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qui, presque sans y faire réflexion, se laissent | de vos savans antiquaires. Son type paroît être

entraîner au torrent et s'assujettissent avec moins de peine aux exercices ordinaires de la mission.

Je vous l'ai déjà dit, mon révérend père, et je ne cesserai de le répéter, un missionnaire ne fera jamais de fruit bien solide parmi ces barbares s'il ne se fixe chez une nation à laquelle il se consacre tout entier : il ne doit point s'écarter de ses néophytes : quelque abandonnées que lui paroissent d'autres nations qui l'environnent, il ne peut faire autre chose que de gémir sur leur malheureux sort ou de leur procurer s'il le peut d'autres secours ; mais pour lui, il faut qu'il s'occupe sans cesse du soin de son troupeau et qu'il lui rebatte continuellement les mêmes vérités, sans se rebuter ni de la chute des uns ni du peu de ferveur des autres. Si je pouvois réunir sous un coup d'œil les chagrins et les dégoûts que j'ai eu à essuyer depuis que je travaille à la conversion des Galibis, vous en seriez étonné. C'est cependant ma persévérance qui a attiré les bénédictions de Dieu sur la mission de Kourou, qu'on voit maintenant si bien établie qu'elle a mérité l'attention particulière de monseigneur le comte de Maurepas, dont le zèle pour l'établissement de la religion dans ces terres infidéles et pour l'avancement de nos colonies nous fait ressentir chaque année des effets de la libéralité de notre grand monarque. Une protection si puissante est bien capable de soutenir et d'animer les ouvriers évangéliques dans les plus pénibles fonctions de leur ministère.

Après vous avoir parlé de la mission de Kourou, il faut vous entretenir du nouvel établissement qui se forme à Ouyapoc, où je fis un voyage sur la fin de l'année dernière. En fouillant la terre pour les fondemens de l'église qui y a été bâtie, nous fûmes fort surpris de trouver à quatre ou cinq pieds une petite médaille fort rouillée. Je la fis nettoyer et j'y trouvai l'image de saint Pierre c'est ce qui me détermina à prendre ce prince des apôtres pour protecteur❘ de la nouvelle église. Mais comment cette médaille a-t-elle pu se trouver dans ces contrées? car enfin les Indiens n'ont jamais connu de médaille ni de monnoie, et il ne paroît pas qu'aucun chrétien ait jamais habité cette partie du Nouveau-Monde. Je m'offre à vous l'envoyer si vous croyez qu'elle mérite l'attention

:

des premiers siècles du christianisme.

Le père Fauque est le premier jésuite qui se soit établi à Ouyapoc. Vous connoissez son zèle pour la conversion de nos sauvages et le talent qu'il a de s'insinuer dans leur esprit. Mais sa santé, qui s'affoiblit chaque jour, le met hors d'état de soutenir les fatigues inséparables des missions indiennes. Il fixera son séjour au fort d'Ouyapoc, où, se trouvant comme au centre de toutes les missions que nous espérons élablir, il en aura la direction et trouvera dans sa prudente économie de quoi fournir aux besoins des missionnaires. Il est là comme environné de différentes nations, et entre autres des Maraones, des Maourios, des Tou-Koyanes, des Palikours, des Mayes, des Karanarious, etc.

A trois journées du fort, je séjournai au premier carbet que je trouvai, et j'y eus de fréquens entretiens avec ceux de ces sauvages qui savoient le galibi. J'espère que la semence que je jetai comme en passant dans leurs cœurs produira un jour des fruits de bénédiction.

De là, je continuai ma route, et après deux jours de navigation au milieu des roches dont la rivière est semée, et des fréquents sauts qui s'y trouvent, j'arrivai chez la nation la plus reculée des Pirious et où demeurent les capitaines, dont deux entendent fort bien le galibi. J'y trouvai le père d'Ayma logé dans une misérable hutte, vivant comme ces pauvres sauvages et passant la journée partie à la prière, partie à l'étude de la langue et à l'instruction des enfans. Deux sauvages qui savent les langues de de ces nations lui servoient d'interprètes. Il y a déjà deux ans qu'il a fixé parmi eux son séjour. Il m'a parlé d'un vaste emplacement où toutes ces nations doivent se réunir; je l'ai vu et il est très-bien situé, mais il n'est pas du goût de tous les Indiens; ceux d'en bas trouvent qu'il est trop éloigné, car il n'est qu'à une demi-journée de la rivière Camopi, et que, d'ailleurs, cette contrée est peu propre à la chasse et à la pêche. C'est pourquoi je convins avec les capitaitaines qu'on chercheroit plus bas un autre emplacement qui fût au gré de toutes ces nations, et que je viendrois moi-même y établir la mission. Ils me promirent de leur côté d'y rassembler tous les Indiens qui leur sont soumis, d'abattre le bois nécessaire pour aplanir le terrain, et d'y faire un plantage de cacao pour leur subsistance. Je leur ajoutai que je portois

