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à y trouver la double ou même la triple mesure itinéraire que jai indiquée ailleurs. La petite cosse répond assez bien à vingt-quatre minutes de chemin et par conséquent au naliguei tamoul et au ghadia telougou. La grande cosse répondra au parouvou telougou et au haradari du Maissour. La grande mesure de trois ou quatre heures de chemin est connue dans la langue maure ou indoustane sous le nom de gaou.

Dans cette diversité de cosses, il résulte un inconvénient qui pourroit faire tomber en erreur les géographes d'Europe. Nos voyageurs européens dans les Indes, ayant appris des Maures à compter par cosses, se servent ensuite de ce terme même dans les pays où il n'est pas usité, et peu d'accord entre eux sur la longueur de celle mesure, ils lui attribuent les uns une demi-lieue, les autres trois quarts de lieue de chemin. Cette différence vient du lieu où ils ont commencé à compter par cosses; quelque part qu'ils aillent ensuite, ils attribuent toujours la même longueur à leurs cosses, ce qui ne peut manquer de jeter de la confusion dans leurs mémoires et de la différence entre leurs diverses relations. Une carte de l'Inde qui auroit été dressée en conséquence ne pourroit manquer d'être très-fautive.

Ma méthode a été, tant dans la carte des voyages du père de Mont-Justin dans l'Indoustan, dressée sur ses mémoires, que dans les autres recherches que j'ai faites en ce genre, d'avoir autant qu'il étoit possible la position exacte de certains endroits principaux connus ou par quelque observation de la hauteur du pôle ou par la combinaison de plusieurs relations dont je connoissois et les auteurs et le temps qu'ils donnoient pour parcourir les mesures itinéraires dont ils s'étoient servis. Ces points principaux, surtout s'ils sont multipliés, sont, comme pour les navigateurs, différens points de départ qui servent à redresser leur route et empêcher les erreurs de s'accumuler les unes sur les autres. C'est tout ce qu'on peut faire de mieux en un pays comme celui-ci; vous pouvez mettre au nombre des plus fortes exagérations ce qu'on pourroit vous dire de certaines cartes de l'Inde levées par des triangles géométriques.

Je finis en disant encore un mot sur les cosses et les gaous. Il ne paroît pas douteux que le mot de cosse ne soit très-ancien, puisqu'il est de la

langue indoustane, très-ancienne elle-même. Le nom de kossaios, que M. D*** trouve dans Étienne de Bysance donné à un courrier indien, le confirme; mais je doute si ce nom n'a point été inventé par les Grecs mêmes. Les Maures ont plusieurs sortes de courriers qu'ils nomment en général alcala. Les uns courent sur des dromadaires, et quand ils sont bien montés, ils font, dit-on jusqu'à cinquante cosses par jour : ces courriers se nomment chouttra assouari ou daca assouari. Les autres ne sont que des messagers à pied; ils se nomment cassal et font, dit-on, jusqu'à trente cosses en un jour. Il y en a une autre sorte qui font une partie du saltanat ou de la suite des seigneurs maures: on les appelle paec. Il n'y a point de courriers à cheval dans l'Indoustan, ce que je remarque à cause du mot assouari, qui ressemble fort à celui d'assouam, lequel dans la langue savante signifie un cheval. Ne seroit-ce point du mot cassal, qui ne dérive nullement de celui de cosse, que les voyageurs grecs auroient formé celui de kossaios.

J'ai l'honneur d'être, etc.

LETTRE

Sur les missionnaires des Indes, écrite par un homme du monde au père Patouillet.

Vous m'avez souvent prié, monsieur, de vous donner quelques connoissances de l'Inde sur ce qui a rapport aux missions: mes occupations m'en ont jusqu'à présent empêché, et débarrassé désormais de toute affaire, je profite avec plaisir des premiers momens de mon temps pour vous satisfaire; je vous parle en homme désintéressé et vous préviens d'avance que la vérité seule me dictera le petit détail dans lequel je vais entrer.

