ajoute une nouvelle valeur à chaque atome de la nature (car elle change en un rayon d'or chaque fil de la toile entière des relations et baigne l'âme dans un élément nouveau et plus doux) n'est encore qu'un état temporaire. Les fleurs, les perles, la poésie, les protestations d'amour, et même le sanctuaire que nous avons dans un autre cœur ne peuvent contenter pour toujours l'âme auguste qui habite dans notre argile; elle se réveille enfin, se débarrasse de ces caresses qui lui semblent frivoles, revêt son armure, et aspire à de vastes et universelles fins. Les âmes des époux, altérées de béatitude et de perfection, découvrent mutuellement des défauts, des singularités, de la désharmonie dans chacun d'eux. Alors arrivent la surprise, les querelles, la souffrance. Toutefois, ce qui les attirait autrefois l'un vers l'autre, c'étaient des indices de tendresse, de vertu, et ces vertus existent toujours bien qu'obscurcies; elles apparaissent, reparaissent, et continuent de les attirer; mais l'attention change, quitte le signe et s'attache à la substance. Cela guérit l'affection blessée. Pendant ce temps, la vie, qui s'écoule toujours, amène un va-et-vient de changements et de combinaisons dans toutes les positions possibles des deux époux, épuise toutes leurs ressources, et leur fait connaître leur force et leur faiblesse mutuelles; car c'est la nature et la fin du mariage de faire que chacun des deux époux arrive à représenter à l'autre la race humaine tout entière. Tout ce qui est dans le monde est ou doit être connu, car toutes choses furent habilement placées sous l'épiderme de l'homme et de la femme. « La personne que l'amour nous a donnée a, comme la manne, le goût de toute chose en elle. >> Le monde roule et les circonstances varient d'heure en heure. Tous les anges qui habitent ce temple du corps apparaissent aux fenêtres, et aussi tous les gnomes et tous les vices. Les époux sont unis par leurs vertus, S'il y a vertu en eux, ils savent que leurs vices sont des vices, ils les confessent et s'enfuient. Leur amour autrefois enflammé est épuré par le temps, et perdant en violence autant qu'il gagne en expérience, il devient un bon accord mutuel. Ils se résignent l'un l'autre sans se plaindre aux bons offices que l'homme et la femme doivent se rendre chacun dans leur voie, et échangent cette passion qui autrefois ne pouvait se détacher de la vue de son objet contre un appui joyeux et moins étroit donné aux desseins de l'un et de l'autre, qu'ils soient présents ou éloignés. A la fin ils découvrent que ces traits autrefois sacrés et ce charme magique qui les avaient entraînés l'un vers l'autre, étaient périssables et avaient une fin déterminée, semblables en cela à ces échafaudages qui servent à construire la maison. et disparaissent quand elle est bâtie. La purification de l'intelligence et du cœur devient ainsi le mariage réel, prévu et préparé depuis le commencement, bien qu'ils n'en eussent pas conscience. Lorsque je considère la fin pour laquelle deux personnes, un homme et une femme doués de dons si divers et si relatifs, sont unies pour habiter dans une même maison et pour passer là quarante ou cinquante ans dans la société du mariage, je ne m'étonne plus si le cœur prophétise dès la plus tendre enfance cette suprême crise; je ne m'étonne plus des beautés que les instincts répandent à profusion pour orner la couche nuptiale; je ne m'étonne plus si l'art et l'intelligence rivalisent dans les dons et les mélodies de l'épithalame. Ainsi donc nous sommes entraînés vers un amour qui ne connaît ni le sexe, ni les personnes, ni la partialité, mais qui cherche la sagesse et la vertu partout, à cette seule fin d'accroître la vertu et la sagesse. Nous sommes par nature des observateurs, et par conséquent susceptibles d'apprendre. Voilà notre état permanent. Souvent nous arrivons à sentir que nos affections ne sont que les tentes d'une nuit. Quoique lentement et péniblement, les objets des affections changent comme les objets de la pensée. Il y a des moments où les affections gouvernent