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par un sentiment plus noble de sa puissance et de son devoir, pense et agit avec une solennité inaccoutumée. Tous ont conscience qu'ils atteindront à une plus haute possession d'eux-mêmes, car cette unité existe pour eux tous. Il y a une certaine sagesse humaine qui est commune aux plus grands hommes et aux plus humbles, et que notre éducation ordinaire empêche souvent et réduit au silence. L'esprit est un, et les meilleurs esprits qui aiment la vérité pour elle-même pensent peu au droit de propriété qu'ils ont sur elle. Ils l'acceptent et la reçoivent en tout lieu avec remerciements, ne l'étiquettent pas et ne la marquent pas avec le nom d'un homme, car elle est à eux depuis longtemps. Elle est leur depuis l'éternité. Les savants et ceux qui étudient les lois de la pensée n'ont pas le monopole de la sagesse. La violence de la direction qui leur est propre les empêche jusqu'à un certain point de parler véridiquement. Nous devons bien des observations importantes aux hommes qui ne sont ni pénétrants, ni profonds, qui disent sans efforts les choses qui nous manquaient et que nous avions longtemps poursuivies en vain. L'action de l'âme se rencontre plus souvent dans ce qui est senti et laissé sans être exprimé, que dans ce qui est exprimé par les conversations. Cette action plane sur chaque société, et les hommes la cherchent aveuglément les uns dans les autres. Nous comprenons mieux que nous n'agissons. Nous savons, au même instant que nous agissons, que nous valons mieux que nos actions. Combien de fois, dans mes triviales conversations avec mes voisins, je sens cette vérité; je sens que quelque chose de plus haut domine dans chacun de nous ce jeu vulgaire de la conversation, et que, par derrière, nos expressions et nos actions mutuelles, Jupiter salue Jupiter!

Les hommes s'abaissent en se fréquentant. Par les services habituels et mesquins qu'ils rendent au monde,

services pour lesquels ils oublient leur noblesse native, ils ressemblent à ces cheiks arabes qui habitent dans des maisons de chétive apparence et affectent une pauvreté extérieure, afin d'échapper à la rapacité du pacha, tandis qu'ils gardent tout leur luxe pour leurs appartements intérieurs et secrets.

De même que l'âme est présente au-dessus de toutes les personnes, ainsi elle accompagne chaque période de la vie. Elle fait pressentir déjà l'adulte dans l'enfant. Lorsque je joue avec mon enfant, mon grec et mon latin, mes dons et ma richesse ne me servent de rien. Toutes ces choses sont lettres mortes pour lui; mais si j'ai de l'âme, je puis m'en servir avec lui; si je ne suis que capricieux, il oppose sa volonté à la mienne et me laisse, si cela me fait plaisir, la dégradante puissance que j'ai de le battre, grâce à la supériorité de ma force. Mais si je renonce à ma volonté, si j'agis d'après les injonctions de l'âme, et si je la prends pour arbitre entre nous deux, la même âme regarde par ses yeux, il la respecte et il l'aime avec moi.

L'âme perçoit et révèle la vérité. Que le sceptique et le railleur disent ce qu'ils voudront, mais il est certain que nous connaissons la vérité aussitôt que nous la voyons. Les folles gens vous demandent, lorsque vous leur avez exprimé ce qu'ils ne souhaitaient pas entendre « Comment savez-vous que c'est la vérité et si ce n'est pas une erreur qui vous est propre. » Nous connaissons la vérité lorsque nous la voyons, absolument comme nous savons que nous sommes éveillés lorsque nous sommes éveillés. Il y a une sentence d'Emmanuel Swedenborg qui suffirait seule à indiquer la grandeur des perceptions de cet homme: « Ce n'est pas une preuve de l'intelligence d'un homme qu'il soit capable d'affirmer ce qu'il lui plaît d'affirmer, mais bien d'être capable de discerner que ce qui est vrai est vrai et que ce qui est faux est faux ; voilà

la marque et le caractère de l'intelligence. » Dans le livre que je lis, une bonne pensée me rapporte, comme le fera chaque vérité, et me remet sous les yeux l'image de l'àme entière. La même âme devient une épée qui discerne, sépare les mauvaises pensées que je trouve dans ce même livre et les émonde. Nous sommes plus sages que nous ne le pensons. Si nous n'intervenions pas dans notre pensée, si nous agissions simplement, si nous savions voir comment les choses existent toutes en Dieu, alors nous n'aurions pas de peine à comprendre les choses particulières, aucun objet, aucun homme. Car le Créateur des choses et des personnes se tient debout derrière nous et jette sa terrible omniscience au-dessus de nous et au-dessus de tous les objets.

