavier et ils la transportèrent à Pari, sur la rivière de SaintMichel. Cet endroit n'est éloigné que de huit lieues de Saint-Laurent. Les Pignocas et les Xamarus s'y assemblèrent, y établirent une grosse bourgade; mais ils n'y furent pas longtemps tranquilles. Les Espagnols de SaintLaurent troubloient leur repos et enlevoient des Indiens pour en faire des esclaves; ils en vinrent même jusqu'à maltraiter les missionnaires qui s'opposoient à leur violence. C'est ce qui obligea le Père Lucas Cavallero à changer encore une fois le lieu de sa mission et å l'établir à dix-huit lieues plus loin sur la même rivière. Ces divers changemens, joints à la disette de toutes choses et aux maladies qui survinrent, diminuèrent beaucoup le nombre des néophytes; quelques-uns se retirèrent sur les montagnes, d'autres périrent de faim et de misère. Néanmoins, on a lieu de croire que cette peuplade deviendra en peu de temps trèsnombreuse : les nations voisines des Quibiquias, des Tubasis, des Guapas, aussi bien que plusieurs autres familles, ont promis d'y venir demeurer pour s'y faire instruire et être admises au baptême. Raphaël, est éloignée de la première de trentequatre lieues vers l'orient. Le père de Cea et le père François Herbas la formèrent des nations des Tabicas, des Taus et de quelques autres qui se réunirent ensemble et composèrent une peuplade de plus de mille Indiens; mais la peste la désola deux années de suite et en diminua beaucoup le nombre. C'est pourquoi, à la prière des Indiens, on transporta cette mission en l'année 1701 sur la rivière Guabis, qui se décharge dans la rivière Paraguay, à quarante lieues de l'endroit où elle étoit d'abord. Cette situation est d'autant plus commode qu'elle ouvre un chemin de communication avec les missions des Guaranis et avec celles du Paraguay par la rivière qui porte ce nom. La joie fut générale parmi ces néophytes lorsqu'en 1702 ils virent arrriver sur cette rivière le père Herbas et le père de Yegros, accompagnés de quarante Indiens qui s'étoient abandonnés à la Providence et à la protection de la sainte Vierge, en qui ils avoient mis leur confiance. Pendant plus de deux mois que dura leur voyage, ils fatiguèrent beaucoup il leur fallut traverser de rudes montagnes, se défendre des ennemis qu'ils trouvoient sur la route et se frayer un chemin par des pays inconnus. Ils subsistèrent pendant tout ce temps-là comme par miracle: dans leur chasse et dans leur pêche, le gibier et le poisson venoient presque se jeter entre leurs mains. Ce qui les consola infiniment au milieu de leurs fatigues, c'est que dans leur route ils gagnèrent trois familles d'Indiens, qui, les années précédentes, leur avoient fermé le passage. Ces Indiens, dont la langue est entièrement différente de celle des Chiquites, connoissent le pays et entendent parfaitement la navigation des rivières. Ils ont déjà donné la connoissance des Guates, des Curucuanes, des Barecies, des Sarabes et de plusieurs autres nations qu'on trouve aux deux côtés de la rivière Paraguay, principalement en remontant vers sa source. Ainsi, voilà une ample moisson qui se présente au zèle des ouvriers évangéliques. La troisième mission est celle de Saint-Joseph. Elle est située sur de hautes collines, au bas desquelles coule un ruisseau, à douze lieues vers l'orient de la bourgade de Saint-FrançoisXavier. C'est le père Philippe Suares quila fonda le premier, en 1697. Les missionnaires ont eu La seconde mission, qui s'appelle de Saint- beaucoup à y souffrir des maladies et de la di sette des choses les plus nécessaires à la vie, | fermira à jamais le christianisme dans ces vastes c'est ce qui causa la mort au père Antoine Fideli, en l'année 1702. Cette mission est composée des familles des Boros, des Penolos, des Caotos, des Xamarus et de quelques Pignocas. La nation des Tamacuras, qu'on vient de découvrir du côté du sud et qu'on espère convertir à la foi, augmentera considérablement cette peuplade. La mission de Saint-Jean-Baptiste est la quatrième. Elle est située vers l'orient, tirant un peu sur le nord, à plus de trente lieues de la mission de Saint-Joseph. Cette