sans baptême. Et nous avons lieu de croire que | la Providence n'avoit prolongé les jours à plusieurs d'entre eux, que pour leur ménager ce moment de salut. Il y eut encore environ cinquante enfans à la mamelle qui, des bras de leurs mères, s'envolèrent au ciel, après avoir été régénérés en Jésus-Christ. Après avoir travaillé à l'instruction de ces peuples, nous songeâmes à en découvrir d'autres à qui nous pussions également nous rendre utiles. Pour le faire avec plus de fruit, nous voulûmes bien, le père de Salvatierra et moi, nous séparer et nous priver de la satisfaction que nous avions de vivre et de travailler ensemble. Il prit la route du nord, et je pris celle du midi et de l'occident. Nous eûmes beaucoup de consolation dans ces courses apostoliques: car, comme nous savions bien la langue et que les Indiens avoient pris en nous une véritable confiance, ils nous invitoient eux-mêmes à entrer dans leurs villages et se faisoient un plaisir de nous y recevoir et de nous y amener leurs enfans. Les premiers étant instruits, nous allions en chercher d'autres, à qui successivement nous enseignions les mystères de notre religion. C'est ainsi que le père de Salvatierra découvrit peu à peu toutes les habitations qui composent aujourd'hui la mission de Lorette-Concho et celle de saint Jean-deLondo, et moi tous les pays qu'on appelle à présent la mission de Saint-François-Xavier-deBiaundo, qui s'étend jusqu'à la mer du Sud. En avançant ainsi chacun de notre côté, nous remarquâmes que plusieurs nations de langues différentes se trouvoient mêlées ensemble, les unes parlant la langue monqui, que nous savions, et les autres la langue laymone, que nous ne savions pas encore. Cela nous obligea d'apprendre le laymon, qui est beaucoup plus étendu que le monqui et qui nous paroît avoir un cours général dans tout ce pays. Nous nous appliquâmes si fortement à l'étude de cette seconde langue, que nous la sûmes en peu de temps et que nous commençâmes à prêcher indifféremment, tantôt en laymon et tantôt en monqui. Dieu a béni nos travaux, car nous avons déjà baptisé plus de mille enfans, lous très-bien disposés, et si empressés à recevoir cette grâce que nous n'avons pu résister à leurs instantes prières. Plus de trois mille adultes, également instruits, désirent et demandent la même faveur; mais nous avons jugé à propos de la leur différer pour les éprouver à loisir et pour les affermir davantage dans une si sainte résolution. Car comme ces peuples ont vécu long-temps dans l'idolâtrie et dans une grande dépendance de leurs faux prêtres, et que d'ailleurs ils sont d'un naturel léger et volage, nous avons eu peur, si l'on se pressoit, qu'ils ne se laissassent ensuite pervertir, ou qu'étant chrétiens sans en remplir les devoirs, ils n'exposassent notre sainte religion au mépris des idolâtres. Ainsi on s'est contenté de les mettre au nombre des catéchumènes. Le samedi et le dimanche de chaque semaine, ils viennent à l'église et assistent avec les enfans déjà baptisés aux instructions qui s'y font, et nous avons la consolation d'en voir un grand nombre qui persévèrent avec fidélité dans le dessein qu'ils ont pris de se faire de vrais disciples de Jésus-Christ. Depuis nos secondes découvertes, nous avons partagé toute cette contrée en quatre missions. La première est celle de Concho, ou de NotreDame-de-Lorette; la seconde est celle de Biaundo, ou de Saint-François-Xavier; la troisième, celle de Yodivineggé, ou de NotreDame-des-Douleurs, et la quatrième, qui n'est encore ni fondée ni tout-à-fait si bien établie que les trois autres, est celle de Saint-Jean de Londo. Chaque mission comprend plusieurs bourgades. Celle de Lorette-Concho en a neuf dans sa dépendance, savoir: Liggigé, à deux lieues de Concho; Jetti, à trois lieues; Tuiddu, à quatre lieues. Ces trois premières bourgades sont vers le nord, et