Mais outre cette reconnaissance subite d'elle-même dans les différents passages de l'expérience individuelle, l'àme révèle aussi la vérité. Ici nous chercherons à nous fortifier par sa présence et à parler de cet événement d'un ton plus digne et plus haut. Car la révélation de la vérité par l'âme est le plus haut événement de la nature, parce qu'alors elle ne nous donne plus seulement quelques parties d'elle-même, mais se donne elle-même tout entière, passe dans l'homme qu'elle illumine et devient cet homme lui-même, car elle l'attire à elle en proportion de la vérité qu'il reçoit.

Nous désignons les mouvements qui annoncent l'âme, les manifestations de sa nature sous le nom de révélations. Ces révélations sont toujours accompagnées de l'émanation du sublime. Car cette communication est une inondation de l'esprit divin dans notre esprit. Notre esprit n'est que le cours d'un petit ruisseau particulier, avant d'être grossi par les vagues de la mer de la vie. Chaque appréhension distincte de ce commandement qui part du centre du monde agite les hommes, de plaisir' et de respect. A la réception d'une nouvelle vérité ou à

l'accomplissement d'une grande action, un frissonnement passe à travers tous les hommes. Dans ces communications, la puissance de voir n'est pas séparée de la volonté d'agir, mais l'intuition provient de l'obéissance et l'obéissance d'une joyeuse intuition. Chacun des instants où l'individu se sent envahi par ces intuitions est mémorable. Un certain enthousiasme accompagne toujours, grâce à la nécessité de notre constitution la connaissance individuelle de cette divine présence. Le caractère et la durée de cet enthousiasme varient avec l'état de l'individu, depuis l'extase, le transport et l'inspiration prophétique qui sont ses apparitions les plus rares, jusqu'au plus faible rayonnement de l'émotion vertueuse sous laquelle forme il échauffe, semblable à nos feux domestiques, toutes les familles et toutes les associations d'hommes et rend la société possible. Une certaine tendance à la folie a toujours accompagné les premiers moments où le sens religieux s'ouvre en l'homme, comme si l'excès de lumière devait l'éblouir. Les transports de Socrate, l'union de Plotin, la vision de Porphyre, la conversion de Paul, l'Aurore de Boëhme, les convulsions de Georges Fox et de ses quakers, l'illumination de Swedenborg sont de cet ordre. Ce qui, dans le cas particulier à ces remarquables personnes fut un ravissement, s'est souvent manifesté d'une manière moins frappante dans d'innombrables exemples de la vie commune. Partout l'histoire de la religion trahit une tendance à l'enthousiasme. Le ravissement des moraves et des quiétistes, la pénétration du sens intérieur du Verbe dans le langage de l'Église de la nouvelle Jérusalem, les revivals des églises calvinistes, les expériences des méthodistes ne sont que les formes variées de ce frissonnement de respect et de plaisir qu'éprouve toujours l'âme individuelle, lorsqu'elle est sur le point de se confondre avec l'àme universelle.

La nature de ces révélations est toujours la même;

elles sont toujours les perceptions de la loi absolue. Elles sont les solutions des questions particulières à l'âme. Elles ne répondent pas aux questions que pose l'entendement. L'âme ne répond jamais par des mots, mais répond en montrant la chose même dont on s'informe.

La révélation est la subite découverte de l'âme. La notion populaire de la révélation, c'est la bonne aventure. Dans les oracles passés de l'âme, l'entendement cherche à trouver des réponses à ses questions sensuelles, et entreprend de forcer Dieu à nous dire combien de temps les hommes existeront, ce qu'ils feront, quelle sera leur société, quels seront même leurs noms, leur pays et la date de leur naissance. Mais nous devons réprimer cette basse curiosité, et ne pas essayer de voir par le trou des serrures. Une réponse en paroles est trompeuse, il n'y a réellement pas de réponse pour les questions que vous posez. Ne demandez pas qu'on vous fasse une description des contrées vers lesquelles vous vous dirigez. La description ne vous les représentera pas; demain vous aborderez sur leurs rives et vous les connaîtrez en les habitant. Les hommes parlent de l'immortalité de l'âme, du bonheur céleste, de l'état du pécheur et d'autres choses analogues. Ils rêvent même que Jésus a laissé des réponses, précisément sur ces questions-là. Mais jamais, même un instant, ce sublime esprit n'a parlé leur patois. L'idée de l'immutabilité est essentiellement associée à la vérité, à la justice, à l'amour, à tous les attributs de l'àme. Jésus, vivant dans ces sentiments moraux, sans souci de la fortune sensuelle, ne s'inquiétant que des manifestations de ces vertus, n'a jamais séparé l'idée de durée de l'essence de ces attributs, n'a jamais prononcé une syllabe touchant la durée de l'âme.

'Patois; ce mot se trouve en français dans l'original.

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