J'ai passé huit années dans l'Inde, tant à Pondichéry qu'à Madras. Lassé d'entendre lenir des propos sur la conduite de vos missionnaires, tenté même d'y ajouter foi, je voulus m'éclaircir du vrai ; j'eus pour cet effet plusieurs conférences avec vos missionnaires et ceux d'un autre ordre. Je ne m'en tins pas là, je questionnai les brames, qui sont comme vous le savez, les prêtres des Gentils. Voici mot pour

mot la conversation d'un de ces brames. Afin de tirer plus de lumières de lui, je feignis de blåmer la conduite de vos missionnaires dans les terres, disant qu'ils ne s'occupoient qu'au commerce et que le bénéfice qu'ils tiroient de ce même commerce les affectoit beaucoup plus que la conversion des Gentils : «Vous vous trompez grossièrement, me répondit le brame, si vous pensez ainsi; quoique mon état et ma religion exigent de moi de vous laisser dans l'erreur, les obligations que je vous ai m'engagent à vous tirer de celle où vous êtes, non que je croie votre religion meilleure que la mienne, mais je veux qu'il soit dit parmi votre nation qu'un prêtre gentil n'est pas homme à en imposer mais revenons à la chose.

>> Les brames du nord sont d'honnêtes gena, et je ne leur connois d'autre défaut que celui d'être dans une mauvaise religion. Ils quittent leur pays d'Europe où ils ont leurs parens, leurs amis et où, dit-on, ils sont assez généralement estimés ; ceux que j'ai connus sont gens d'esprit. Voici la vie qu'ils mènent dans les terres. Ils sont habillés fort modestement, font la plus mauvaise chère du monde, et je suis toujours étonné comment ils y résistent; ils ne mangent rien de ce qui a vie: ce n'est point, comme se l'imaginent leurs ennemis, pour se conformer à la façon de vivre des brames gentils, c'est par pure mortification; ils passent une partie du jour à la prière, souvent se lèvent pendant la nuit pour le même exercice. Leur plus grande occupation est d'élever les jeunes gens dans la religion qu'ils professent; ils donnent tout ce qu'ils ont aux pauvres, jugent des différends qui s'élèvent entre leurs chrétiens, qu'ils regardent tous comme leurs frères, ils les accordent ensemble, leur prêchent l'union; s'ils ont quelque crédit auprès des gouverneurs des forteresses ou des nababs, ils l'emploient pour empêcher les persécutions. que ceux de notre religion feroient aux chrétiens; si quelqu'un les insulte, ils lui font des politesses; ils mènent enfin la vie du monde la plus exemplaire, et si je n'étois pas brame de l'Inde, je voudrois l'être du nord. Quant au commerce que vous dites qu'ils font dans les terres, je n'en ai jamais eu la moindre connoissance, et si cela étoit je le saurois certainement et je vous le dirois de bonne foi.

Nom que les Gentils donnent aux missionnaires.

Si

vous n'étiez pas un brame, lui répondis-je, je croirois votre témoignage suspect; mais comment répondrez-vous à la question que je m'en vais vous faire ? Pourquoi les brames du nord, qui regardent, dites-vous, tous les chrétiens comme leurs frères, ont-ils un si grand mépris pour les gens que vous appelez parias'? car enfin, selon notre religion, ces mêmes parias sont aussi chers à Dieu que les autres hommes d'un état plus distingué. -Arrêtez, monsieur, me dit le brame, ne confondez pas le mépris avec la distinction des états. Les brames du nord n'ont point de mépris pour les parias par principe de religion; mais vous-même et les autres François tenez la même conduite dans vos colonies; chaque état est distingué chez vous: le soldat n'ira pas manger à votre table; un simple habitant, quoique blanc, n'ira pas chez le gouverneur comme vous y allez. Il en est de même chez nous: ces gens qu'on appelle parias sont destinés aux plus vils emplois; plusieurs s'adonnent à la débauche, ils boivent beaucoup de cette liqueur qu'on appelle raque et perdent par là l'usage de la raison: a-t-on tort de les regarder différemment de ceux qui tiennent une conduite régulière, qui ont des mœurs et une façon de penser plus relevée ? Bien loin d'approuver les brames du nord, je les blâme fort de regarder ces gens-là comme leurs frères, de les nourrir, de les faire travailler à la culture des terres et de leur donner généralement tous les secours dont ils ont besoin. Vous êtes à même de le voir dans cette ville, leur maison est pleine de ces gens-là : sont-ils malades, ils ont des remèdes gratis et sont mieux traités que nous, qui sommes bra-mes, nous ne traiterions peut-être nos confrères. Mais, lui répondis-je, à quoi bon cette distinction qu'ils ont dans leurs églises en faisant mettre les parias dans une chapelle ou endroit séparé ? Si vous n'étiez pas un homme de bon sens, me repartit le brame, je vous pardonnerois de donner dans des petitesses pareilles. Je fonde mon raisonnement sur une petite comparaison que je vais vous faire. Pourquoi dans vos églises le gouverneur et les premiers de la ville sont-ils séparés des derniers? Voici le même cas des parias. Et qu'importe en quel endroit du temple on soit placé s'il est vrai, comme vous le dites, qu'il n'y ai

