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le suivent pas. On croit avoir remarqué, par exemple, que, depuis que la Comédie françoise est aux Tuileries, on ne reconnoît plus dans le Parterre cette vieille sagacité, que lui donnoient ses chefs de meute quand ce spectacle étoit au faubourg S. Germain: car il en est d'un Parterre nouveau comme d'une meute de jeunes chiens; il s'étourdit & prend le change.

Par la même raison, le goût dominant du Public, le même jour & dans la même ville, n'est pas le même d'un spectacle à un autre; & la différence n'est pas dans les loges, car le même monde y circule; elle est dans cette partie habituée du Public, que l'on appelle les piliers du Parterre : c'est elle qui donne le ton; & c'est son indulgence ou sa sévérité, sa bonne ou sa mauvaise humeur, fon naturel inculte ou sa délicatesse, son goût plus ou moins difficile, plus ou moins raffiné, qui, par contagion, se communique aux loges, & fait comme 1'esprit du lieu & du moment.

Enfin le gros du Parterre est composé d'hommes fans culture & fans prétentions, dont la sensibilité ingénue vient se livrer aux impressions qu'elle recevra du spectacle, & qui, de plus, suivant l'impulfion qu'on leur donne, semblent ne faire qu'un esprit & qu'une âme avec ceux qui, plus éclairés, les font penfer & fentir avec eux.

De là vient cette sagacité fingulière, cette promptitude admirable, avec laquelle tout un Parterre saisit à la fois les beautés ou les défauts d'une pièce de Théâtre; de là vient aussi que certaines beautés délicates ou transcendantes ne sont senties qu'avec le temps, parce que l'influence des bons esprits n'est pas toujours également rapide, quoique la partie du Public où il y a le moins de vanité, soit auffi celle qui se corrige & se rétracte le plus aifément. C'est le Parterre qui a vengé la Phèdre de Racine de la préférence que les loges avoient donnée à celle de Pradon.

Telle eft chez nous la composition & le mélange de cette partie du Public, qui, pour être admife à peu de frais au spectacle, consent à s'y tenir debout, & souvent très-mal à son aise.

Mais que le Parterre soit assis, ce sera tout un autre monde, foit parce que les places en feront plus chères, soit parce qu'on y fera plus commodément. Alors le Public des loges & celui du Parterre ne feront qu'un; & dans le sentiment du Parzerre il n'y aura plus, ni la même liberté, ni la même ingénuïté, ôsons le dire, ni les mêmes lumières : car dans le Parterre, comme je l'ai dit, les ignorants ont la modeftie d'être à l'école & d'écouter les gens instruits; au lieu que dans les loges, & par conséquent dans un Parterre aflis, l'ignorance est présomptueuse; tout eft caprice, vanité, fantaisie, ou prévention.

On trouvera que j'exagère; mais je suis perfuadé que, fi le Parterre arterre, tel qu'il est, ne captivoit pas Popinion publique, & ne la réduisoit pas à l'unité

en la ramenant à la fienne, il y auroit le plus souvent autant de jugements divers qu'il y a de loges au spectacle, & que de long temps le succès d'une pièce ne sferoit unanimement ni absolument décidé.

,

que part

Il est vrai du moins que cette espèce de république qui compose nos spectacles, changeroit de nature, & que la démocratie du Parterre dégénèreroit en aristocratie: moins de licence & de tumulte, mais aussi moins de liberté, d'ingénuïté, de chaleur, de franchise & d'intégrité. C'est du Parterre, & d'un Parterre libre l'applaudiffement; & l'applaudissement est l'ame de l'émulation, l'explosion du sentiment, la sanction publique des jugements intimes, & comme le signal que se donnent toutes les âmes pour jouïr à la fois, & pour redoubler l'intérêt de leurs jouissances par cette communication mutuelle & rapide de leut commune émotion. Dans un spectacle où l'on n'applaudit pas, les âmes feront toujours froides & le goût toujours indécis.