encore mes vues plus loin et que mon dessein étoit d'établir une mission chez les Ouayes et les Tarrupis, et une autre chez les Aromayotos. Ils approuvèrent ce dessein, en m'assurant qu'ils enverroient de leurs gens chez ces peuples pour les disposer à seconder les bonnes intentions que j'avois pour eux. Enfin, je leur demandai quelques-uns de leurs Indiens qui sussent la langue galibi, afin de m'apprendre la langue des Pirious, ce qu'ils m'accordèrent avec plaisir. Tout le loisir que je puis avoir je l'emploie à faire des grammaires et des dictionnaires de toutes les langues indiennes que j'ai apprises: j'abrégerai par là bien du travail à ceux de nos pères qui viendront partager nos travaux ou nous remplacer après notre mort.

biter cette mission. Par ce moyen-là ils ne seront point exposés au risque de retomber dans leurs premiers déréglemens ni au danger de périr de misère, faute de secours.

La colonie recevra de grands avantages de cet établissement. La mer est souvent difficile à tenir depuis la pointe d'Aprouague jusqu'à Ouyapoc. Il s'y fait de continuels naufrages, faute d'endroits où l'on puisse relâcher. Cette mission sera l'asile où se retireront ceux qui voyagent, jusqu'à ce que le temps devienne favorable pour se remettre en mer.

D'ailleurs, on cherche à ouvrir un chemin pour aller par terre à la colonie naissante d'Ouyapoc.

Les Indiens d'Aprouague rendront ce chemin praticable, et auront soin de l'entretenir. Enfin, ils seront d'un grand secours, soit pour la navigation, qu'ils entendent mieux qu'aucune autre nation, soit pour défricher les terres et pour construire des cases et des canots. On sait que quand ces sauvages sont dispersés et errans dans les forêts, on n'en peut tirer aucun service, au lieu que quand ils sont rassembés dans un même lieu, l'émulation se met parmi eux, le gain qu'ils font et qui leur procure divers avantages les rend actifs et laborieux.

Il se présente une mission bien plus importante à établir et dont le projet est fort goûté de M. le gouverneur et de M. l'intendant de Cayenne. Un grand nombre d'Indiens, qui désertent les peuplades qu'ont les Portugais vers le fleuve des Amazones, viennent chaque jour chercher un asile sur nos terres, où, quoiqu'ils soient chrétiens, ils se répandent de côté et d'autre et vivent sans aucun exercice de religion. Une grande mission portugaise établie à Purukouaré a été presque abandonnée par les Indiens : cinquante de ces sauvages, qui étoient sous la conduite des révérends pères récollets sont venus à Kourou. Je les ai trouvés bien instruits des vérités de la religion, et il n'y a rien à craindre pour eux tandis qu'ils demeureront dans notre peuplade. Mais que deviendront les autres qui mènent une vie errante? Ne perdront-ils pas bientôt les sentimens de piété qu'on leur a inspirés? Ceux même qui sont à Kourou, peuvent-ils y demeurer longtemps? Car le caractère de ces nations, leurs mœurs, leurs coutumes, leur langage sont entièrement différens des mœurs et du langage des Galibis, qui composent notre peuplade. Il y a même entre eux je ne sais qu'elle antipathie, qu'on auroit peine à vaincre. Le dessein est donc d'éta-pect, etc. blir sur la rivière d'Aprouague une mission qui ne sera composée que de ces Indiens fugitifs tant de ceux qui se sont réfugiés sur nos terres que de ceux qui viendront dans la suite. La situation d'Aprouague, qui se trouve entre Cayenne et Ouyapoc et à peu près à égale distance, est très-favorable. Il faudra leur accorder un vaste terrain et ne donner retraite à aucun d'eux qu'à condition qu'ils iront ha

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Le champ est ouvert, mon révérend père, il ne s'agit plus que de nous envoyer des ouvriers propres à le cultiver. Ce nouvel établissement demande un homme qui s'y livre entièrement, qui soit d'un zèle infatigable pour courir ces mers et aller chercher ces Indiens errans et fugitifs, et qui ait de la facilité à apprendre les langues, surtout celles des Arouas et des Mariones. Ce sont principalement ces deux nations, qui, se voyant inquiétées par les Portugais, se ressouviennent qu'ils ont été reçus autrefois dans l'alliance des François et viennent se réfugier chez leurs anciens amis. Je me repose entièrement sur votre zèle, dont vous nous donnez tant de preuves, et suis avec bien du res

LETTRE DU P. FAUQUE,

MISSIONNAIRE DE LA COMPAGNIE DE JESUS,

AU P. DE LA NEUVILLE,

DE LA MÊME COMPAGNIE, PROCUREUR DES MISSIONS DE

L'AMÉRIQUE.

