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Exemple:

L'abus ingrat de toutes les espèces de graces, la cessité du salut, LA CERTITUDE DE LA MORT, L'INCERTITUDE DE CETTE HEURE SI EFFROYABLE POUR NOUS; L'IMPÉNITENCE FINALE, LE JUGEMENT DERNIER, LE PETIT NOMBRE DES ÉLUS, et par-dessus tout L'ÉTERNITÉ.

C'est à l'intelligence à déterminer les endroits où l'on doit couper une énumération, quand elle est composée de plus de huit membres; mais il faut toujours, quelle qu'en soit la longueur, que les coupures soient faites de manière à rendre la phrase harmonieuse et intelligible. Quand une énumération ne finit pas une phrase, le son reste suspendu.

Les mots qui servent de points de comparaison se détachent toujours.

Exemple:

Je préfère la gloire | à la richesse.

Celui-ci, celui-là; l'un, l'autre; ceci, cela, etc., seront toujours détachés.

Exemple:

L'un | paraissait âgé: l'autre | ressemblait à Ulysse.

Quand, dans une phrase, le même mot se trouve répété, on accentue le second plus que le premier.

Un mal qui répand la terreur,
Mal, que le ciel en sa fureur, etc.

Il en est de même quand il se trouve répété plusieurs

tois.

Exemple:

Meurs, et dérobe-lui la gloire de ta chûte.

Meurs; tu ferais pour vivre un lâche et vain effort,
Si taut de gens de cœur font des vœux pour ta mort,
Et si tout ce que Rome a d'illustre jeunesse
Pour te faire périr tour-à-tour s'intéresse:
MEURS, puisque c'est un mal que tu ne peux guérir;
MEURS enfin, puisqu'il faut ou tout perdre ou mourir.

Voilà, messieurs, les principales observations que j'a faites; il en est encore d'autres, mais qui trouveront leurs places dans l'analyse de quelques morceaux.

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Toute la partie instrumentale de la voix me semble suffisamment traitée; ausssi je ne vous occuperai plus du son, de sa formation, de l'articulation des syllabes longues et brèves, de la division des repos de la voix, toutes choses fort ennuyeuses à entendre. Vous savez maintenant, messieurs, tout aussi bien que moi, ce qu'il faut faire pour acquérir une bonne prononciation ; et si je reviens encore quelquefois sur ce sujet, ce sera comme souvenir. Cependant, avant de me livrer à un examen approfondi de nos grands écrivains, je vous prierai de m'accorder encore quelques instants pour compléter ce qui constitue la partie mécanique du débit.

Jusqu'à ce moment, je ne vous ai entretenus que de la voix et de toutes ses modifications. Sans doute il est de la plus stricte nécessité de savoir bien parler; mais cela ne suffit pas.

Je vous demanderai quel effet produirait sur vous une personne qui, tout en ayant une belle diction, aurait une physionomie impassible et des gestes faux ? II est sûr qu'au lieu de vous satisfaire, elle vous choquerait. Ce n'est donc pas assez que de plaire aux oreilles, il faut encore plaire aux yeux. Si l'on procédait d'une manière graduelle dans le grand art de traduire les pensées, on ne commencerait jamais par la voix, mais bien par la pose, le geste et la physionomie, qui en sont les premiers agents; la voix n'en est que le complément et le développement, car souvent, et surtout dans le langage des passions, le geste en a déjà été l'expression.