aux

Je ne dois pourtant pas diffimuler que le défir très-naturel d'exciter l'applaudissement a pu nuire au goût des poètes & au jeu des acteurs, en leur fefant préférer ce qui étoit plus faillant à ce qui eût été plus vrai, plus naturel, plus réellement beau: de là ces vers fententieux qu'on a détachés; de là ces tirades brillantes dans lesquelles, dépens de la vérité du dialogue, on semble ramaffer des forces pour ébranler le Parterre & l'étonner par un coup d'éclat; de là aussi ce jeu violent ces mouvements outrés, par lesquels l'acteur, à la fin d'une réplique ou d'un monologue, arrache l'applaudiffement. Mais cette espèce de charlatanerie, dont le Parterre plus éclairé s'apercevra un jour, & qu'il fera cesser lui même, paroitroit peut-être encore plus nécessaire pour émouvoir un Parterre affis, & d'autant moins sensible au plaifir du spectacle qu'il en jouiroit plus commodément : car il en est de ce plaifir comme de tous les autres; la peine qu'il en coute y met un nouveau prix, & on les goûte foiblement lorsqu'on les prend trop à fon aise. Peut-être qu'un Parterre où l'on feroit debout auroit plus d'inconvénients chez un peuple où règneroit plus de licence, & moins d'avantages chez un peuple dont la sensibilité, exaltée par le climat, feroit plus facile à émouvoir. Mais je parle ici des françois ; & j'ai pour moi l'avis des comédiens eux-mêmes, qui, quoiqu'intéressé, mérite quelque

attention.

(Depuis que cet article a été imprimé, les comédiens françois, dans leur nouvelle falle, ont pris le parti courageux d'avoir un Parterre affis : il paroît moins tumultueux, mais plus difficile à émouvoir; & soit que le prix des places ne foit plus affez bas pour y attirer cette foule de jeunes gens dont l'âme & l'imagination n'avoit befoin, pour s'exalter, que d'entendre de belles chofes, foit que le goût du Public, généralement pris, foit refroidi pour les beautés simples, comme on l'observe a tous nos théâtres, il est certain qu'on n'obtient plus de grands succès par ce moyen; & ce que disoit Voltaire, d'après une longue expérience, que pour être applaudi de la multitude, il valoit mieux fraper fort que de fraper jufte, se trouve plus vrai que jamais, tant à l'égard des spectateurs assis, qu'à l'égard de ceux qui sont debout: ce qui rend encore indécis le problême des deux Parterres.) (M. MARMONTEL. )

PARTICIPE, f. m. Grammaire. Le Participe est un mode du verbe qui présente à l'esprit un étre indéterminé désigné seulement par une idée précise de l'existence sous un attribut, laquelle idée est alors envisagée comme l'idée d'un accident particulier communicable à plusieurs natures. C'est pour cela qu'en grec, en latin, en allemand, &c, le Participe reçoit des terminaisons relatives aux genres, aux nombres, & aux cas, au moyen desquelles il se met en concordance avec le sujet tuquel on l'applique: mais il ne reçoit nulle part ucune terminaison personnelle, parce qu'il ne onstitue dans aucune langue la proposition prinipale; il n'exprime qu'un jugement accessoire, ai tombe sur un objet particulier qui est partie e la principale. Quos ab urbe difcedens Pomveius erat adhortatus (Cæs. I. civil.): difcelens eft ici la même chose que tum quum difcelebat ou difceffit; ce qui marque bien une proosition incidente: la construction analytique de ette phrase ainsi résolue est, Pompeius erat adprtatus eos (au lieu de quos) tum quum difceffit burbe; la proposition incidente difceffit ab urbe t liée par la conjonction quum à l'adverbe antédent tum (alors, lors); & le tout, tum quum fceffit ab urbe (lorsqu'il partit de la ville), * la totalité du complément circonstanciel de tups du verbe adhortatus. Il en sera ainsi de tout are Participe, qui pourra toujours se décomposer paun mode personnel & un mot conjonctif, pour conituer une proposition incidente.

