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2. Le participe des verbes transitifs employés dans la forme réfléchie s'accorde en général avec le pronom réfléchi, parce que ce pronom est le complément direct du verbe Elle s'est blessée; mais il peut arriver que le verbe ait deux compléments, l'un de la personne et l'autre de la chose, ou tous les deux de la personne. a/ Dans le premier cas, le participe s'accorde ou ne s'accorde pas, selon la place qu'occupe le complément direct: Elle s'est blessée au doigt; se est le complément direct de la personne, accord. Elle s'est blessé le doigt; le doigt est le complément direct de la chose, pas d'accord. Les passeports que ces dames s'étaient procurés n'étaient pas en règle. Le verbe s'arroger, quoique essentiellement réfléchi, suit cette règle ils se sont arrogé des droits, les droits qu'ils se sont arrogés. b) Dans le second cas, le participe ne s'accorde pas, parce que le complément direct vient toujours après: Je m'en suis fait une ennemie.

3. Le participe des verbes intransitifs employés dans la forme réfléchie n'est jamais variable, parce que, dans ces verbes, le pronom réfléchi est toujours complément indirect Ils se sont nui; se = à soi ou à eux.

IV. Participe des verbes impersonnels. La règle générale s'applique même au participe des verbes impersonnels: Il a plu, pas d'accord. Il est arrivé des troupes, accord avec le sujet grammatical il, qui est toujours du masculin (ou plutôt du neutre) et du singulier.

Le verbe être veut être suivi d'un adjectif ou d'un mot de nature adjective; le verbe avoir, au contraire, comme verbe de possession, est transitif (§ 247) et ne peut avoir pour régime qu'un substantif ou un mot de nature substantive. Ainsi, avec être ou immédiatement après un nom, le participe remplit la fonction d'attribut prédicatif ou déterminatif, il est réellement participe, c'est-à-dire adjectif variable: la lettre est lue, une lettre lue, ils sont venus; mais, avec avoir, le participe passé cesse d'être participe et a le sens d'un infinitif passé, c'est-à-dire d'un nom abstrait qui est le véritable régime direct d'avoir : j'ai lu (=j'ai la lecture), j'ai chanté, j'ai joué. Mais si le verbe avoir a déjà un nom pour complément, ce nom est déterminé par le participe, qui redevient alors adjectif; c'est ce qui explique pourquoi, dans l'ancienne langue, le participe avec avoir était variable, même quand le complément suivait; on disait done: J'ai lue la lettre. Ai-je perdue ma joie? (Tristan.) On disait aussi : J'ai lu la lettre, en faisant accorder lu avec un régime sous-entendu, cela : J'ai lu cela, la lettre; le plus souvent d'ailleurs on plaçait l'accusatif entre l'auxiliaire et le participe: J'ai la lettre lue. Cette construction s'est conservée jusqu'au XVIIe siècle : J'ai maints chapitres vus (La F.). Aucun étonnement n'a leur gloire flétrie (Corn.). Il m'a droit dans ma chambre une boîte jetée (Mol.). La valeur d'Alexandre a la terre conquise (Rac.). C'est alors que s'établit la règle moderne qui considère le participe et son auxiliaire actif

comme un tout, qui ne change point quand le régime suit. Cette règle a même pris quelquefois un caractère absolu, de sorte qu'il n'est pas rare de trouver le participe invariable même quand le régime précède, surtout si le participe est suivi de son sujet ou d'un qualificatif: Tous les applaudissements qu'ont reçu jusqu'ici mes ouvrages (Corn.). Moïse ne vous a point tiré de captivité et ne vous a pas rendu véritablement libres (Pascal). A peine Esope les eut quitté (La F.). Je ne connais ni vous ni mon image que j'y avais formé ni le caractère de chrétien (Boss.). La fermeté naturelle qu'a eu ce cœur pendant toute sa vie (Mascaron). Il raconte une autre fois quels applaudissements a eu le discours qu'il a fait (La Br.). Les sentiments d'admiration qu'il a eu pour le roi (Fléchier). Guillaume Penn, qui établit la puissance des quakers en Amérique, et qui les aurait rendu respectables (Volt.). Nous sommes peut-être les seuls passagers qu'on ait vu ici (J.-J. R.). Elle s'en est d'abord emparé (Beaum.). Même les écrivains du XIXe siècle ne se sont pas toujours soumis à la règle : Les officiers qui se seraient cru déshonorés (Chat.). Les hommes s'étaient tu devant lui (Michelet). Ninette est si poltronne! Il l'aura vu passer (A. Musset). C'est une femme qu'il a vu une fois (A. Karr.).