les six suivantes vers le midi. Vonu, à deux lieues; Numpolo, à quatre lieues; Chuyenqui, à neuflieues; Liggui, à douze lieues; Tripué, à quatorze lieues; Loppu, à quinze lieues. On compte onze bourgades dans la mission de Saint-François-Xavier-de-Biaundo, qui sont Quimiouma, ou l'Ange-Gardien, à deux lieues; Lichu, ou la Montagne-du-Cavalier, à trois lieues; Yenuyomu, à cinq lieues, Undua, à six lieues; Enulaylo, à dix lieues; Picolopri, à douze lieues; Ontta, à quinze lieues; Onemaito, à vingt lieues. Ces huit bourgades sont du côté du midi. Les deux suivantes sont au nord: Nuntei, à trois lieues, et Obbé, à huit lieues. Cuivuco, ou Sainte-Rosalie, à quatre lieues, est du côté de l'ouest. On avoit bâti une chapelle pour cette seconde mission; mais se trouvant déjà trop petite, on a commencé à élever une grande église, dont les murailles seront de brique et la couverture de bois. Le jardin qui tient à la maison du missionnaire fournit déjà toutes sortes d'herbes et de légumes, et les arbres du Mexique, qu'on y a plantés, y viennent fort bien et seront dans peu chargés d'excellens fruits. Le bachelier Dom Juan Cavallero Ocio, commissaire de l'inquisition et de la croisade, dont on ne saurait assez louer le zèle et la piété, a fondé ces deux premières missions et a été comme le chef et le principal promoteur de toute cette grande entreprise. Pour ce qui regarde la mission de NotreDame-des-Douleurs, elle ne comprend qu'Unubbé, qui est du côté du nord, Niumqui, ou Saint-Joseph, et Yodivineggé, ou Notre-Damedes-Douleurs, qui donne le nom à toute la mission. Niumqui et Yodivineggé sont deux bourgades fort peuplées et fort proches l'une de l'autre. Messieurs de la congrégation du collége de saint Pierre et de saint Paul de notre compagnie, érigée en la ville de Mexique, sous le titre des Douleurs de la sainte Vierge, et composé de la principale noblesse de cette grande ville, ont fondé cette mission, et marquent, dans toutes les occasions, une grande ardeur pour la propagation de la foi et pour la conversion de ces pauvres infidèles. Enfin la mission de Saint-Jean-de-Londo contient cinq ou six bourgades. Les principales sont Teupnon ou Saint-Bruno, à trois lieues du côté de l'est, Anchu à une égale distance du côté du nord. Tamouqui, qui est à quatre lieues, et Diutro à six, regardent l'ouest. Le père de Salvatierra, qui brûle d'un zèle ardent d'étendre le royaume de Dieu, cultive ces deux dernières missions avec des soins infatigables. J'ai laissé avec lui le père Jean d'Ugarte, qui, après avoir rendu au Mexique des services essentiels à ces missions, a voulu enfin s'y consacrer lui-même en personne depuis un an. Il a fait de grands progrès en peu de temps, car outre qu'il prêche déjà parfaitement dans ces deux langues dont j'ai parlé, il a découvert, du côté du sud, deux bourgades, Trippué et Loppu, où il a baptisé vingt-trois enfans, et s'applique sans relâche à l'instruction des autres et des adultes. Après vous avoir rendu compte, messeigneurs, de l'état de la religion dans cette nouvelle colonie, je vais répondre maintenant, autant que j'en suis capable, aux autres ar ticles sur lesquels vous m'avez fait l'honneur de m'interroger. Je vous dirai d'abord ce que nous avons pu remarquer des mœurs et des inclinations de ces peuples, de la manière dont ils vivent, et ce qui croît en leur pays. La Californie se trouve assez bien placée dans nos cartes ordinaires. Pendant l'été les chaleurs y sont grandes le long des côtes et il y pleut rarement; mais dans les terres l'air est plus tempéré et le chaud n'y est jamais excessif. Il en est de même de l'hiver, à proportion. Dans la saison des pluies, c'est un déluge d'eau ; quand elle est passée, au lieu de pluies, la rosée se trouve si abondante tous les matins qu'on croiroit qu'il eût plu, ce qui rend la terre trèsfertile. Dans le mois