en

L Participe est donc à cet égard comme les adjeifs: comme eux, il s'accorde en genre, nomle, & en cas, avec le nom auquel il est appliqu; & les adjectifs expriment, comme lui, des additis accessoires qui peuvent s'expliquer par des proofitions incidentes: des hommes favants, c'est à re, des hommes qui font savants. En un mot le Participe est un véritable adjectif, puisqu'isert, comme les adjectifs, à déterminer l'idée dufujet par l'idée accidentelle de l'évènement qu'il expme, & qu'il prend en conféquence les terminaisonsrelatives aux accidents des noms & des pronoms.

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Mais adjectif est aussi verbe, puisqu'il en a la sigification, qui consiste à exprimer l'exiftence d'un ujet sous un attribut: & il reçoit les diverses infxions temporelles qui en sont les suites nécessaires; présent, presans (priant); le prétérit,

precatus (ayant prié); le futur, precaturus (devant prier).

On peut donc dire avec vérité, que le Participe est un adjectif-verbe, ainsi que je l'ai insinuć dans quelque autre article, où j'avois besoin d'insister sur ce qu'il a de commun avec les adjectifs, sans vouloir perdre de vue sa nature indestructible de verbe ; & c'est précisément parce que sa nature tient de celle des deux parties d'oraison, qu'on lui a donné le nom de Participe: ce n'est point exclusivement un adjectif qui emprunte par accident quelque propriété du verbe, comme Sanctius semble le décider (Min. I. 15); ce n'est pas non plus un verbe qui emprunte accidentellement quelque propriété de l'adjectif; c'est une forte de mot dont l'effence comprend nécessairement les deux natures, & l'on doit dire que les Participes font ainsi nommés quoi qu'en dise Sanctius, quod partem (naturæ fuæ) capiant à verbo, partem à nomine, ou plus tôt ab adjectivo.

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L'abbé Girard (tome 1, difc. II, page 70) trouve à ce sujet de la bizarrerie dans les grammaiririens. « Comment, dit-il, après avoir décidé > que les infinitifs, les gérondifs, & les Parti> cipes font les uns substantifs & les autres adjec>> tifs, ôfent-ils les placer au rang des verbes dans >> leurs méthodes, & en faire des modes de con>> jugaisons ? >> Je viens de le dire, le Participe est verbe, parce qu'il exprime essenciellement l'existence d'un sujet sous un attribut, ce qui fait qu'il se conjugue par temps: il est adjectif, parce que c'est sous le point de vue qui caractérise la nature des adjectifs, qu'il présente la signification fondamentale qui le fait verbe; & c'est ce point de vûe propre qui en fait, dans le verbe , un mode diftingué des autres, comme l'infinitif en est un autre, caractérisé par la nature commune des noms. Voyez

INFINITIF.

Priscien donne, à mon sens, une plaisante raison de ce que l'on regarde le Participe comme une espèce de mot différent du verbe: c'est, dit-il, quod & cafus habet quibus caret verbum, & genera ad fimilitudinemnominum, nec modos habet quos continet verbum (lib. 11, de Oratione): sur quoi je ferai quatre observations.

1o. Que dans la langue hébraïque il y a pref que à chaque personne des variations relatives aux genres, inême dans le mode indicatif, & que ces genres n'empêchent pas les verbes hébreux d'être des

verbes.

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a un caractère propre qui l'empêche d'être confondu avec les autres modes. Que penser d'une pareille Logique?

nec

3°. Qu'il est ridicule de ne vouloir pas regarder le Participe comme appartenant au verbe, parce qu'il ne se divise point en modes comme le verbe. Ne peut-on pas dire aussi de l'indicatif, it que modos habet quos continet verbum ? N'est-ce pas la même chose de l'impératif, du suppositif, du fubjonctif, de l'optatif, de l'infinitif, pris à part? C'est donc encore dans Priscien un nouveau principe de Logique, que la partie n'est pas de la nature du Tout, parce qu'elle ne se subdivise pas dans les mêmes parties que le Tout.

