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(28) Je croirois plutôt que ces défauts de liaison et d'unité dans quelques caractères sont dus à l'abréviateur et aux copistes. C'est ainsi que les traits qui défigurent le chap. xi appartiennent véritablement au chap. xxx, découvert depuis la mort de La Bruyère, où ils se trouvent mêlés à d'autres traits du même genre, et sous le titre qui leur convient. (Je crois qu'il se trouve des transpositions semblables dans les chap. XIX et xx. Voyez les notes 9 du chap. xix, et 5 ̊et 7 du chap. xx.) Du reste, j'ai proposé quelques titres et quelques définitions qui me semblent prévenir les inconvénients dont La Bruyère se plaint dans le passage auquel se rapporte cette note, et dans la phrase suivante.

(29) Je me suis prescrit des bornes un peu moins étroites, et j'ai cru que les mœurs d'Athènes, dans le siècle d'Alexandre et d'Aristote, méritoient bien d'être éclaircies autant que possible, et que l'explication précise d'un' des auteurs les plus. élégants de l'antiquité ne pouvoit pas être indifférente à des lecteurs judicieux.

AVANT-PROPOS

DE THEOPHRASTE.

J'AI admiré souvent, et j'avoue que je ne puis encore comprendre, quelque sérieuse réflexion que je fasse, pourquoi toute la Grèce étant placée sous un même ciel, et les Grecs nourris et élevés de la même manière (1), il se trouve néanmoins si peu de ressemblance dans leurs mœurs. Puis donc, mon cher Polyclès (2), qu'à l'âge de quatre-vingt-dixneuf ans où je me trouve (3), j'ai assez vécu pour connoître les hommes; que j'ai vu d'ailleurs, pendant le cours de ma vie, toutes sortes de personnes et de divers tempéraments; et que je me suis toujours attaché à étudier les hommes vertueux, comme ceux qui n'étoient connus que par leurs vices; il semble que j'ai dû marquer les caractères des uns et des autres (4), et ne me pas contenter de peindre les Grecs en général, mais même de toucher ce qui est personnel, et ce que plusieurs d'entre eux paroissent avoir de plus familier. J'espère, mon cher Polyclès, que cet ouvrage sera utile à ceux qui viendront après nous; il leur tracera des modèles qu'ils pourront suivre ; il leur apprendra à faire le discer

nement de ceux avec qui ils doivent lier quelque commerce, et dont l'émulation les portera à imiter leurs vertus et leur sagesse (5). Ainsi je vais entrer en matière : c'est à vous de pénétrer dans mon sens, et d'examiner avec attention si la vérité se trouve dans mes paroles. Et, sans faire une plus longue préface, je parlerai d'abord de la dissimulation; je définirai ce vice, et je dirai ce que c'est qu'un homme dissimulé ; je décrirai ses mœurs; et je traiterai ensuite des autres passions, suivant le projet que j'en ai fait.

NOTES.

(1) Par rapport aux barbares, dont les mœurs étoient trèsdifférentes de celles des Grecs. (LaBruyère.) On pourroit observer aussi que, du temps de Théophraste, les institutions particulières des différents peuples de la Grèce avoient déjà commencé à s'altérer et à se confondre; mais, malgré ces moyens de défendre en quelque sorte cette phrase, on ne peut pas se dissimuler qu'elle est d'une grande inexactitude. Il y avoit toujours une différence très-marquée entre l'éducation et les mœurs d'Athènes et celles de Sparte; et, quant au climat de la Grèce, ce passage se trouve en contradiction avec les témoignages les plus positifs de l'antiquité. D'ailleurs on parle ici des différences dans les mœurs de ville à ville et de pays à pays, tandis que dans l'ouvrage il n'est question que de caractères individuels dont tous les traits sont pris dans les mœurs d'Athènes. On peut d'autant moins supposer que Théophraste ait mis cette double inexactitude dans les faits et dans leur application, et qu'avec cela il se soit borné à ce sujet à un stérile étonnement, qu'Hippocrate, qui a écrit longtemps avant lui, étendoit l'influence du climat sur les carac

tères aux positions particulières des villes et des maisons relativement au soleil, ainsi qu'aux saisons dans lesquelles naissent les enfants, et que notre philosophe lui-même, cherchant ailleurs à expliquer la différence des caractères, entre dans des détails intéressants sur la différence primitive de l'organisation, et sur celle qu'y apportent la nourriture et la manière de vivre. (Voyez Porphyrius, De Abst., lib. III, § 25. Toutes ces raisons font présumer que cette phrase a été tronquée et altérée par l'abréviateur ou par les copistes. (Voyez chap. xvi, note 1.) Il se peut qu'elle ait parlé de l'altération des mœurs d'Athènes au siècle de Théophraste, tandis que le climat et l'éducation de la Grèce n'avoient point changé.

(2) M. Coray remarque que Diodore de Sicile parle, à la cent quatorzième olympiade, d'un Polyclès, général d'Antipater; et l'on sait que Théophraste fut fort lié avec le fils de ce dernier.

(3) Voyez sur l'âge de Théophraste la note 2 du Discours sur ce philosophe; c'est encore un passage où cet avantpropos paroît avoir été altéré.

(4) Théophraste avoit dessein de traiter de toutes les vertus et de tous les vices. (La Bruyère.) Cette opinion n'est fondée que sur une interprétation peu exacte de la phrase suivante de cette Préface, dans laquelle on n'a pas fait attention que le pronom défini ne peut se rapporter qu'aux méchants; cette opinion est d'ailleurs combattue par la fin de ce même avant-propos où l'on n'annonce que des caractères vicieux ; et il n'est pas à croire que, s'il en avoit existé de vertueux, ceux qui nous ont transmis cet ouvrage en auroient fait le triage pour les omettre. Nous voyons aussi, par un passage d'Hermogène, de Formis orationis (lib. II, cap. 1), que l'épithète 'exoi, que Diogène Laërce et Suidas donnent aux Caractères de Théophraste, s'applique spécialement aux caractères vicieux; car cet au

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