on fait stérile et qui sans doute est remplie de quantité de sels. On met de cette terre et de la chaux en égale quantité; on fait ensuite tremper et on frotte bien la toile dans cette eau, après quoi on en exprime l'eau et on laisse la toile quelque temps étendue à l'air; on la tord de nouveau, et l'ayant mise comme ci-devant autour de l'ouverture d'une grande cuve de terre où l'on a mis de l'eau ave le même mélange, lui laisse prendre la seconde lessive, qui, en filtrant de nouveau toutes les parties de la toile avec le secours des sels dont elle est imbue, achève de lui ôter la saleté qui lui restoit et la rend par faitement blanche. Si l'on trouve que la toile ne soit pas encore assez blanche, on réitére cette seconde lessive, après quoi on la lave et on la bat fortement dans de l'eau claire, ensuite on la fait sécher au soleil. Il y a encore une autre façon qu'on donne aux salempouris et à d'autres toiles semblables: on les plie en dix ou douze doubles, et après les avoir mis sur une planche bien polie, on les bat à grands coups de masse pour les unir davantage et leur donner le dernier lustre. Je suis, etc. Je satisfais avec plaisir à ce que vous souhaitez de moi: je vous envoie une carte aussi exacte qu'elle a pu se faire des états où se trouvent nos missions, connues depuis longtemps sous le nom de Maduré. On n'a eu jusqu'ici que des idées assez confuses de cette partie de l'Inde méridionale située entre la côte de Coromandel et la côte de Malabar: comme il n'y a que nos missionnaires qui aient pénétré dans ces terres, où ils travaillent depuis plus de cent ans à la conversion des Indiens idolâtres, il n'y a qu'eux aussi qui puissent nous en donner des connoissances sûres. Quoique mon principal dessein ait été d'a bord de faire connaître les royaumes de Maduré, de Tanjaour, de Gingi, de Mayssur et du Carnate, où nos missions sont établies, je ne laisserai pas de vous entretenir de toute l'Inde en deçà du Gange; mais je ne le ferai qu'autant qu'il sera nécessaire pour mieux faire entendre la plupart des choses dont il est parlé dans les lettres de nos missionnaires qu'on donne de temps en temps au public. J'y joindrai des observations qui ont été faites avec exactitude et qui pourront servir à cette partie de la géographie qui concerne les Indes. Tous les géographes conviennent que les Indes orientales sont divisées en deux parties, la première qui est en deçà du Gange, la seconde qui est au delà du même fleuve. Celle-là se trouve renfermée entre les fleuves célèbres de l'Indus et du Gange et entre différentes mers qui en font une péninsule; elle est bornée du côté de l'ouest par l'Indus et par la mer occidentale des Indes; du côté de l'orient par le Gange et les côtes d'Orixa et de Coromandel; du côté du sud par le cap Comorin et par la mer méridionale des Indes, et enfin du côté du nord par les montagnes d'Ima, qui sont une suite du mont Caucase. Les anciens géographes ont représenté cette partie de l'Inde sous la figure d'un losange dont les côtés étoient égaux et les angles inégaux. Suivant cette description, qui est assez imparfaite, les côtés égaux sont d'une part les rivages du Gange et de l'Indus jusqu'à leur embouchure et les côtes de la mer occidentale de Indes, depuis l'embouchure du fleuve Indu jusqu'au cap de Comorin, et de l'autre par les côtes d'Orixa et Coromandel jusqu'au même cap; les deux angles du sud au nord sont le cap Comorin et la fameuse montagne d'Ima; les deux autres, de l'orient à l occident, sont les deux embouchures de l'Indus et du Gange. Les Indes orientales, telles que je viens de les décrire, sont partagées naturellement par cette chaîne de montagnes de Gate qui s'élendent depuis l'extrémité de la mer méridionale jusqu'à la partie la plus