'Gens de la plus basse extraction.

qu'un Dieu dans votre religion et que ce même | gravées comme celles des Gentils pour les ma

Dieu soit partout? Vous croiriez à m'entendre que je suis prêt à me convertir? Je vous avouerai de bonne foi que si mon intérêt, mon rang et ma famille ne m'obligoient pas à un certain extérieur, que nous ne tenons cependant que des préjugés de l'enfance, je me ferois brame du nord dés demain, tant j'admire la conduite le ces hommes-là. Avez-vous encore quelques questions à me faire? me dit-il. - Non,» lui répondis-je, et nous nous quittâmes.

riages qu'ils font, et n'y a-t-il pas encore plus d'absurdité au public à le croire? Le thaly ou la médaille dont se servent vos missionnaires pour la célébration des mariages est la même chose qu'un anneau conjugal qu'on donne en France; cette médaille a différentes formes, tantôt c'est l'image de la sainte Vierge, tantôt un cœur sur lequel est gravé le saint nom de Jésus ou même quelquefois une croix. Voilà, mon père, le vrai, je l'ai vu moi-même cent fois pendant mon séjour aux Indes. Mais toutes ces calomnies doivent-elles nous étonner? la vertu et le mérite ont été persécutés de tous temps. Si vos

J'avouerai de bonne foi, mon révérend père, qu'on se laisse souvent prévenir aisément faute d'éclaircissemens; je me suis trouvé dans ce cas plus que tout autre. Mais si nous cher-missionnaires, indifférens sur le salut des Inchions la source de tous les bruits qui courent sur le compte de vos missionnaires, nous la trouverions peut-être chez ceux qu'une même religion et un même état devroient engager à cacher plutôt que de mettre au jour les défauts de leurs compatriotes. Oui, mon révérend père, tous ces bruits sont assurément dépourvus de toute vraisemblance.

A l'égard des cérémonies qui ont rapport à celles de la gentilité et qu'on reproche comme telles à vos missionnaires, rien de plus mal fondé. Premièrement, la cendre de bois de sandal dont ils se frottent le corps et les cheveux ne tient non plus de la gentilité que la poudre et la pommade en France: c'est une cendre odoriférante fort saine même au corps. L'autre cérémonie est celle de la bouse de vache détrempée dans de l'eau dont ils frollent le pavé de leurs maisons. Quoi! ne seroit-il permis qu'aux seuls Indiens gentils de se préserver des insectes dont la plupart des maisons sont remplies? Pour moi, mon révérend père, qui ne suis ni missionnaire ni idolâtre, je me suis souvent servi de ce moyen qui est le seul pour faire mourir les fourmis rouges et les punaises, qui incommodent beaucoup dans l'Inde. Vous voyez, quand on veut se donner la peine d'éclaircir les choses, souvent ce qui nous paroît un fantôme n'est rien.

Une autre cérémonie que vos missionnaires permettent, suivant vos ennemis, est un thaly ou espèce de médaille que les Indiens idolâtres attachent au cou des filles lorsqu'elles se marient. Il est vrai que sur ces médailles les Gentils gravent des figures qui font honte à la pudeur; mais n'y a-t-il pas de la noirceur d'oser dire que les jésuites se servent de ces médailles

diens, menoient une vie tranquille et douce comme la dureté du climat sembleroit le demander, peut-être n'auroient-ils pas tant d'ennemis. Je souhaiterois, mon révérend père, avoir une plume assez bonne pour dissuader ceux qui jugent d'un pays éloigné de six mille lieues avec tant de partialité. Qu'a-t-on au surplus à craindre lorsqu'on n'a rien à se reprocher? Si vos missionnaires sont calomnies et persécutés en ce monde, la récompense de l'autre vie, qui sera le fruit de leurs travaux, les indemnisera de ce qu'ils auront souffert en celle-ci. Je suis, etc.

