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des pots de terre. Ils se qualifient brames du nord, c'est-à-dire docteurs venus du nord pour enseigner la loi du vrai Dieu. Quoiqu'ils soient obligés de pratiquer une pauvreté très-rigoureuse et qu'il faille peu de chose pour leur personne, il leur faut néanmoins d'assez grands fonds pour pouvoir entretenir leurs catéchistes. et subvenir à une infinité de frais et d'avanies qu'on leur fait. Ils souffrent souvent de véritables persécutions: il n'y a guère que quatre ans qu'un de nos plus célèbres et saints missionnaires fut martyrisé ; le prince de Maravas 2 lui fit couper la tête pour avoir prêché la loi de Jésus-Christ. Hélas! oserois-je jamais espérer une telle faveur? Je vous conjure, mon trèscher père, de ne cesser par vous-même et par vos amis de demander à Notre-Seigneur qu'il me convertisse vér tablement à lui et que je ne me rende pas indigne de souffrir quelque chose pour sa gloire.

Je me ferai un plaisir de vous instruire plus au long de tout ce qui regarde cette charmante mission quand j'aurai eu le bonheur de la connoître par moi-même. S'il y avoit quelques personnes vertueuses de celles que vous conduisez si bien dans la voie du Seigneur qui voulussent contribuer dans ces pays à sa glòire, en y fondant la pension de quelques catéchistes, je vous assure devant Dieu que jamais argent ne peut être mieux employé. L'entretien d'un catéchiste nous coûte par an dix-huit ou vingt écus (c'est beaucoup pour nous, c'est peu de chose en France), et nous pouvons compter que chaque catéchiste gagne par an à Jésus-Christ cent cinquante ou deux cents âmes. Mon Dieu, il y a tant de personnes zélées qui donneroient volontiers leur sang pour en retirer une scule des mains du démon, du moins on le dit souvent au pied de l'oratoire! Ne s'en trouvera-t-il point qui veuille par un si petit secours nous aider à remplir la bergerie du père de famille ? Je connois votre zèle pour la conversion des âmes, mon très-cher père; vous vous étiez sacrifié pour aller en Grèce ramener au troupeau de Jésus-Christ les pauvres schismatiques qui s'en sont séparés depuis si longtemps. Votre santé foible obligea les supérieurs de vous faire retourner sur vos pas. Vous aurez sans doute rapporté dans votre province tout le zèle qui vous

Le vénérable père Jean de Brito, jésuite portugais. 2 Petit royaume entre le Maduré et la côte de la Pêcherie.

en avoit fait sortir si généreusement. Appliquezle, je vous conjure, ce zèle qui vous dévore, à nous procurer des missionnaires et des catéchistes. Je n'avois pas jusqu'ici écrit une seule lettre pour inviter personne à venir nous aider dans nos travaux, parce que je ne voyois point sur mon passage de moisson qui n'eût assez d'ouvriers. Maintenant que je découvre des campagnes entières dans une parfaite maturité; des infidèles par milliers qui ne demandent qu'à être instruits; je crie de toutes mes forces qu'on nous envoie d'Europe des secours d'hommes et d'argent, de bons missionnaires et des fonds pour leur donner des catéchistes; et je me crois obligé en conscience d'intéresser dans une si bonne œuvre tous ceux que je connois propres à nous aider. Je ne vois personne, mon révérend père, qui puisse mieux que vous entrer dans de si pieux desseins. Si vous nous trouvez quelques secours, envoyez-les à Paris au père qui a soin de nos missions des Indes orientales el de la Chine.