septentrionale; elles commencent au cap Comorin et se terminent au mont Ima, que Ptolomée appelle Imao. Quelques nouveaux géographes ont changé ce nom; il est pourtant certain que c'est ainsi que les Indiens l'appellent et qu'il n'est point nommé autrement dans les anciens livres : 1is di sent que c'est sur cette montagne que le Gange | qu'ils s'étoient affranchis de la domination des prend sa source. Comme le fleuve Indus étoit le plus connu des anciens géographes, ils ont appelé de ce nom tous les peuples qui étoient au delà de ce fleuve jusqu'à la mer orientale, et parce que Delhi a été longtemps le séjour des souverains, on l'a regardé comme la capitale des Indes. Aujourd'hui on donne le nom d'Indoustan à ce vaste pays qui est renfermé entre l'Indus et le Gange. Les Indiens prétendent que les divers royaumes qui étoient compris dans toute l'étendue de ces terres formoient autrefois un vaste empire et que le souverain de cet empire avoit sous lui plusieurs autres princes qui lui payoient un tribut annuel. Cet empereur étoit absolu et avoit dans sa dépendance cinquante petits royaumes. Tous ces rois ne pouvoient se maintenir dans la possession paisible de leurs étals qu'après avoir reçu les marques de leur dignité de la main du roi des rois: c'est ainsi qu'ils appellent cet empereur, qu'ils regardoient comme le maître du monde et qui dans la suite fut nommé empereur de Bisnagar. De tous ces royaumes, il n'y en a que dix ou douze dont les noms se soient conservés: on connatt maintenant les autres sous des noms très-différens de ceux qu'ils portoient autrefois. Le dernier des empereurs de Bisnagar mourut l'an 1659. C'est des débris de son empire que se sont formés tant de divers états et surtout celui du Mogol, qui n'a pas pourtant subjugué encore les terres les plus méridionales. Un des premiers royaumes qui se sépara de l'ancien empereur des Indes fut celui de Guzarate ou de Cambaye, situé à l'embouchure de l'Indus. Il fut gouverné quelque temps par des princes particuliers dont l'autorité étoit absolue, mais il est entré depuis sous la domination du Mogol. Une partie considérable du royaume de Decan reconnaissoit encore l'empereur de Bisnagar lorsque les Portugais arrivèrent aux Indes. Le gouverneur qui commandoit dans la ville de Goa lorsqu'elle fut prise par Albuquerque éloit un officier qui avoit secoué le joug des anciens rois de Bisnagar: c'est ce qui paroît par des lames de cuivre trouvées à Goa qui font foi qu'un de ces empereurs avoit accordé certains priviléges à quelques temples des environs de la ville. Pour ce qui est des rois de Malabar, il y avoit plus longtemps empereurs indiens. Ainsi les états de l'empereur de Bisnagar s'étendoient encore il n'y a pas deux cents ans depuis Orixa jusqu'au cap Comorin; il possédoit toutes les terres qui sont sur la côte de Coromandel et plusieurs places maritimes sur la côte occidentale des Indes. Les Patanes, venus du nord, le dépouillèrent d'une partie de ses étals; une autre partie lui fut enlevée par les Mogols, qui avançoient toujours vers les parties méridionales; mais voici ce qui contribua plus que tout le reste à la destruction de cet empire. Le dernier empereur de Bisnagar avoit confié le commandement de ses armées à quatre généraux qui faisoient profession du mahométisme; chacun d'eux commandoit un corps de troupes considérable dont ils se servirent pour envahir les états de ce malheureux prince. Le plus puissant de ces généraux demeura à Golconde et y fonda le royaume de ce nom; le second fixa sa demeure à Visapour et se fit nommer le roi de Decan; les deux autres levèrent pareillement l'étendard de la révolte et se rendirent mattres de deux places importantes. Depuis ce temps-là le Mogol a tout englouti; à la vérité, les