Si j'ai été obligé de vous parler des divers éléments qui constituent l'art oratoire, en intervertissant l'ordre naturel qu'il eût fallu suivre, la faute n'en est point à moi, mais bien aux préjugés que je vous ai signalés dans nos premières séances. Oui, messieurs, si la langue parléé eût été mieux connue, je n'eusse point agi ainsi : j'aurais procédé comme les professeurs de peinture, et, comme eux, je vous aurais appris à dessiner un objet avant de le peindre, c'est-à-dire, à donner à la pose de votre corps et à l'air de votre physionomie l'expression nécessaire pour concourir à rendre la pensée que la voix doit animer et colorer; mais, dans la conviction où j'étais que la langue parlée est entièrement négligée, j'ai cru devoir commencer par elle. A présent que nos matériaux sont préparés et qu'il n'y a plus qu'à les mettre en œuvre, je ne vous dirai plus que, dans l'émission d'une pensée, la prononciation est tout; mais bien une partie essentielle du tout; que ce tout se compose de la pose, du geste, de la physionomie et de la voix; que la physionomie et le geste en sont la première expression, et la voix la seconde; et que ces trois parties sont tellement liées ensemble, qu'il est impossible d'en détacher une ou de la mettre en désaccord avec les autres sans nuire à l'effet général.

Ces principes posés, je vais m'occuper de la physionomie et soumettre à votre jugement ma manière de voir à ce sujet.

Je considère la physionomie comme le miroir où vient se réfléchir l'image de notre pensée et surtout de nos sensations. En effet, messieurs, n'exprime-t-elle pas toutes les émotions de l'âme avec justesse et précision ? C'est un livre ouvert à toutes les intelligences; chacun peut y lire ce que nous pensons, et même un œil exercé y découvrira le type de notre organisation.

Il ne suffit pas que la physionomie ait le jeu convenable à l'orateur, il faut encore que le corps et les bras soient empreints de l'idée ou du sentiment qui le domine; d'ailleurs, chacun de ces organes peut avoir sa mission particulière et une intervention isolée à remplir. Par exemple, si vous désignez des objets extérieurs capables de produire une grande sensation; si vous attestez les dieux dont le temple est proche; si vous appelez la douleur sur une tombe qui vous est chère, vous devrez montrer ces objets avant de parler. Et comment les faire voir sans le secours de la main? Elle vous devient donc nécessaire, et vous êtes alors dans l'obligation de vous en occuper; car, si elle n'est pas d'accord avec votre physionomie et votre voix, le tableau que vous représenterez n'étant point parfait, choquera l'œil de l'auditeur. Ce n'est pas tout encore, il faut savoir se poser, soit que l'on parle debout ou assis. Si vos jambes sont dans de fausses positions, tout le reste de votre corps s'en sentira, et la gêne que vous éprouverez se fera remarquer dans votre débit. Ainsi, messieurs, pour bien dire, non-seulement il faut avoir une bonne prononciation, mais encore une physionomie mobile, des gestes qui se trouvent parfaitement en rapport avec elle, et des poses qui donnent de la grâce et de la facilité pour s'exprimer.

Nous classerons donc la physionomie, les gestes et la pose dans la seconde partie du mécanisme du débit, puisqu'ainsi que la voix, on peut les perfectionner et les développer par le travail. Toutes ces parties concourent par leur ensemble à rendre une pensée visible et à lui donner du mouvement (1).

(1) Donner du mouvement à une pensée peut paraître, au premier abord, une expression recherchée et peu convenable. Qu'on réfléchisse un instant, et on verra qu'elle est juste. Comment est portée la voix à l'oreille de celui qui écoute? Par les ondulations qu'elle détermine dans l'air en sortant de la bouche. Ces ondulations sont-elles toujours les mêmes? Non, certainement; elles varient suivant le volume du son que l'on met en mouvement au moyen de l'articulation. Si la pensée que l'on interprète est énergique, les ondulations seront très-fortes; si elle est délicate, les ondulations seront légères. Dans tous les cas, l'articulation doit être faite de manière à faire parvenir le son à la personne la plus éloignée. Napoléon disait, en parlant du canon, que par cette invention l'homme avait augmenté et étendu sa force physique. Ne pourrait-on pas dire, avec plus de raison encore, en parlant de la voix, que par cet organe l'homme augmente et étend sa force morale ? En effet, la voix n'est-elle pas en quelque sorte une longue main invisible dont l'âme se sert pour atteindre et agir sur un grand nombre de personnes. Ainsi que la main visible, elle caresse, elle attire, elle repousse; en un mot, elle en a tous les mouvements. L'une, selon moi, est la main du corps, et l'autre est la main de l'âme.

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