cerf est mieux fait que celui du bœuf. Ce vin-là est moindre que l'autre. La fausseté est pire que la dissimulation. Le comparatif latin se marquait par la désinence ior, que le latin populaire remplaça par l'adverbe magis (plus), procédé que le français a adopté. Notre langue a cependant directement hérité du latin les comparatifs meilleur, pire et moindre (melior, pejor, minor). Les adjectifs suivants dérivent aussi de comparatifs latins majeur, mineur, supérieur, inférieur, antérieur, postérieur. Ces adjectifs ne peuvent être précédés de plus ni suivis de la conjonction que. 3o Le superlatif exprime le plus haut degré de la qualité, soit relativement, c'est-à-dire avec comparaison, soit absolument, c'est-à-dire sans comparaison proprement dite. Le superlatif relatif est exprimé par le plus, le moins, et le superlatif absolu par très, fort, extrêmement, etc. La superstition est le plus terrible fléau du genre humain. Le figuier a un bois très fragile. Le latin marquait le superlatif par la désinence issimus (prudentissimus, très prudent), que la latin populaire a remplacé par l'adverbe maximè (très, beaucoup); le français a formé de même son superlatif à l'aide de l'adverbe très. Les adjectifs suivants dérivent de superlatifs latins: a) extrême, suprême, infime, minime, qui ont conservé la signification de superlatifs absolus; b) sérénissime, illustrissime, révérendissime. Ces mots et d'autres en issime n'appartiennent pas à la formation populaire et spontanée de la langue; ce sont au contraire des mots savants qui ne remontent point audelà du xvre siècle. D'après la même analogie, on en a formé les suivants, dont on ne se sert qu'en plaisantant : savantissime, rarissime, etc. CHAPITRE III. DE L'ARTICLE. Des espèces d'articles. 166. L'article est un mot qui fait prendre individuellement le nom qu'il précède; sa signification fondamentale est donc d'individualiser et par conséquent de distinguer un objet d'autres objets de la même espèce: le chien du fermier a mordu un enfant; ou aussi une espèce entière d'autres espèces: le chien est un animal. Or, on peut individualiser un objet déterminé ou un objet indéterminé; de là deux articles, l'article défini : le, et l'article indéfini : un. Le mot article dérive du latin articulus, qui veut dire membre. Les individus, dit Beauzée, sont comme les membres du corps entier, dont la nature est exprimée par le nom appellatif; or le mot articulus signifie également ces jointures qui non seulement attachent les membres les uns aux autres, mais qui servent encore à les distinguer les uns des autres. 167. L'article défini est soumis à la flexion du genre et à celle du nombre. Voici ses différentes formes : Il y a deux changements à considérer dans l'article: l'élision et la contraction. 1o L'élision est la suppression dans l'article singulier le, la, de la voyelle e, a, qu'on remplace par une apostrophe, quand le nom suivant commence par une voyelle ou un h muet: l'ami pour le ami, l'histoire pour la histoire. 2o La contraction de l'article est le changement, au singulier, de de le en du, à le en au, devant une consonne ou h aspiré; et au pluriel, de de les en des, à les en aux, devant tous les noms: Il joue du (pour de le) violon. L'élève obéit au (à le) maître. L'aigle des (de les) Alpes fait la chasse aux (à les) agneauх. Notre article défini a été formé du pronom démonstratif latin; tandis que la première partie du mot ille est devenue le pronom il de la troisième personne, la seconde partie nous a donné l'article le, la, les. Dans l'ancien français, cet article se déclinait ainsi : On disait, en distinguant soigneusement le régime du sujet Li chevals est fort; j'ai vu le cheval. Lorsqu'au xive siècle la déclinaison française disparut par la perte du cas-sujet ou nominatif, et que le cas-régime ou accusatif subsista seul, on eut pour l'article masculin le (de illum, illom, illo, d'où lo, qui au xre siècle s'est affaibli en le), les (illos, d'où los et les), et pour le féminin la (illam), les (illas). Combiné avec les prépositions de, à, l'article masculin a donné : 1o au singulier: del, al, qui sont devenus respectivement deu, au, par le changement organique de len u, comme dans cheveu du vieux français chevel, vau (dans à vau l'eau) de val; deu s'est ensuite contracté en du, de la même manière que bleuet, meu ont donné bluet, mû; 2o au pluriel: dels, qui s'est réduit au XIIe siècle en des, et als, qui est devenu régulière ment aus et aux. La préposition en, s'unissant à l'article le, a donné au singulier la forme el, qui a disparu, et au pluriel els, ens et es; cette dernière forme subsiste encore dans les expressions maître ès arts, bachelier, licencié, docteur ès lettres, etc. 168. L'article indéfini est un, qui fait régulièrement une au féminin : un homme, une femme. Il n'a pas de pluriel, sauf lorsqu'il est employé comme pronom indéfini (v. §188) Ses formes sont : au se L'article indéfini un, une vient du latin unus, una, qui avait déjà deja pris chez les Romains le sens de un certain. Il faisait dans l'ancien français uns au cas-sujet et un au cas-régime. Un mettait se and il s pluriel quand rapportait à un nom qui s'exprimait spécialement par ce nombre: Et d'unes meurs et d'un corage (R. de Renart); unes grandes joues, unes grandes lèvres (Aucassin et Nicolette), pour: deux grandes joues, deux grandes lèvres. 