princes de la partie méridionale n'ont pas encore été tout à fait subjugués, mais le nabab les inquiète de temps en temps et exige d'eux de grosses sommes qu'ils sont forcés de lui payer; de sorte qu'à proprement parler, il n'y a que les princes de Malabar qui ne soient pas encore tombés sous la domination mogole. On ne peut dire certainement en quel endroit le fleuve Indus prend sa source: c'est dans le pays de Cachemire, si l'on en croit quelques Indiens; d'autres la mettent beaucoup plus haut, dans les montagnes d'Ima. Il prend son cours vers le midi comme le Gange, avec cette différence que le Gange va un peu vers l'orient et que l'Indus au contraire se détourne vers l'occident; ce dernier se jette dans la mer des Indes par plusieurs embouchures Le Gange est le plus fameux fleuve de toute l'Asie; sa source, selon l'opinion des Indiens, est toute céleste : C'est, disent-ils, un de leurs dieux qui la fit découler de sa tête sur le mont Ima; c'est de là que, traversant divers états el dirigeant son cours vers les parties méridionales, il arrose plusieurs villes célèbres, dont la plus ' Gouverneur générale d'une province. fameuse, disent les Indiens, est Cachi, puis il passe dans le royaume de Bengale et se jette dans la mer par plusieurs embouchures différentes. A entendre les Indiens, le Gange est une rivière sainte dont la vertu propre est d'effacer les péchés ceux qui sont assez heureux que de mourir sur ses bords non-seulement sont exempts des peines que mérite une vie criminelle, mais ils sont admis dans une région délicieuse où ils demeurent jusqu'à une nouvelle renaissance. C'est pour cette raison qu'on jette tant de cadavres dans le Gange, que les malades se font porter sur ses bords, que d'autres qui en sont trop éloignés renferment avec soin dans des urnes les cendres des cadavres qu'ils ont brûlés et les envoient jeter dans le fleuve. Cette estime générale qu'on a dans toute l'Inde pour les eaux du Gange est d'un grand profit aux pénitens indiens qu'on appelle pandarons; ils en remplissent des bambous qu'ils attachent aux deux extrémités d'une perche longue de sept à huit pieds, et mettant celle perche sur leurs épaules, ils parcourent toute l'Inde et vendent bien cher une eau si salutaire. Ils prétendent qu'elle a la propriété de ne jamais se corrompre. Telle est l'opinion que les Indiens idolâtres ont du Gange. Ceux qui ont navigué sur ce grand fleuve conviennent qu'ils n'ont jamais vu ni en Europe ni en Asie de rivière qui lui soit comparable. Vers son embouchure on découvre une petite ville nommée Balassor; presque tous les Européens y ont une maison où ils transportent les marchandises nécessaires pour la cargaison de leurs vaisseaux; c'est là aussi que se trouvent les pilotes côtiers, dont on a absolument besoin pour entrer dans le Gange, parce qu'il y a plusieurs bancs de sable qui rendent cette embouchure très-dangereuse. Les Européens ont pareillement leurs factoreries sur le bord de ce fleuve celle des François est à Chandernagor, celle des Portugais à Ouguely; les Anglois et les Danois en ont aussi dans le voisinage". On me demandera peut-être d'où a pu venir aux Indiens celte haute idée qu'ils ont du Gange. A cela je réponds que les idolâtres ont presque dans tous les pays regardé les grandes 'Houglys. Les Anglais sont aujourd'hui les vrais souverains de l'Inde. rivières comme des divinités ou du moins comme la demeure de quelque dieu ou de quelque déesse. Outre le Gange, il y encore cinq ou six autres rivières qui sont en réputation aux Indes, entre autres le Caveri, qui passe à Trichirapalı auprès de la célèbre pagode de Chirangam; de plus, il est certain, comme je l'ai déjà fait voir dans une lettre adressée à M. l'ancien évêque d'Avranches, que les Indiens