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et modestes, sans consentir à son propre avilissement; et il est étrange' qu'il ait fallu une loi pour régler son extérieur, et le contraindre ainsi à être grave et plus respecté.

Il n'y a aucun métier qui n'ait son apprentissage; et, en montant des moindres conditions jusqu'aux plus grandes, on remarque dans toutes un temps de pratique et d'exercice qui prépare aux emplois, où les fautes sont sans conséquence, et mènent, au contraire, à la perfection. La guerre même, qui ne semble naître et durer que par la confusion et le désordre, a ses préceptes : on ne se massacre pas par pelotons et par troupes, en rase campagne, sans l'avoir арpris, et l'on s'y tue méthodiquement. Il y a l'école de la guerre : où est l'école du magistrat? Il y a un des lois, des coutumes: où est le temps, et le temps assez long que l'on emploie à les digérer et à s'en instruire ? L'essai et l'apprentissage d'un jeune adolescent qui passe de la férule à la pourpre, et dont la consignation a fait un juge, est de décider souverainement des vies et des fortunes des hommes.

usage,

La principale partie de l'orateur c'est la probité: sans elle il dégénère en déclamateur, il déguise ou il exagère les faits, il cite faux ; il calomnie, il épouse la passion et les haines de ceux pour qui il parle ; et il est de la classe de ces avocats dont le proverbe dit qu'ils sont payés pour dire des injures.

Il est vrai, dit-on, cette somme lui est due, et ce

Un arrêt du conseil obligea les conseillers à être en rabat; avant ce temps ils étoient presque toujours en cravate.

droit lui est acquis; mais je l'attends à cette petite formalité; s'il l'oublie, il n'y revient plus, et conséquemment il perd sa somme, ou il est incontestablement déchu de son droit: or, il oubliera cette formalité. Voilà ce que j'appelle une conscience de praticien.

Une belle maxime pour le palais, utile au public, remplie de raison, de sagesse et d'équité, ce seroit précisément la contradictoire de celle qui dit que la forme emporte le fond.

La question est une invention merveilleuse et tout-à-fait sûre pour perdre un innocent qui a la complexion foible, et sauver un coupable qui est né robuste.

Un coupable puni est un exemple pour la canaille; un innocent condamné est l'affaire de tous les honnêtes gens.

Je dirai presque de moi : Je ne serai pas voleur ou meurtrier; je ne serai pas un jour puni comme tel: c'est parler bien hardiment.

Une condition lamentable est celle d'un homme innocent à qui la précipitation et la procédure ont trouvé un crime; celle même de son juge peut-elle l'être davantage?

Si l'on me racontoit qu'il s'est trouvé autrefois un prevôt, ou l'un de ces magistrats créés pour poursuivre les voleurs et les exterminer, qui les connoissoit tous depuis long-temps de nom et de visage, savoit leurs vols, j'entends l'espèce, le nombre et la quantité, pénétroit si avant dans toutes ces pro

fondeurs, et étoit si initié dans tous ces affreux mystères, qu'il sût rendre à un homme de crédit un bijou qu'on lui avoit pris dans la foule au sortir d'une assemblée, et dont il étoit sur le point de faire de l'éclat ; que le parlement intervînt dans cette affaire, et fit le procès à cet officier; je regarderois cet événement comme l'une des choses dont l'histoire se charge, et à qui le temps ôte la croyance : comment donc pourrois-je croire qu'on doive présumer par des faits récents, connus et circonstanciés, qu'une connivence si pernicieuse dure encore, qu'elle ait même tourné en jeu et passé en coutume?

Combien d'hommes qui sont forts contre les foibles, fermes et inflexibles aux sollicitations du simple peuple, sans nuls égards pour les petits, rigides et sévères dans les minuties, qui refusent les petits présents, qui n'écoutent ni leurs parents ni leurs amis, et que les femmes seules peuvent corrompre !

Il n'est pas absolument impossible qu'une personne qui se trouve dans une grande faveur perde un procès.

Les mourants qui parlent dans leurs testaments peuvent s'attendre à être écoutés comme des oracles: chacun les tire de son côté, et les interprète à sa manière; je veux dire selon ses désirs ou ses intérêts.

Il est vrai qu'il y a des hommes dont on peut dire que la mort fixe moins la dernière volonté qu'elle ne leur ôte avec la vie l'irrésolution et l'inquiétude. Un dépit pendant qu'ils vivent les fait tester; ils s'apaisent et déchirent leur minute, la voilà en cendre

que

Ils n'ont pas moins de testaments dans leur cassette d'almanachs sur leur table; ils les comptent par les années: un second se trouve détruit par un troisième, qui est anéanti lui-même par un autre mieux digéré, et celui-ci encore par un cinquième olographe. Mais si le moment, ou la malice, ou l'autorité, manque à celui qui a intérêt de le supprimer, il faut qu'il en essuie les clauses et les conditions car appert-il mieux des dispositions des hommes les plus inconstants que par un dernier acte, signé de leur main, et après lequel ils n'ont pas du moins eu le loisir de vouloir tout le contraire?

S'il n'y avoit point de testaments pour régler le droit des héritiers, je ne sais si l'on auroit besoin de tribunaux pour régler les différends des hommes. Les juges seroient presque réduits à la triste fonction d'envoyer au gibet les voleurs et les incendiaires. Qui voit-on dans les lanternes des chambres, au parquet, à la porte ou dans la salle du magistrat? des héritiers ab intestat? Non, les lois ont pourvu à leurs partages: on y voit les testamentaires qui plaident en explication d'une clause ou d'un article; les personnes exhérédées; ceux qui se plaignent d'un testament fait avec loisir, avec maturité, par un homme grave, habile, consciencieux, et qui a été aidé d'un bon conseil d'un acte où le praticien n'a rien omis de son jargon et de ses finesses ordinaires; il est signé du testateur et des témoins publics, il est paraphé; et c'est en cet état qu'il est cassé et déclaré nul.

:

Titius assiste à la lecture d'un testament avec des

yeux rouges et humides, et le cœur serré de la perte de celui dont il espère recueillir la succession: un article lui donne la charge, un autre les rentes de la ville, un troisième le rend maître d'une terre à la campagne; il y a une clause qui, bien entendue, lui accorde une maison située au milieu de Paris, comme elle se trouve, et avec les meubles; son affliction augmente, les larmes lui coulent des yeux; le moyen de les contenir? il se voit officier, logé aux champs et à la ville, meublé de même; il se voit une bonne table et un carrosse. Yavoit-il au monde un plus honnéte homme que le défunt, un meil– leur homme ? Il y a un codicille, il faut le lire : it fait Mævius légataire universel, et il renvoie Titius dans son faubourg, sans rentes, sans titre, et le met à pied. Il essuie ses larmes : c'est à Mævius à s'affliger.

La loi qui défend de tuer un homme n'embrasset-elle pas dans cette défense le fer, le poison, le feu, l'eau, les embûches, la force ouverte, tous les moyens enfin qui peuvent servir à l'homicide? La loi qui ôte aux maris et aux femmes le pouvoir de se donner réciproquement, n'a-t-elle connu que les voies directes et immédiates de donner? a-t-elle manqué de prévoir les indirectes? a-t-elle introduit les fideicommis, ou si même elle les tolère? Avec une femme qui nous est chère et qui nous survit, lègue-t-on son bien à un ami fidèle par un sentiment de reconnoissance pour lui, ou plutôt par une ex

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