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Il y a sept mois que je suis entré dans la mission de Carnate et que je demeure à Tarcolan, grande ville qui est au milieu des terres à la hauteur de Madras et de Saint-Thomé, au troisième degré de latitude septentrionale; elle est éloignée de Pondichéry d'environ trente lieues et située dans le vaste continent qu'on appelle communément la presqu'île en deçà le Gange.

Il y a dans cette péninsule plusieurs grandes villes qui sont assez peuplées, mais qui n'ont rien de la beauté ni de la magnificence de celles d'Europe, les maisons n'étant pour la plupart que de terre, peu élevées et couvertes de

paille. Les principales nations qui habitent ce pays, depuis le cap Comorin du côté du sud jusqu'à Agra, capitale de l'Indoustan, vers le nord, sont les Tamoulers, les Badages, les Marattes, les Canaras et les Maures, qui depuis quelques années se sont rendus les maîtres de la plus grande partie de ces provinces.

Le pays est chaud, la terre sèche et sablonneuse; on y voit peu d'arbres dont le fruit soit bon. On y trouve beaucoup de cocotiers et de palmiers; on en fait la raque: c'est une liqueur assez forte et capable d'enivrer. Les campagnes sont couvertes de riz; elles produisent aussi du blé, mais il n'est pas estimé des Indiens. Les légumes y sont bons; cependant comme ils sont fort différens de ceux d'Europe, nous avons de la peine à nous y accoutumer. Les principaux fruits de ce pays sont la mangue, qui est une espèce de pavie; la banane, qui ressemble à la figue; les melons d'eau,qui ne sont pas si bons que ceux d'Europe; les papayes, qui ont la même couleur que celle de nos melons ordinaires, mais dont la chair n'est pas si ferme 1.

Les Indiens de ces terres sont polis, mais leur politesse est outrée et embarrassante ; ils ont de l'esprit, ils sont grands, bien faits et exempts de la plupart des vices qui ne sont que trop communs parmi les peuples de l'Europe. Leurs enfans marchent de bonne heure: à peine ont-ils trois mois qu'ils se traînent sur la terre; ils sont rouges d'abord, ou plutôt d'une couleur de café bien teint.

Les brames, qui sont les nobles et les savans du pays, sont pauvres pour la plupart : ils n'en sont ni moins estimés ni moins fiers, parce que la vrai grandeur chez les Indiens se tire de la naissance seule et non pas des richesses. Leur vie est frugale: ils ne mangent ni viande, ni œufs, ni poissons; ils se contentent de riz, de lait et de quelques légumes. Ils sont les dépo

Il y a des papayers de différentes espèces. Ces arbres pour la plupart ressemblent à des palmiers; on en trouve d'épineux. La Guyane, le Brésil, le Chili, le Pérou en possèdent; il en croit surtout aux Moluques et dans l'Océanie. Le papayer de l'Inde donne un fruit ovale qui varie de grosseur selon le climat et le terrain. Ce fruit est sillonné et plein d'une pulpe dont la pellicule est jaune à sa maturité; il est succulent et aromatique, la saveur en est douce et assez agréable. On le mange cuit à l'eau avant sa maturité; on le mange cru comme les melons ou confit lorsqu'il est bien mûr.

sitaires des sciences, et il n'est permis qu'à eux d'étudier et de devenir savans. Comme ils n'ont point d'imprimerie, tous leurs livres sont écrits à la main et en fort beaux caractères sur des feuilles de palmiers; ils se servent pour écrire d'un stylet de fer qu'ils manient avec une adresse admirable.

Les Indiens passoient anciennement pour être très-habiles en toutes sortes de connoissances; mais maintenant ils sont bien déchus de cette réputation. Ils se piquent pourtant encore de savoir l'astronomie ; il y en a même qui prédisent les éclipses: celle du soleil qui arriva au mois de novembre de l'année 1704 étoit marquée dans le livre Panjangam, qui est comme la table des saisons de l'année; le calcul ne s'en trouva pas tout à fait juste ni conforme à celui du père Tachard, qui observa cette éclipse et qui en marqua le temps avec plus de précision, le commencement à 8 heures 57 minutes, la plus grande obscurité de six doigts à 11 heures 30 minutes et la fin à 1 heure 28 minutes.