d'avril, de mai et de juin, il tombe avec la rosée une espèce de manne, qui se congèle et qui s'endurcit sur les feuilles des roseaux, sur lesquelles on la ramasse. J'en ai goûté. Elle est un peu moins blanche que le sucre, mais elle en a toute la douceur. Le climat doit être fain, si nous en jugeons par nous-mêmes et par ceux qui ont passé avec nous. Car en cinq ans qu'il y a que nous sommes entrés dans ce royaume, nous nous sommes tous bien portés, malgré les grandes fatigues que nous avons souffertes, et, parmi les autres Espagnols, il n'est mort que deux perdont l'une s'étoit attiré son malheur. C'étoit une femme qui eut l'imprudence de se baigner étant prête d'accoucher. sonnes, Il y a dans la Californie, comme dans les plus beaux pays du monde, de grandes plaines, d'agréables vallées, d'excellens pâturages en tout temps pour le gros et le menu bétail, de belles sources d'eau vive, des ruisseaux et des rivières dont les bords sont couverts de saules, de roseaux et de vignes sauvages. Les rivières sont fort poissonneuses, et on y trouve surtout beaucoup d'écrevisses, qu'on transporte en des espèces de réservoirs, dont on les tire dans le besoin. J'ai vu trois de ces réservoirs très-beaux et très-grands. Il y a aussi beaucoup de xicames, qui sont de meilleur goût que celles que l'on mange dans tout le Mexique. Ainsi on peut dire que la Californie est un pays très-fertile. On trouve sur les montagnes des mescales pendant toute l'année et presque en toutes les saisons, de grosses pistaches de diverses espèces, et des figues de différentes Espèce de fruit. couleurs. Les arbres y sont beaux, et entre autres celui que les Chinos, qui sont les naturels du pays, appellent palo santo. Il porte beaucoup de fruits et l'on en tire d'excellent encens. Si ce pays est abondant en fruits, il ne l'est pas moins en grains. Il y en a de quatorze sortes, dont ces peuples se nourrissent. Ils se servent aussi des racines des arbres et des plantes, et entre autres de celle d'yucca, pour faire une espèce de pain. Il y vient des chervis excellens, une espèce de faséoles rouges, dont on mange beaucoup, et des citrouilles et des melons d'eau d'une grosseur extraordinaire. Le pays est si bon qu'il n'est pas rare que beaucoup de plantes portent du fruit trois fois l'année. Ainsi, avec le travail qu'on apporteroit à cultiver la terre et un peu d'habileté à savoir ménager les eaux, on rendroit tout le pays extrêmement fertile, et il n'y a ni fruits ni grains qu'on n'y cucillit en très-grande abondance. Nous l'avons déjà éprouvé nousmêmes, car, ayant apporté de la Nouvelle Espagne du froment, du blé de Turquie, des pois, des lentilles, nous les avons semés, et nous en avons fait une abondante récolte, quoique nous n'eussions point d'instrumens propres à bien remuer la terre, et que nous ne pussions nous servir que d'une vieille mule et d'une méchante charrue que nous avions pour la labourer. Outre plusieurs sortes d'animaux qui nous sont connus, qu'on trouve ici en quantité et qui sont bons à manger, comme des cerfs, des lièvres, des lapins et autres, il y a de deux sortes de bêtes fauves que nous ne connaissions point. Nous les avons appelées des moutons parce qu'elles ont quelque chose de la figure des nôtres. La première espèce est de la grandeur d'un veau d'un ou deux ans ; leur tête a beaucoup de rapport à celle d'un cerf, et leurs cornes, qui sont extraordinairement grosses, à celles des béliers. Ils ont la queue et le poil, qui est marqueté, plus courts encore que les cerfs, mais la corne du pied est grande, ronde et fendue comme celle des bœufs. J'ai mangé de ces animaux, leur chair m'a paru fort bonne et fort délicate. L'autre espèce de moutons, dont les uns sont blancs et les autres noirs, diffère moins des nôtres. Ils sont plus 'Le chervis est une plante potagère; sa racine est un composé de navets