est polysyllabe, il a toujours une syllabe dominante qui en est comme le centre et autour de laquelle les autres viennent se grouper; c'est cette syllabe qui est accentuée, c'està-dire prononcée avec plus de force que les autres, et l'accent appelé tonique n'est pas autre chose que cette plus grande élévation de la voix sur la syllabe principale, dite tonique, par opposition aux autres syllabes inaccentuées, qu'on nomme atoniques ou atones. 47. En français, l'accent tombe sur la dernière syllabe du mot, excepté quand ce mot est terminé par une syllabe muette ou formée par le e muet, dans quel cas la syllabe finale, n'ayant pas de son sensible, ne peut porter l'accent; celui-ci recule donc sur la syllabe précédente, qui est la dernière sonore, bien qu'elle soit en réalité l'avant-dernière du mot. L'accent relève donc toujours en français la dernière syllabe sonore du mot. Ainsi, dans la phrase suivante, l'accent tombe sur les syllabes rai, gu et pier: Je tracerai une figure sur le papier. Il résulte de cette loi de l'accent qu'un mot ne peut jamais se terminer par deux syllabes muettes consécutives. La syllabe finale accentuée est toujours terminée étymologiquement par une consonne; mais cette consonne ne se fait pas toujours entendre dans la prononciation, et elle a même été retranchée dans un grand nombre de mots, comme dans blé (autrefois bled), bonté (pour bontet). La syllabe finale atone est toujours terminée par un e muet, qui peut être suivi d'un signe de flexion: rose, porte, ferme, corne, maître, ils aiment; ce e muet final remplace en général une voyelle latine atone, comme rose de rosa, ferme de firmus (v. § 53). 48. Certains mots exprimant, non pas des idées, mais de simples rapports grammaticaux, comme les articles, les prépositions, les conjonctions, les noms de nombre, les pronoms quand ils précèdent le verbe, ne peuvent pas avoir l'accent tonique; dans le parler, ces mots s'appuient sur les mots accentués et ne font qu'un avec eux. Ainsi dans la phrase citée plus haut : Je tracerai une figure papier, il y a trois accents, de sorte que pour l'oreille il n'y a vraiment que trois mots. sur le Toutefois les mots de rapport eux-mêmes peuvent être accentués dans certains cas, comme les noms de nombre quand ils sont employés seuls: Ils étaient huit, et les pronoms quand ils sont absolus: Je penserai à toi. L'accent reste en français sur la syllabe qu'il occupait en latin. Cette persistance de l'accent latin dans la langue française est une loi générale et absolue; mais, comme en français l'accent tonique repose toujours sur la dernière syllabe sonore et qu'en latin il se trouve souvent sur l'antépénultième, l'élision et la contraction des dernières syllabes ont pu seules maintenir l'accent à sa place originelle; c'est ce qui explique comment porticus a donné porche; imaginem, image; fabrica, forge, etc. Dans les polysyllabes, la prononciation établit une sorte d'équilibre entre la syllabe accentuée, où la voix appuie sur la voyelle, et la syllabe initiale, où domine la consonne. C'est pourquoi il faut admettre que les polysyllabes français ont, outre l'accent principal, un accent secondaire ou accent d'appui, qui, dans la règle, frappe la syllabe initiale. B. Quantité. 49. Toute syllabe sonore peut être brève ou longue, selon qu'elle se prononce vite ou lentement; cette durée plus ou moins grande de la voix est ce que l'on appelle la quantité de la syllabe. Il faut donc distinguer entre l'accent et la quantité : une syllabe dont le son s'élève, gagne en accent; une syllabe dont le son s'allonge, gagne en quantité. En français, la quantité des syllabes dépend surtout de l'accent tonique, et en général la syllabe ne peut être longue que si elle est accentuée. Il résulte de là les règles suivantes : 1. L'avant-dernière syllabe d'un mot ou pénultième, quand elle a l'accent tonique, c'est-à-dire qu'elle est suivie d'une syllabe muette, est le plus souvent longue; c'est ce qui a surtout lieu: a) Quand la voyelle accentuée est une voyelle combinée, une voyelle nasale ou la diphthongue oi: foule, heure, pauvre, peine, haine, pompe, poire; b) Quand la syllabe finale muette commence par une spirante faible (s, j, v) ou une liquide, rose, tige, cuve, zone, barbare. Mais la pénultième accentuée est en général brève, lorsqu'elle est en position, c'est-à-dire suivie de deux consonnes dont la première termine la syllabe tonique; c'est le cas en particulier : a) Quand la syllabe est terminée par un rou s sonore suivi d'une consonne différente: barbe, herbe, ordre, infirme, il hurle, astre, peste, piste, poste, buste; la perte dus dans beaucoup de mots où cette consonne a fini par ne plus se prononcer, a déterminé