On peut mettre indifféremment pas avant ou après l'infinitif: Voulezvous bien ne pas bâiller! (Scribe.) L'un m'appellera sot de ne me venger pas (Mol.). Toutefois la première façon de parler est la plus usitée. Il n'est pas inutile de remarquer que la négation peut porter sur la proposition entière: Je ne le verrai pas, ou seulement sur l'un de ses membres: Je ne le verrai pas avec plaisir. 392. Seul et isolé de pas, ne n'a plus son ancienne vertu négative que dans les cas suivants : 1. La négation simple ne suffit, lorsque la négation est complétée par les mots qui jouent le même rôle que pas, savoir les noms ou pronoms indéfinis point, guère, brin, mot et goutte, dans certaines locutions, personne, аисип, nul, rien, ou les adverbes jamais, plus, nullement, aucипеment (§ 283): Ne décidons jamais où nous ne voyons goutte (Piron). Je ne dis mot (Ac.). Je n'en ai cueilli brin (Ac.). Je ne crains plus que mes passions (Fén.). Nul mets exquis ne lui semblait doux (Fén.). - Ni exclut pareillement pas: Je ne l'aime ni ne le respecte. La négation ne-pas est affaiblie par ne- guère et fortifiée par ne - point, ce qui s'explique par la signification originelle des trois mots pas, point et guère: Je ne bouge guère (pas beaucoup), je ne bouge pas (d'un pas), je ne bouge point (d'un point). Point convient à ce qui est permanent, habituel; c'est une négation absolue, sans réserve, totale. Pas complète simplement la négation, et par cette raison il est préférable à point quand il s'agit de quelque chose de relatif, d'accidentel, de passager, comme devant les mots qui expriment le nombre, la quantité, la durée ou la comparaison : Je ne vous réponds pas des volontés d'un père, Mais je ne serai point à d'autre qu'à Valère (Mol.). Mon nom n'est pas plus à vendre qu'à louer (Feuillet). Elle n'est pas toujours attentive. Je n'ai pas compris dix mots de son discours. Dans une proposition interrogative, on emploie nepas ou ne-point, selon que l'on attend une réponse affirmative ou négative: N'avez-vous pas été là? N'avez-vous point été là? Point, nullement, jamais, personne, rien, s'emploient quelquefois absolument comme non, et alors ils ne prennent pas ne: Etes-vous fâché? Point. Y consentirez-vous? Jamais. Son style est ingénieux, jamais recherché. Y a-t-il quelqu'un ici? Personne. Il en est de même de plus : Plus de larmes, plus de soupirs. Pas s'appuyant sur un autre mot suffit aussi pour marquer la négation : Ce fut un oubli et pas autre chose. Le roi était trop père et pas assez peuple (Lam.). Si les mots rien, personne, aucun, nul (pas un) sont sujets, ils se placent avant le verbe et par conséquent aussi avant ne; jamais se met souvent aussi en tête de la phrase: Rien n'empêche tant d'être naturel que l'envie de le paraître (La Roch.). 2. La négation simple ne suffit encore: a) devant un génitif de temps: Je ne le reverrai de ma vie; b) après les expressions je n'ai garde de, n'importe, à Dieu ne plaise, qu'à cela ne tienne: En te reprochant ta faute, je n'ai garde de désavouer la mienne (Fén.); - c/ après les interrogatifs qui et que exprimant un regret ou un désir: Qui de nous n'a ses défauts? Que n'êtes-vous arrivé plus tôt! Que ne m'est-il permis! - d) devant que (quoi), quand il est pron. interrogatif: Je ne sais quoi. Je n'ai que faire de vos dons (Mol.); - e) devant la conjonction que exprimant une restriction (v. liv. II): Il n'y a que la prose ou les vers? (Mol.). 