ridés d'un goût très doux, sucré, agréable et très-sain. grands et ils ont beaucoup plus de laine. Elle se file aisément et est propre à mettre en œuvre. Outre ces animaux, dont on peut se nourrir, il y a des lions, des chats fauves et plusieurs autres semblables à ceux qu'on trouve en la Nouvelle-Espagne. Nous avions porté dans la Californie quelques vaches et quantité de menu bétail, comme des brebis et des chèvres, qui auroient beaucoup multiplié si l'extrême nécessité où nous nous trouvâmes pendant un temps ne nous eût obligés d'en tuer plusieurs. Nous y avons porté des chevaux et de jeunes cavales pour en peupler le pays. On avoit commencé à y élever des cochons; mais comme ces animaux font beaucoup de dégât dans les villages, et comme les femmes du pays en ont peur, on a résolu de les exterminer. Pour les oiseaux, tous ceux du Mexique et presque tous ceux d'Espagne se trouvent dans la Californie; il y a des pigeons, des tourterelles, des alouettes, des perdrix d'un goût excellent et en grand nombre, des oies, des canards et de plusieurs autres sortes d'oiseaux de rivière et de mer. La mer est fort poissonneuse, et le poisson en est d'un bon goût. On y pêche des sardines, des anchois et du thon qui se laisse prendre à la main au bord de la mer. On y voit aussi assez souvent des baleines et de toutes sortes de tortues. Les rivages sont remplis de monceaux de coquillages, beaucoup plus gros que les nacres de perles. Ce n'est pas de la mer qu'on y tire le sel; il y a des salines dont le sel est blanc et luisant comme le cristal, mais en même temps si dur qu'on est souvent obligé de le rompre à grands coups de marteau. Il seroit d'un bon débit dans la Nouvelle Espagne, où le sel est rare. Il y a près de deux siècles qu'on connoît la Californie; ses côtes sont fameuses par la pêche des perles c'est ce qui l'a rendue l'objet des vœux les plus empressés des Européens, qui ont souvent formé des entreprises pour s'y établir. Il est certain que si le roi y faisait pêcher à ses frais, il en tireroit de grandes richesses. Je ne doute pas non plus qu'on ne trouvât des mines en plusieurs endroits, si l'on en cherchoit, puisque ce pays est sous le même climat que les provinces de Cinaloa' et Sonora, où il y en a de fort riches. 1 Sinaloa. Quoique le ciel ait été si libéral à l'égard des Californiens, et que la terre produise d'ellemême ce qui ne vient ailleurs qu'avec beaucoup de peine et de travail, cependant ils ne font aucun cas de l'abondance ni des richesses de leur pays. Contens de trouver ce qui est nécessaire à la vie, ils se mettent peu en peine de tout le reste. Le pays est fort peuplé dans les terres, et surtout du côté du nord, et quoiqu'il n'y ait guère de bourgades qui ne soient composées de vingt, trente, quarante et cinquante familles, ils n'ont point de maisons. L'ombre des arbres les défend des ardeurs du soleil pendant le jour, et ils se font des branches et des feuillages une espèce de toit contre les mauvais temps de la nuit. L'hiver, ils s'enferment dans des caves qu'ils creusent en terre, et y demeurent plusieurs ensemble, à peu près comme les bêtes. Les hommes sont tout nus, au moins ceux que nous avons vus. Ils se ceignent la tête d'une bande de toile très-déliée ou d'une espèce de réseau; ils portent au cou et quelquefois aux mains pour ornement diverses figures de nacre de perles assez bien travaillées et entrelacées avec beaucoup de propreté de petits fruits ronds, à peu près comme nos grains de chapelet. Ils n'ont pour arme que l'arc, la flèche ou le javelot; mais ils les portent toujours à la main, soit pour chasser, soit pour se défendre de leurs ennemis, car les bourgades se font assez souvent la guerre les unes aux autres. grossier, des sacs pour differens usages et des rets pour pêcher. Les hommes, outre cela, avec diverses herbes dont les fibres sont