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Il aimait tendrement son père, mais il avait avec lui peu de relations. M. de Cadolles était un homme d'un esprit agréable et cultivé, qui faisait des vers sur le modèle des vers de l'abbé Delille. Je suis persuadé qu'il s'était traduit sa femme comme Ducis traduisit Hamlet. Le mélange de passion et de rêverie qui faisait le caractère de la comtesse Hermangarde lui avait échappé, sinon dans sa forme extérieure, du moins dans sa secrète et profonde originalité. M. de Cadolles était en un mot le Français tel que l'a peint d'ordinaire madame de Staël, tel qu'il fut longtemps, et, il faut le reconnaître, tel qu'il est encore volontiers: impropre à toute vraie passion, ennemi de toute profonde étude, superficiel avec conscience, léger avec onction. M. de Cadolles avait composé une épitaphe en vers pour sa femme, et l'avait fait graver sur un mausolée de marbre blanc d'une forme antique. Puis ce devoir pieux accompli de cette romanesque façon, il avait cherché, disait-il, des consolations dans les belles-lettres, et une distraction dans une société choisie. Six mois après la mort de sa femme, M. de Cadolles recevait dans le château d'Hermorah toute la noblesse des environs.

Wolfgang se refusait obstinément à toute société. Dès que les hôtes de son père arrivaient, il s'enfuyait dans sa chambre; mais il emportait avec lui le Journal de l'Empire, et souvent toute sa soirée se passait dans des visions guerrières.

Et moi aussi, se disait-il, je pourrais être soldat français!

Un hasard des plus insignifiants en apparence vint tout à coup décider de sa vie.

Ce hasard fut l'arrivée à Hermorah d'un trompette du 1er hussards qui s'appelait Robert Triton. Triton ne savait pas s'il devait le nom qu'il portait à son père,

ou bien à un ancien capitaine de dromadaires qui avait pris soin de ses jeunes années; homme instruit, qui lui aurait donné ce nom-là, disait-il, par rapport à d'anciens sonneurs de trompe; c'était, du reste, une question qui le tourmentait peu. Triton, depuis longtemps, ne se connaissait qu'une seule famille, c'était le 1er hussards. Les hommes s'en vont, mais les régiments restent. Depuis que nous avons en face de nous des batteries qui détruisent en quelques heures des corps d'armée, les gloires individuelles se font rares. Tel qui aurait peut-être été Bayard a son affaire, comme dit le troupier, la première fois qu'il va au feu. Ce sont des numéros de régiment qui héritent des grandes renommées chevaleresques. Quelques-uns sont tentés de s'en plaindre, et moi je dis tant mieux; plus le métier des armes exige d'abnégation, plus il est beau, « Aimez à être inconnu et à n'être compté pour rien, » dit l'Imitation de Jésus-Christ. Il faut que le soldat ait cette maxime dans le cœur : il tombe, mais le drapeau avance, et la marche du régiment bat toujours. Quand la bataille est gagnée, on dit : « Le 5o de ligne, ou le 1er hussards, s'est couvert de gloire, » et un millier de héros anonymes jouissent d'une ligne de bulletin. Le 1er hussards s'était bien des fois renouvelé depuis que Triton y avait sonné la charge pour la première fois; mais c'était toujours la même âme qui animait ce corps éprouvé par les balles. Quelques anciens, épargnés par le feu, restaient dans cette immortelle famille, et contaient aux nouveaux venus maints traits d'une vertu ignorée. Il fallait entendre Triton parler de l'adjudant Kreutzer, et du capitaine Margand, et du brigadier Sarmin.

Entre deux bouffées de tabac, il jetait sur ces noms inconnus toute la splendeur dont disposait son élo

quence militaire. Wolfgang l'écoutait les larmes aux yeux, et se disait souvent :

Je ne désire point pour ma mémoire d'autre oraison funèbre que celle-là.

Wolfgang avait un cœur de soldat. On a un cœur de soldat comme on a un cœur de prêtre. Et quand Dieu vous a donné ce cœur-là, il n'y a qu'un sabre qui puisse vous l'arracher de la poitrine. Aucun raisonnement, aucun discours n'éteindrait votre enthousiasme. Je crois parce que c'est absurde. C'est l'écrasante et magnifique formule des religions.

Robert Triton était venu un beau jour au château d'Hermorah, vêtu de haillons qui rappelaient de la façon la plus confuse l'uniforme français et traînant un de ses pieds enveloppé de chiffons, tandis que l'autre était encore dans une botte à la hussarde. Le pauvre diable avait eu la cheville brisée par une balle autrichienne. Un heureux hasard lui avait sauvé l'amputation, mais il était estropié et se croyait mis pour toujours hors du noble jeu des batailles.

Il avait appris qu'un château devant lequel il passait était habité par un Français, et il était venu avec confiance demander l'hospitalité à un compatriote. Son instinct l'avait bien guidé. Le comte de Cadolles le reçut avec bonté, Wolfgang avec effusion. On soigna son pied, et, dès qu'il put tenir à cheval, le marquis en fit le chef de ses piqueurs. Robert, qui aimait à célébrer la gloire du 1er hussards, trouvait dans Wolfgang un auditeur d'une complaisance inépuisable. Aussi la plus intime liaison s'était établie entre le jeune gentilhomme et le vieux soldat; et un jour Robert osa dire à son maître : -Si j'étais à votre place, M. le marquis, je serais malheureux.

- Et pourquoi? repartit Wolfgang qui à ce moment

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ence militaire. Wolfgang l'écoutait les larmes aux ux, et se disait souvent :

Je ne désire point pour ma mémoire d'autre oraia funèbre que celle-là.

Wolfgang avait un cœur de soldat. On a un cœur de Idat comme on a un cœur de prêtre. Et quand Dieu ous a donné ce cœur-là, il n'y a qu'un sabre qui puisse ous l'arracher de la poitrine. Aucun raisonnement, auun discours n'éteindrait votre enthousiasme. Je crois arce que c'est absurde. C'est l'écrasante et magnifique ormule des religions.

Robert Triton était venu un beau jour au château d'Hermorah, vêtu de haillons qui rappelaient de la façon la plus confuse l'uniforme français et traînant un de ses pieds enveloppé de chiffons, tandis que l'autre était encore dans une botte à la hussarde. Le pauvre diable avait eu la cheville brisée par une balle autrichienne. Un heureux hasard lui avait sauvé l'amputation, mais il était estropié et se croyait mis pour toujours hors du noble jeu des batailles.

Il avait appris qu'un château devant lequel il passait était habité par un Français, et il était venu avec confiance demander l'hospitalité à un compatriote. Son instinct l'avait bien guidé. Le comte de Cadolles le reçut avec bonté, Wolfgang avec effusion. On soigna son pied, et, dès qu'il put tenir à cheval, le marquis en fit le chef de ses piqueurs Robert, qui aimait à célébrer la gloire du 1er huss teur d'une com liaison s'étai eux soldat; e Si j'étais à

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