gulière vénération. Ces bas sentimens qu'il la Providence vous avoit chargé du soin de avoit de lui-même lui ont fait refuser cons- nos missions de l'Amérique méridionale. La tamment la charge de supérieur de cette mis- Guyane, dont l'endroit le plus connu est l'île sion, dont il étoit plus digne que personne, de Cayenne, en est une portion qui doit vous son humilité lui suggérant toujours des raisons être chère. Vous y avez travaillé pendant quelplausibles pour le dispenser d'accepter cet em-ques années, et le zèle que vous y avez fait paploi. La délicatesse de sa conscience le portoit roître nous répond de l'attention et des mouveà se confesser tous les jours quand il en avoit mens que vous vous donnerez pour avancer la commodité. l'œuvre de Dieu dans ces terres éloignées. Enfin, son union avec Dieu étoit intime; Vous n'ignorez pas, mon révérend père, tout le temps qui n'étoit pas rempli par les qu'il y a environ dix-huit ans que le père Lomfonctions de son ministère, il l'employoit à la bard et le père Ramette se consacrèrent à cette prière, et il s'en occupoit non-seulement pen-mission, et qu'ayant appris à leur arrivée que dant le jour, mais encore durant une grande le continent voisin étoit peuplé de quantité de partie de la nuit. Une vie si pleine de vertus et de mérites ne pouvoit guère finir que par une mort précieuse aux yeux de Dieu. Il reçut les derniers sacrements de l'église avec une piété exemplaire, et ce fut le dix-huitième jour du mois d'août, vers les huit heures du matin, que Dieu l'appela à lui pour le récompenser de ses travaux. nations sauvages qui n'avoient jamais entendu parler de Jésus-Christ, ils demandèrent avec instance la permission de leur porter les lumières de la foi. A peine leur fut-elle accordée qu'à l'instant, sans autre guide que leur zèle, sans autre interprète que le Saint-Esprit, ils pénétrèrent dans la Guyane et se répandirent parmi ces Indiens. Ce fut à ce moment qu'on connut mieux que Ils mirent plus de deux ans à parcourir les jamais l'idée que nos insulaires avoient conçue différentes nations éparses dans cette vaste de sa sainteté. On accourut en foule à ses ob- étendue de terres. Comme ils ignoroient tant sèques, on se jetoit avec empressement sur son de langues diverses, ils étoient hors d'état de se corps, on le baisoit avec respect, on lui faisoit faire entendre; tout ce qu'ils purent faire dans toucher des médailles et des chapelets, et on se ces premiers commencemens fut d'apprivoicroyoit heureux d'avoir attrapé quelques lam-ser peu à peu ces peuples et de s'insinuer dans beaux de ses vêtements. leurs esprits en leur rendant les services les Les guérisons miraculeuses dont il a plu à plus humilians : ils prenoient soin de leurs enDieu de favoriser plusieurs personnes qui im-fans, ils étoient assidus auprès des malades et plorèrent l'assistance du missionnaire, aug-leur distribuoient des remèdes dont Dieu bémentèrent de plus en plus la vénération à son nissoit d'ordinaire la vertu; ils partageoient égard et la confiance qu'on a en son interces- leurs travaux et prévenoient jusqu'à leurs sion. Plusieurs viennent prier sur son tombeau, moindres désirs; ils leur faisoient des présens d'autres lui font des neuvaines, tous le regar- qui étoient le plus de leur goût, tels que sont dent comme un puissant protecteur qu'ils ont des miroirs, des couteaux, des hameçons, des dans le ciel. grains de verre coloré, etc. LETTRE DU P. CROSSARD, Ces bons offices gagnèrent peu à peu le cœur d'un peuple qui est naturellement doux et sensible à l'amitié. Pendant ce temps-là, les mis SUPÉRIEUR DES MISSIONS DE LA COMPAGNIE DE JESUS EN L'ILE Sionnaires apprirent les langues différentes de DE CAYENNE, AU P. DE LA NEUVILLE, PROCUREUR DES