Le père Bouvet a mené à la Chine, l'année 1698, une florissante recrue de missionnaires. L'escadre du roi en a apporté ici une petite troupe, mais très-choisie, qui est destinée aussi pour ce vaste empire; elle est composée des pères Fouquet, Pelisson et d'Entrecolle, et des frères Rhodes et Fraperie, qui sont très-habiles dans la médecine et dans la chirurgie. Ils valent tous infiniment et méritent véritablement d'aller travailler dans un si beau champ. Le père d'Entrecolle s'est fait admirer par son zèle et par sa charité dans le vaisseau sur lequel il a passé. L'escadre du roi a été affligée dans les Indes' d'une terrible mortalité; une grande partie des équipages y a péri. J'étais à cent lieues de l'endroit où elle est venue aborder; aussitôt que j'appris un si grand malheur, je me jetai dans une chaloupe avec le père d'Entrecolle pour aller la secourir. A notre arrivée, nous trouvâmes deux aumôniers morts, tous les chirurgiens des vaisseaux morts aussi ou malades, de sorte qu'il nous fallut pendant deux mois servir de médecins, de chirurgiens, d'aumôniers et d'infirmiers. La mousson pressa le père d'Entrecolle de partir avec le père Fouquet et le frère Fraperie, qui étoient aussi venus, depuis nous, au secours des vais

A Négrailles, ile près des côtes du Pégou. 2 C'est la saison propre pour aller des Indes à la Chine, lorsque les vents d'ouest soument.

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seaux du roi; de sorte que je me trouvai presque seul pendant assez longtemps, ayant sur les bras plus de cinq cents malades, dont plusieurs étoient attaqués de maladies contagieuses. Deux autres de nos pères vinrent ensuite partager un si saint travail et profiter d'une occasion que nous ne croyions pas trouver aux Indes, de servir si utilement les François nos chers compatriotes.

La main de Dieu s'est fait sentir bien vivement sur eux ; c'est une espèce de miracle qu'on ait pu sauver les vaisseaux du roi, je ne dis pas lous, car l'Indien, un des plus beaux, alla s'échouer sur les côtes du Pégou', où les autres prirent la maladie ; il n'y a eu que celui qui se e; sépara pour porter à Merguy2 les pères Tachard et de la Breuille qui ait été préservé d'accident. Un si grand fléau a touché plusieurs de ceux qui étoient sur la flotte et a servi à les mettre dans la voie du salut. Il y avoit parmi eux quelques nouveaux convertis qui étoient plus attachés que jamais à leurs erreurs; j'ai eu la consolation de recevoir leur abjuration et de les voir mourir avec de grands sentimens de componction et de pénitence. L'escadre, quoique diminuée d'un vaisseau, est présentement en bon état.

Nous allons en peu de jours prendre possession de Pondichery. Dieu me fasse la grâce de n'y rester qu'autant de temps qu'il en faudra pour apprendre un peu la langue du pays, qui m'est nécessaire pour ma chére mission de Maduré. Cette langue est toute différente du turc, du persan, du maure et du bengale, que j'ai déjà apprises; le persan et le maure me serviront beaucoup, à cause d'un grand nombre de mahométans qui sont répandus dans les terres. La langue portugaise me sera encore nécessaire pour traiter avec nos pères de cette nation : j'ai été obligé de l'apprendre, parce que je me suis trouvé chargé de plus de mille Portugais des Indes qui se trouvèrent abandonnés de leur pasteur pendant plus de six mois.

Dans le temps que j'en avais la conduite, je reçus ordre de M. l'évêque de Saint-Thomés

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de publier le jubilé et de le leur faire gagner. Ces bonnes gens ne savoient ce que c'étoit que le jubilé; je travaillai pendant plus d'un mois à les mettre en état de profiter du trésor que l'Église leur ouvroit. Je faisois deux sermons par jour et deux catéchismes; le matin étoit destiné à l'instruction des adultes catéchumènes, et l'après-dinée à celle des chrétiens; la moitié de la nuit se passoit à entendre les confessions des hommes, et depuis la pointe du jour jusqu'à neuf heures, que je disois la messe, j'entendois les confessions des femmes. Ce grand travail me dédommageoit des quatre années que j'avois passées sans pouvoir rien faire qu'apprendre des langues. Je me sens plus d'ardeur que jamais pour étudier celle de Maduré, parce que je suis convaincu qu'elle me sera plus utile que toutes les autres. Je ne veux retenir de françois qu'autant qu'il en faudra pour vous instruire de tout ce qui se passera dans ces missions et pour vous demander le secours de vos prières. Souvenezvous de ce que vous me promîtes quand nous nous séparâmes, et comptez que toutes les fois que j'ai dit la sainte Messe j'ai pensé nommément à vous. Aidons-nous tous deux mutuellement à nous sanctifier, et quoique nous fassions si loin l'un de l'autre notre sacrifice, unissonsle toujours dans celui pour lequel seul nous le faisons. Je suis avec bien du respect, etc.

