demeures dans l'inaction. » Je vois que l'action est bonne lorsqu'il est besoin d'agir et que l'inaction peut être bonne aussi. Si Epaminondas était en réalité l'homme que j'ai toujours supposé qu'il était, certainement il serait resté inactifsi son lot eût été le même que le mien. Le ciel est vaste et contient assez d'espace pour tous les genres d'amour et de courage. Pourquoi serions-nous des êtres affairés, actifs et serviables à l'excès? L'action et l'inaction sont égales devant la vérité. Un morceau de l'arbre est coupé pour faire une girouette, un autre pour construire la loge du gardien d'un pont; la vertu du bois est apparente dans l'un et dans l'autre emploi. Je ne désire pas manquer envers l'âme. Ce simple fait que je suis présent ici à cette place indique que l'âme a besoin d'un organe pour s'exprimer en ce même lieu. Lui refuserai-je cet office? Est-ce que je vais me défendre, chicaner, m'esquiver, faire servir mes apologies hors de saison et ma vaine modestie de moyens d'excuse, et m'imaginer qu'un tel honneur n'appartient pas à mon être? que cet honneur lui apppartient moins qu'à l'être d'Épaminondas et d'Homère? Est-ce que je vais penser que l'âme ne sait pas ce qui lui convient? Mais si je ne raisonne pas sur ce sujet, je n'éprouverai aucun mécontentement. L'âme excellente me nourrit toujours et chaque jour renferme en moi de nouveaux trésors de puissance et de joie. Je ne refuserai pas mesquinement l'immensité de ces biens sous le prétexte qu'ils se sont accordés à d'autres sous une forme différente. En outre, pourquoi serions-nous intimidés par le mot d'action? C'est une tromperie des sens, rien de plus. Nous savons qu'une pensée est la mère de chaque action. L'esprit qui est pauvre et dénué s'imagine qu'il n'est rien s'il ne possède pas quelques signes extérieurs : un habit de quaker, une réunion religieuse calviniste, une société philanthropique, une grande donation, un em ploi élevé, ou quelque autre chose semblable, en un mot quelque action différente de lui qui témoigne qu'il est quelque chose. Mais l'esprit riche habite le soleil, sommeille et possède la nature. Penser c'est agir. Si nous avons vu de grandes actions, efforçons-nous de rendre les nôtres telles. Toute action est d'une élasticité infinie et la moindre de toutes est susceptible d'être pénétrée par la lumière céleste de manière à éclipser le soleil et la lune. Cherchons quelquefois la paix, par fidélité envers nous-mêmes. Faisons notre devoir. Qu'aije besoin d'aller fureter dans les actions et la philosophie de l'histoire grecque et italienne, avant de m'être lavé la figure, pour ainsi dire, et de m'être justifié envers mes propres bienfaiteurs? Comment oserai-je lire les campagnes de Washington si je n'ai pas répondu aux lettres de mes correspondants? Est-ce que cela n'est pas une juste objection à de trop nombreuses lectures? C'est une pusillanime désertion de nos affaires que de trop regarder chez nos voisins. C'est une véritable duperie. Byron dit de Jack Bunting : « Il ne savait trop quoi dire, et alors il jura. » Je puis bien dire de l'usage insensé que nous faisons des livres : « Il ne savait quoi faire, et alors il se mit à lire. « Je ne sais à quoi remplir mon temps, et alors je prends immédiatement un livre, par exemple la vie de Brant. Mais c'est un compliment extravagant que nous faisons à la mémoire de Brant, ou du général Scheyler, ou du général Washington. Mon temps est aussi bon que leur temps; le monde auquel j'appartiens, mes actions, toutes mes relations sont aussi bonnes que les leurs, qu'aucune des leurs. Laissez-moi plutôt remplir si bien mes devoirs que d'autres paresseux lecteurs, en comparant ma vie avec la vie de ces hommes, la trouvent identique à la meilleure partie de la leur. Cette estimation exagérée des dons de Périclès et