MISSIONS DE L'AMÉRIQUE. Origine et progrès de la mission et de la colonie des Guyanes. MON RÉVÉREND PÈRE, La paix de N. S. ces nations; ils s'y rendirent si habiles et en prirent si bien le génie qu'ils se trouvèrent en état de prêcher les vérités chrétiennes, même avec quelque sorte d'éloquence. Ils ne retirèrent néanmoins que peu de fruit de leurs premières prédications. L'attachement de ces peuples pour leurs anciens usages, l'inconstance et la légèreté de leur esprit, la faci Nous avons appris avec une joie sensible que lité avec laquelle ils oublient les vérités qu'on leur a enseignées, à moins qu'on ne les leur rebatte sans cesse; la difficulté qu'il y avoit que deux seuls missionnaires se trouvassent continuellement avec plusieurs nations différentes, qui occupent près de deux cents lieues de terrain, tout cela mettoit à leur conversion un obstacle presque insurmontable. D'ailleurs, les fatigues continuelles auxquelles ils se livroient, et les alimens extraordinaires dont ils étoient obligés de se nourrir, dérangèrent tout-à-fait le tempérament du père Ramette de longues et de fréquentes maladies le réduisirent à l'extrémité et m'obligèrent de le rappeler dans l'île de Cayenne. Cette séparation fut pour le père Lombard une rude épreuve et la matière d'un grand sacrifice. Son zèle, néanmoins, loin de se ralentir, se ranima et prit de nouveaux accroissemens; une sainte opiniâtreté le retint au milieu d'une si abondante moisson; il résolut d'en soutenir le travail et d'en porter lui seul tout le poids. Il sentit bien que son entreprise étoit au-dessus des forces humaines : il y suppléa par une invention que son ingénieuse charité lui suggéra. Il forma le dessein d'établir une habitation fixe dans un lieu qui fût comme le centre d'où il pût avoir communication avec tous ces peuples. Pour cela, il parcourut les diverses contrées, et, enfin, il s'arrêta sur les bords d'une grande rivière où se jettent les autres rivières qui arrosent presque tous les cantons habités par les différentes nations des Indiens. Ce fut là qu'à la tête de deux esclaves nègres qu'il avoit amenés de Cayenne, et de deux sauvages qui s'étoient attachés à lui, la hache à la main, il se mit à défricher un terrain spacieux. Il y planta du manioc, du blé d'Inde, du maïs et différentes autres racines du pays, autant qu'il en falloit pour la subsistance de ceux qu'il vouloit attirer auprès de lui. Ensuite, avec le secours de trois autres Indiens qu'il sut gagner, il abattit le bois dont il avoit besoin pour construire une chapelle et une grande case propre à loger commodément une vingtaine de personnes. Aussitôt qu'il eut achevé ces deux bâtimens il visita toutes les différentes nations et pressa chacunes d'elles de lui confier un de leurs enfans. Il s'était rendu si aimable à ces peuples et il avait pris un tel ascendant sur leurs esprits qu'ils ne purent le refuser. Comme il connois soit la plupart de ces enfans, il fit choix de ceux en qui il trouva plus d'esprit et de docilité, un plus beau naturel et des dispositions plus propres au projet qu'il avoit formé. Il conduisit comme en triomphe ces jeunes Indiens dans son habitation, qui devint pour lors un séminaire de catéchistes destinés à prêcher la loi de JésusChrist. Le père Lombard s'appliqua avec soin à cultiver ces jeunes plantes et se livra tout entier à une éducation qui devait être la source de la sanctification de tant de peuples. Il leur apprit d'abord la langue françoise et leur enseigna å lire et à écrire. Deux fois le jour, il leur faisoit des instructions sur la religion, et le soir étoit destiné à rendre compte de ce qu'ils avoient retenu. A mesure que leur esprit se développoit, les instructions devenoient plus fortes. Enfin, quand ils