4°. On doit regarder comme appartenant au verbe tout ce qui en conserve l'essence, qui est d'exprimer l'existence d'un sujet sous un attribut (voyez VERBE); & toute autre idée accessoire qui ne détruit point celle-là, n'empêche pas plus le verbe d'exitter, que ne font les variations des personnes & des nombres. Or le Participe conserve en effet la propriété d'exprimer l'existence d'un sujet sous un attribut, puisqu'il admet les différences de temps qui en sont une suite immédiate & nécessaire (Voyez TEMPS). Priscien par conféquent avoit tort de séparer le Participe du verbe, par la raison des idées accessoires qui font ajoutées à celle qui est essencielle

au verbe.

J'ajoûte qu'aucune autre raison n'a dû faire regarder le Participe comme une partie d'oraison différente du verbe: outre qu'il en a la nature fondamentale, il en conserve, dans toutes les langues, les propriétés usuelles. Nous disons en françois, lifant une lettre, ayant lu une lettre, comme je lis ou j'ai lu une lettre; arrivant ou étant arrive des champs à la ville, comme j'arrive ou j'étois arrivé des champs à la ville. En grec & en latin, le complément objectif du Participe du verbe actif se met à l'accusatif, comme quand le verbe est dans tout autre mode : ἀγαπήσεις κύριον τὸν Θεὸν σε, diliges Dominum Deum tuum) vous aimerez le seigneur votre Dieu); de même ἀγαπῶν κύριον τὸν Θεὸν σε, diligens Dominum Deum tuum (aimant le Seigneur votre Dieu). Perizonius (ad Sanct. Min. I. 15, not. 1) prétend qu'il en est de l'accufatif mis après la Participe latin, comme de celui que l'on trouve après certains noms verbaux, comme dans Quid tibi hanc rem curatio eft ou après certains adjectifs, comme omnia fimilis, cætera indoctus ; & que cet accufatif y elt également complément d'une prépofition foufentendue: ainsi, de même que hanc rem curatio veut dire propter hanc rem curatio, que omnia fimilis c'est fecundùm omnia fimilis, & que cætera indoftus fignifie circa cætera indočłus, ou, felon l'interprétation de Périzonius même, in negotio quod attinet ad cætera indočtus; de même aussi amans uxorem signifie amans erga uxorem, ou in negotio quod attinet ad uxorem. La

principale raison qu'il en apporte, c'est que l'accufatif n'est jamais régi immédiatement par aucun adjectif, & que les Participes enfin sont de véritables adjectifs, puisqu'ils en reçoivent tous les accidents qu'ils se construisent comme les adjectifs, & que l'on dit également amans uxoris & amans uxorem, patiens inediæ & patiens inediam.

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Il est vrai que l'accufatif n'est jamais régi immédiatement par un adjectif qui n'est qu'adjectif, & qu'il ne peut être donné à cette forte de mot aucun complément déterminatif, qu'au moyen d'une prépofition exprimée ou sousentendue. Mais le Participe n'est pas un adjectif pur; il est ausli verbe, puisqu'il se conjugue par temps & qu'il exprime l'existence d'un sujet sous un attribut. Pour quelle raison la Syntaxe le confidèreroit-elle comme adjectif plus tôt que comme verbe? Je fais bien que, fi elle le fesoit en effet, il faudroit bien en convenir & admettre ce principe, quand même on n'en pourroit pas affigner la raison: mais on ne peut statuer le fait que par l'usage; & l'usage universel,. qui s'explique à merveille par l'analogie commune des autres modes du verbe, est de mettre l'accufatif sans préposition après les Participes actifs, on ne trouve aucun exemple où le complément objectif du Participe soit amené par une prépofition; & fi l'on en rencontre quelqu'un où ce complément paroisse être au génitif, comme dans patiens inediæ, uxoris amans, c'est alors le cas de conclure que ce génitif n'est pas le complémen immédiat du Participe, mais celui de quelque autr nom sousentendu qui sera lui-même complément di Participe.