extrêmement serrées et filasseuses et qu'ils savent trèsbien manier, s'emploient à faire une espèce de vaisselle et de batterie de cuisine assez nouvelle et de toute sorte de grandeurs. Les pièces les plus petites servent de tasses; les médiccres, d'assiettes, de plats et quelquefois de parasols dont les femmes se couvrent la tête, et les plus grandes, de corbeilles à ramasser les fruits, et quelquefois de poèles et de bassins à les faire cuire; mais il faut avoir la précaution de remuer sans cesse ces vaisseaux pendant qu'ils sont sur le feu, de peur que la flamme ne s'y attache, ce qui les brûleroit en très-peu de temps. Les Californiens ont beaucoup de vivacité et sont naturellement railleurs, ce que nous éprouvâmes en commençant à les instruire : car si tôt que nous faisions quelque faute dans leur langue, c'étoit à plaisanter et à se moquer de nous. Depuis qu'ils ont eu plus de communication avec nous, il se contentent de nous avertir honnêtement des fautes qui nous échappent, et, quant au fond de la doctrine, lorsqu'il arrive que nous leur expliquons quelque mystère ou quelques points de morale peu conformes à leurs préjugés ou à leurs anciennes erreurs, ils attendent le prédicateur après le sermon et disputent contre lui avec force et avec esprit. Si on leur apporte de bonnes raisons, ils écoutent avec docilité, et si on les peut convaincre, ils se rendent et font ce qu'on leur prescrit. Nous n'avons trouvé parmi eux aucune forme de gouvernement ni presque de repor-ligion et de culte réglé. Ils adorent la lune, ils elles se Les femmes sont vêtues un peu plus modestement, portant, depuis la ceinture jusqu'aux genoux, une manière de tablier tissu de roseaux, comme les nattes les plus fines ; couvrent les épaules de peaux de bêtes et tent à la tête, comme les hommes, des réseaux fort déliés; ces réseaux sont si propres que nos soldats s'en servent à attacher leurs cheveux; elles ont, comme les hommes, des colliers de nacre mêlés de noyaux de fruits et de coquillages qui leur pendent jusqu'à la ceinture, et des bracelets de même matière que les colliers. L'occupation la plus ordinaire des hommes et des femmes est de filer. Le fil se fait de longues herbes qui leur tiennent lieu de lin et de chanvre, ou bien de matières cotonneuses qui se trouvent dans l'écorce de certains fruits. Du fil le plus fin on fait les divers ornemens dont nous venons de parler, et du plus se coupent les cheveux, je ne sais si c'est dans le décours, à l'honneur de leur divinité; ils les donnent à leurs prêtres, qui s'en servent à diverses sortes de superstitions. Chaque famille se fait des lois à son gré, et c'est apparemment ce qui les porte si souvent à en venir aux mains les uns contre les autres. Enfin, pour satisfaire à la dernière question que vous m'avez encore fait l'honneur de me proposer, et qui me semble la plus importante de toutes, touchant la manière d'étendre et d'affermir de plus en plus dans la Californie la véritable religion, et d'entretenir avec ces peuples un commerce durable et utile à la gloire et à l'avantage de la nation, je prendrai la li berté de vous dire les choses comme je les pense | laissé dans le fort dix-huit soldats avec leurs et comme la connoissance que j'ai pu avoir du pays et du génie des peuples me les fait penser. officiers, dont il y en a deux qui sont mariés et qui ont famille, ce qui les arrêtera plus aisément dans le pays. Il y a avec cela huit Chinos et nègres pour le service, et douze autres matelots sur les deux petits bâtimens ap ter douze autres matelots que j'ai pris avec moi sur le Saint-Joseph. On a été obligé de renvoyer quelques soldats, parce qu'on n'avoit pas au commencement de quoi les nourrir et les entretenir; cependant vous voyez bien que cette garnison n'est pas assez forte pour défendre long-temps la nation si les barbares s'avisoient de remuer. Il