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toujours facile de distinguer l'état de l'action, et les grammairiens qui ont essayé d'établir cette distinction se sont perdus dans des explications qui, le plus souvent, n'expliquent rien.

387. Accord du participe passé. Le participe passé est actif ou passif: le participe passif est toujours variable; le participe actif est variable ou invariable, selon la nature du verbe.

Le participe passé français dérive du parfait du participe passif latin. Partout où il a la signification passive du latin, le participe français a aussi conservé le caractère variable du participe latin, qui était toujours traité comme un adjectif. Mais le français emploie aussi le participe passé pour former les temps composés de l'actif. Dans un grand nombre de cas, où il a un sens actif, le participe passé ne forme avec l'auxiliaire qu'une seule expression verbale, qui est invariable; dans d'autres cas, qui seront précisés par les règles suivantes, il a repris le caractère d'un adjectif qui s'accorde avec le mot auquel il se rapporte.

I. Règle générale. Le participe passé s'accorde en genre et en nombre avec le substantif (ou le pronom) dont il peut être considéré comme l'adjectif. Joint à l'auxiliaire être, il s'accorde avec le sujet exprimé ou sous-entendu : Les jours donnés à Dieu ne sont jamais perdus. Joint à l'auxiliaire avoir, il s'accorde avec le régime direct, s'il en est précédé : Quels livres as-tu lus, et reste invariable, si le régime est après, ou s'il n'y en a pas: J'ai lu ces livres. Ses larmes ont coulé.

II. Participe avec l'auxiliaire ÊTRE. Le verbe peut être passif ou neutre :

A. Le participe des verbes transitifs dans la forme passive s'apppelle participe passif (je suis, j'ai été) aimé, et on doit le distinguer du participe actif passé ou parfait, qui s'oppose au participe actif présent: (j'ai) aimé. Le participe passif exprime une action qui se confond facilement avec l'état ou la qualité, la langue française employant le verbe être comme auxiliaire de la forme passive (§ 273). Le participe passif doit donc être considéré comme un véritable adjectif; voilà pourquoi il s'accorde, comme l'adjectif, avec le sujet du verbe ou avec le mot dont il est le déterminatif: La foi des premiers martyrs fut scellée de leur sang. Elle se sent accablée. La glace est de l'eau cristallisée. A peine écloses, ces fleurs se fanent.

B. Le participe actif passé des verbes neutres ou intransitifs qui se conjuguent avec être, est aussi considéré neutre ou comme un adjectif et s'accorde en genre et en nombre avec le sujet de la proposition: Tous ses parents sont morts. L'emploi du verbe être a ici le même effet que dans la forme passive, et il en résulte que le participe précédé de cet auxiliaire exprime aussi bien l'état, la manière d'être : Il est mort = il n'est plus vivant, que l'action passée: Il est mort = il mourut.

III. Participe avec l'auxiliaire AVOIR. Le verbe peut être neutre, actif ou réfléchi :

A. Le participe actif passé des verbes neutres qui se conjuguent avec avoir, est toujours invariable: Les beaux jours ont passé rapidement.

B. Le participe des verbes transitifs dans la forme active s'accorde avec le complément direct (l'accusatif), lorsqu'il en est précédé. La raison en est que le participe, actif par rapport au sujet, est passif par rapport à l'objet ou complément direct: mais si l'objet précède le verbe, l'esprit se porte plus sur la signification passive que sur la signification active du participe; le participe est alors considéré comme un déterminatif de l'objet, et il s'accorde avec ce dernier : Que de richesses la mer a englouties dans son sein = Que de richesses englouties par la mer. Ainsi, en effaçant les mots qui séparent richesses du participe, on voit tout de suite que englouties se lie bien comme participe passif, c'est-à-dire comme adjectif, au mot richesses: Que de richesses... englouties, c'est-à-dire : Que de richesses (ont été) englouties (par la mer). Il n'en serait pas de même si nous disions: La mer a englouti des richesses. De l'action d'engloutir il résulte à la vérité pour les richesses un état passif; mais l'objet n'étant exprimé qu'après le verbe, l'esprit, en s'arrêtant sur le participe englouti, ne peut voir que sa signification essentiellement active. Le participe, n'ayant alors aucunement la fonction d'un adjectif, ne saurait varier comme tel; il ne saurait non plus varier comme verbe, les rapports de la proposition ou les rapports de personne, de temps et de mode étant exprimés par le verbe auxiliaire. Dans ce second cas, le participe a un sens actif et il domine le régime direct; dans le premier cas, au contraire, le régime direct exerce une certaine action sur le participe, et lui communique quelque chose de sa nature passive; de là l'accord.

