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On pourra comparer ce tableau avec celui des vertus et des vices, selon Aristote, qui se trouve dans le chapitre xxvi du Voyage du jeune Anacharsis, et avec les développements que le philosophe grec donne à cette théorie dans son ouvrage de morale adressé à Nicomaque.

(2) L'opinion de La Bruyère et d'autres traducteurs, que Théophraste annonce le projet de traiter dans ce livre des vertus comme des vices, n'est fondée que sur une interprétation peu exacte d'une phrase de la lettre à Polyclès, qui sert de préface à cet ouvrage. Voyez à ce sujet la note 3 sur ce morceau, dont même on ne peut en général rien conclure avec certitude, parce qu'il paroît être altéré par les abréviateurs et les copistes. Il est même à peu près certain qu'il s'y trouve une erreur grave sur l'âge de Théophraste; car l'opinion de saint Jérôme sur cet âge, que La Bruyère appelle, dans la phrase suivante, l'opinion commune, a au contraire été rejetée depuis par les meilleurs critiques qui se sont occupés de cet ouvrage, et par le célèbre chronologiste Corsini. Nous avons deux énumérations de philosophes remarquables par leur longévité, l'une de Lucien, l'autre de Censorius, où Théophraste n'est point nommé; et comme on sait qu'il est mort la première année de la cent vingt-troisième olympiade, l'âge que lui donne saint Jérôme supposeroit qu'il auroit eu neuf ans de plus qu'Aristote dont il devoit épouser la fille. D'ailleurs Cicéron, en citant le même trait que saint Jérôme (voyez ci-après notes 18 et 19), n'ajoute rien sur l'âge de Théophraste; et certainement si cet âge eût été aussi remarquable que le dit ce dernier, Cicéron n'auroit pas manqué de parler d'une circonstance qui rendoit ce trait bien plus piquant. H est donc plus que probable que saint Jérôme, qui n'a vécu qu'aux quatrième et cinquième siècles, a été mal informé, et que la leçon de Diogène est la bonne. Or, d'après cet historien, notre philosophe n'a vécu en tout que qnatre-vingtcinq ans, tandis que l'Avant-propos des CARACTÈRES lui en

donne quatre-vingt-dix-neuf. Ce ne peut être que par distraction que La Bruyère dit quatre-vingt-quinze ans ; et j'aurois rectifié cette erreur manifeste dans le texte même, si je ne l'avois pas trouvée dans les éditions faites sous les yeux de l'au

teur.

Mais quoi qu'il en soit de l'âge que ce philosophe a atteint, on verra dans les notes 4 et 21 ci-après, qu'il a traité souvent, et sans doute long-temps avant sa mort, des caractères dans ses leçons et dans ses ouvrages; il est donc probable qu'il s'est occupé de faire connoître et aimer les vertus avant de ridiculiser les vices, et qu'il n'a point réservé la peinture des premières pour la fin de sa carrière.

(3) Les manuscrits ne varient point à ce sujet; mais ils paroissent, ainsi que je l'ai déjà observé, n'être tous que des copies d'un ancien extrait de l'ouvrage original. Les Caractères dont parle ici La Bruyère ont été trouvés depuis dans un manuscrit de Rome; ils ont été insérés dans cette édition, ainsi que d'autres additions trouvées dans le même manuscrit. (Voyez la préface, page 1, et la note 1 du chapitre xvi.)

I

(4) C'est Diogène Laërce qui nous apprend que Ménandre fut disciple de Théophraste : La Bruyère a fait ici un extrait suffisamment étendu de la Vie de notre philosophe donnée par Diogène, et nous n'avons point cru qu'il valût la peine d'insérer encore cette Vie en totalité, comme on l'a fait dans une autre édition. On sait que Ménandre fut le créateur de ce qu'on a appelé la nouvelle comédie, pour la distinguer de l'ancienne et de la moyenne, qui n'étoient que des satires personnelles assez amères, ou des farces plus ou moins grossières. Les anciens disoient de Ménandre, qu'on ne savoit pas si c'étoit lui qui avoit imité la nature, ou si la nature l'avoit imité, On trouvera une petite notice sur la vie de cet intéressant auteur, et quelques fragments de ses comédies, dont aucune ne nous est parvenue en entier, à la suite de la traduction de

Théophraste par M. Lévesque, dans la collection des Moralistes anciens de Didot et De Bure.

Théophraste a écrit un livre sur la comédie, et Athénée nous apprend (livre Ier, chap. xxxvIII, page 78 du premier volume de l'édition de mon père) que dans le débit de ses leçons il se rapprochoit en quelque sorte de l'action théâtrale, en accompagnant ses discours de tous les mouvements et des gestes analogues aux objets dont il parloit. On raconte même que, parlant un jour d'un gourmand, il tira la langue et se lécha les lèvres.

Je suis tenté de croire que les observations de Théophraste sur les Caractères dont il entretenoit ses disciples, et sans doute aussi ses amis avec tant de vivacité, ont aussi introduit dans la géographie une attention plus scrupuleuse aux mœurs et aux usages des peuples. Nous avons des fragments de deux ouvrages relatifs à cette science, et composés à différentes époques par Dicéarque, condisciple et ami de notre philosophe. Le plus ancien de ces écrits, adressé à Théophraste lui-même, mais probablement avant la composition de ses Caractères, ne consiste qu'en vers techniques sur les noms des lieux; tandis que le second contient des observations fort intéressantes sur le caractère et les particularités des différentes peuplades de la Grèce. Ces fragments sont recueillis dans les Geographi minores de Hudson, qui les a fait précéder d'une dissertation sur les différentes époques auxquelles ces ouvrages paroissent avoir été écrits.