Ufus vulgaris (dit Périzonius lui-même, ibid.), quodammodo diftinxit Participii præfentis fignificationem ratione constructionis, feu prout ge nitivo vel accufativo jungitur. Nam patiers inediæ quum dicunt veteres, videtur fignificare eum qui æquo animo fæpiùs patitur vel faclè poteft pain at patiens inediam, qui uno atu aut tempore volens nolens patitur. Il dit ailleurs (Min. III, x, 2): Amans virtutem adhibetur ad notandum • præfens illud temporis momentum quo quis virtutem amat; at anans virtutis ufurpatur ad perpetuum virtutis amorm in homine aliquo fignificandum.

Cette différence de fignification attachée i celle de la Syntaxe usuelle, prouve directement que l'accusatif est le cas propre qui convient au complément objectif du Participe, puisque c'est celui que l'on emploie quand on se sert de ce mode dans le sens même du verbe auquel il appartient; au lieu que, quand on veut y ajouter l'idée acceffoire de facilité ou d'habitude, on ne montre que le génitif de l'objet principal, & l'on sousentend le nom qui eft l'objet inmediat, parce qu'en vertu de l'usage il est suffisamment indiqué par le génitif: ainsi, l'on devine aisément que patiens inediæ fignifie facilè patiens omnia incommoda inediæ & que amans virtutis veut dire de more

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Indéf. Precor ou fum precans.
Antér.
Precabar, eram precans.
Postér. Precabor, ero precans.

Les verbes les plus riches en temps simples, comme les verbes actifs relatifs, n'ont encore que des futurs composés de la même manière, amazurus fum, amaturus eram, amaturus ero : & ces futurs composés exprimant des points de vue nécessaires à la plénitude du systême des temps exigé par l'essence du verbe, il est nécessaire aussi de reconnoître que le Participe qui entre dans ces circonLocutions, est de même nature que le verbe dont il dérive; autrement, les vûes du système ne seroient pas effectivement remplies.

San&tius, & après lui Scioppius, prétendent que tout Participe est indistinctement de tous les temps; & Lancelot a presque approuvé cette doctrine dans fa Méthode latine. La raison générale qu'ils alleguent tous en faveur de cette opinion, c'est que chaque Participe se joint à chaque temps du verbe auxiliaire, ou même de tout autre verbe, au présent, au prétérit, & au futur. Je n'entrerai pas ici dans le détail immense des exemples qu'on allègue pour la justification de ce système : cependant, comme on pourroit l'appliquer aux Participes de toutes les langues, j'en ferai voir le foible, en rappelant un principe qui est essenciel, & dont les grammairiens n'avoient pas une notion bien

exacte.

,

Il faut considérer deux choses dans la signification générale des temps: 1o. un raport d'existence à une époque; 2°. l'époque même, qui est le terme de comparaison. L'existence peut avoir à l'époque trois fortes de raports: raport de fimultanéité qui caractérise les présents; raport d'antériorité, qui caractérise les prétérits; & raport de poftériorité, qui caractérise les futurs : ainsi une partie quelconque d'un verbe est un présent quand il exprime la fimultanéité de l'existence à l'égard d'une époque; c'est un prétérit, s'il en exprime l'antérionté; & c'est un futur, s'il en exprime la postériorité.