En français, le régime direct ne peut précéder le verbe que dans deux cas: 1o comme pronom personnel ou relatif : Si Dieu nous a distingués des animaux, c'est surtout par le don de la parole. Une Lacédémonienne se glorifiait des blessures qu'avait reçues son fils en combattant; 2o comme substantif, mais seulement quand il est joint à un pronom interrogatif ou à un mot exclamatif. Quelle guerre intestine avons-nous allumée (Rac.)! Combien d'erreurs il a commises!

Quand les verbes neutres sont employés activement, le participe s'accorde avec le complément direct, s'il en est précédé: L'ennemi nous a fuis. On nous a commandés pour midi. Il nous a insultés grossièrement (Mais: Le temps nous a fui. On nous a commandé de sortir. Il nous a insulté par son luxe). Cependant les verbes neutres dont le sens est complété par une idée de quantité, de mesure, de poids, de prix, de durée, comme coûter, valoir, peser, durer, dormir, vivre, etc., ont toujours le participe invariable, parce que l'accusatif qui précède le verbe n'est pas un véritable régime direct: Je regrette les nombreuses années que (= pendant lesquelles) j'ai vécu sans pouvoir m'instruire (J.-J. R.). Les participes coûté et valu suivent néanmoins la règle d'accord quand ils sont employés dans le sens figuré: Mes manuscrits raturés, barbouillés et presque indéchiffrables attestent la peine qu'ils m'ont coûtée (J.-J. R.).

L'application de la règle d'accord du participe accompagné de l'auxiliaire avoir donne lieu aux remarques suivantes:

1. Participe passé suivi d'un infinitif. Le participe passé, suivi immédiatement d'un infinitif, s'accorde quand il a pour régime direct le pronom qui précède, et reste invariable si, au contraire, il a pour régime direct l'infinitif qui suit; en d'autres termes, il y a accord quand l'infinitif est employé dans un sens actif à la place du participe présent, par ex.: Voici les dames que j'ai entendues chanter (j'ai entendu les dames chantant ou qui chantaient); mais le participe reste invariable quand l'infinitif est employé dans un sens passif et qu'on ne peut pas le remplacer par le participe présent: Voici les chansons que j'ai entendu chanter (j'ai entendu chanter les chansons). Ces acteurs que j'ai vus jouer, je les ai entendu applaudir.

Selon ce principe, le participe de laisser suivi d'un infinitif est tantôt variable: Elle s'est laissée mourir de faim;

(tantôt invariable: Je les ai laissé emmener. Au contraire, le

participe de faire suivi d'un infinitif est toujours invariable, parce que le verbe faire forme avec son infinitif une expression inséparable: Louis XI fit taire ceux qu'il avait fait si bien parler (Volt.). Quelques écrivains anciens et modernes ont traité de même les participes laissé, vu: Je les ai vu poursuivre à deux un oiseau de proie (Buf.). Il me recommanda de tenir une querelle ouverte avec mon tuteur. J'en avais une si bonne. Je l'ai laissé échapper (Beaum.).

Quelquefois l'infinitif est sous-entendu, surtout après les verbes devoir, pouvoir, vouloir, savoir; alors le participe est invariable: Je lui ai rendu tous les services que j'ai , que j'ai , que j'ai voulu (sous-entendu lui rendre). Mais il y a accord, lorsque ces verbes ont le sens actif et qu'il n'y a pas d'infinitif à suppléer, comme dans ces phrases: Il m'a payé les sommes qu'il m'a dues. Il veut fortement les choses qu'il a une fois voulues, parce que le participe a pour régime direct le que relatif qui précède.