Mœurs des Indiens.

A Ouyapoc, le 2 juin 1735.

MON RÉVÉRend Père.

La paix de N. S.

Les lettres que vous nous faites l'honneur de nous écrire chaque année respirent tout le zèle dont vous êtes rempli pour la conversion de nos pauvres sauvages. Nous voudrions pouvoir y répondre par une égale activité dans un travail auquel certainement nous ne nous refusons pas; mais, comme vous savez, le champ est vaste et très-inculte. Pour le défricher, il faut du temps et un plus grand nombre d'ouvriers que nous ne sommes.

Cependant, grâces aux bénédictions du Seigneur, nous recueillons déjà des fruits abondans, qui nous assurent que nos espérances sont bien fondées pour la suite. La peuplade de Kourou, que le père Lombard a formée, prend chaque jour de nouveaux accroissemens. Il n'y a point d'année qu'on n'y baptise plusieurs catéchumènes : ces nouveaux venus se forment bientôt sur le modèle des anciens fidèles. Les exemples de piété et de ferveur qu'ils ont devant les yeux fixent leur inconstance naturelle et les forcent en quelque sorte d'imiter les vertus dont ils sont témoins.

Le bel ordre qui s'observe dans cette peuplade, la variété des exercices, le soin qu'on prend de ces néophytes, la paix, la tranquillité et le bonheur dont ils jouissent, tout cela n'a pas été ignoré des nations les plus reculées. Six ou sept de ces nations pressent depuis longtemps le père Lombard de leur envoyer des missionnaires qui leur procurent les mêmes avantages, et c'est ce que ce père, dont vous connoissez le zèle, a extrêmement à cœur.

Pour moi, j'attends que le père d'Auzilhac vienne me remplacer à Ouyapoc, et aussitôt je partirai pour ouvrir la mission des Paliours. C'est la nation la plus nombreuse de toutes celles qui sont aux environs de cette contrée.

Je suis déjà connu de-ces peuples et je sens que j'en suis aimé.

Si l'on veut gagner le cœur et l'affection de nos Indiens, il faut s'armer de beaucoup de patience pour supporter leurs grossièretés et leurs défauts, avoir avec eux un air ouvert et des manières aisées, et être surtout attentif aux occasions de leur rendre service. C'est par ces manières franches et officieuses que le père Dayma s'est attiré l'amitié des Pirious et les a rassemblés dans une peuplade au nombre de plus de deux cents. Cette mission, qu'il a établie sous l'invocation de Saint-Paul, deviendra en peu de temps très-florissante.

Dans le voyage que je viens d'y faire avec M. Le Grand, lieutenant d'une compagnie de la marine, nous trouvâmes sur notre route la nation des Caranes. Ces bons sauvages nous comblèrent d'amitiés et de caresses, et je suis persuadé qu'on n'aura nulle peine à les réunir avec les Pirious. Ces deux nations parlent la même langue, elles se ressemblent parfaitement dans leurs mœurs et dans leurs usages, et les familles de part et d'autre s'unissent volontiers par des alliances.

Ce qui me fit plaisir fut de voir parmi eux une grande quantité d'enfans: cette jeunesse, formée de bonne heure à la piété chrétienne, se préservera plus aisément des vices ordinaires aux sauvages et conservera l'esprit du christianisme plus constamment que leurs parens qui se sont convertis dans un âge déjà avancé.

En approchant de la nouvelle peuplade, j'admirai l'ardeur avec laquelle une soixantaine d'Indiens, hommes, femmes et enfans, travailloient à défricher les terres de l'emplacement où l'on doit bâtir l'église et le logement du missionnaire. Pour peu qu'on connoisse le caractère indolent des sauvages et combien ils sont éloignés de tout travail tant soit peu pénible on ne doutera point que cette vivacité et cette ardeur dont ils sont naturellement incapables, ne soit l'effet d'une grâce singulière de Dieu, qui leur inspire un courage si extraordinaire. Je louai le zèle qu'ils faisoient parottre pour élever ce saint édifice en l'honneur du vrai Dieu; je leur promis qu'aussitôt que l'église seroit achevée je viendrois les revoir et que j'amènerois avec moi quelques François pour leur servir de parrains lorsqu'ils seroient en état de recevoir le saint baptême. C'est un