et absorbent l'homme, et font dépendre son bonheur d'une ou de plusieurs personnes. Mais quand nous avons recouvré la santé, l'esprit laisse apercevoir de nouveau sa voûte infinie brillante de lumières immuables; alors les chaleureux amours et les craintes qui s'étaient répandus sur nous comme des nuages perdent leur caractère terrestre et s'unissent à Dieu pour atteindre leur perfection. Nous ne devons pas craindre de rien perdre par les progrès de l'âme : nous devons nous confier à l'âme jusqu'à la fin; car des choses aussi belles et aussi magnétiques que les relations de l'amour në peuvent être supplantées et remplacées qué par des choses plus belles et d'un degré plus élevé. V AMITIÉ. Nous avons beaucoup plus de tendresse qu'on ne le dit. Malgré tout l'égoïsme qui refroidit le monde comme les vents de l'est, la famille humaine est tout entière baignée dans l'élément de l'amour comme dans une atmosphère divine. Combien ne rencontrons-nous pas dans nos maisons de personnes auxquelles nous parlons à peine, que nous honorons pourtant et qui nous honorent. Combien elles sont nombreuses les personnes qui passent dans la rue ou s'asseyent dans l'église, qui nous font ressentir une joie franche quoique silencieuse, et avec lesquelles nous sommes heureux de nous trouver! Lisez le langage de ces regards errants; le cœur le connaît. L'effet produit par cette humaine affection est un certain épanouissement cordial. Dans la poésie comme dans la conversation habituelle, les émotions de bienveillance et de complaisance envers les autres peuvent être comparées aux effets matériels du feu. Aussi vifs et même plus vifs, plus actifs, plus pétillants de sympathie sont ces beaux rayonnements intérieurs qui, depuis le plus haut degré de l'amour passionné jusqu'au plus bas degré de la bonne volonté, font le charme de la vie. Nos puissances intellectuelles s'accroissent avec nos affections. Le scholar1 s'assied pour méditer, et toute Nous laissons subsister le mot anglais qui est trop expressif pour pouvoir être traduit par aucun synonyme et qui signifie : l'homme qui a passé toute sa vie à l'ombre de l'école. sa vie de méditations est impuissante à lui fournir une bonne pensée ou une heureuse expression; mais lui faut-il écrire à un ami, aussitôt les charmantes pensées arrivent en foule et trouvent de tous côtés des mots choisis pour s'en revêtir. Voyez dans la maison où habitent la vertu et le respect de soi-même, quelle palpitation occasionne l'approche d'un étranger. Un étranger qui nous est recommandé est-il attendu et annoncé, aussitôt une inquiétude qui tient du plaisir et de la peine envahit tous les cœurs de la famille. Son arrivée apporte presque la peine à tous ces braves cœurs qui voudraient le bien recevoir. La maison est balayée, toutes choses remises à leur place précipitamment, le vieil habit est remplacé par l'habit neuf et le diner est ordonné du mieux possible. Ce sont les autres qui nous font la bonne renommée d'un étranger distingué, mais c'est nous seuls qui comprenons les bonnes et nouvelles qualités qu'on lui prête. Alors il se dresse devant nous comme l'image de l'humanité; il est selon nos souhaits; et, après que nous l'avons pour ainsi dire imaginé et doué de la vie, nous nous demandons comment nous entrerons en conversation et en relation avec lui, et nous sommes tourmentés par une crainte inquiète. Cette même idée nous exalte pendant que nous causons avec lui. Nous causons mieux que d'habitude. Nous avons la fantaisie la plus vive et la plus riche mémoire, et nous donnons congé pour un temps à notre démon du silence. Pendant de longues heures, nous sommes capables de séries entières de riches, sincères et gracieuses communications que nous tirons de notre plus vieille et plus secrète expérience; si bien que ceux qui sont assis auprès de nous, nos paients et nos connaissances, éprouvent une vive surprise à la vue de notre puissance inaccoutumée. Mais à mesure que l'étranger commence à introduire dans la conversation ses partialités, ses défauts et ses définitions, |