169. A l'article indéfini se rattache par le sens l'article dit partitif du, qui dérive de l'article défini, mais qui indique que le nom qu'il précède exprime une quantité ou un nombre indéterminé. Cet article a les formes suivantes : L'article partitif s'emploie 'au nominatif : Du pain et des noix suffisent pour son déjeuner, ou à l'accusatif : Je mange du pain et des noix. Il s'emploie aussi au datif avec la préposition à : La paix de l'âme est préférable à de l'or. Attachez-vous à des personnes vertueuses. Mais le génitif partitif s'exprime à l'aide de la préposition de sans l'article: J'ai beaucoup d'argent. Voici une corbeille de cerises. L'article partitif peut être précédé d'autres prépositions que à : La main sur de la honte ou bien sur de la gloire. L'article partitif n'est pas autre chose, quant à la forme, que l'article défini précédé de la préposition de; il se confond done, sous ce rapport, avec le génitif de l'article défini: Je vends du blé; du, article partitif. Quel est le prix du blé; du, génitif de l'article défini. La culture des (génitif de l'article défini) blés te présente des (article partitif) concerts agréables avec la vie humaine (B. de St-Pierre). Ce qui précède montre que l'accusatif panem, par exemple, se traduira en français par le pain, du pain, un pain, selon le sens : je mange le pain qui est resté, je mange du pain, je mange un pain. Emploi de l'article. 170. L'article défini marque que le substantif qu'il précède désigne un ou plusieurs individus déterminés. Il ne détermine pas lui-même le substantif, il annonce seulement que ce substantif est déterminé. Le nom commun peut en effet être déterminé de deux manières différentes : 1o Par un déterminatif qui précède le substantif, c'est-àdire par un pronom adjectif ou un nom de nombre: Mon chien. Ces chiens. Quel chien? Deux chiens. 2o Par un déterminatif qui suit le substantif. Dans ce cas, le nom commun est précédé de l'article défini le, la, les : Le chien de ton frère est fort beau. Quelquefois cependant l'article défini est employé dans sa signification primitive de pronom démonstratif, et détermine par lui-même l'idée de l'être exprimée par le substantif qu'il précède; c'est lorsque ce substantif se rapporte à une personne ou à une chose dont il a déjà été question: Un chien mordit un petit enfant; l'enfant pleura longtemps. — Un borgne gageait contre un homme qui avait la vue bonne, qu'il voyait plus que lui. Le pari est accepté. J'ai gagné, dit le borgne, car je vous vois deux yeux, et vous ne m'en voyez qu'un. Quelquefois encore le nom commun désigne un être déjà connu ou déterminé; il est alors aussi précédé de l'article défini : Le soleil mûrit les moissons. Le gouvernement veille à la sûreté publique. Le temps est ma-' gnifique. Dans ce cas, l'article a la valeur d'un déterminatif (mon, cet): le soleil, c'est notre soleil, c'est-à-dire le soleil qui nous éclaire; le gouvernement, c'est notre gouvernement; le temps, c'est le temps qu'il fait aujourd'hui. Les noms communs s'emploient fréquemment au singulier avec l'article défini, lorsqu'on veut désigner la totalité du genre ou de l'espèce: L'homme est mortel. Avec l'article pluriel, le sens serait un peu différent: Les hommes sont méchants. Il ne s'agit plus en effet ici de la totalité physique du genre humain, mais de la plus grande partie des individus, c'est-à-dire de la totalité morale. 171. Lorsqu'un nom commun sert de complément déterminatif à un autre nom, l'article défini est souvent supprimé, et le nom commun précédé de la préposition de a un sens indéterminé, il ne désigne plus un individu, mais une simple qualification. Comparez un chien de berger et le chien du berger, une table de salon et la table du salon, le prisonnier de guerre et l'art de la guerre, un nid d'oiseaux et le nid de l'oiseau. Mais la suppression de l'article n'a pas lieu, en pareil cas, lorsque le nom commun est suivi d'un déterminatif : les ports de mer et les ports de la mer Noire; un nid d'aigle et le nid de l'aigle royal, etc. 5 On supprime encore l'article : 1o Devant un nom commun employé comme attribut pour désigner l'espèce et non pas l'individu : Il est soldat. 2o Dans les expressions où le nom tient étroitement au verbe et forme avec lui une locution composée appelée expression verbale: avoir faim, faire chaud, prendre feu, rendre grâce, perdre connaissance. 3o Devant un grand nombre de substantifs régis par des prépositions: tomber à genoux, perdre de vue, etc. 4o Dans les sentences et proverbes : Contentement passe richesse. Plus fait douceur que violence. 5o Dans les énumérations, surtout lorsqu'elles sont suivies des mots tout, chacun, etc. Femmes, moine, vieillards, tout était descendu (La F.). 172. L'article indéfini un, une, indique que le substantif |