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sois toute une journée et une bonne partie de la nuit, pendant laquelle on allumoit grand nombre de flambeaux. Qu'on oublie bientôt, dans ces heureux momens, les fatigues attachées à nos fonctions, et qu'on ressent de plaisir quand on se voit obligé de se faire soutenir les bras, n'ayant plus la force de les élever pour faire les onctions et les autres cérémonies! Qu'il est doux, encore une fois, mon cher père, de succomber sous ce travail et de se retirer chargé de tant de dépouilles qu'on vient d'arracher à l'enfer! Quand je n'aurois passé qu'une de ces fêtes dans la mission, je me croirois trop bien récompensé des peines que j'y ai souffertes.

ser en cela de supercherie, comme il arrive quelquefois en Europe parmi ceux qui contrefont les obsédés. Les Européens qui ont recours à ce stratagème y sont portés par quelque intérêt secret ou par quelque motif humain. Ici les Gentils n'ont rien à gagner; ils ont au contraire tout à perdre. Il faut que leurs maux soient bien pressans pour en venir chercher le remède à l'église : ils se rendent dès lors infiniment odieux et méprisables à leurs amis et à leurs parens; ils s'exposent à être chassés de leurs castes, à être privés de leurs biens et à être cruellement persécutés par les intendans des provinces. Dira-t-on que le seul effort de l'imagination produit ces effets merveilleux que nous attribuons au démon ? Mais peut-on croire que ce soit par la force de l'imagination que les uns se voient transportés en un instant d'un lieu dans un autre, de leur village dans un bois fort éloigné, ou dans des sentiers inconnus ; que d'autres se couchent le soir pleins de santé et se lèvent le lendemain matin le corps meurtri des coups qu'ils ont reçus et qui leur ont fait pousser des cris affreux pendant la nuit ? Imaginera-t-on encore que des choses si extraordinaires sont l'effet de quelque maladie particulière aux Indiens et inconnue en Europe? Mais ne seroit-il pas plus surprenant de se voir guéri de ces sortes de maladies en se mettant simplement au rang des catéchumènes que d'être délivré du démon? Il n'est donc pas possible de nier que le

Nous ne sommes pas moins dédommagés de nos travaux lorsque nous sommes témoins de la vertu et de la ferveur de nos néophytes. Quand on leur a decouvert les folies du paganisme et qu'on leur a expliqué les vérités chrétiennes, ils se laissent aisément persuader et ils deviennent inébranlables dans la foi. Il arrive rarement qu'ils aient des doutes; et quand les confesseurs les interrogent sur ce point, ils ont de grandes précautions à prendre. Il s'est trouvé de ces bons néophytes qui se scandalisoient étrangement qu'on leur demandat s'ils avoient douté de quelque article de foi, jugeant qu'un homme converti ou élevé dans la religion chrétienne ne pouvoit pas former le moindre doute sur les vérités qu'elle propose. S'il arrive, dans les temps de persécution, que quelques-uns d'eux paroissent chanceler dans la foi, c'est l'unique effet de la crainte qu'ils | démon n'ait un véritable pouvoir sur les Gen

ont des supplices, et leur infidélité n'est qu'extérieure, quoiqu'elle n'en soit pas moins crimi

nelle.

C'est à cette foi vive que j'attribue une espèce de miracle toujours subsistant dans la facilité avec laquelle les chrétiens chassent les démons. Une infinité d'idolâtres sont tourmentés du malin esprit, et ils n'en sont délivrés que quand ils ont imploré l'assistance des chrétiens. C'est ce qu'on éprouve sans cesse dans le royaume de Marava: on voit presque toujours à Aour quelques catéchumènes qui ne sont portés à se faire instruire des mystères de la foi que dans l'espérance de se soustraire au pouvoir des démons qui les tourmentent. Sur quoi je ferai ici quelques réflexions qui prouvent évidemment que rien n'est plus réel que cet empire du démon sur les idolâtres.

On ne peut pas soupçonner les Indiens d'u

tils et que ce pouvoir cesse aussitôt qu'ils ont fait quelques démarches pour renoncer à l'idolâtrie et pour embrasser le christianisme.