avoient atteint l'âge de dix-sept à dix-huit ans et qu'il les trouvait parfaitement instruits des vérités chrétiennes, capables de les enseigner aux autres, fermes dans la vertu et pleins du zèle qu'il leur avoit inspiré pour le salut des âmes, il les renvoyoit les uns après les autres, chacun dans leur propre nation, d'où il faisoit venir d'autres enfans qui remplaçoient les premiers. Quand ces jeunes néophytes parurent au milieu de leurs compatriotes, ils s'attirèrent aussitôt leur admiration, leur amour et toute leur confiance. Chacun s'empressait de les voir et de les entendre. Ils profitèrent, en habiles catéchistes, de ces dispositions favorables pour civiliser les peuples qui formoient leur nation et travailler ensuite plus efficacement à leur conversion. Après quelques mois d'instructions purement morales, ils entamèrent insensiblement les matières de la religion. Les jours entiers et une partie des nuits se passoient dans ce saint exercice, et ce fut avec un tel succès qu'ils en gagnèrent plusieurs à Jésus-Christ et qu'il ne se trouva aucun d'eux qui n'eût une connoissance suffisante de la loi chrétienne et qui ne fût persuadé de l'obligation indispensable de la suivre. Toutes les fois que ces jeunes catéchistes faisoient quelque conquête, ils ne manquoient pas d'en donner avis à leur père commun. Ils lui rendoient compte tous les mois du succès de leurs petites missions et lui marquoient le temps auquel il devoit se rendre dans leurs quartiers pour conférer le baptême à un certain nombre d'adultes qu'ils avoient disposés le recevoir. Pour ce qui est des enfans, des vieillards et des malades qui étoient en danger d'une mort prochaine, ils les baptisoient euxmêmes, et on ne peut dire de combien d'âmes ils ont peuplé le ciel après les avoir ainsi purifiées dans les eaux du baptême. Je vous laisse à juger, mon révérend père, quelle étoit la joie du missionnaire lorsqu'il recevoit ces consolantes nouvelles. Il visitoit plusieurs fois l'année ces différentes nations, et il retournoit toujours à son petit séminaire chargé de nombreuses dépouilles qu'il avoit remportées sur la gentilité par le ministère de ses chers enfans. pour un missionnaire destitué de tout secours el ne trouvant que de la bonne volonté dans une troupe de néophytes qui sont sans argent et sans négoce. Son zèle, toujours ingénieux, lui fournit une nouvelle ressource. Les Indiens qui devoient former la peuplade étoient formés en cinq compagnies qui avoient chacune leur chef et leurs officiers subalternes. Le père les assembla et leur proposa le moyen que Dieu lui avoit inspiré pour procurer la prompte exécution de leur entreprise. Ce moyen étoit que chaque compagnie s'engageât à faire une pirogue (c'est un grand bateau qui peut contenir environ cinq cents hommes ). L'entrepreneur consentoit de prendre ces pirogues sur le pied de 200 livres chacune. Quoique ces Indiens soient naturellement indolens et ennemis de tout exercice pénible, ils se portèrent à ce travail avec une extrême Le père Lombard passa environ quinze ans dans ces travaux, toujours occupé ou à former d'habiles catéchistes, ou à aller recueillir les fruits qu'ils faisoient, ou à visiter les chrétien-activité, et en peu de temps les pirogues furent tés naissantes. Cependant, comme ces chrétientés devenoient de jour en jour plus nombreuses par les soins des jeunes Indiens qu'il avoit formés, il ne lui étoit pas possible de les cultiver et d'entretenir en même temps son séminaire : il falloit renoncer à l'un ou à l'autre de ces soins. Dans l'embarras où il se trouva, il prit le dessein de réunir tous les chrétiens dans une même bourgade. C'étoit une entreprise d'une exécution très-difficile. Une demeure fixe est entièrement contraire