2. Complément déterminatif.

388. Le déterminatif n'est pas toujours exprimé par un adjectif. Si je dis : Les travaux des champs fortifient le corps; le substantif champ restreint la signification du mot travail aussi bien que pourrait le faire l'adjectif champêtre; champ est donc un déterminatif, et, comme il est précédé d'une préposition et qu'il a la forme d'un complément, on lui donne aussi le noin de complément déterminatif.

Ce déterminatif est un produit de la proposition; il peut donc avoir la valeur de l'attribut: une affaire d'importance (l'affaire est d'importance), un vase d'or (le vase est d'or); du sujet : le travail de l'ouvrier (l'ouvrier travaille), la fidélité du chien; ou de l'objet : l'amour de Dieu (aimer Dieu).

Le substantif déterminatif est ordinairement précédé de la préposition de ou à, avec ou sans l'article, et alors on dit qu'il est au génitif ou au datif: un oiseau de proie, le flanc de la montagne, une fleur à oignon. Au lieu de de ou à, on trouve aussi fréquemment en, par, etc.: pot au lait, grillage en fer, homme sans fortune, voyage autour du monde, vote par tête, dureté pour les domestiques, etc.

Les pronoms substantifs et les infinitifs sont des mots de nature substantive qui peuvent remplir dans la proposition les mêmes fonctions que les substantifs. Aussi les emploiet-on quelquefois comme déterminatifs : l'art d'écrire, l'amour de toi, le malheur de celui-ci.

Le substantif faisant fonction de déterminatif peut être un déterminatif d'espèce ou un déterminatif individuel. Ainsi, dans un luxe de prince, on parle d'une espèce particulière de luxe qui est qualifié par de prince ou princier; prince joue ici le rôle d'un déterminatif d'espèce. Mais, dans le luxe du prince, le sens devient individuel; il s'agit du luxe d'un prince en particulier, prince est déterminatif individuel. La même différence existe entre une joie d'enfant et la joie de l'enfant, entre la forme de gouvernement et la forme du gouvernement, entre un palais de roi et le palais du roi. En général, si le substantif déterminatif n'est pas précédé de l'article, il a la valeur d'un adjectif et s'appelle expression adjective temps d'orage = temps orageux, eau de pluie eau pluvieuse, eau de fleuve eau fluviale, patience d'o Pange = patience angélique, conseil d'ami conseil amical, ville de commerce = ville commerçante, homme d'esprit homme spirituel, désert de sable = désert sablon

=

neux.

On distingue trois espèces de génitif déterminatif: 1° le génitif attributif, qui est formé de l'attribut (§ 363), et qui exprime: a) la qualité ou aussi la matière dont une chose est formée, le temps ou le lieu où elle s'est faite un homme de bon conseil (il est de bon conseil), une maison de bois (la maison est de bois), un bourgeois de notre commune, un voyage de deux mois; b) la quantité (génitif partitif) et alors c'est le génitif luimême qui est déterminé par le mot régissant: beaucoup de blé, une livre de sucre (la livre est de sucre); c) l'espèce (génitif dénominatif) : un jeu de cartes (le jeu est de cartes); d) la possession, c'est-à-dire le rapport du possesseur à l'objet possédé ou du tout à la partie (génitif possessif): les œuvres de Racine (les œuvres sont de Racine), le temple de Salomon (le temple est de Salomon), le toit de la maison; 2o le génitif subjectif, qui est formé du sujet : la force du lion (le lion est fort), le son de la cloche (la cloche sonne); 3o le génitif objectif, qui est formé de l'objet : l'amour de la patrie (aimer la patrie), la sortie de prison (sortir de prison), la descente du fossé. Le sens de la phrase peut seul indiquer dans certains cas si le génitif est subjectif ou objectif; ainsi l'amour des enfants peut signifier l'amour que les enfants ont pour leurs parents ou bien l'amour que les parents ont pour leurs enfants: les enfants peuvent être ceux qui aiment ou ceux qui sont aimés. Au génitif dénominatif se rapporte le génitif d'apposition, qui particularise le nom commun d'une chose et le distingue de toutes les autres choses semblables: la ville de Paris, la comédie du Tartufe, le titre de prince; le nom est souvent en apposition sans la préposition de : le mont Rose, le mot cheval. Quelquefois, dans le style familier, c'est le mot déterminé qui prend la forme d'un génitif d'apposition: un fripon de valet (un valet fripon).