J'ai vu des missionnaires arriver aux Indes fort prévenus contre ces obsessions; mais ce qu'ils ont vu de leurs propres yeux les en a bientôt convaincus, et ils étoient les premiers à en faire observer toutes les circonstances. Le vénérable père de Britto, qui a eu le bonheur de verser son sang pour la foi et qui certainement n'avoit pas l'esprit foible, m'a dit souvent qu'une des plus grandes grâces que Dieu lui avoit faites, c'est de lui avoir fait comme toucher au doigt la vérité de la religion chrétienne dans plusieurs occasions où les démons avoient été chassés du corps des Indiens au moment qu'ils demandoient le baptême. C'est aussi ce qui fait dire aux missionnaires que le démon est le meilleur catéchiste de la mission, parce

qu'il force pour ainsi dire plusieurs idolatres de se convertir, forcé lui-même par la toutepuissance de celui à qui tout est soumis.

Ce qui est constant, c'est qu'il ne se passe point d'années dans la mission de Maduré qu'un grand nombre d'idolatres tourmentés cruellement par le démon n'en soient délivrés en écoutant les instructions qui les disposent au baptême. Le démon se retire d'ordinaire dans le temps qu'on explique la Passion de Notre-Seigneur. Parmi plusieurs exemples que je pourrois citer, je n'en rapporterai qu'un seul qui a été cause de la conversion de plusieurs rettis. La femme d'un chef de peuplade, étant fort tourmentée du démon, fut menée dans les principaux temples des faux dieux, où l'on espéroit qu'elle trouveroit du soulagement. Comme elle n'en étoit que plus cruellement tourmentée, on la transporta chez un gourou célèbre parmi les Gentils. Lorsque le gourou étoit dans le fort de son prétendu exorcisme, elle s'approcha de lui insensiblement, et ayant bien pris son temps, elle lui déchargea un soufflet qui le couvrit de confusion et dont il ressentit la douleur pendant plusieurs jours. Le gourou en demeura lå et fit au plus tôt retirer cette femme. Les idolâtres, ne sachant plus à qui avoir recours, prirent la résolution de la mener au gourou des chrétiens; ils la transportèrent donc à Couttour. A peine fut-elleprésentée au missionnaire que le démon la tourmenta violemment; mais quand on eut commencé à lui parler de la Passion de Notre-Seigneur, les douleurs cessèrent à l'instant; entin elle fut parfaitement guérie ayant même qu'on eût achevé de l'instruire des autres mystères. Souvent le démon apparoît aux catéchumènes sous une forme hideuse et leur fait de sanglans reproches de ce qu'ils abandonnent les dieux adorés dans le pays. J'ai baptisé un Indien qui fut transporté tout à coup du chemin qui le conduisoit à l'église dans un autre, où il vit le démon tenant en main un nerf de bœuf dont il menaçoit de le frapper s'il ne changeoit la résolution où il étoit de me yenir trouver.

Mais ce qu'il y a d'admirable, c'est que tout ce qui a quelque rapport à la religion, le signe de la croix, par exemple, l'eau bénite, le chapelet, les médailles de la sainte Vierge et des saints ont la vertu de chasser entièrement le démon

Père spirituel

ou du moins de soulager beaucoup ceux qui en sont tourmentés. Il y a peu d'années qu'un Indien dont le démon s'était saisi étoit presque continuellement meurtri de coups; il entroit alors dans des fureurs qui effrayoient tous les habitans de la bourgade et qui les obligeoient de se renfermer dans leurs maisons sans oser en sortir. Les Gentils de cette bourgade me députérent un exprès à Aour pour me prier de venir au secours de cet infortuné. Un jeune enfant qui apprenoit alors le catéchisme ne fut pas plutôt informé du sujet de cette députation que sur l'heure il courut à la bourgade, éloignée de trois lieues de mon église. Il entre dans la maison de ce furieux, il lui met son chapelet au cou et le tire au milieu de la rue comme il auroit tiré le plus paisible agneau. Il le mena le soir même à mon église au grand étonnement des Gentils qui le suivoient de loin.