de Paul, cette dépréciation des dons qui nous sont personnels vient d'une négligence à observer les faits qui nous découvrent l'identité de la nature. Bonaparte ne connaissait qu'un seul mérite et récompensait également le bon soldat, le bon astronome, le bon poëte, le bon comédien. Il témoignait ainsi qu'il avait le sentiment instinctif d'un grand fait naturel. Le poëte se sert des noms de César, de Tamerlan, de Bonduca, de Bélisaire; le peintre se sert de l'histoire traditionnelle de la vierge Marie, de saint Pierre et de saint Paul. Il ne doit pas toutefois avoir un respect trop exagéré pour la nature de ces hommes accidentels, de ces héros qui servent de modèles communs. Si le poëte écrit un véritable drame, il est César et non pas l'homme qui met César en scène; alors le même courant de pensée, des émotions aussi pures, un esprit aussi subtil, des mouvements aussi vifs, aussi hardis, aussi extravagants, un cœur aussi grand, aussi confiant en lui-même, aussi intrépide, capable, par son amour et son espérance, de conquérir tout ce qui est solide et précieux dans le monde, les palais, les jardins, l'argent, les navires, les royaumes, et manifestant sa dignité par le dédain qu'il fait de toutes les joies des hommes, toutes ces qualités de César sont dans le poëte, et, par leur puissance, il enthousiasme les nations. Mais les grands noms ne lui servent de rien, s'il n'a pas la vie en lui-même. Que l'homme croie en Dieu et non pas aux noms, aux lieux et aux personnes. La grande âme incarnée dans la forme de quelque femme triste, pauvre et solitaire, de quelque Dolly ou de quelque Jeanne qui vient prendre du service, qui balaye les chambres et nettoie les parquets, ne peut cacher ou éteindre l'éclat de ses rayons; le balayage et le lavage apparaissent immédiatement de belles et suprêmes actions, paraissent pour un moment le sommet et l'éclat de la vie humaine; si bien que cette pauvre femme fait la gloire et l'envie de tout le monde; mais subitement la grande âme, s'étant incarnée dans une autre forme, a accompli une autre action, qui maintenant a pris la place de la première et semble à son tour la fleur la plus accomplie de toute la nature vivante. Nous sommes les photomètres, l'irritable feuille d'or qui mesure les accumulations de l'électrique et subtil élément. Nous savons reconnaître tous les effets authentiques de la vraie flamme au travers de chacun de ses mille déguisements. X CERCLES. L'œil est le premier cercle, l'horizon qu'il forme est le second, et cette figure primaire est répétée sans fin à travers toute la nature. Le cercle est le plus haut emblème de la sphère du monde. Saint Augustin décrivait Dieu comme un cercle dont la sphère est partout et la circonférence nulle part. Pendant toute notre vie nous épelons le sens abondant de cette première de toutes les formes. Nous avons déjà précédemment déduit toute une philosophie morale en considérant le caractère circulaire ou autrement dit le caractère de compensation de chaque humaine action. Nous expliquerons aujourd'hui une autre analogie en montrant comment chacune de nos actions peut être surpassée. Notre vie n'est qu'un apprentissage de la vérité; autour de chaque cercle on peut en décrire un autre ; il n'y a pas de fin dans la nature, chaque fin est un commencement. A chaque jour succède invariablement une nouvelle aurore et sous chaque profondeur s'ouvre une profondeur plus grande. Ce fait, tout autant au moins qu'il symbolise le fait moral de la perfection fugitive et impossible à atteindre, que les mains de l'homme ne peuvent jamais rencontrer, tout autant qu'il est à la fois l'inspirateur et le critique frondeur de chaque succès, peut très bien nous servir à rassembler différents traits caractéristiques de la puissance humaine dans chacune des provinces où elle s'exerce. |