3. La négation simple ne suffit encore avec pouvoir, oser et cesser, suivis d'un infinitif : Je ne puis me taire. On n'ose l'aborder. (Ac.). Je n'ai osé aller à Samos (Fėn.). On ne cessait de m'admirer (Mme de Staël). Mais si l'infinitif manque, pas est indispensable: Je ne peux pas. Je n'ose pas. Il ne cesse pas son jeu. On emploie aussi pas si l'on veut nier plus fortement; on dit donc : Je ne puis voir, ayant mal aux yeux, et: Je ne peux pas voir, étant aveugle. On supprime toujours pas ou point après le verbe savoir, pris dans le sens de pouvoir: Je ne saurais en venir à bout. Mais la suppression n'a pas lieu quand savoir est pris dans son vrai sens: Je ne sais pas l'anglais (Ac.). Ne s'emploie encore seul avec d'autres verbes, mais dans le style familier et un peu archaïque: Ne bougez, je reviens tout à l'heure (Mol.). Le chien ne bouge (La F.). Dans l'ancienne langue, la négation ne suffisait avec toute espèce de verbe, et l'on supprimait volontiers la seconde négation: Il est adverty que les Seize ne se contentent (Sat. Ménip.). On trouve encore dans les écrivains du XVIIe siècle des phrases comme celles-ci: De tout temps les chevaux ne sont nés pour les hommes (La F.). Tout fut mis en morceaux, un seul n'en réchappa (La F.). Chose (= rien) n'est ici plus commune (La F.). Les écrivains de cette époque suppriment même, dans l'interrogation, la première négation ne: Me connaissez-vous pas? (Mol.) Avais-je pas raison? (La F.) D'autre part il y a de nombreux exemples où figurent pas ou point, contrairement à l'usage actuel Jamais pas un de vous ne reverra mon onde (Malh.). Nous n'avons pas envie aussi de rien savoir (Mol). Si j'en connais pas un, je veux être étranglé (Rac.). Ni les éclairs, ni le tonnerre N'obéissent point à vos dieux (Rac.). S'il entre jamais, je veux jamais ne boire (Mol.). 2. Modes et temps. 393. Indicatif. L'indicatif, mode de la réalité, s'emploie non-seulement dans la proposition principale, mais encore dans la proposition subordonnée, pour exprimer un fait positif (§ 249). L'indicatif comprend dix formes de temps qui se divisent soit en temps imparfaits et temps parfaits, soit en temps absolus et temps relatifs (§ 250). On peut les grouper de la manière suivante : 9. Condition. présent. 10. Condit. parfait. 1. Présent. Le présent est le temps général dans toutes les langues. L'on s'en sert, non-seulement pour marquer une action faite au moment où l'on parle, par ex.: J'écris à mon père, mais encore pour exprimer l'habitude de faire une action, comme dans: Je lis tous les jours une heure, ou pour exprimer les vérités générales qui sont de tous les temps, comme: Tous les hommes sont mortels. On l'emploie même: 1o pour un futur prochain, si le temps est déjà indiqué par ce qui précède ou par l'ensemble du discours : Il arrive ce soir; ou: 2 pour exprimer un fait passé qu'on veut rendre présent pour le lecteur: Alexandre soumet les Grecs, passe en Asie, défait Darius, etc. Quelquefois le présent historique se trouve dans une même phrase avec l'un ou l'autre des passés, comme dans cet exemple: Lecombat était douteux, et il se prolongea plusieurs heures de plus, lorsqu'on voit tout à coup soixante vaisseaux de Cléopâtre traverser à toutes voiles les lignes d'Antoine (Michelet). 2. Parfait. Le parfait (aussi appelé passé indéfini) marque une action accomplie, mais dont les effets se prolongent dans le moment actuel : J'ai écrit la lettre, c'est-à-dire dans ce moment la lettre est écrite, qu'elle le soit seulement depuis un instant ou déjà depuis longtemps, n'importe. Le parfait, énonçant l'action comme achevée, sert surtout à affirmer comme réel un fait passé ou même futur; ainsi on emploie ce temps: 1o pour exprimer des faits historiques détachés de la série d'événements dont ils font partie, lorsqu'on tient moins à les raconter qu'à en faire ressortir la réalité: Carthage a été détruite par les Romains; 2o pour rapporter des faits récents ou indiquer une période de temps dont la durée embrasse le moment où l'on parle : J'ai fait un voyage cette année. Nous avons vu dans ce siècle des choses si surprenantes que la postérité aura de la peine à les croire. De même que le présent peut exprimer un futur absolu, on se sert du parfait pour marquer un futur antérieur très prochain : J'ai fini (au lieu de j'aurai fini) dans