l'allongement de la voyelle précédente, allongement que l'orthographe actuelle indique au moyen du signe appelé accent circonflexe, comme dans: pâte, fête, épître, côte, bûche, au lieu de paste, feste, épistre, coste, busche. b) Quand la voyelle tonique est suivie d'une consonne redoublée autre que r: renne, patte, rosse, pomme, nappe, étoffe, balle; les exceptions ne sont pas rares, surtout devant ss: lasse, fosse. Remarquez que, quand les consonnes sont doublées, et que ce n'est pas par raison d'étymologie, c'est presque toujours pour marquer que la syllabe est brève. Les consonnes qui se redoublent le plus ordinairement pour cette raison, sont l, n, s, t, et le redoublement a surtout lieu après les voyelles a, e, o, très rarement après i, u, et seulement dans quelques mots (sauf pour s) après une voyelle composée comme ai, ei, au, ou, eu, oi. 2. La syllabe finale accentuée est en général brève: bonté, objet, aimer, soldat, habit, pot, bon; c'est presque toujours le cas quand la syllabe finale se termine par une consonne sonore: sac, sol, mer, mur, bail, vert, corps, court, parc. La syllabe finale tonique est toujours longue, quand elle est suivie d'un e muet: pensée, vie, vue, joue, voie. 3. Les syllabes qui ne sont pas accentuées sont brèves de leur nature: régulier, arroser, récréer. C'est ce qui explique pourquoi les voyelles pěnultiémes longues deviennent brèves dès qu'elles ne sont plus toniques, c'est-à-dire dès que la dernière syllabe cesse d'être muette; comp. il loue et louer, foule et fouler, ruse et rusé, clair et éclairer, joie et joyeux, erre et erreur, bûche et bûcher, pompe et pompier, etc. Il en est de même si la disposition des mots dans la phrase fait disparaître ou affaiblit l'accent d'une pénultième tonique; elle cesse aussitôt d'être longue; comp. le nôtre et notre père, dans une heure et une heure entière, un homme brave et un brave homme, il pèse et pèse-t-il? La présence de l'accent circonflexe ne change pas cette loi, et ce signe n'indique la longueur de la voyelle que dans la syllabe qui a l'accent tonique; comp. fête et fèter, côte et côté, pâte et pâté, tête et téter, bûche et bûcher. On peut citer comme exception à cette règle les cas où la quantité est le seul moyen de distinguer à l'oreille deux mots homographes, c'est-à-dire deux mots qui s'écrivent de la même manière, comme matin et matin, bailler et bailler, tâcher et tacher, pêcher et pécher. C. Accents écrits. 50. Il y a en français trois signes orthographiques appelés improprement accents, savoir: l'accent aigu ('), l'accent grave (') et l'accent circonflexe (^). On doit l'invention des accents graphiques à un grammairien grec, Aristophane, de Byzance: l'aigu était le véritable signe de l'accent tonique et indiquait l'élévation de la voix sur une des trois dernières syllabes, il pouvait affecter soit des brèves, soit des longues; le grave n'indiquait proprement que le manque d'accent et se plaçait sur chaque syllabe, excepté sur la syllabe tonique; - le circonflexe, formé par la réunion des deux autres, se plaçait sur des voyelles longues par nature ou sur des diphthongues et indiquait que la voix s'élevait et s'abaissait sur la même syllabe. L'accent tonique ayant en français une place invariable, l'emploi de ces signes pour noter la place de l'accent est au moins superflu. Aussi ce n'est pas dans ce but que nous en faisons usage, et il faut bien distinguer, en français, l'accent écrit de l'accent tonique. Ces deux accents se trouvent quelquefois sur la même syllabe, comme dans café, cyprès, bûche. Mais ordinairement l'accent tonique ne se marque par aucun signe; quelquefois même il n'est pas sur la syllabe surmontée d'un accent: ainsi, dans bûcher, l'accent tonique n'est pas sur la syllabe qui a l'accentuation notée, mais bien sur la syllabe qui suit. 51. L'accent aigu et l'accent grave servent à distinguer le e sonore quand il termine la syllabe. Tout e sonore qui termine la syllabe pénultième (c'est-àdire l'avant-dernière syllabe d'un mot) et est suivi d'une syllabe muette, prend l'accent grave: mè-re, priè-re, fiè-vre; es-piè-gle, fi-de-le. Sont exceptés toutefois les mots en ége, qui prennent l'accent aigu: collége, il protége; il en est de même du mot orfévre. Partout ailleurs le e sonore terminant la syllabe est surmonté de l'accent aigu: café, caféier, récréer, élever, développer, avénement, pélerin. Dans cuillerée, il crée, l'avantdernier e prend l'accent aigu, parce qu'il termine la syllabe, le dernier e formant à lui seul une syllabe qui est nulle dans la prononciation. De là il résulte que le e aigu de l'avant-dernière syllabe est remplacé par le e grave, si la dernière syllabe devient muette, comme cela a quelquefois