peuplade, qui est comme le centre de toutes les autres qui s'étendent d'orient en occident, est principalement habitée par les Xamarus; elle s'augmentera encore plus dans la suite par plusieurs familles des Tamipicas, Cusicas et Pequicas, auxquelles on a commencé de prêcher l'Évangile. C'est le père Juan Fernandez qui en a soin, et c'est don Juan Fernandez Campero, ce seigneur si zélé pour la conversion des Chiquites, qui a donné libéralement tout ce qui étoit nécessaire pour orner l'église et y faire le service avec décence. On a découvert depuis peu plusieurs autres nations, telles que celles des Petas, Subercias, Piococas, Tocuicas, Purasicas, Aruporecas, Borilos, etc., et on a de grandes espérances de les soumettre au joug de l'Évangile; ce seront de nouveaux sujets pour la couronne d'Espagne. On peut juger aisément ce qu'il en coûte aux missionnaires et à quels dangers ils exposent leur vie pour rassembler des peuples non moins sauvages que les bêtes et qui n'ont pas moins d'horreur des Espagnols que des Mamelus du Brésil. Depuis qu'on les a réunis dans des bourgades, on les a peu à peu accoutumés à la dépendance, dont ils étoient si ennemis; on a établi parmi eux une forme de gouvernement, et insensiblement on en a fait des hommes. Ils assistent tous les jours aux instructions et aux prières qui se font dans l'église, ils y récitent le rosaire à deux chœurs; ils y chantent les litanies, ils goûtent nos saintes cérémonies, ils se confessent souvent; mais ils ne sont admis à la table eucharistique qu'après qu'on s'est assuré qu'il ne reste plus dans leur esprit aucune trace du paganisme. La jeunesse est bien élevée dans les écoles qu'on a établies à ce dessein, et c'est ce qui af contrées. Les missions des Guaranis, où l'on trouve une chrétienté florissante, sont sur les bords des fleuves Parana el Uruguay, qui arrosent les provinces du Paraguay et Buenos-Ayres. Ces missions seroient beaucoup plus peuplées si les travaux des ouvriers évangéliques qui les ont établies et qui les cultivent n'étoient pas traversés par l'ambition et l'avarice des Mamelus du Brésil. Ces bandits ont desolé toutes ces nations et ont servi d'instrument au démon pour ruiner de si saints établissemens dès leur naissance. On assure qu'ils ont enlevé jusqu'à présent plus de trois cent mille Indiens pour en faire des esclaves. Le zèle des missionnaires, loin de se ralentir par tant de contradictions et de violences, n'en devint que plus vif et plus ardent: Dieu a béni leur fermeté et leur courage. En cette année 1702, ils ont sur les bords de ces deux fleuves vingt-neuf grandes missions où l'on compte 89,501 néophytes, savoir sur le fleuve Parana, quatorze bourgades composées de 10,253 familles, qui font 41,483 personnes ; et sur le fleuve Uruguay, quinze bourgades, où il y a 12,508 familles composées de 48,018 personnes. La joie que ces progrès donnent aux missionnaires est encore troublée par la crainte qu'ils ont de voir leurs travaux rendus inutiles par les Indiens infidèles qui sont dans leur voisinage ceux-ci ont leurs habitations entre les bourgades dont je viens de parler et la colonie du Sacrement, que les Portugais entretiennent vis-à-vis de Buenos-Ayres. Ils se sont alliés aux Portugais, et ils en tirent des coutelas, des épées et d'autres armes en échange des chevaux qu'ils leur donnent. C'est une contravention manifeste au traité que les Portugais firent lorsqu'ils obtinrent des Espagnols la permission de s'établir en ce lieu-là. En 1701, ces Indiens, n'ayant nul égard à la paix qui régnoit parmi toutes les nations, s'emparèrent à main armée de la bourgade Yapeyu, autrement dite des Saints-Rois; ils la pillèrent, ils profanèrent l'église, les images et les vases sacrés, et ils enlevèrent quantité de chevaux et de troupeaux de vaches. Ce brigandage obligea nos néophytes de prendre les armes pour leur défense. Le gouverneur de Buenos-Ayres leur donna pour commandant un sergent-major avec quelques soldats espagnols qui, s'étant joints aux Indiens, | fidèles. C'est son original même que je vous formèrent un corps de deux mille hommes. Ils allèrent à la