LETTRE DU P. PIERRE MARTIN

AU P. LE GOBIEN.

Missions de Carnate, Gingi, Golconde et Maduré.-Notions sur les castes de l'Inde.

A Camien-naixen-patty, dans le royaume de Maduré, le 1er de juin 1700.

MON RÉVÉREnd Père.

P. C.

Je vous ai marqué dans mes dernières lettres le désir que j'avois de me consacrer à la mission de Maduré. Je cherchois les moyens d'exécuter un dessein que Dieu m'avoit inspiré depuis longtemps lorsque le père Bouchet arriva à Pondichery. Je ne puis vous exprimer de quels sentimens je fus pénétré en voyant cet excellent missionnaire, qui, dans l'espace de douze années,

a eu le bonheur de baptiser plus de trente mille âmes. Je ne pouvois l'entendre parler des travaux de nos pères missionnaires, de la ferveur des chrétiens, du grand nombre de conversions qui se font tous les jours dans cette Église naissante, sans me sentir animé d'une nouvelle ardeur de me joindre à ces ouvriers évangéliques et d'aller prendre part à leurs travaux.

mais il nous fut si contraire que pendant plus d'un mois nous ne fimes que lutter contre des orages et des tempêtes. Outre cette première disgrâce, la maladie se mit dans nos équipages, qui n'étoient pas encore bien rétablis de ce qu'ils avoient souffert à Négrailles. Nous ne perdimes cependant que six ou sept personnes, par le soin qu'eut M. des Augers de procurer aux malades les secours dont ils avoient besoin. Cet officier, aussi distingué par sa piété que par sa valeur, songeoit également à l'âme et au corps; de sorte que la fète de la Toussaint étant arrivée dans le cours de notre voyage, il fit ses dé

Les sentimens de mes supérieurs se trouvèrent conformes à mes vues. Ils pensoient à établir une nouvelle mission dans les royaumes de Carnate, de Gingi et de Golconde, comme on vous l'a déjà mandé, et de la former sur le modèle de celle que nos pères portugais culti-votions et me donna la consolation de les faire vent dans le royaume de Maduré, depuis plus de quatre-vingts ans, avec des bénédictions extraordinaires du ciel.

Pour réussir dans une entreprise si glorieuse à Dieu et si avantageuse à l'Église, il étoit nécessaire d'envoyer quelques-uns de nos pères françois dans cette ancienne mission, où ils puissent apprendre la langue, s'instruire des coutumes et des usages de ces peuples, former des catéchistes, lire et transcrire les livres que le vénérable père Robert de Nobilibus et nos autres pères ont composés, en un mot recueillir tout ce que le travail et l'expérience de tant d'années avait donné de lumières à ces sages ouvriers et tâcher d'en profiter dans une entreprise toute semblable à la leur. On jeta les yeux sur le père Mauduit et sur moi; mais on jugea à propos de nous faire prendre deux routes différentes. Le père Mauduit, après avoir été à Meliapor visiter le tombeau de l'apôtre saint Thomas, eut ordre de se rendre auprès du père François Laynez dans le Maduré, pendant que j'irois par mer trouver le révérend père provincial des jésuites portugais, qui étoit alors dans le royaume de Travancor', afin de lui demander pour mon compagnon et pour moi la permission d'aller pendant quelque temps dans la mission de Maduré.