Le datif, comme déterminatif, est d'un emploi plus restreint que le génitif; il exprime surtout la qualité ou l'espèce: un homme à prétentions, un moulin à vent; le but, la destination: une salle à manger; la possession, et alors il est à la place du génitif possessif: la barque à Caron (Ac.).

3. Apposition.

389. L'apposition peut être un véritable déterminatif : Charles-le-Téméraire fut battu à Morat; mais le plus souvent elle est explicative et exprime un jugement sous la forme d'une proposition adjective raccourcie: Un missionnaire romain s'établit comme simple évêque à Londres, (qui était) la capitale des Saxons orientaux (A. Thierry). L'apposition est toujours au même cas que le sbbstantif qu'elle sert à expliquer ou à modifier. Elle ne prend pas l'article, sauf quand elle précède le substantif ou qu'on veut la mettre en évidence le poète Racine; Racine, le père.

L'apposition peut être : 1o un substantif: Henri IV, roi de France, voulait sincèrement le bien de son peuple. On apercevait les sinuosités de la Moskova, de cette rivière qui, depuis la dernière invasion des Tartares, n'avait plus roulé de sang dans ses flots (Mme de Staël); 2o un adjectif: La nature, plus belle et plus riante, invite aux sentiments les plus doux (Picard); 3' un pronom ou un nom de nombre: La fortune nous a persécutés, lui et moi (Fén.). Nous allâmes nous reposer chacun de notre côté (Lesage).

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L'apposition se rapporte quelquefois à une proposition entière Sans être sorti de son palais, mon père parlait cinq langues, chose que les étrangers admirent en nous (Ségur).

CHAPITRE III.

DES RAPPORTS DE LA PROPOSITION.

390. Le verbe marque par sa flexion, non-seulement la personne et le nombre du sujet, mais encore les rapports essentiels de la proposition, c'est-à-dire l'affirmation avec le mode et le temps (§ 248).

Nous traiterons des différentes formes qui servent à mar

quer: 1o l'affirmation négative ou négation (la langue n'ayant pas de forme particulière pour l'affirmation positive, § 354); 2 les modes et les temps du verbe dans la proposition simple. Un article spécial sera consacré aux formes nominales du verbe, l'infinitif et le participe, qui n'expriment ni l'affirmation ni le mode (§ 252), mais distinguent cependant le rapport de temps.

1. Emploi de la négation.

391. La négation pleine non subsiste en français, mais ne s'emploie plus que dans les cas suivants : 1° dans les expressions substantives telles que non-solvable, fin de nonrecevoir; 2 lorsqu'il y a ellipse du verbe, et dans ce cas non est quelquefois suivi de pas (mais non de point) ou de plus: Le voulez-vous? Non. Et que m'importe à moi que Rome souffre ou non? (Corn.) Enfin les uns sont contents, les autres non, c'est le monde (Mme de Sév.). Mais Rome veut un maître et non une maîtresse (Rac.). Je crains votre silence et non pas vos injures (Rac.). Vous ne le voulez pas, ni moi non plus. Non s'emploie devant sans, loin, pour en changer le sens restrictif: Il vécut non sans gloire et meurt en homme libre (Saurin). Non se met en tête de la phrase pour renforcer la négation, et alors il peut se redoubler ou se joindre aux adverbes certes, certainement, vraiment : Non, je n'en ferai rien. Non certes, non vraiment, je ne le ferai pas. Non peut être suivi de que et signifie alors ce n'est pas que: Non que je veuille à Rome empêcher quelque crime (Corn.).

Sauf ce cas, non s'abrége en ne (n'), qui, dans le principe, suffisait pour exprimer la négation complète, mais qui aujourd'hui doit en général être renforcé par le mot pas, originellement substantif (§ 283). Le sens négatif appartient seulement à ne, qui se place toujours avant le verbe ou le pronom conjoint qui précède le verbe, tandis que pas suit le verbe simple ou se met entre l'auxiliaire et le participe (§ 274) Je ne ris pas. Je ne veux pas ce livre. Je n'ai pas ri. Il n'a pas été sage. Quelquefois on double la négation ne- pas pour mieux affirmer: Je ne puis pas ne pas croire qu'il en est ainsi.

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