Les brames ont encore des livres de médecine, mais ces livres leur sont assez inutiles, parce qu'ils n'ont presque aucune connoissance de l'anatomie. Toute leur science consiste en quelques secrets et dans l'usage de certains simples dont ils se servent avec succès. Ils estiment beaucoup leurs histoires, qui sont écrites en vers et qui contiennent les exploits fabuleux de leurs divinités et de leurs plus célèbres pénitens : les fables les plus grossières dont elles sont remplies passent dans leur esprit pour des vérités incontestables. J'ai auprès de moi un brame idolâtre qui lit quelquefois en ma présence un de ces livres, appelé Ramayenam, c'est-àdire la Vie du dieu Ramen. Cette lecture l'attendrit souvent jusqu'à lui faire verser des larmes.

Le livre de la loi écrit en samouseredam, qui est la langue savante, est celui qu'ils estiment davantage; cependant il n'y a personne parmi eux qui l'entende: ils ne laissent pas de l'apprendre par cœur, dans la pensée qu'ils ont qu'il suffit d'en réciter quelques mots pour obtenir la rémission de ses péchés. Quoique je leur aie fait voir que cette loi, n'étant entendue de personne, est non-seulement fausse mais inutile, que la véritable loi établie de Dieu pour le salut des hommes doit être intelligible afin que tout le monde connoisse la volonté de Dieu

et les moyens qu'ils ont de se sauver, ce dis- | ber et où il faisoit son séjour ordinaire. Tou-

cours n'a fait nulle impression sur leur esprit, tant ils sont entêtés de leurs anciennes erreurs. Au travers de toutes les fables grossières qu'ils débitent, on remarque que nos livres sacrés ne leur ont pas été inconnus, car ils font mention du déluge, d'une arche et de plusieurs autres choses semblables. Ils assurent que leur dieu Vichnou a paru plusieurs fois sur la terre, pour le bien des hommes, tantôt sous la figure d'un homme, tantôt sous celle d'une bête ou d'un poisson; ils s'attendent qu'il paroîtra bientôt parmi eux sous la figure d'un cheval.

On ne peut voir un si déplorable aveuglement sans être pénétré de douleur; mais il n'est pas facile de désabuser ces peuples: quand on leur remet devant les yeux tout ce qu'il y a d'extravagant dans leur créance, ils répondent froidement qu'ils ne suivent que la pure parole de Dieu et qu'ils ne sont pas plus sages que leurs ancêtres et leurs docteurs. On trouve cependant quelques brames qui, plus éclairés el plus spirituels que les autres, avouent de bonne foi que tout ce qu'on débite au peuple n'est qu'un tissu de fables dont on l'amuse, mais il en est peu qui fassent un aveu si sin

cère.

OBSERVATIONS GÉOGRAPHIQUES

faites en 1734 par des pères jésuites pendant leur voyage de Chandernagor å Dely et à Jaëpour.

Le raja d'Amber, Jassing-Savaë, dont les gazelles d'Europe firent mention en 1728 ou 1729 au sujet d'un voyage en Portugal que le révérend père Figueredo, jésuite portugais, fit par ses ordres, mourut en 1743. C'étoit un prince riche, puissant et savant dans l'astronomie, pour laquelle il avoit fait des dépenses immenses. Il entretenoit plusieurs astronomes qui observoient jour et nuit sans discontinuer dans différens observatoires bâtis magnifiquement à ses frais, surtout à Dely dans un grand faubourg dépendant de lui, appelé pour cette raison Jassing-Poura, et à Jaëpour', ville considérable et grande au moins comme Orléans, qu'il a fait bâtir à un peu plus d'une lieue d'Am

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tes les rues de cette ville sont larges et tiréesau cordeau, et elle est, dit-on, en petit ce que Dely est en grand.

Ce prince ayant demandé des pères jésuites de Chandernagor, l'espérance de le rendre encore plus favorable aux chrétiens, en faveur de qui il avoit déjà commencé une église dans sa nouvelle ville, détermina leur supérieur géné– ral dans les Indes à lui en envoyer deux, qui partirent de Chandernagor le 6 janvier de l'année 1734 et qui firent les observations géogra– phiques qu'on va rapporter. C'est tout ce que leur a permis de faire en ce genre l'incommodité des voyages en ce pays-ci, surtout lorsqu'il faut les faire par terre, et leur mauvaise santé, tous les deux avant leur retour ayant pensé mourir de maladie causée par les fatigues et les mauvaises eaux qu'on est obligé de boire en chemin.

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