au génie de ces peuples; l'inclination qui les porte à mener une vie errante et vagabonde est née avec eux et est entretenue par l'habitude que forme l'éducation. Cependant leur penchant naturel céda à la douce éloquence du missionnaire. Toutes les familles véritablement converties abandonnérent leur nation et vinrent s'établir avec lui dans cette agréable plaine qu'il avoit choisie sur les bords de la mer du nord, à l'embouchure de la rivière de Korou. Cette nouvelle colonie est actuellement occupée à bâtir une église, à former un grand village et à défricher le terrain qui a été assigné à chaque nation. La difficulté étoit de dresser le plan de cette église, de diriger les ouvriers qui y devoient travailler. Le père Lombard fit venir de Cayenne un habile charpentier, qui pouvoit servir d'architecte dans le besoin. On convint avec lui de la somme de 1,500 livres. Toute modique que paroît cette somme, elle étoit excessive achevées. Il restoit encore 500 livres à payer à l'entrepreneur. Le père trouva de quoi suppléer à cette somme parmi les femmes indiennes. Elles voulurent contribuer aussi de leur part à une œuvre si sainte, et elles s'engagèrent de filer autant de coton qu'il en falloit pour faire huit hamacs (ce sont des espèces de lits portatifs qu'on suspend à des arbres). L'architecte les prit en paiement du reste de la somme qui lui étoit due. Tandis que les femmes filoient le coton, leurs maris étoient occupés à abattre le bois nécessaire à la construction de l'église. C'est ce qui s'exécuta avec une promptitude étonnante. Ils avoient déjà équarri et rassemblé les pièces de bois, selon la proportion que leur avoit marquée l'architecte, lorsqu'il survint un nouvel embarras. Il s'agissoit de couvrir l'édifice, et pour cela il falloit des planches et des bardeaux ; mais nos sauvages n'avoient nul usage de la scie. La ferveur des néophytes leva bientôt cette difficulté. Au nombre de vingt ils allèrent trouver un François, habitant de Cayenne, qui avoit deux nègres très-habiles à manier la scie; ils lui demandèrent ces deux esclaves, et ils s'offrirent de le servir pendant tout le temps qu'ils seroient occupés à faire le toit de l'église. Celte offre étoit trop avantageuse pour n'être pas acceptée; les sauvages servirent le François en l'absence des nègres, et les négres finirent ce qui restoit à faire pour l'entière construction de l'église. des et la mort ne nous a enlevé personne. Le père de Montville n'a pas été aussi heureux que moi: le mal de mer l'a tourmenté toute la route. Pour moi, j'ai profité de la santé que Dieu m'a accordée pour dire tous les jours la messe à ceux de l'équipage qui pouvoient l'entendre et pour faire des exhortation toutes les fêtes. J'ai eu la consolation d'en voir une grande partie s'approcher des sacremens, et plusieurs matelots ont fait leur première communion dans le vaisseau. Je vous avoue que j'ai quitté avec regret ces bonnes gens, en qui j'ai trouvé toute la simplicité de la foi. Telle est, mon révérend père, la situation | du soleil et de la disette d'eau où nous nous de cette chrétienté naissante: elle donne, sommes trouvés durant plus d'un mois, il n'y comme vous voyez, de grandes espérances; a eu, grâce au Seigneur, que très-peu de malamais ce qu'il y a de triste et d'affligeant, c'est qu'une si grande étendue de pays demanderoit au moins dix missionnaires et que le père Lombard se trouve seul; que bien qu'il soit d'un âge peu avancé, il a une santé usée de fatigues qui nous fait craindre à tout moment de le perdre, et que s'il venoit à nous manquer sans avoir eu le temps de former d'autres missionnaires et de leur apprendre les langues du pays, que lui seul possède, cet ouvrage, qui lui a coûté tant de sueurs et de travaux