un moment. « Le nom de parfait, anciennement admis partout pour le temps jai aimé, je suis venu, a été remplacé dans beaucoup de grammaires modernes par celui de prétérit (ou de passé) indéfini. Ce changement est regrettable: d'abord ce sont deux mots au lieu d'un seul, et n'est-il pas fåcheux d'avoir un nom si long pour une forme si fréquemment employée? En second lieu, les mots d'imparfait et de plus-que-parfait n'ont plus aucune raison d'être, dès qu'on supprime le parfait, c'est-à-dire le temps entièrement achevé. Enfin le nom d'indéfini est surtout inexplicable. Ce temps n'a rien de plus ou de moins défini qu'un autre. Cela est si vrai, qu'on l'appelait passé défini dans les grammaires du xvIIe siècie, et qu'on appelait indéfini, au contraire, le prétérit simple j'aimai, je vins, que nous nommons aujourd'hui défini. » (B. Jullien.) 3. Futur simple. Le futur simple ou absolu énonce l'action comme devant s'accomplir dans la partie de la durée qui suivra l'acte de la parole: Je partirai demain. 4. Futur parfait. Le futur parfait, aussi appelé futur antérieur, exprime une action accomplie dans un temps à venir, mais antérieure à une autre action également future : Quand vous serez rentré, je sortirai. Ces deux futurs expriment souvent une possibilité ou une supposition: Il sera malade. Vous aurez reçu ma lettre.. 5. Imparfait ét 6. Prétérit. L'imparfait et le prétérit sont des temps relatifs qui expriment la simultanéité de deux actions passées, l'imparfait avec l'idée de durée, et le prétérit avec l'idée d'achèvement. L'imparfait marque: 1o une action passée dont la durée coïncide avec une autre action également passée, c'est le présent dans le passé ou présent relatif : Il était nuit quand je sortis de chez vous; - 2o une action souvent répétée ou prolongée, c'est-à-dire une durée non déterminée: Henri IV était un bon prince, il aimait son peuple. Le prétérit énonce l'action comme entièrement passée, et s'emploie surtout dans l'exposition historique; ce temps n'est imparfait que pour la forme, et il exprime des actions qui ont eu lieu successivement sans indiquer si relativement les unes aux autres elles étaient achevées ou non: Alexandre mourut, et toutes les nations furent sans maître. Il ne faut pas confondre le prétérit avec l'imparfait, ni avec le parfait. a) L'imparfait arrête l'esprit sur l'état d'une chose à une certaine époque; le prétérit marque le passage d'un état à un autre et fait faire au récit un mouvement en avant; l'imparfait exprime simultanéité, le prétérit succession; l'imparfait décrit, le prétérit raconte. L'un est le passé descriptif, l'autre le passé narratif ou historique: En passant dans une prairie semée de fleurs, qui bordait un clair ruisseau, il aperçut un jeune berger qui jouait de la flûte à l'ombre d'un grand ormeau auprès de ses moutons (Fén.). Bordait et non pas borda; la narration n'avance point, ce fait n'est point successif, mais simultané au fait qui vient d'être énoncé; il en est de même de jouait. Il aperçut, et non pas il apercevait; le récit fait ici un pas en avant; il y a passage d'un fait à un autre. De là il résulte que le récit passe du prétérit ou temps historique à l'imparfait, lorsque l'action doit être énoncée comme ayant une durée à la suite d'une autre action passagère, ou si une explication doit être ajoutée au fait : Je suis née à Venise; mon père était noble, et ma mère était noble également; ils s'aimaient, on les unit, et je naquis de cette union. Un an après, ma mère eut un fils, il mourut, mes parents le pleurèrent et reportèrent sur moi toute leur affection; ils étaient riches, et mon berceau fut entouré de tout l'éclat que donne la richesse (E. Sue). b/ La principale différence entre le prétérit et le parfait consiste en ce que celui-ci exprime une action accomplie qui n'est pas en rapport avec d'autres événements, mais qui, |