Je m'embarquai donc à Pondichery vers la fin du mois de septembre de l'année 1699 sur un vaisseau de guerre françois monté par M. le chevalier des Augers, qui commandoit une petite escadre et qui m'offrit obligeamment de me mettre à terre à la côte de Travancor. Il ne falloit que quinze ou vingt jours pour doubler le cap Comorin si le vent avoit été favorable;

'Sur la côte occidentale de la presqu'ile du Dekhan.

faire à la plus grande partie de l'équipage, sains et malades. Enfin, après quarante jours de navigation, nous découvrimes les montagnes du cap de Comorin, si fameux par les premières navigations des Portugais.

J'avois résolu d'y prendre terre; mais le vent s'étant considérablement augmenté pendant la nuit, nous nous trouvâmes le lendemain avoir dépassé ce cap de plus de quinze lieues. Quoique la côte fût remplie de bois et qu'il ne parût aucune habitation, je priai M. des Augers de me faire mettre à terre avec deux de nos pères, que M. de La Roche-Hercule, autre capitaine de notre petite escadre, avoit eu l'honnêteté de recevoir sur son bord. Ces deux pères, l'un Italien et l'autre Portugais, alloient à Travancor, aussi bien que moi, demander la permission de travailler dans la mission de Maduré. M. des Augers cut la bonté de nous donner une chaloupe armée pour nous porter à terre el pour nous défendre, s'il étoit nécessaire, des corsaires qui infestent ordinairement ces mers. Comme nous n'étions guère à plus de trois lieues de la côte, nous crùmes que nous aborderions aisément; mais à mesure qu'on approchoit du rivage, nous y trouvions plus de difficulté. La mer brisoit partout avec violence, et l'on ne voyoit aucun endroit sur pour nous débarquer : de sorte que l'officier qui commandoit la chaloupe, et qui étoit neveu de M. des Augers, nous eût ramenés au vaisseau si, après avoir couru une grande étendue de côte, il n'eût aperçu enfin dans le bois une assez grosse fumée el peu de temps après un pêcheur assis sur un catimaron, c'est-à-dire sur quelques grosses pièces de bois liées ensemble en manière de

radeau.

Comme ce pêcheur se laissoit aller avec ses

filets au gré des flots, on alla droit à lui; et quoiqu'il fit tous ses efforts pour nous éviter, nous prenant pour des corsaires, on l'atteignit bientôt d'assez près pour l'obliger de venir à nous. Sa crainte se changea en des transports de joie extraordinaires quand il aperçut dans notre chaloupe trois pères semblables à ceux qui ont soin des chrétiens de la côte de Malabar et qu'il vit un chapelet que je lui présentai. Il le baisa mille fois et fit à diverses reprises le signe de la croix, d'où nous connûmes que ce bon homme étoit chrétien. Il nous marqua qu'il falloit mouiller à l'endroit même où nous étions, parce que notre chaloupe se briseroit infailliblement si l'on approchoit plus près du rivage. Il nous fit entendre que, dans l'endroit où nous avions vu de la fumée, il y avoit une petite bourgade dont la plupart des habitans étoient chrétiens; qu'il alloit les avertir de notre arrivée et qu'ils viendroient avec joie nous prendre dans un petit bateau. Cela ne manqua pas. Peu de temps après nous vîmes plusieurs hommes sortir du bois et se mettre en mer avec un canot soutenu par les deux côtés de catimarons pour empêcher qu'il ne tournât. La précaution étoit nécessaire, car sans cet appui nous n'eussions jamais osé nous hasarder sur ce fragile vaisseau. Ce n'étoit qu'une écorce d'arbre large de deux pieds et longue de huit à dix au plus. On n'y mettoit le pied qu'en tremblant. Une fois nous le vimes tourner tout d'un coup. Heureusement il n'y avoit encore que quelques hardes, qui furent gâtées. Enfin je vous assure que, m'étant trouvé souvent exposé à de très-grands dangers sur la Méditerranée, sur la mer Noire et sur celle des Indes, je ne me suis jamais vu plus en péril que ce jour-là. Quand nous approchions de la terre dans le canot l'un après l'autre, ces bonnes gens, qui étoient venus au-devant de nous, se jetoient à l'eau, et, emportant tout à la fois le vaisseau, le pilote et le missionnaire, ils nous conduisoient au rivage sur leurs épaules. C'est de cette manière que nous abordames à la côte de Travancor.