et qui intéresse si fort la gloire de Dieu, courroit risque d'être entièrement ruiné. Vous êtes en état, mon révérend père, de prévenir ce malheur, vous en connaissez l'importance et nous sommes assurés de votre zèle. Ainsi nous espérons que vous nous procurerez au plus tôt un nombre d'ouvriers apostoliques, capables par leurs talens, par leur patience et par leur vertu de recueillir une moisson si fertile. Je suis avec respect, etc. LETTRE DU P. LAVIT AU P. DE LA NEUVILLE, Traversée de La Rochelle à Cayenne. Etat de la colonie. - MON RÉVÉREND PÈRE, La paix de N. S. Je croirois manquer à la reconnoissance que je vous dois de tant de marques d'amitié que vous me donnâtes avant mon départ de Paris, si je différois de vous faire en peu de mots le récit de mon voyage et de la première entrevue que j'ai eue avec nos sauvages dès les premiers jours de mon arrivée à Cayenne. Nous partîmes de La Rochelle, comme vous le savez, le 3 juillet: le calme et les vents contraires ne nous permirent de mouiller devant Cayenne que le 21 de septembre. Il y avoit près de deux cents personnes sur notre bord, et quoique dans cette traversée, qui a été assez longue, nous ayons eu à souffrir et des ardeurs Peu de jours après mon arrivée à Cayenne, je fus appelé à une habitation qui est de sa dépendance, quoiqu'elle en soit éloignée de quinze lieues dans les terres; c'étoit pour administrer les sacremens à un malade. Dans ce petit voyage, que je fis partie sur l'eau et partie dans les bois, je trouvai sur ma route deux familles de sauvages. Ce fut pour moi un touchant spectacle de voir pour la première fois ces pauvres infidèles et la misérable vie qu'ils mènent; je m'arrêtai dans leur carbet environ une heure; il n'y eut que les enfants que ma présence effaroucha; les autres vinrent à moi avec moins de peine et je les apprivoisai encore davantage en leur distribuant le peu d'eau-de-vie que j'avois portée avec moi et en leur faisant quelques petits présens. J'aurois été très-embarrassé avec eux si le nègre qui me conduisoit n'avoit pas su leur langue: il me servit de truchement, et avec son secours je fis connoître à ces pauvres sauvages que, vivant comme ils faisoient dans l'ignorance du vrai Dieu, ils étoient dans un état de perdition; qu'ils avoient une âme immortelle et que s'ils négligoient de se faire instruire, des feux éternels seroient leur partage aussitôt après leur mort; qu'ils pouvoient éviter ce terrible malheur; que pour cela ils n'avoient qu'à aller trouver le père Lombard, qui sait parfaitement leur langue, ques'ils faisoient cette démarche, ce père les recevroit à bras ouverts et prendroit d'eux le même soin que le père le plus tendre prend de ses enfants. Je vis à leur air qu'ils étoient touchés de ce discours. Ils me répondirent qu'ils ne vouloient point être malheureux dans cette vie et dans l'autre ; qu'avec plaisir ils iroient trouver le | daignèrent pas en sortir pour me recevoir. père Lombard, mais qu'ils n'étoient pas maîtres Dès que le premier capitaine m'aperçut, il se d'eux-mêmes, qu'ils vivoient dans la dépen-mit à rire de toutes ses forces, ce qui me semdance de leurs chefs, auxquels ils obéiroient bla de mauvais augure; cependant il me fit sis'ils entroient dans mes vues; qu'actuellement gne d'approcher ma main de la sienne, et cette ils étoient à la pêche, et que si je voulois repasser légère marque d'amitié me donna du courage. chez eux, je les trouverois de retour sur le Je m'assis sur un tronc d'arbre qui étoit aumidi. près de son hamac, et comme lui et le second Je sortis assez content de ma visite, et leur capitaine me parurent assez disposés à m'enayant donné parole de revenir, j'allai au se- tendre, je leur répétai ce que j'avois dit le macours du