Quelquefois le démon est forcé de rendre témoignage à la vérité de notre sainte religion. Ce qui est arrivé au père Bernard de Så mérite de vous être rapporté; je n'ajoute rien à ce qu'il m'a raconté. Il gouvernoit la chrétienté d'Ariapatti, qui est de la dépendance de Maduré. Les Gentils lui amenèrent un Indien que le démon tourmentoit d'une manière cruelle. Le père l'interrogea en présence d'un grand nombre d'idolâtres, et ses réponses surprirent fort les assistans. Il lui demanda d'abord où étoient les dieux qu'adoroient les Indiens? La réponse fut qu'ils étoient dans les enfers, où ils souffroient d'horribles tourmens : « Mais que deviennent, poursuit le père, ceux qui adorent ces fausses divinités? - Ils vont aux enfers, répondit-il, pour y brûler avec les faux dieux qu'ils ont adorés. » Enfin le père lui demanda quelle étoit la véritable religion; et le démon répondit par la bouche de l'obsédé qu'il n'y en avoit de véritable que celle qui étoit enseignée par le missionnaire, et que c'étoit la seule qui conduisoit

au ciel.

Je ne doute pas que cette puissance que les chrétiens ont sur le démon ne soit en partie la récompense de leur foi: ils croient avec simplicité, et Dieu ne manque pas de se communiquer aux simples, tandis qu'il rejette ces esprits superbes qui voudroient soumettre la foi à leur foible raison.

De cette foi humble et soumise natt dans le cœur des néophytes une entière confiance en Dieu. C'est surtout dans leurs maladies et au lit de la mort qu'ils donnent des marques de cette espérance vive qu'ils ont en la miséricorde du Seigneur. Je puis le dire ici avec toute la sincérité possible, de cette multitude prodigieuse d'Indiens que j'ai confessés à la mort, je n'en aj pas trouvé un seul qui ne l'acceptat volontiers dans l'espérance d'aller au ciel. On n'est pas obligé, comme en Europe, de chercher tant de détours pour leur annoncer qu'il faut mourir ils regardent la mort comme la fin de leur exil et le commencement d'une vie bienheureuse. Leur conformité à la volonté de Dieu est égale dans les autres afflictions qui leur surviennent ils se disent continuellement les uns aux autres « Nous souffrons dans cette vie, mais ces souffrances passagères nous procureront un bon heur éternel dans l'autre. >> Ils ont aussi cette maxime du saint homme Job profondément gravée dans l'âme : « Dieu nous l'avoit donné, Dieu nous l'a ôté; son saint nom soit béni, »

A quoi les Indiens sont le plus sensibles, c'est à la perte de leurs enfans. Ils les chérissent avec une tendresse qui n'a point ailleurs d'exemple: ils n'en ont jamais assez, et s'il leur en meurt quelqu'un, ils sont inconsolables. Mais l'espérance qu'ont les chrétiens de les yoir dans le ciel calme entièrement leur douleur. C'est ce que disoit un jour une bonne néophyte qu'on consoloit de la perte qu'elle venoit de faire de son fils : « Que les idolatres, disoit-elle, pleurent leurs enfans, ils ont raison, ils ne peuvent les voir que malheureux dans l'autre monde; mais pour moi, j'espère voir le mien dans le sein de la gloire, où il sera éter nellement heureux. Aurois-je raison de m'attrister de son bonheur ? >>>

J'aurois plusieurs exemples semblables à vous rapporter, mais je passerois les bornes que je me suis prescrites; un seul vous fera juger des autres. Dans un temps de sécheresse qui menaçoit le pays d'une disette générale, un bon chrétien vint se confesser, et au sortir du tribunal il me tint ce discours: «Tout le monde, mon père, craint la famine cette année; je n'ai pour tout bien que cinq fanons, me voilà hors d'état de faire subsister ma famille, mais je me reposé entièrement sur les soins paternels de mon Dieu: il a promis qu'il n'abandonneroit jamais ceux qui mettent en lui leur confiance. Je vous ai puï dire dans un entretien que Dieu multiplioit au centuple ce qu'on donnoit aux pauvres pour l'amour de

lui: je vous apporte mon bien, distribuez-le aux pauvres, afin que Dieu prenne soin de mes enfans. >> Et mettant à mes pieds ses cinq fanons, il alla se cacher dans la foule sans que j'aje jamais pu le démêler. Je ne sais si cet exemple trouveroit beaucoup d'imitateurs en Europe:

Il ne faut pas de grands raisonnemens pour inspirer l'amour de Dieu à nos péophytes. Quand on leur a fait une fois connoître les perfections de cet Etre-Souverain, ils entrent comme naturellement dans deux sentimens, le premier d'indignation contre eux-mêmes d'avoir donné de l'encens au démon ou à des hommes que leurs vies rendent abominables, et l'autre d'amour envers un Dieu si parfait et si bienfaisant. J'ai vu un de ces nouveaux chrétiens qui, ne pouvant se consoler de ce qu'étant païen il avoit porté une idole infâme

sur sa

sa poitrine, prit en secret un rasoir et se déchiqueta toute la peau de la poitrine afin qu'il ne lui restat aucune partie de son corps qui eût touché l'idole. J'en ai yu plusieurs autres que leur ferveur portoit à des excès qu'il me falloit modérer ; & Hé quoi! mon père, me répondoient-ils, un homme qui a adoré les idoles peut-il en trop faire pour réparer le malheur qu'il a eu d'aimer si tard un Dieu qui l'a tant aimé? » Ceux qui sont nés de parens chrétiens et qui ont été baptisés dès leur enfance ont toujours présent à l'esprit la grâce singulière que Dieu leur a faite de les distinguer du commun de leurs concitoyens en ne permettant pas qu'ils aient été livrés aux folles superstitions du paganisme.

De là vient cette tendre piété avec laquelle ils célèbrent les mystères de la vie de NotreSeigneur. Ils sont surtout extrêmement attendris quand ils entendent le récit de ses souf frances et de sa mort: l'église retentit alors de sanglots et de soupirs. Ils ne manquent pas tous les soirs, après l'examen de conscience, de réciter une oraison affectueuse qui comprend un abrégé de la Passion, et ils ne la récitent guère sans répandre des larmes.

Quand l'amour de Dieu est véritablement dans un cœur, il produit nécessairement l'amour du prochain. Aussi n'y a-t-il rien de comparable à l'union et à la charité qui règne entre nos neophytes nonobstant les usages du pays, qui sont très-contraires à cette union : car chacun est obligé, sous des peines très-grièves,

de suivre les lois particulières de sa caste, et une de ces lois est d'interdire à ceux qui sont d'une caste supérieure toute communication avec ceux des castes inférieures. Cependant la religion a su réformer ces sortes de lois, les chrétiens y ont peu d'égard : ils se regardent tous comme enfans d'un même père et destinés à posséder le même héritage, et dans toutes les occasions ils se donnent les marques du plus tendre attachement. Leur coutume est, quand ils se rencontrent, de se saluer les uns les autres en se disant ces paroles: «Louange soit à Dieu; c'est la marque à laquelle ils se reconnoissent. Quand un chrétien fait quelque voyage et qu'il passe dans une bourgade où il y a des fidèles, chacun d'eux se dispute le plaisir de le loger et de le régaler : il peut entrer dans chaque maison comme dans la sienne propre. Un néophyte m'a raconté qu'étant environ à quarante lieues de Trichirapali, il tomba malade dans un village où il ne connoissoit personne. Il sut qu'il y avoit une famille chrétienne et lui fit savoir l'état où il étoit; aussitôt ces bons chrétiens vinrent le chercher, ils le transportèrent dans leur maison, ils le traitèrent avec des assiduités et des soins qu'il n'auroit pas trouvé dans sa propre famille. Quand il fut guéri, ils lui donnèrent de quoi continuer son voyage et ils l'accompagnèrent assez loin hors de leur bourgade. J'ai vu de pauvres veuves qui n'avoient de bien que ce qu'elles pouvoient gagner en filant et qui néanmoins partageoient ce peu qu'elles avoient aux chrétiens qui se trouvoient dans l'indigence.