ont ouï parler du paradis terrestre, des fleuves qui l'arrosoient et de l'arbre de vie, et il est vraisemblable que ne connoissant point de plus belle rivière que le Gange, ils lui ont attribué ce qu'ils ont entendu dire de ces fleuves. A cette connoissance du paradis terrestre, qu'ils ont reçue par tradition de leurs pères, ils ont mêlé dans la suite, selon leur génie, plusieurs fables par exemple, que le Gange traverse un jardin délicieux dont les fruits rajeunissent ceux qui en mangent et leur donnent un siècle de vie, en sorte que celui qui à la fin de chaque siècle trouveroit un de ces fruits sur le rivage du Gange pourroit s'assurer une vie sans fin; ils ajoutent comme une chose certaine qu'on en a vu qui ont vécu jusqu'à trois cents ans parce que, disent-ils, ils avoient trouvé un de ces fruits à la fin de chaque centaine d'années, mais que n'en ayant pu trouver au commencement du quatrième siècle, ils moururent à l'instant. Après avoir décrit ces deux célèbres fleuves, il faut maintenant parcourir les principales villes qui sont sur les deux côtes de l'Inde. Je commence par celle qui règne depuis Bengale jusqu'au cap Comorin et qui est à l'orient; elle s'appelle en général la côte de Coromandel, mais elle ne laisse pas d'avoir d'autres noms par rapport aux divers royaumes qu'elle borne: on l'appelle, par exemple, la côte d'Orixa lorsqu'elle termine le petit royaume de ce nom, qui est au midi de l'embouchure du Gange; on l'appelle pareillement la côte de la Pêcherie dans la partie méridionale, parce que c'est aux environs de cette côte qu'on pêche les perles. Je me place d'abord à Pondichery, parce qu'en rapportant les observations qui ont été faites par nos missionnaires, il est plus aisé de connottre la longitude des autres villes de la côte, qui va en plusieurs endroits presque nord et sud, excepté vers l'embouchure du Gange, qu'elle décline vers l'est. Pondichery appartient aux François, et c'est le plus bel établissement qu'ils aient aux Indes. On y voit une forteresse régulière et où il ne manque aucun des ouvrages nécessaires pour une bonne défense: elle est toujours bien fournie de munitions de guerre et de bouche; la ville est grande et les rues y sont tirées au cordeau; les maisons des Européens sont bâties de briques, celles des Indiens ne sont que de terre enduite de chaux, mais comme elles forment des rues droites, elles ont leur agrément. Dans quelques-unes des rues on voit de belles allées d'arbres à l'ombre desquels les tisserands travaillent ces toiles si fort estimées en Europe. Les révérends pères capucins y ont un couvent; les jésuites et messieurs des missions étrangères y ont aussi chacun une maison et une église. Après plusieurs observations des éclipses du premier satellite de Jupiter, on a trouvé que la différence du temps entre le méridien de Paris et celui de Pondichéry étoit de cinq heures onze ou douze minutes, qui valent environ 78 degrés, et par conséquent, comme dans les hypothèses de l'Observatoire de Paris, la longitude de Paris est de 22 degrés 30 minutes, il faut conclure que la véritable longitude de Pondichery est de 100 degrés 30 minutes. Par là on peut voir l'erreur énorme qui s'étoit glissée dans les cartes de géographie qui ont eu le plus de cours en Europe, comme sont celles de MM. Samson et Duval, où on éloignoit cette côte de plus de quatre cents lieues qu'elle n'est éloignée effectivement. Pour ce qui est de la latitude de Pondichery, on a trouvé qu'elle étoit un peu plus considérable que celle qu'on avoit arrêtée dans les premières observations, où l'on n'avoit remarqué par la distance du zénith à l'équateur que 11 degrés 56 minutes 28 secondes. Peut-être y a-t-il de l'erreur dans les chiffres 1. En allant de Pondichery vers