rencontre de leurs ennemis, et il se donna un combat où il y eut beaucoup de sang répandu de part et d'autre. Les infidèles demandérent du secours aux Portugais, qui leur en donnèrent. Ils livrèrent un second combat qui dura cinq jours, et où ils furent entièrement défaits; tout ce qui ne fut pas tué fut fait prisonnier. Par là il est aisé de voir à quel danger cette chrétienté naissante est exposée si les Espagnols ne la protégent contre la fureur des Indiens et contre les violences des Mamelus. Ceux-ci ne cherchent qu'à faire des esclaves de nos néophytes pour les employer ou à labourer leurs terres ou à travailler à leurs moulins à sucre. De pareilles violences nuisent infiniment à la conversion de ces peuples; l'inquiétude continuelle où ils sont les disperse dans les forêts et dans les montagnes, et il sera impossible de les retenir dans les bourgages où on les a rassemblés avec tant de peine si on ne leur procure de la tranquillité et du repos '. LETTRE DU PERE BOUCHET AU PERE J. B. D. H. A Pondichéry, ce 14 février 1716. MON RÉVÉREND Père, La paix de N.-S. La relation que je vous adresse m'a paru singulière, et j'ai cru vous faire plaisir de vous la communiquer. Elle est du révérend père Florentin de Bourges, missionnaire capucin, qui arriva ȧ Pondichery vers la fin de l'année 1714. La route extraordinaire qu'il a tenue pour venir aux Indes, les dangers et les fatigues d'un long et pénible voyage, le détail où il entre de ces florissantes missions du Paraguay, qui sont sous la conduite des jésuites espagnols et qu'il a parcourues dans sa route, la certitude avec laquelle il m'a assuré qu'il n'avance rien dont il ne se soit instruit par ses propres yeux: tout cela m'a paru digne de l'attention des personnes qui ont du zèle pour la conversion des in 1 Les missions des Chiquitos et des Moxos, alors si florissantes, languissent depuis la destruction de leurs fondateurs, les jésuites. envoie ; il a eu la bonté de m'en laisser le mattre pour en disposer à mon gré. Je suis, etc. Voyage aux Indes-Orientales par le Paraguay, le Chili, le Ce fut du Port-Louis, le 20 avril de l'année 1711, que le révérend père Florentin mit à la voile pour les Indes. Il raconte d'abord divers incidens qui le conduisirent à Buenos-Ayres; et comme c'est là que commence cette route extraordinaire qu'il fut contraint de prendre pour se rendre à la côte de Coromandel, c'est là aussi que doit commencer la relation qu'il fait de son voyage. Tout ce qui suit sont ses propres paroles qu'on ne fait ici que transcrire. A mon arrivée à Buenos-Ayres, je me trouvai plus éloigné du terme de ma mission que lorsque j'étois en France; cependant j'étois dans l'impatience de m'y rendre, et je ne savois à quoi me déterminer lorsque j'appris qu'il y avoit plusieurs navires françois à la côte du Chili et du Pérou. Il me falloit faire environ sept cents lieues par terre pour me rendre à la Conception, ville du Chili, où les vaisseaux françois devoient aborder. La longueur du chemin ne m'effrayoit point, dans l'espérance que j'avois d'y trouver quelque vaisseau qui de là feroit voile à la Chine et ensuite aux IndesOrientales. Comme je me disposois à exécuter mon dessein, deux gros navires, que les Castillans appellent navios de registro, abordèrent au port; ils portoient un nouveau gouverneur pour Buenos-Ayres, avec plus de cent missionnaires jésuites et quatre sœurs capucines qui alloient qu'on leur avoit fait bâtir à Lima. Je crus prendre possession d'un nouveau monastère d'abord que la Providence m'offroit une occasion favorable d'aller au Callao, qui n'est éloigné que de deux lieues de Lima: c'est de ce port que les vaisseaux françois vont par la mer du sud à la Chine, et il me sembla que j'y trouverois toute la facilité que je souhaitois pour préparatifs qu'on faisoit pour le voyage de ces aller aux Indes. Mais quand je fis réflexion aux qu'elles prenoient, au long séjour qu'elles debonnes religieuses, à la lenteur de la voiture voient faire dans toutes les villes de leur passage, je revins à ma première pensée, et je résolus d'aller par le plus court chemin à la Conception. |