lieu dans les verbes : céder - je cède, révéler - je révèle, et que réciproquement le e grave devient aigu si la syllabe suivante est sonore : le nègre - la négresse, la fièvre - fièvreux. Remarquez que l'accent grave se maintient dans les dérivés, lorsque la syllabe finale du mot primitif reste muette, comme dans: espièglerie, fidèlement. De même au futur : je cèderai. On emploie encore l'accent grave sur le e de la finale es de certains substantifs pour marquer que ce s n'est point signe de flexion et que le e ne terminant pas la syllabe est sonore : cyprès, abcès, dès. Il faut remarquer en outre que e suivi de x ne prend jamais d'accent, parce que cette consonne équivalant à gz ou cs, le e ne termine pas la syllabe et est sonore par sa pоsition: examen = eg-zamen. Les mots clef et bled écrits avec f ou d (d'où clavier, blatier) ne prennent pas d'accent sur e, parce que ce e ne termine pas phonétiquement la syllabe; mais si l'on retranche la consonne finale, d'après l'orthographe actuelle, e prendra un accent aigu: clé, blé. Il en est de même des mots diner et souper, qui s'écrivent aussi sans r: diné, soupé. Si dans le corps d'un mot un e est précédé ou suivi d'une autre voyelle avec laquelle il ne forme point une voyelle composée ou une diphthongue, ce e doit être surmonté d'un accent aigu: aérien, réussir. Voilà pourquoi le suffixe re, qui signifie le plus souvent de nouveau, se change en ré quand il se joint à un mot commençant par une voyelle: réaction, réunir; quelquefois cependant e placé devant e s'élide: remplir = re-emplir; ressuyer, etc. L'accent grave s'emploie encore comme signe de distinction dans des mots complétement homonymes: à, préposition, et a, verbe; là, çà et où, adverbes, et la, article, ça, pronom, et ou, conjonction. Là, çà et jà conservent l'accent grave dans delà, voilà, holà, deçà, déjà, et le perdent dans cela, jadis, jamais. 52. L'accent circonflexe indique la suppression d'une lettre avec allongement de la voyelle, comme dans apôtre (du lat. apostolus), ou l'allongement de la voyelle sans suppression de lettre, comme dans pôle, ou la suppression d'une lettre sans allongement de la voyelle, comme dans hôpital (du lat. hospitale). Voici les différents cas où l'accent circonflexe est employé en français: 1o On le place sur les voyelles suivies autrefois d'un s étymologique qui ne commençait pas une nouvelle syllabe, comme dans nous chantâmes, qu'il finît, etc., qu'on écrivait chantasmes, finist. Voici les mots les plus usités dans lesquels l'accent circonflexe remplace un s étymologique, latin ou germanique: albâtre, et tous les mots formés par le suffixe âtre (du lat. aster), ane, appât, âpre, bât, bâtard, bâtir, bâton, châtaigne, château, châtier, châtrer, dégât, fâcher, gâcher, gâteau, hâte, hâtier, lâche, lâcher, mâcher, mâle, mât, mâtin, pâmer, pâque, pâte, pâtis, pâture, plâtre, râcler, râper, râteau, renâcler, tâche, tâter; acquêt, ancêtre, arrêt, arête, baptême, bête, carême, champêtre, chêne, crêpe, crête, drêche, dépêcher, empêcher, endêver, être, évêque, fêler, fenêtre, fête, forêt, frêne, genêt, grêle (subs.), guêpe, quêtre, hêtre, honnête, intérêt, mêler, même, pêche (fruit), pêcher (v.), pêne, prêt, prêter, prêtre, protêt, quête, rêche, revêche, rêve, tempête, têt, tête, vêpre, vêtir, abîme, diner, épître, ci-git, gite, île; - apôtre, aumône, il clôt, clôture, côte, dépôt, entrepôt, hôte, hôtel, hôpital, impôt, nôtre, ôtage, ôter, prévôt, rotir, suppôt, tôt, vôtre; -brûler, bûche; - aîné (ains-né, nė avant), connaître, faite, fraiche, laiche, maître, maraicher, naître, paître, paraître; -boîte, cloître, croître; - août, coûter, croûte, goût, goûter, moût; poêle (fourneau); huître, puîné (puis né). Quelquefois le s étymologique a été remplacé par l'accent aigu ou grave, comme dans bétail (bestiale), fétu (festucus), métier (ministerium), nèfle (mespilum), etc.; paru sans laisser de trace, comme dans: chacun (quisque unus), détruire (destruere), louche (luscus), je naquis (vieux français nasquis), n (noster), (Vieux (pascage), (voster), plutôt (plus tôt), soupirer (suspirare), etc. Dans les dérivés de formation moderne le s étymologique reparait, comme c'est le cas pour les mots suivants: âne (du lat. asinus, as'nus), asine; âpre, aspérité; arrêt, arrestation; bête, bestial; évêque, épiscopal; fenêtre, défénestration; fête, festin; forêt, forestier; intérêt, intéresser; prêtre, presbytère; vêtir, investir, travestir; île, insulaire; épître, épistolaire; apôtre, apostolique; côte, accoster; goût, déguster. Mais dans tous les mots de formation organique, le s ne reparaît pas et l'accent circonflexe persiste: âpre, âpreté; blâme, blâmer; fâcher, få votre ou a dis notre |