le nord et suivant la côte, on trouve la ville de Saint-Thomé, on l'appelle aussi Meliapour ou, pour parler avec les Indiens, Mailabouram, c'est-à-dire la Ville des Paons, parce que les princes qui régnoient autrefois dans cette contrée avoient un paon pour armes et le faisoient peindre sur leurs étendards. C'est apparemment à l'imitation des empereurs de Bisnagar que les empereurs mogols on fait placer un paon si beau et si riche sur le ciel de leur trône : « Le fond du 1 11° 55' 41", telle est la latitude aujourd'hui déterminée. La longitude est 77o 3' 30" à l'est du méridien de Paris. ciel, dit un de nos voyageurs qui assure l'avoir vu, est tout couvert de perles et de diamans et est entouré d'une frange de perles ; au-dessus du ciel, fait en forme de voûte, se voit un paon dont la queue relevée est de saphirs et d'autres pierres de couleur; le corps est d'or émaillé semé de pierreries; enfin on lui voit un gros rubis au milieu de l'estomac, d'où pend une perle en forme de poire de cinquante karats. » Les observations du père Richaud portent que la latitude de Saint-Thomé est de 13 degrés 10 minutes. Saint-Thomé étoit il n'y a pas quarante ans une des plus belles villes et des mieux fortifiées qui fussent aux Indes; elle appartenoit aux Portugais, mais comme ils se voyoient dépouillés peu à peu par les Hollandois de leurs principaux états, ils prirent le parti d'abandonner cette place au roi de Golconde. M. de La Haye, envoyé aux Indes avec une flotte de dix vaisseaux de guerre, crut avoir des raisons pour l'attaquer il fit sa descente et l'emporta en peu d'heures au grand étonnement des Indiens; il la conserva pendant deux ans, et les François en seroient encore aujourd'hui les mattres s'il lui fût venu du secours d'Europe. Le roi de Golconde craignit à son tour que les François ne songeassent à reprendre ce poste : c'est pourquoi il se détermina à démanteler la forteresse et la ville. C'est de ses débris qu'on a étendu et augmenté la ville de Madras. Cependant Aurengzeb conquit le royaume de Golconde, et il est aujourd'hui le maître de SaintThomé. Les Portugais ne laissoient pas d'y avoir un beau quartier où l'on voyoit des maisons assez agréables et des rues fort larges. Cette partie où ils s'étoient retirés étoit environnée de murailles et ils y avoient commencé quelques petits bastions. A une lieue au nord de Saint-Thomé, on trouve Madraspatan, que les Indiens appellent Genapattenam. Il seroit inutile de marquer sa longitude et sa latitude : ce que j'ai dit en parlant de Pondichery suffit pour faire connoître la longitude et la latitude des autres villes de la côte pourvu qu'on en sache la distance nord et sud. Madras est une fort belle ville qui appartient aux Anglois : elle est ceinte de murailles ; il y a un fort carré, mais sans ouvrages extérieurs, qu'on appelle le fort Saint-Georges. On voit une seconde ville habitée par les Arméniens et les marchands des nations étrangères, et en suite une troisième, où résident les Indiens, beaucoup plus grande que la première et qui en est comme le faubourg. On comple dans les trois villes près de cent mille âmes. Les Anglois, à ce qu'on dit, y tirent de droits plus de soixante mille pagodes, qui font trente mille pistoles. Nos missionnaires, qui ont été quelquefois obligés d'aller à Madras, se louent infiniment de la politesse de MM. les Anglois et des marques d'amitié dont ils les ont honorés : je leur dois ce témoignage de notre reconnoissance et je me fais un plaisir d'avoir cette occasion de la rendre publique'. A sept lieues au nord de Madras, les Hollandois ont une forteresse qu'on appelle Paleacalle: c'étoit autrefois le principal comptoir qu'ils eussent sur la côte de Coromandel, et ils ont eu assez de peine à s'y établir. Les