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LIVRE II

CHAPITRE I

DU VRAI

« Où trouvera-t-on, écrit Leibniz, des tablettes qui ne soient quelque chose de varié par ellesmêmes? Verra-t-on jamais un plan parfaitement uni et uniforme? Pourquoi donc ne pourrions-nous pas fournir aussi à nous-mêmes quelque objet de pensée de notre propre fond, lorsque nous y voudrons creuser (1)? »

Ces paroles me semblent aussi ingénieuses que profondes. Elles sont, à elles seules, une condamnation décisive de tous les systèmes qui, sous pré

1) Nouveaux Essais, Avant-propos.

texte d'expliquer l'homme, l'imaginent, et construisent la réalité, au lieu de l'observer. Effectivement, à le bien prendre, tout est être monade, parce que tout être porte en soi les lois de son être. La capacité pure, ou simple réceptivité, n'est qu'une dangereuse abstraction. Il n'y a pas d'être nu; tout être est doué de certaines puissances, tantôt en acte et tantôt latentes, mais qui n'en sont pas moins inséparables de l'être et comme ses conditions. Loin que l'indétermination marque l'excellence d'un être, elle est un signe notable d'infériorité; et un être, si l'on peut s'exprimer ainsi, est d'autant plus être qu'il est plus déterminé. Qu'est-ce en effet que cette détermination, sinon l'expression de sa nature, riche ou pauvre, infime ou élevée?

Par conséquent, c'est une absurdité de comparer l'âme de l'homme, avant qu'elle entre en contact avec l'expérience, à des tablettes parfaitement vides, à une table rase, à l'album du préteur, où se pourront écrire tous les caractères que l'on voudra. Si le plus vil objet a sa nature, comment l'âme n'aurait-elle pas aussi sa nature? Or sa nature est-elle autre chose que l'ensemble de ses dispositions, de ses virtualités, de ses aptitudes? Pour quiconque sait lire, c'est-à-dire observer attentivement les êtres, n'est-il donc pas très-facile de dé

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