On distingue plusieurs espèces, ou de présents,

attribut le Participe du verbe décomposé: que dis-je ? le systême complet des temps auroit exigé dans les verbes latins neuf temps simples, savoir trois présents, trois prétérits, & trois futurs; & il y a quantité de verbes qui n'ont de simples que les présents. Tels font les verbes déponents, dont les prétérits & les futurs fimples font remplacés par le prétérit & le futur du Participe avec les présents simples du verbe auxiliaire : & comme on peut également remplacer les présents simples du même verbe auxiliaire; voici sous un seul coup -d'œil l'analyse complette des neuf temps de l'indicatif, par exemple, du verbe precors

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ou de prétérits, ou de futurs, selon la manière dont l'époque de comparaison y est envisagée. Si l'existence se raporte à une époque quelconque & indéterminée, le temps où elle est ainsi envisagée est ou un présent, ou un prétérit, ou un futur indéfini: si l'époque est déterminée, le temps eft défini. Or l'époque envisagée dans un temps ne peut être déterminée que par sa relation au moment même où l'on parle ; & cette relation peut aussi être ou de simultanéité, ou d'antériorité, ou de poftériorité, selon que l'époque concourt avec l'acte de la parole, ou qu'elle le précède, ou qu'elle le suit: ce qui divise chacune des trois espèces générales de temps définis en actuel, antérieur, & poftérieur. Voyez TEMPS.

Cela posé, l'origine de l'erreur de Sanctius vient de ce que les temps du Participe font indéfinis, qu'ils font abstraction de toute époque, & qu'on peut en conféquence les raporter, tantôt à une époque & tantôt à une autre, quoique chacun de ces temps exprime conftamment la même relation d'existence à l'époque. Ce sont ces variations de l'époque qui ont fait croire qu'en effet le même temps du Participe avoit successivement le sens du présent, celui du prétérit, & celui du futur.

Ainsi, l'on dit, par exemple, fum metuens (je suis craignant, ou je crains); metuens eram (j'étois craignant, ou je craignois); metuens ero (je ferai craignant, ou je craindrai); & ces exprefsions marquent toutes ma crainte comme présente à l'égard des diverses époques désignées par le verbe substantif, époque actuelle désignée par fum, époque antérieure désignée par eram, époque postérieure désignée par ero.

Il en est de même de tous les autres temps du Participe: egreffurus fum (je suis devant fortir), c'est à dire, actuellement ma sortie eft future; egreffurus eram (j'étois devant sortir), c'est à dire, par exemple, quand vous êtes arrivé, ma sortie étoit future; egreffurus ero (je serai devant fortir),

c'est à dire, par exemple, je prendrai mes mesures quand ma fortie sera future: où l'on voit que ma fortie est toujours envisagée comme future, & à l'égard de l'époque actuelle marquée par fum, & à l'égard de l'époque antérieure marquée par eram, & à l'égard de l'époque postérieure marquée par

ero.

Ce ne font donc point les relations de l'époque à l'acte de la parole qui déterminent les présents, les prétérits, & les futurs; ce sont les relations de l'existence du sujet à l'époque même. Or tous les temps du Participe, étant indéfinis, expriment une relation déterminée de l'existence du sujet à une époque indéterminée, qui est ensuite caractérisée par le verbe qui accompagne le Participe. Voilà la grande règle pour expliquer tous les exemples d'où Sanctius prétend inférer que les Participes ne sont d'aucun temps.

Il faut y ajouter encore une observation importante. C'est que plusieurs mots, Participes dans l'origine, sont devenus de purs adjectifs, parce que l'usage a supprimé de leur fignification l'idée de l'existence qui caractérise les verbes, & conféquemment toute idée de temps: tels font en latin, Sapiens, cautus, doctus, &c; & en françois, plaifant, déplaifant, intriguant, intéressé, poli, &c, Or il peut arriver encore qu'il se trouve des exemples ou de vrais Participes foient employés comme purs adjectifs, avec abstraction de l'idée d'existence, & par conféquent de l'idée du temps: mais loin d'en conclure que ces Participes, qui au fonds ne le sont plus, quoiqu'ils en conservent la forme, font de tous les temps; il faut dire au contraire qu'ils ne sont d'aucun temps, parce que les temps supposent l'idée de l'existence, dont ces mots font dépouillés par l'abstraction. Vir patiens inediæ; vir amans virtutis, c'est comme vir fortis, vir amicus virtutis.