faut donc en établir une semblable à celle de la Nouvelle-Biscaye, et la placer dans un lieu d'où elle puisse agir partout où il seroit nécessaire. Cela seul, sans violence, pourroit tenir le pays tranquille, comme il l'a été jusqu'ici, grâces à Dieu, quelque foibles que nous fussions. Premièrement, il paroît absolument nécessaire de faire deux embarquemens chaque année le plus considérable pour la Nouvelle-pelés le Saint-Xavier et le Rosaire, sans compEspagne, avec qui on peut faire un commerce très-utile aux deux nations; l'autre pour les provinces de Cinaloa et de Sonora, d'où l'on peut amener de nouveaux missionnaires et apporter ce qui est nécessaire chaque année à l'critretien de ceux qui sont déjà ici. Les vaisseaux qui auroient servi aux embarquemens pourroient aisément, d'un voyage à l'autre, être énvoyés à de nouvelles découvertes du côté du nord, et la dépense n'iroit pas loin si l'on vouloit employer les mêmes officiers et les mêmes matelots dont on s'est servi jusqu'ici, parce que, vivant à la manière de ce pays, ils auroient des provisions presque pour rien, et, connoissant les mers et les côtes de la Californie, ils navigueroient avec plus de vitesse et plus de sûreté. Un autre point essentiel, c'est de pourvoir å la subsistance et à la sûreté tant des Espagnols naturels qui y sont déjà que des missionnaires qui y viendront avec nous et après nous. Pour les missionnaires, depuis mon arrivée, j'ai appris, avec beaucoup de reconnoissance et de consolation, que notre roi Philippe V, que Dieu veuille conserver bien des années, y a déjà pourvu de sa libéralité vraiment pieuse et royale, assignant par année à cette mission une pension de six mille écus, sur ce qu'il avoit appris des progrès de la religion dans cette nouvelle colonie. C'est de quoi entretenir un grand nombre d'ouvriers qui ne manqueront pas de venir à notre secours. Pour la sûreté des Espagnols qui sont ici, le fort que nous avons déjà bâti pourra servir en cas de besoin; il est placé au quartier de SaintDenis, dans le lieu appelé Concho par les Indiens; nous lui avons donné le nom de NotreDame-de-Lorette, et nous y avons établi notre première mission. Il a quatre petits bastions et est environné d'un bon fossé; on y a fait une place d'armes et on y a bâti des casernes pour le logement des soldats. La chapelle de la sainte Vierge et la maison des missionnaires sont près du fort. Les murailles de ces bâtimens sont de brique, et les couvertures de bois. J'ai Dautres choses paroîtroient moins importantes; mais elles ne le sont pas, quand on voit les choses de plus près. Premièrement, il est à propos de donner quelque récompense aux soldats qui sont venus ici les premiers. On est redevable en partie à leur courage des bons succès qu'on a eus jusqu'ici; et l'espérance d'une pareille distinction en fera venir d'autres et les engagera à imiter la valeur et la sagesse des premiers. Secondement, il faut faire en sorte que quelques familles de gentilshommes et d'officiers viennent s'établir ici pour pouvoir par euxmêmes et par leurs enfans remplir les emplois à mesure qu'ils viendront à vaquer. Troisièmement, il est de la dernière conséquence que les missionnaires et ceux qui commanderont dans la Californie vivent toujours dans une étroite union. Cela a été jusqu'à présent par la sage conduite et par le choix judicieux. qu'en a fait, d'intelligence avec nous, M. le comte de Montezuma, vice-roi de la NouvelleEspagne. Mais comme les missionnaires sont assez occupés de leur ministère, il faut qu'on les décharge du soin des troupes, et que la caisse royale de Guadalaxara fournisse ce qui leur sera nécessaire. Il seroit à souhaiter que le roi nommât lui-même quelque personne d'autorité et de confiance, avec le titre d'intendant ou de commissaire général, qui voulût, par zèle et dans la seule vue de contribuer à la |