moribond pour lequel on m'avoit ap-tin à leur famille; puis je leur ajoutai que je pelé, et dont l'habitation n' étoit qu'à une petite n'avois d'autre vue que de leur procurer une lieue de la demeure de ces sauvages. Après vie heureuse; qu'il étoit enfin temps d'ouvrir avoir dit la messe et confessé le malade, je lui les yeux à la lumière et de sortir de leurs ténèdonnai le saint viatique. Il trouva dans la par- bres; qu'ils n'avoient que trop résisté à la voix ticipation des sacrements la santé du corps de Dieu, qui les pressoit, et par lui-même et aussi bien que celle de l'âme, car dès le jour par ses ministres, de renoncer à leurs folles même, non-seulement il fut hors de danger, superstitions et d'embrasser la religion chrémais il se vit entièrement délivré de la fièvre, quoiqu'il eût passé la nuit précédente dans un délire continuel et que depuis trois jours on désespérât de sa vie. Comme je le vis en train de guérison, je ne songeai plus qu'à aller revoir mes sauvages. Avant que de sortir de la maison, je m'informai quel était le caractère et la manière de vie de ces barbares. On me répondit qu'ils vivoient comme des bêtes, sans aucun culte et presque sans nulle connoissance de la loi naturelle; que leur principal chef avoit mis sa propre fille au nombre de ses femmes; qu'en vain tenterois-je de les engager dans un autre train de vie que celui qu'ils mènent; qu'ils ne daigneroient seulement pas m'écouter; qu'on avoit déjà fait divers efforts pour leur persuader de faire un voyage à Kourou, et qu'on n'avoit jamais pu y réussir. tienne; que s'ils vouloient me suivre à Kourou, je les mettrois entre les mains d'un vrai père, qui les recevroit avec bonté et qui leur faciliteroit les moyens de s'y établir avec leur famille. C'est alors que je reconnus quelle est la force de la grâce sur les cœurs les plus endurcis: ils me répondirent qu'ils étoient sensibles à mon amitié et qu'ils étoient prêts à faire ce que je souhaitois. Il fut conclu que nous partirions ensemble le lendemain matin, et c'est ce qui s'exécuta. Je les conduisis à Kourou, qui est éloigné de leurs bois d'environ dix-huit lieues. L'aimable accueil que leur fit le père Lombard les engagea encore davantage; il convint avec eux qu'après qu'ils auroient fait leur récolte de manioc, qui est une racine dont ils font leur pain, il leur prêteroit sa pirogue afin d'y mettre leur bagage et d'amener leur famille, composée de vingt personnes. Cette idée qu'on me donnoit de ces Indiens ralentissoit fort le zèle que je me sentois de Si je fus touché de compassion en voyant continuer la bonne œuvre que je n'avois qu'é- l'état déplorable où se trouvoient les sauvages bauchée: cependant, ranimant toute ma con- que je conduisois à Kourou, je fus bien confiance en Dieu, je ne crus pas devoir céder à solé de voir le progrès rapide que la religion a cet obstacle, et comme le Seigneur emploie fait dans le cœur des Indiens qui composent quelquefois ce qu'il y a de plus vil pour rap- cette église naissante. Je ne pus retenir mes procher de lui ceux qui en paroissent le plus larmes en voyant le recueillement, la modeséloignés, je me persuadai que j'aurois un re- tie et la dévotion avec laquelle ces différentes proche éternel à me faire si je négligeois d'en-nations de sauvages rassemblés assistoient aux tretenir les chefs, ainsi que je l'avois promis à divins mystères. Ils chantèrent la grand'messe leur famille. avec une piété qui en auroit inspiré aux plus Lorsque j'entrai dans leurs carbets, je les tièdes et aux plus dissipés. Après l'Évangile, le trouvai de retour de la pêche; ils étoient tran-père Lombard monta en chaire: les larmes des quillement couchés dans leur hamac et ils ne Indiens firent l'éloge du prédicateur. Comme |