On m'a déjà fait une peinture très-désagréable de sa situation et de la persécution qu'on a à souffrir des maringouins, dont toutes ces terres sont couvertes. Je choisirai l'endroit le

honneur dont nos Indiens sont jaloux, parce qu'ils trouvent un petit avantage dans les libéralités de ceux qui les ont tenus sur les fonts baptismaux. Enfin, nous arrivâmes sur le soir à la mis-moins incommode pour y fixer notre demeure. sion de Saint-Paul : c'étoit un jour de réjouissance pour les sauvages, temps où ils prennent leurs plus belles parures. Les hommes vinrent nous recevoir à la descente de nos canots et nous conduisirent avec des démonstrations de joie extraordinaires à la case de leur missionnaire. Les femmes ne le cédèrent point à leurs maris et nous offrirent à l'envi divers rafraîchissemens.

Le lendemain nous visitâmes toutes les cases de ces bonnes gens, qui manquoient d'expressions pour nous témoigner leur amitié et leur reconnoissance. Je ne vous dissimulerai pas, mon révérend père, que je portois secrètement envie au père Dayma du bonheur qu'il a de travailler à la conversion de ces peuples; je ne les quittai qu'à regret lorsqu'après avoir de meuré trois jours avec eux, il fallut nous séparer.

Lorsque le père Dayma aura gagné et réuni dans le même lieu le reste des Pirious dispersés çà et là dans les forêts, il sera chargé d'une peuplade aussi nombreuse qu'elle le peut être dans ce lieu-là, eu égard à ce que les terres sont capables de rapporter pour la subsistance de ses habitans.

Je vous ai parlé dans d'autres lettres du grand capitaine Ananpiaron, que la mort nous enleva il y a peu d'années. J'ai entretenu plusieurs fois ses deux fils, qui s'appellent Yaripa et Yapo. L'un et l'autre paroissent très affectionnés à la religion et aux missionnaires. Ils m'ont appris que le capitaine des Ouayes, qui habite le haut du Camopi, a dessein de s'approcher de nous et de descendre jusqu'à l'embouchure de cette rivière. S'il persiste dans sa résolution, comme il y a lieu de le croire, nous pourrons placer là une mission qui sera composée de ceux de cette nation, auxquels se joindront les Taroupis, les Acoquas, les Palanques et les Noragues.

Quoique cette mission placée à l'embouchure du Camopi doive être d'un grand secours à celle de Saint-Paul, dont elle retirera pareillement de grands avantages, je ne cesse pas de tourner mes vues du côté des Palikours et j'irai incessamment reconnoître leur pays.

Mais je crois qu'il faudra établir dans cette contrée deux missions, parce que les Palikours, les Mayets et les Caranarious, qui occupent notre côté, du côté des Amazones, sont des nations trop nombreuses pour être rassemblées dans le même lieu.

De là nous passerons chez les Iloutanes. Ces Indiens sont à tout moment dans la crainte de tomber entre les mains des Portugais on les réduira plus aisément que les autres sauvages d'alentour, parce qu'ils ont eu moins de commerce avec les Européens.

En nous avançant ainsi peu à peu au large, nous pourrons embrasser toute la Guyane françoise, c'est-à-dire le continent qui est depuis les Amazones jusqu'à Maroni. Peut-être même que la découverte de toutes ces terres deviendra très-avantageuse à la colonie.

Lorsque ces missions seront toutes formées, nous espérons en établir encore une autre à l'embouchure de cette rivière d'Ouyapoc, en y réunissant les Tokoyenes, les Maraones et les Maourious, nos voisins. Vous savez déjà que les Galibis de Sinamari sont dans les plus favorables dispositions à l'égard des missionnaires.

Voilà, comme vous voyez, mon révérend père, une grande moisson: plus elle est difficile à recueillir, plus elle animera le zèle des ouvriers évangéliques. Ces sauvages, lout grossiers, tout barbares qu'ils sont, ont été rachetés du sang de Jésus-Christ. Que ce motif est puissant pour nous soutenir dans nos peines et dans nos fatigues!

Je ne prétends rien dissimuler à ceux qui se sentent pressés de venir partager nos travaux, ils auront affaire à des peuples qui n'ont rien que de rustique et de rebutant dans leurs personnes, gens sans lois, sans dépendance, sans politesse, sans éducation, en qui l'on ne trouve nulle teinture de religion et qui n'ont pas même les premiers principes des vertus morales ; en un mot, de vrais sauvages qui semblent n'avoir de l'homme raisonnable que la figure. Mais en cela même ne sont-ils pas plus dignes de notre compassion et de notre zèle?