se font un plaisir d'enseigner le catéchisme et les prières aux Gentils qui veulent embrasser la foi et de procurer des aumônes aux chrétiens qui, étant éloignés de l'église, n'ont pas de quoi fournir aux frais du voyage. Si quelque néophyte vient à mourir qui n'ait pas de parens chrétiens, ils prennent la place des parens et assistent en grand nombre à ses funerailles. Enfin l'amour que se portent nos néophytes excite l'admiration même des Gentils, qui disent en parlant d'eux ce que les idolâtres disoient des premiers fidèles : « Voyez comme ils s'entr'aiment les uns les autres, ils ne font tous qu'un cœur et qu'une âme. »

On ne peut pas avoir de véritable amour pour Jésus-Christ qu'on n'en ait pour sa sainte mère; c'est pourquoi les missionnaires ont soin d'inspirer aux néophytes une tendre dévotion pour la sainte Vierge. Cette dévotion est fortement établie dans ces contrées nouvellement chrétiennes. Il n'y a point de néophyte qui ne se fasse une loi de réciter tous les jours le chapelet en son honneur, et quoiqu'on leur ait dit souvent qu'il n'y a point de péché à y manquer, surtout quand on en est détourné par quelque occupation pressante, si quelqu'un d'eux y manque une seule fois, il s'en accuse au tribunal de la pénitence. Quoique les chaleurs insupportables des Indes rendent le jeûne trèspénible, la plupart jeûnent les samedis et la veille des fêtes, et alors ils ne mangent ni poissons ni œufs, et ils se contentent de quelques herbes. Leurs voyages ne sont pas pour eux une raison de s'en dispenser. J'ai assisté à la mort une femme âgée de quatre-vingts ans qui depuis son baptême, qu'elle avoit reçu à l'âge de vingt ans, n'avoit jamais manqué de jeûner ces jours-là nonobstant la fatigue des voyages ou d'autres occupations pénibles. Ces fêtes se célèbrent avec beaucoup de pompe et il y a un grand concours de peuple, surtout à Aour, où l'église, qui est la plus belle de la mission, lui est dédiée. Dans cette église est une lampe qui brûle nuit et jour en son honneur. Ces bons néophytes viennent des extrémités de la mission pour prendre de l'huile de cette lampe et ils l'appliquent sur leurs malades. Dieu a souvent récompensé leur foi par des guérisons miraculeuses et par d'autres C'est ce même zèle qui les porte à s'assister événemens qui ne pouvoient être que l'effet mutuellement dans leurs maladies et à se disd'une protection singulière de la mère de Dieu. poser les uns les autres à une sainte mort. Ils | En voici un exemple entre plusieurs. Il s'éleva

Leur charité est bien plus vive quand il s'agit de secourir leurs concitoyens dans leurs besoins spirituels. Ils ont un zèle admirable pour la conversion des idolatres: rien ne les rebute, rien ne leur coûte. Dans le temps d'une disette générale qui dura deux années entières, nos chrétiens alloient dans les chemins publics, où ils trouvoient un grand nombre d'Indiens prêts à expirer faute de nourriture; ils leur portoient du riz et ils accompagnoient leurs aumônes de tant de témoignages de tendresse qu'ils en gagnèrent beaucoup à Jésus-Christ. Une veuve baptisa elle seule vingt-cinq adultes et près de trois cents petits enfans.

il y a quelques années une persécution qui | sulter les Gentils, qui respectent ces sortes d'a

pouvoit avoir des suites très-funestes à la reli-
gion. Un catéchiste fut député vers le prince
pour implorer sa protection. La négociation
étoit délicate et dangereuse. Avant que de par--
tir, il s'adressa à la sainte Vierge et la conjura
d'assister cette chrétienté persécutée et de flé-
chir le cœur du prince vers lequel il étoit en-
voyé. Il crut entendre une voix intérieure qui
lui promettoit un succès favorable. Il part avec
confiance; il arrive à la porte du palais et de-
mande audience. Comme le prince sommeil-
loit, on lui dit d'attendre l'heure de son réveil. Le
catéchiste se mit de nouveau en prière et de-
manda avec instance à la sainte Vierge qu'elle
daignât conduire cette affaire. Il n'avoit pas
allendu un quart d'heure que l'officier de
garde vint s'informer s'il y avoit quelqu'un
qui demandat audience. Le catéchiste se pré-
senta et fut introduit sur-le-champ. Le prince
s'approchant d'un air gai: « Bon courage, lui |
dit-il, ce que vous demandez s'exécutera. Une |
grande reine vient de m'apparoître en songe et
m'a ordonné de vous être favorable. » Le ca-
téchiste proposa l'affaire dont il étoit chargé;
il obtint aussitôt ce qu'il voulut et la paix fut
rendue aux chrétiens.