Il n'y a en grec ni en latin aucune difficulté de Syntaxe par raport aux Participes, parce que ce mode est déclinable dans tous ses temps par genres, par nombres, & par cas, & qu'en vertu du principe d'identité, il s'accorde en tous ces accidents avec son sujet immédiat. Notre Syntaxe à cet égard n'est pas aussi simple que celle de ces deux langues, parce qu'il me semble qu'on n'y a pas démélé avec autant de précision la véritable nature de chaque mot. Je vas tâcher de mettre cette matière dans son vrai jour : & fans recourir à l'autorité de Vaugelas, de Ménage, du P. Bouhours, ni de l'abbé Regnier, parce que l'usage a déja changé depuis eux; je prendrai pour guide l'abbé d'Olivet & Duclos, témoins éclairés d'un usage plus récent & plus sûr, & surtout celui de l'Académie françoise, où ils tenoient un rang si distingué: je consulterai en même temps la Philosophie qu'ils ont eux-mêmes confultée, & j'emploierai lestermes que les vues de mon systême grammatical m'ont fait adopter. Voyez les Opuscules fur

la langue françoise, & les Remarques de Dua clos fur la Grammaire génerale.

On a coutume de diftinguer dans nos verbes deux fortes de Participes simples: l'un actif & toujours terminé en ant, comme aimant, fouffrant, uniffant, prenant, difant, fefant, voyant, &c; l'autre passif & terminé de toute autre manière, comme aimé, fouffert, uni, pris, dit, fait, vu, &c.

Art. 1. «Le Participe actif, dit le P. Buffier (Grammaire françoise, no.542), » reçoit quel>> quefois avant soi la particule en, comme en » parlant, en lifant, &c; c'est ce que quelques>> uns appellent Gérondif. N'importe quel nom >> on lui donne, pourvu qu'on sache que cette particule » en devant un Participe actif, signifie lorsque, » tandis que ».

Il me semble que c'est traiter un peu cavalièrement une distinction qui intéresse pourtant la Philofophie plus qu'il ne paroît d'abord. Les gérondifs, en latin, sont des cas de l'infinitif (voyez GÉRONDIF); & l'infinitif, dans cette langue & dans toutes les autres, est un véritable nom, ou, pour parler le langage ordinaire, un vrai nom fubftantif (Voyez INFINITIF ). Le Participe au contraire eft un mode tout différent de l'infinitif; il eft adjectif. Le premier est un nom-verbe; le second est un adjectif-verbe. Le premier ne peut être appliqué grammaticalement à aucun sujet, parce qu'un nom n'a point de sujet; & c'est pour cela qu'il ne reçoit dans nul idiome aucune des terminaisons par lesquelles il pourroit s'accorder avec un sujet: le second est applicable à un sujet, parce que c'est une propriété essencielle à tout adjectif; & c'est pour cela que, dans la plupart des langues, il reçoit les mêmes terminaisons que les adjectifs, pour se préter, comme eux, aux lois usuelles de la concordance. Or il n'eft affûrément rien moins qu'indifférent pour l'exactitude de l'analyse, de savoir fi un mot est un nom ou un adjectif, & par conséquent si c'est un gérondif ou un Participe.

Que le verbe terminé en ant puisse ou ne puisse pas être précédé de la préposition en, l'abbé Girard le traite également de gérondif; « & c'est un mode, >> dit - il (Prais princ. difc. III, t. 11, p. 5), >> fait pour lier (l'évènement) à un autre évènement, >> comme circonstance & dépendance ». Mais que l'on dise, cela étant vous fortirez, ou cela pose vous fortirez, il me semble que étant & posé expriment également une circonstance & une dépendance de vous fortirez. Cependant l'abbé Girard regarde étant comme un gérondif, & pofé comme un Participe. Son analyse manque ici de l'exactitude qu'il a tant annoncée.

D'autres grammairiens, plus exacts en ce point que le P. Buffier & l'abbé Girard, ont bien senti que nous avions gérondif & Participe en anti

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