Etant tous trois débarqués, nous remerciàmes Notre-Seigneur à genoux de nous avoir conservés et nous baisâmes celle terre sanctifiée autrefois par les pas de l'apôtre des Indes saint François Xavier. Quoiqu'il ne fût qu'environ midi, le soleil avoit déjà mis en feu les sables sur lesquels il falloit marcher. Ils étoient

si brûlans que nous n'en pùmes longtemps soutenir l'ardeur. La douleur augmentant à chaque pas que nous faisions, elle devint si violente qu'il fallut ôter nos chapeaux de dessus la tête et nous les mettre sous les pieds pendant quelque temps pour ne pas brûler tout à fait. Mais le soulagement des pieds, comme vous pouvez juger, coûtoit cher à la tête. Les Indiens, nos guides, voyant que nous n'en pouvions presque plus, nous firent prendre la route d'un bois. La terre et l'air n'y étoient pas si échauffés, mais en échange c'étoient des broussailles et des épines qui nous entroient dans les pieds et nous déchiroient toutes les jambes. Le père italien, qui ne faisoit que de relever de maladie, souffrit beaucoup plus que mon compagnon et moi. Enfin, après avoir traversé le bois, nous arrivâmes à une petite église dont le dedans étoit très-propre, quoique ce ne fût qu'une cabane faite de terre et couverte de paille. Une petite image de la sainte Vierge faisoit tout l'ornement de l'autel. Après avoir prié Dieu et pris un léger repas de quelques herbes cuites à l'eau et de quelques cocos que les chrétiens nous présentèrent, nous nous remîmes sur le soir en chemin, et, au bout d'environ une lieue, nous arrivâmes chez le père Emmanuel Lopez, de notre compagnie, lequel a soin d'une partie des chrétiens de la côte de Travancor.

Il y a plus de cinquante ans que ce missionnaire travaille avec un zèle infatigable au salut des Malabars. Il est le dernier jésuite qui ait paru dans le Maduré avec l'habit que nous portons en Europe. Car, quoiqu'il y ait plus de quatre-vingts ans que le père Robert de Nobilibus fonda cette fameuse mission sur le pied qu'elle est aujourd'hui, c'est-à-dire en s'accommodant aux coutumes du pays, soit pour l'habit, la nourriture et la demeure, soit pour les autres usages qui ne sont point contraires à la foi et aux bonnes mœurs, cependant les Portugais ne purent se résoudre à ne plus paroître en ces terres en habit européen qu'après avoir été convaincus par une longue expérience que cette conduite étoit très-préjudiciable à la religion et à la propagation de la foi par l'aversion et le mépris que ces peuples ont conçu contre les Européens. Nous fùmes édifiés de la beauté et de la propreté de l'église du père Lopez, mais nous le fûmes bien davantage du nombre et de la piété des fidèles qui sont sous sa conduite,

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et qui se distinguent de tous les autres Mala- | principales: la caste des brames, qui passe sans contredit pour la première et la plus noble; la caste des rajas, qui prétendent être descendus de diverses familles royales; la caste des choutres et celle des parias. Chacune de ces castes est partagée en plusieurs branches dont les unes sont plus nobles et plus élevées que les autres. La caste des choutres est la plus étendue et celle dont les branches sont plus nombreuses, car sous le nom de choutres sont compris les peintres, les écrivains, les tailleurs, les charpentiers, les maçons, les tisserands et autres. Chaque métier est renfermé dans sa casle et ne peut être exercé que par ceux dont les parens en faisoient profession; ainsi le fils d'un tailleur ne peut pas devenir peintre, ni le fils d'un peintre tailleur. Il y a cependant certains emplois qui sont communs à toutes les castes: chacun, par exemple, peut être marchand ou soldat. Il y a aussi diverses castes qui peuvent s'appliquer à labourer et à cultiver la terre, mais non pas toutes. Quoiqu'il n'y ait que la caste des parias qui passe pour infâme, et dont ceux qui la composent ne peuvent presque entrer dans aucun commerce de la vic civile, il y a cependant certains métiers qui abais sent ceux qui les exercent presque jusqu'au rang des parias; ainsi un cordonnier et tout homme qui travaille en cuir, et en plusieurs endroits