(5) Un autre que Leucippe, philosophe célèbre, et disciple de Zénon. (La Bruyère.) Celui dont il est question ici n'est point connu d'ailleurs. D'autres manuscrits de Diogène Laërce l'appellent Alcippe.

(6) Quis uberior in dicendo Platone? Quis Aristotele nervosior? Theophrasto dulcior? (Cap. xxx1.)

(7) Dans ses Tusculanes (livre V, chap. 1x), Cicéron appelle

que

Théophraste le plus élégant et le plus instruit de tous les philosophes; mais ailleurs il lui fait des reproches très-graves sur la trop grande importance qu'il accordoit aux richesses et à la magnificence, sur la mollesse de sa doctrine morale, et sur ce qu'il s'est permis de dire c'est la fortune et non la sagesse qui règle la vie de l'homme. (V. Acad. Quæst., lib. I, cap. Ix; Tusc., V, 1x ; Offic., II, xvi, etc.) Il est vrai que Cicéron met la plupart de ces reproches dans la bouche des stoïciens qu'il introduit dans ses dialogues ; et d'autres auteurs nous ont conservé des mots de Théophraste qui contiennent une appréciation très-juste des richesses et de la fortune. « A bien les con» sidérer, disoit-il, selon Plutarque, les richesses ne sont pas » même dignes d'envie, puisque Callias et Isménias, les plus >> riches, l'un des Athéniens, et l'autre des Thébains, étoient » obligés, comme Socrate et Épaminondas, de faire usage des >> mêmes choses nécessaires à la vie. — La vie d'Aristide, dit-il, » selon Athénée, étoit plus glorieuse, quoiqu'elle ne fût pas, » à beaucoup près, aussi douce que celle de Smindyride le Sybarite, et de Sardanapale.-La fortune, lui fait encore » dire Plutarque, est la chose du monde sur laquelle on doit >> compter le moins, puisqu'elle peut renverser un bonheur >> acquis avec beaucoup de peine, dans le temps même ou l'on » se croit le plus à l'abri d'un pareil malheur. >>

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(8) Philosophe célèbre, qui suivit Alexandre dans son expédition, et devint odieux à ce conquérant par la répugnance qu'il témoigna pour ses mœurs asiatiques. Alexandre le fit traîner prisonnier à la suite de l'armée, et, au rapport de quelques historiens, le fit mettre à la torture et le fit pendre, sous prétexte d'une conspiration à laquelle il fut accusé d'avoir pris part. (Voy. Arrien, De Exped. Alcx., lib. IV, cap. xiv.)

(9) Xénocrate succéda dans l'Académie à Pseusippe, neveu de Platon. C'est ce philosophe que Platon ne cessoit d'exhorter à sacrifier aux Grâces, parce qu'il manquoit absolument d'agrément dans ses discours et dans ses manières. Il refusa,

par la suite, des présents considérables d'Alexandre, en fai sant observer aux envoyés chargés de les lui remettre la simplicité de sa manière de vivre. C'est lui aussi que les Athéniens dispensèrent un jour de prêter un serment exigé par les lois, tant ils estimoient son caractère et sa parole.

(10) Cicéron dit, au sujet d'Aristote et de Théophraste (De Finibus, lib. V, cap. iv): Ils aimoient une vie douce et tranquille, consacrée à l'observation de la nature et à l'étude; une telle vie leur parut la plus digne du sage, comme ressemblant davantage à celle des dieux. (Voyez aussi Ep. ad Att., II, xvI.) Mais il paroît que cette douceur approchoit beaucoup de la mollesse, non-seulement par les reproches de Cicéron que je viens de citer, et,par les paroles de Sénèque (De Irá, lib. I, cap. xii et xv), mais encore par le témoignage de Télès, conservé par Stobée, qui nous apprend que ce philosophe affectoit de n'admettre dans sa familiarité que ceux qui portoient des habits élégants et des souliers en escarpins et sans clous, qui avoient une suite d'esclaves, et une maison spacieuse employée souvent à donner des repas somptueux où le pain devoit être exquis, le poisson et les ragoûts choisis, et le vin de la meilleure qualité.

Hermippus, cité par Athénée dans le passage dont j'ai déjà parlé, dit que Théophraste, lorsqu'il donnoit ses leçons, étoit toujours vêtu avec beaucoup de recherche, et qu'ainsi que d'autres philosophes de son temps, il attachoit une grande importance à savoir relever sa robe avec grâce.

(11) Il y a deux auteurs du même nom; l'un philosophe cynique, l'autre disciple de Platon. (La Bruyère.) Mais un Ménédème, péripatéticien, seroit trop inconnu pour que cette histoire que raconte Aulu-Gelle (liv. XIII, chap. v), et que Heumann (In Actis Erud., tom. III, pag. 675) traite de fable, puisse lui être appliquée. Pour donner à ce récit quelque degré de vraisemblance, il faut lire Eudème, ainsi que plusieurs savants l'ont proposé. Ce philosophe, né dans l'île

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