On ne dira pas que je donne de nos sauvages un portrait flatté; mais en même temps je ne

puis m'empêcher d'avouer qu'un missionnaire qui travaille à leur conversion trouve bien des avantages qu'il n'auroit pas chez d'autres nations infidèles. Ici il n'y a ni idolâtrie à détruire ni idole à renverser; il est à l'abri des persécutions auxquelles on doit s'attendre ailleurs de la part des puissances idolâtres; ses instructions trouvent des cœurs extrêmement dociles, et l'on n'a jamais vu aucun sauvage former la moindre difficulté sur les vérités qui lui sont annoncées. Enfin, il recueille en paix le fruit de ses sueurs et de ses travaux, car, bien qu'il soit vrai que dans le nombre de ces néophytes qu'on a convertis à la foi il s'en trouve de tièdes et de languissans, il n'est pas moins vrai qu'on en voit un grand nombre qui conservent jusqu'à la mort un fond admirable de piété, et qui, par leur assiduité à la prière et dans tous les autres exercices d'une vraie dévotion, font paroître autant de ferveur qu'on en remarque en Europe parmi nos plus fervens congréganistes.

Parmi les nations polies et civilisées, un missionnaire a souvent à se précautionner contre les atteintes de la vaine gloire et contre les retours de l'amour-propre. Il n'a pas ici à craindre de semblables écueils, où viendroit se perdre le mérite de tous ses travaux: il passe sa vie dans l'obscurité, au milieu des bois, n'ayant que Dieu pour témoin de ses ennuis, de ses souffrances, de ses sueurs et de ses fatigues. Ah! qu'il est doux, mon révérend père, qu'il est consolant pour un ouvrier de l'évangile dont les vues sont bien épurées, de n'avoir que Dieu, au milieu de ces régions barbares, auquel il puisse avoir recours, de s'entretenir familièrement avec lui, de lui découvrir ses peines, de n'attendre de secours que de lui seul, et d'être comme en droit de lui dire : « Vous seul, ô mon Dieu, vous êtes mon unique refuge, mon soutien, mon espoir, ma consolation, ma joie, en un mot mon Dieu et mon tout : Deus meus et omnia.» Je me recommande à vos saints sacrifices et suis avec respect.

LETTRE DU P. FAUQUE,

MISSIONNAIRE de la compagnie de jésus,
AU P. DE LA NEUVILLE,

DE LA MÊME COMPAGNIE, PROCUREUR DES MISSIONS DE
L'AMÉRIQUE.

Excursion dans les terres entre l'Ouyapoc et le fleuve des Amazones.

A Ouyapoc, ce 20 septembre 1736.

MON RÉVÉREND PÈRE,

La paix de N. S.

Je vous ai annoncé dans plusieurs de mes lettres le voyage que je projetois de faire chez les Palikours; mais des embarras imprévus et de fréquens accès d'une fièvre bizarre et opiniâtre me l'ont fait différer jusqu'au mois de septembre de l'année 1735. Ce fut donc le 5 de ce mois que je m'embarquai dans un petit couillara (c'est un tronc d'arbre creusé dont une extrémité se termine en pointe). Je descendis la rivière d'Ouyapoc dans cette espèce de canot, qui ne peut porter que cinq à six personnes, et je profitai ensuite de la marée pour entrer dans la rivière de Couripi, que nous remontâmes jusqu'à ce que la mer fût à flot. Nous mouillâmes alors, et comme les bords de cette rivière sont impraticables vers son embouchure, il me fallut prendre le repos de la nuit dans mon canot.

Aussitôt que la mer commença à monter, nous nous mîmes en route, et vers les sept heures du matin nous laissâmes à notre droite la rivière de Couripi pour entrer dans celle d'Ouassa. Vers le midi, je trouvai l'embouchure du Roucaua, que nous laissâmes aussi à la droite, me réservant d'y entrer à mon retour, et comme la marée ne se faisoit presque plus sentir, nous ne fûmes pas obligés de mouiller ; mais la nuit nous ayant surpris avant que nous pussions gagner aucune habitation, il fallut la passer encore dans notre petit canot, avec des incommodités que vous pouvez assez imaginer.

Entre trois et quatre heures du matin, nous aperçûmes du feu sur l'un des bords de la rivière. C'étoient quelques Indiens qui campoient là et qui revenoient de chez leurs parens, établis près d'une grande crique' qu'on nomme

C'est ainsi que dans le pays on appelle les petites rivières.

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