deux autres endroits les plus considérables vers la côte du nord sont Massulipatan et Jagrenat. Massulipatan appartenoit anciennement au roi de Golconde, il est maintenant sous la puissance du Mogol. Cette ville est éloignée de Golconde d'environ quatre-vingts lieues; les principales nations de l'Europe qui trafiquent aux Indes y ont des comptoirs. Les toiles peintes qu'on y travaille sont les plus estimées de toutes celles qui se fabriquent aux Indes; on y voit un pont de bois le plus long, je crois, qui soit au monde : il est utile dans les grandes marées, où la mer couvre beaucoup de terrain; on y respire un très-mauvais air. Je trouve dans mes mémoires que sa latitude est de 16 degrés 30 minutes. On compte plus de cent lieues de chemin par terre de Madras à Massulipatan, mais il est vrai qu'il y a plusieurs détours à prendre. : Jagrenat est célèbre par sa pagode. Nos voyageurs et surtout M. Tavernier en disent des merveilles ils prétendent qu'il y a dans ce temple une idole dont les yeux sont formés de deux gros diamans, qu'il lui en pend un autresur tre sur l'estomac, que ses bracelets sont de perles et de rubis, et que les revenus de cette pagode sont si considérables qu'ils peuvent nourrir quinze à vingt mille pèlerins: ils ne parlent apparemment que du temps qu'on célèbre des fètes en l'honneur de l'idole. Les autres choses 'Madras est à 13° 4' 8" de latitude nord. On y compte aujourd'hui 300 mille habitans. 216° 10' à l'une des branches les plus orientales de la Krichna et au sud-ouest des bouches du Godavery. qu'on rapporte me paroissent assez suspectes. Ce qu'il y a de certain, c'est que celle pagode est peu connue dans les parties méridionales de l'Inde, et je ne sache pas en avoir jamais entendu parler qu'à un seul Indien, au lieu qu'on vante fort celle de Cachi, que je crois être la même chose que Banare, ainsi que je l'expliquerai dans la suite. C'est sans contredit le temple des faux dieux le plus célèbre qui soit a aux Indes. Mes mémoires rapportent que cet endroit où est situé le temple appelé Jagrenat a la latitude de 19 degrés 50 minutes. Si cela est, il ne doit être guère éloigné de Balassor, qu'on dit être au vingtième degré de latitude. Je reviens maintenant à Pondichéry pour suivre la côte jusqu'au cap de Comorin: c'est une route que j'ai tenue plus d'une fois. A une grande journée de Pondichéry, en allant au sud, on arrive à Portonovo. Les Anglois et les Hollandois y ont quelques maisons, et les Portugais y sont en très-grand nombre. On voit une assez belle église où s'assemblent les chrétiens de la côte. A mi-chemin de Pondichéry à Portonovo se trouve Coudelour, que les Indiens nomment Courralour: c'est une ville assez considérable que les Anglois ont achetée à bon compte avec les terres qui y sont jointes. En avançant, on voit Trankebar', appelée par les Indiens Taranganbouri, c'est-à-dire la ville des ondes de la mer. Cette ville est éloignée d'environ vingt-cinq ou trente lieues de Pondichéry: elle appartient aux Danois. Les rues en sont droites, il y a de belles maisons, et la forteresse, dont la forme est quadrangulaire, paroft très-agréable quand on la voit du côté de la mer. Quand les Européens y abordent, le gouverneur envoie de beaux chevaux et des soldats pour les recevoir à la descente, et on les conduit avec toutes les marques d'honneur à la forteresse, où une partie de la garnison se trouve sous les armes. Les Portugais y sont établis en assez grand nombre. Il se présenta une occasion où ils ne contribuèrent pas peu à conserver la forteresse aux Danois, qui n'étoient pas en état de la défendre. Le roi de Tanjaour assiégea cette place il y a quelques années, mais ses efforts furent inutiles et il fut contraint de lever le siége. Trinquebar |