Lorsqu'il y a une préposition entre le participe et l'infinitif qui suit, le participe peut de même avoir pour régime direct le pronom qui précède, ou l'infinitif suivant: dans le premier cas, accord; dans le second, point d'accord: Il nous a priés de lui écrire. Il nous a recommandé de lui écrire. Voilà les peines que son père a eues à le corriger. Les combats éternels qu'elle avait eu à soutenir sont enfin finis (Mass.) Savez-vous la leçon que je vous ai donné à apprendre? (Quelques-uns font accorder le participe donné avec que la leçon.)

Il faut remarquer que l'accord a toujours lieu, lorsque le participe est précédé de deux régimes directs, comme dans cette phrase: les livres qu'il nous a priés de lui prêter; dans ce cas, le régime direct énoncé le premier appartient à l'infinitif, et le second au participe.

Le verbe qui suit se voir se met à l'infinitif, s'il exprime l'action: Elle s'est vue tomber, et au participe passé, s'il exprime l'état résultant d'une action accomplie: Elle est fière de se voir admirée (Ac.).

2. Participe suivi d'un adjectif ou d'un autre participe. Le participe passé suivi d'un adjectif ou d'un autre participe est soumis à la règle générale: Les premiers hommes ont commencé par aiguiser en forme de haches ces pierres dures qu'on a longtemps crues tombées du ciel. Toutes les précautions que j'avais cru indispensable de prendre, on les a prises.

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3. Participe précédé du pronom en. Le participe passé, précédé du pronom en, est invariable toutes les fois que ce pronom n'est pas lui-même précédé d'un régime direct : Tout le monde m'a offert des services, et personne ne m'en a rendu. Je n'ai pas trouvé Paris au-dessous de la description qu'on m'en avait faite.

4. Participe précédé d'un nom de nombre ou d'un collectif. Quand le participe passé, est précédé d'un nom collectif ou d'un nom de nombre accompagné d'un substantif, il s'accorde avec celui des termes qui fixe le plus l'attention, ou qu'on veut mettre en évidence (§ 364): Le plus grand noтbre des insulaires fut égorgé. Un grand nombre de soldats furent noyés dans la Néva. Voyez que d'herbe il a foulé. Que d'herbes il a arrachées. Autant d'ennemis il a attaqués, autant il en a vaincus (Dessiaux). Le peu d'affection que vous lui avez témoignée lui a rendu le courage. Le peu d'affection que vous lui avec témoigné la découragé. - Il peut y avoir ellipse du substantif: Combien (d'argent) avez-vous gagné? Combien (de gens) Dieu a-t-il exaucés (Mass.).

5. Cas le participe est toujours invariable. Le participe passé est toujours invariable: 1o quand il est placé entre un que relatif et la conjonction que : J'ai reçu les livres que vous m'aviez annoncé que vous m'enverriez. On évite aujourd'hui l'emploi du participe passé entre deux que; -2o quand il a pour régime le neutre le: La chose est plus sérieuse que je ne l'avais pensé (= que je n'avais pensé cela, qu'elle était sérieuse). Mais on écrira avec l'accord: Cette chose n'est pas telle que vous me l'avez annoncée, parce qu'ici le pronom le n'est pas neutre.

C. Dans les verbes réfléchis, où l'auxiliaire être est mis pour avoir, l'accord se fait également avec le régime direct qui précède: A quels malheurs ils se sont exposés. Quels malheurs elle s'est attirés; mais il convient de distinguer ici les verbes réfléchis proprement dits ou verbes essentiellement réfléchis des verbes transitifs et intransitifs employés accidentellement dans la forme réfléchie (§ 244).

1. Dans les verbes réfléchis proprement dits, le pronom réfléchi, quoiqu'il ne soit objet que pour la forme, est toujours considéré comme complément direct, et le participe s'accorde avec ce complément, ou plus exactement avec le sujet du verbe, ce qui revient d'ailleurs au même: La maison s'est écroulée. Elles se sont repenties de leur légèreté. Ils se sont fâchés. Nous nous en sommes doutés.

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