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La foi qui n'agit point, est-ce une foi sincère?
Huit ans déjà passés, une impie étrangère
Du sceptre de David usurpe tous les droits,
Se baigne impunément dans le sang de nos rois;
Des enfants de son fils détestable homicide,
Et même contre Dieu lève son bras perfide.
Et vous, l'un des soutiens de ce tremblant état,
Vous, nourri dans les camps du saint roi Josaphat,
Qui, sous son fils Joram, commandiez nos armées,
Qui rassurâtes seul nos villes alarmées,
Lorsque d'Ochosias le trépas imprévu
Dispersa tout son camp à l'aspect de Jéhu:
Je crains Dieu, dites-vous, sa vérité me touche !
Voici comme ce Dieu vous répond par ma bouche:
Du zèle de ma loi que sert de vous parer ?
Par de stériles vœux pensez-vous m'honorer ?
Quel fruit me revient-il de tous vos sacrifices?
Ai-je besoin du sang des boucs et des génisses ?
Le sang de vos rois crie et n'est point écouté;
Rompez, rompez tout pacte avec l'impiété,
Du milieu de mon peuple exterminez les crimes,
Et vous viendrez alors m'immoler vos victimes.

ABNER.

Eh! que puis-je au milieu de ce peuple abatlu ? Benjamin est sans force et Juda sans vertu. Le jour qui de leurs rois vit éteindre la race, Eteignit tout le feu de leur antique audace. Dieu même, disent-ils, s'est retiré de nous;

De l'honneur des Hébreux autrefois si jaloux,
Il voit sans intérêt leur grandeur terrassée,

Et sa miséricorde à la fin s'est lassée.

On ne voit plus pour nous ses redoutables mains
De merveilles sans nombre effrayer les humains;
L'arche sainte est muette et ne rend plus d'oracles.

JOAD.

Et quel temps fut jamais si fertile en miracles ? Quand Dieu par plus d'effets montra-t-il son pouvoir ? Auras-tu donc toujours des yeux pour ne point voir, Peuple ingrat? Quoi ! toujours les plus grandes merveilles, Sans ébranler ton cœur, frapperont tes oreilles ? Faut-il, Abner, faut-il vous rappeler le cours Des prodiges fameux accomplis en nos jours? Des tyrans d'Israël les célèbres disgrâces, Et Dieu trouvé fidèle en toutes ses menaces ? L'impie Achab détruit, et de son sang trempé Le champ que par le meurtre il avait usurpé;

Près de ce champ fatal Jézabel immolée ;
Sous les pieds des chevaux cette reine foulée;
Dans son sang inhumain les chiens desaltérés,
Et de son corps hideux les membres déchirés;
Des prophètes menteurs la troupe confondue,
Et la flamme du ciel sur l'autel descendue;
Elie, aux éléments parlant en souverain,
Les cieux par lui fermés et devenus d'airain,
Et la terre, trois ans, sans pluie et sans rosée;
Les morts se ranimant à la voix d'Elisée!

:

Reconnaissez, Abner, à ces traits éclatants,
Un Dieu tel aujourd'hui qu'il fut dans tous les temps;
Il sait, quand il lui plaît, faire éclater sa gloire,

Et son peuple est toujours présent à sa mémoire.

ABNER.

Mais où sont ces honneurs à David tant promis, Et prédits même encore à Salomon son fils ? Hélas! nous espérions que de leur race heureuse Devait sortir de rois une suite nombreuse; Que, sur toute tribu, sur toute nation, L'un d'eux établirait sa domination, Ferait cesser partout la discorde et la guerre, Et verrait à ses pieds tous les rois de la terre.

JOAD.

Aux promesses du ciel pourquoi renoncez-vous ?

ABNER,

Ce roi, fils de David, où le chercherons-nous ?

Le ciel même peut-il réparer les ruines

De cet arbre séché jusque dans ses racines?
Athalie étouffa l'enfant même au berceau.

Les morts, après huit ans, sortent-ils du tombeau ?

Ah ! si dans sa fureur elle s'était trompée !

Si du sang de nos rois quelque goutte échappée...

JOAD.

Eh bien ! que feriez-vous?

ABNER.

O jour heureux pour moi!

De quelle ardeur j'irais reconnaître mon roi !
Doutez-vous qu'à ses pieds nos tribus empressées ?..
Mais pourquoi me flatter de ces vaines pensées!
Déplorable héritier de ces rois triomphants,
Ochosias restait seul avec ses enfants;
Par les traits de Jéhu je vis percer le père;
Vous avez vu les fils

massacrés par la mère.

JOAD.

Je ne m'explique point; mais, quand l'astre du jour
Aura sur l'horizon fait le tiers de son cours,
Lorsque la troisième heure aux prières rappelle,
Retrouvez-vous au temple avec ce même zèle.
Dieu pourra vous montrer par d'importants bienfaits,
Que sa parole est stable et ne trompe jamais.
Allez: pour ce grand jour il faut que je m'apprête,
Et du temple déjà l'aube blanchit le faîte.

RACINE.

SEIZIÈME DISCOURS.

HUITIÈME EXERCICE.

Le singe qui montre la lanterne magique.

Messieurs

La fable est, sans contredit, ce qu'il y a de plus difficile à dire. D'abord, il faut que le ton qui convient au genre de la pensée morale qu'elle renferme domine le débit; qu'ensuite on raconte l'anecdote inventée par le poète, comme si elle nous était arrivée; de plus, qu'on mette en action les différents personnages que l'auteur fait agir dans son drame, en ayant soin de conserver à chacun son caractère. Ainsi, l'on est tout à la fois narrateur et acteur. La grande difficulté consiste donc à quitter et reprendre le ton de la narration; car les personnages qui s'y trouvent intercalés ne doivent en rien l'altérer.

C'est du passage continuel de la narration à l'action et de l'action à la narration que naît la variété, qui donne tant de charme au débit des fables. Pour les bien dire,

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