nimaux; son procès fut bientôt fait, et il fut condamné à mort. Les soldats l'attachèrent avec des cordes à un arbre, les mains liées derrière le dos. Cependant l'exécution fut différée au lendemain, parce qu'il étoit fort tard. Les soldats passèrent la nuit auprès de leur prisonnier et s'endormirent. Ce bon néophyte passa ce temps-là en prière, etse souvenant que son patron, saint François Xavier, avoit été guéri miraculeusement des plaies que lui avoient faites les cordes dont il s'étoit lié étroitement les jambes et que ces cordes étoient tombées d'elles-mêmes, il invoqua l'apôtre des Indes et le pria de lui obtenir la même grâce. Sa prière fut exaucée: les cordes se brisèrent avec un tel bruit que les soldats se réveillèrent. Le néophyte pria de nouveau son saint patron de rendormir ses gardes, ce qui arriva au même instant. Alors, profitant de l'occasion, il s'échappa doucement et s'en alla trouver le missionnaire, auquel il raconta tout ce qui venoit de se passer, en lui montrant les marques des cordes encore empreintes sur sa chair.

Le second trait n'est pas moins surprenant. Une femme idolâtre du royaume de Tanjaour, s'étant convertie avec sa famille, eut une dévo

Nos néophytes ont pareillement une dévotion tendre et affectueuse envers les saints, dont ❘tion particulière à saint François Xavier. Elle

ils implorent l'intercession dans leurs besoins. Ceux qu'ils invoquent le plus souvent sont leur ange gardien, leur patron, saint Joseph, saint Jean-Baptiste, saint Michel, protecteur de notre mission, saint Pierre et saint Paul, saint Thomas l'apôtre de ces contrées-là, saint

avoit un enfant qu'elle aimoit tendrement; quand elle le fit baptiser, elle voulut qu'il portât le nom du saint apôtre, dans l'espérance qu'il lui conserveroit la vie et le maintiendroit dans l'innocence. Un an après son baptême, cet enfant, qui avoit environ dix ou douze ans,

Ignace et saint François Xavier. C'est surtout | gardoit les moutons avec deux autres enfans de

son âge. Le tonnerre tomba sur eux et les tua tous trois. On vint aussitôt en donner avis à leurs parens, et les mères désolées coururent chercher leurs enfans. Il y en avoit deux qui étoient idolatres, et qui, ne voyant point de remède à leur malheur, firent enterrer les corps de leurs enfans. Celle dont je parle, qui étoit chrétienne, prit le corps de son petit Xavier, qui étoit sans mouvement et sans vie, et elle le porta à l'église. Là s'adressant aursaint apòtre : «Grand saint, lui dit-elle, n'êtes-vous pas le

lorsqu'ils entreprennent quelque voyage qu'ils se recommandent particulièrement à leur ange gardien : « Avant que de me mettre en chemin, me disoit un fervent néophyte, j'y mets mon ange gardien et je le suis en esprit comme le jeune Tobie suivoit l'ange Raphaël. » Il n'y a guère d'années que ces bons chrétiens ne ressentent les effets d'une protection particulière des saints auxquels ils sont le plus devoués, surtout de saint François Xavier, qui dans le ciel n'a pas oublié les peuples qui ont été les premiers objets de son zèle. Je finirai cette let-protecteur de ma famille? n'avois-je pas as

tre par deux traits singuliers de cette protection qui me vient maintenant à l'esprit.

On accusa un paria chrétien d'avoir tué une vache, et cela, disoit-on, a dessein d'in

suré cent fois mes parens que je n'avois rien à craindre après avoir mis ma confiance en vous? cependant je n'ai plus de fils. N'y aura-t-il donc point de différence entre ces mères idola

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