bars par leur docilit et par une foi vive et animée. Aussi cette chrétienté passe-t-elle pour être la plus florissante de la côte de Travancor. Le père Lopez nous reçut avec des transports de joie qui nous marquèrent son bon cœur; mais il ne put retenir ses larmes ni s'empêcher de jeter de profonds soupirs quand je lui dis que j'allois trouver le père provincial pour demander permission d'entrer dans la mission de Maduré. « Ah! que vous êtes heureux, mon cher père, me dit-il en m'embrassant tendrement, que ne puis-je vous y accompagner. Mais hélas! je suis indigne de travailler jamais avec cette troupe de saints qui y sont employés. » Quoique ce père eût de grands talens et un zèle égal pour la conversion des âmes, ses supérieurs n'ont pourtant pas voulu lui permettre de rentrer dans cette mission et d'y prendre l'habit que nous y portons, parce que, y ayant paru pendant plusieurs années comme Européen, il n'auroit pu jamais si bien se déguiser qu'on ne l'eût reconnu, ce qui l'eût rendu inutile à la conversion de ces peuples et peut-être tous les autres qu'on auroit soupçonnés d'être du même pays et d'avoir vécu selon les mêmes usages que lui. Après un repos de deux jours dans la compagnie de ce charitable missionnaire, nous continuâmes notre route le long de la côte, qui me parut assez peu-les pêcheurs et ceux qui gardent les troupeaux plée; mais d'un si grand peuple, il n'y a guère que la caste des pêcheurs qui ait embrassé la religion chrétienne.

Quoique vous ayez souvent entendu parler de caste, je ne sais si vous êtes instruit assez distinctement de ce que c'est. On appelle une caste l'assemblage de plusieurs familles d'un même rang ou d'une même profession. Cette distinction ne se trouve proprement que dans l'empire du Mogol, dans le royaume de Bengale, dans l'ile de Ceylan et dans la grande péninsule de l'Inde qui lui est opposée et dont nous parlons maintenant. Il y a quatre castes

Diodore, Arrien, Strabon, comptent sept castes; mais ils confondent des subdivisions avec les castes elles-mêmes. Ils parlent de la caste des bergers: or, ces bergers n'étaient que des tribus nomades et indis

passent pour parias.

Les Portugais, ne connoissant point dans les commencemens la différence qu'il y a entre les castes basses et celles qui sont plus élevées, ne firent aucune difficulté de traiter indifféremment avec les unes et avec les autres, de prendre à leur service des parias et des pêcheurs et de s'en servir également dans leurs divers besoins. Cette conduite des premiers Portugais choqua les Indiens et devint très-préjudiciable à notre sainte religion, car ils regardèrent dès lors les peuples de l'Europe comme des gens infâmes et méprisables avec lesquels on ne pouvoit pas avoir commerce sans se déshonorer. Si on eût pris dès ce temps-là les sages précautions qu'on a gardées depuis près d'un siècle dans le Maduré, il eût été facile de gagner tous ces peu

ciplinées qui existent encore et qui n'entraient pas ples à la nation Portugaise premièrement et

plus alors que de nos jours dans l'organisation bramaniste. Les mèmes historiens comptent aussi une caste de conseillers, tandis que les conseillers ne sont à vrai dire que des fonctionnaires et non pas des membres distincts d'une caste séparée.

ensuite à Jésus-Christ: au lieu qu'aujourd'hui la conversion des Indiens est comme impossi

Tchoutres.

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