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le ciel (1). Cette suprême leçon de la peinture ne serait-elle donc point aussi pour l'art dramatique une leçon? Non, un drame, une tragédie, non plus qu'un tableau, n'a pas d'autre objet que la belle nature, la vérité, le premier modèle. L'éloquence elle-même a son idéal; j'en ai pour garant le livre de l'Orator.

Le philosophe, écrivait Platon, va à l'être; le sophiste court au néant. Là est le secret de l'art, aussi bien que de la métaphysique; car c'est sur la métaphysique que repose, quoi qu'on en ait, la science du beau. Quiconque entreprend de réaliser le beau, sans se tourner vers l'être, sans tenir ses yeux fixés sur l'idéal, celui-là est un sophiste de l'art. Au lieu d'élever les âmes, il les abaisse, il flatte les sens plus qu'il n'émeut les cœurs; en abusant les imaginations, il énerve les mœurs publiques. Le dilettantisme est un symptôme en même temps qu'une semence de corruption. A l'idéal doivent être subordonnés le goût, l'imagination, l'enthousiasme.

En définitive, il n'y a pas de théories esthétiques, dignes qu'on s'y arrête, qui ne proclamen

(4) M. 1.anaud-Roland, Michel-Ange poëte. Paris, 1860; in-12. Madrigal VII, le Beau idéal.

la vérité de ces principes. Toutes, en effet, elles ne sont que des reproductions plus ou moins affaiblies, des développements plus ou moins heureux de la théorie platonicienne des idées (1). Depuis les Ennéades de Plotin jusqu'à la Critique du jugement de Kant, depuis saint Augustin jusqu'à Schelling et à Hégel, ce sont les doctrines du Phèdre et du Banquet, de l'Hippias et du Gorgias, qui reparaissent dans tous les traités sur le beau. Le Christianisme, par sa vertu divine, a vivifié ces données, il ne les a pas changées. Il lui aurait fallu changer l'âme.humaine.

Et qu'on ne croie pas que la théorie platonicienne du beau n'ait passionné que des méditatifs, et que, célébrée dans la spéculation, elle soit restée stérile dans la pratique. Il y aurait dans l'histoire de l'art un curieux chapitre à écrire sur l'influence du Platonisme dans les arts. Il serait, en particulier, intéressant de remarquer que c'est à l'école de Platon que se sont formés les peintres les plus illustres de la Renaissance, et peut-être de tous les temps. Ouvrez le livre Del Cortegiano, par Castiglione, ou les Asolani, par Pietro Bembo. Parcou

4) Voyez mon Exposition de la théorie platonicienne des ulées; Paris, 1858, in- 18.

rez le Dialogue sur la peinture dans la ville de Rome, par François de Hollande. Quel est l'objet de ces doctes entretiens, que préside à la cour d'Urbain la duchesse Guidubaldo (1), et dans l'église de Saint-Sylvestre, à Monte-Cavallo, la marquise de Pescara, l'immortelle Vittoria CoJonna (2)? On y disserte sur le beau, on y commente les discours contraires d'Alcibiade et de Diotime. Et quels sont les auditeurs et les interlocuteurs de ces conversations platoniciennes ? C'est Michel-Ange et c'est Raphaël. Léonard de Vinci n'a-t-il pas, de son côté, passé à Florence les années de sa florissante jeunesse, à l'époque où le chanoine Ficin, non content de traduire Platon et d'ériger en son honneur une Académie, voulait presque le faire adorer, et le portait du moins jusque dans la chaire? Enfin, vers le même temps, Albert Dürer lui-même ne venait-il pas chercher en Italie les inspirations platoniciennes que lui dérobait la scolastique Nuremberg (3) ?

Raphaël, Michel-Ange, Léonard, Dürer, quels noms! Et quels témoins de l'excellence des doc

(4) M. Passavant, t. Ier, p. 82 et suiv. Raphaël chez le Pérugin. 2) Revue des Deux-Mondes, 1er juillet 1859; Michel-Ange, par M. Ch. Clément.

3 M. Passavant, t. Ier, p. 179; Raphaël sous Léon X.

trines de Platon sur le beau! Suivez, au delà, les vicissitudes de l'histoire de l'art, et vous reconnaîtrez que l'art s'est toujours précipité, à mesure qu'il s'est éloigné de la tradition platonicienne; qu'il s'est toujours relevé par un salutaire retour vers cette tradition.

Quel est donc, en définitive, le fond de la doctrine de Platon sur le beau ? En deux mots, éclairé par une étude profonde de l'âme, Platon n'a jamais séparé l'idée du beau de l'idée du vrai, ni de l'idée du bien. Je n'ai lu dans aucun de ses dialogues « que le beau est la splendeur du vrai. » Mais partout il a rapporté le beau et le vrai à une même origine. Surtout, il n'y a pas un seul passage de ses ouvrages où il n'ait identifié dans leur principe, souvent même jusqu'à les confondre dans leurs manifestations, le beau et le bien. Par conséquent, ce qui caractérise l'esthétique de Platon, ce qui en assure la puissance, malgré les erreurs qui la déparent, et, si on me passe cette expression, ce qui en garantit la pérennité, c'est le sentiment moral, l'amour de l'idéal, la foi à l'âme et la foi en Dieu, cette foi que seule peut légitimer la psychologie.

CHAPITRE IV

DIEU

La vérité, la bonté, la vertu, écrit un philosophe allemand, nous élèvent dans l'empire des choses divines et impérissables. Il est un Dieu, parce qu'il y a de la vertu, de la beauté, de la vérité (1). »

Le vrai, le beau, le bien, manifestés en nous, n'ont pas en nous leur raison d'être. Tout homme qui s'examine attentivement soi-même trouve empreintes en son âme ces sublimes idées; mais il

(1) Jacobi.

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