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par ses résultats, se rattache au moment où l'on parle, tandis que le prétérit présente l'action comme un fait purement historique qui n'est pas en rapport avec le présent: La crainte fit les dieux, l'audace a fait les rois (Crébillon). Dans l'exemple suivant, on trouve le parfait à côté de deux présents dont l'un remplace le prétérit et l'autre le futur: Mais hier, il m'aborde, et me serrant la main: Ah! Monsieur, m'a-t-il dit, je vous attends demain (Boil.).

7. Plus-que-parfait et 8. Prétérit antérieur. Ces deux temps relatifs expriment l'action comme passée dans le moment où l'on parle, et en même temps comme passée, accomplie antérieurement à une autre action également passée.

Le plus-que-parfait correspond à l'imparfait; il exprime une action passée, mais qui, soit par elle-même, soit par ses suites, soit par ses circonstances, durait encore pendant qu'une autre action passée avait lieu: Quand j'avais diné, j'allais me promener. Malesherbes, d'une famille de robe, avait hérité des vertus parlementaires (Mignet). Le prétérit antérieur, qui correspond au prétérit, n'exprime point cette idée de durée; il énonce l'action antérieure comme un point achevé et avec l'idée d'un passage immédiat à l'action subséquente: Quand j'eus diné, j'allai me promener. Et le drôle eut lapé le tout en un moment (La F.).

9. Conditionnel présent et 10. Conditionnel passé. Le conditionnel présent marque un futur au point de vue du passé, comme le futur désigne un avenir au point de vue du présent (de celui qui parle). Ce sens originel du conditionnel ne se présente en général que dans la proposition subordonnée: Je savais qu'il partirait. Il assura qu'il ne le ferait pas.

Le conditionnel passé correspond au futur parfait et marque une action accomplie, mais on fait rarement usage de ce temps: Je savais bien qu'il serait parti avant vous. Il promit qu'il aurait fini dans trois heures.

Le conditionnel s'emploie dans la proposition principale d'une phrase hypothétique pour exprimer une action qui dépend d'une condition ou d'une supposition; c'est cet emploi qui lui a valu le nom de conditionnel (v. liv. II): Les hommes vivraient heureux, s'ils suivaient la loi de l'Evangile. Les Romains auraient conservé l'empire de la terre, s'ils avaient conservé leurs anciennes vertus (Boss.) Très souvent la condition ou la supposition n'est pas exprimée par une proposition subordonnée, mais par un simple circonstanciel, ou bien elle est sous-entendue: Je me déplairais en mauvaise compagnie (si j'étais en mauvaise 'compagnie). Vos lettres me plairaient d'un inconnu (Mme de Sév.). Cela serait pour moi, dit Bélisaire, une douce consolation; mais je me dois à ma fille, et je vais mourir dans ses bras (Marm.). En pareil cas, le conditionnel est un temps absolu qui se dit au lieu d'un autre temps absolu de l'indicatif ou même du subjonctif, soit pour aftirmer d'une manière moins positive, soit pour marquer le doute, l'étonnement, ou le désir; cet emploi du conditionnel a surtout lieu dans la forme interrogative ou exclamative: On dirait qu'il est malade. D'après les dernières nouvelles, l'insurrection serait étouffée. Je ne saurais (= je ne puis) vous le dire. Sauriez-vous me le dire? Serait-il vrai? Il serait vrai! Je voudrais y être. Que je voudrais savoir l'anglais! Pourquoi mon âme refuserait-elle les jouissances qui sont éparses sur le chemin difficile de la vie? (X. de Maistre).

On considère ordinairement le conditionnel comme un mode à part, ayant deux temps: le présent et le passé; mais en réalité le conditionnel appartient à l'indicatif et a la plus grande ressemblance avec le futur, non seulement par son origine (§ 258), mais encore par sa signification; tous les deux en effet expriment un temps futur, le premier un futur relatif, c'est-à-dire par rapport au passé (J'étais sûr qu'il viendrait), et le second un futur absolu, c'est-à-dire par rapport au présent (Je suis sûr qu'il viendra); ainsi le conditionnel présent n'est pas autre chose que l'imparfait, et le conditionnel passé le plus-que-parfait du futur. Si l'on tient compte de ce caractère essentiel du conditionnel, rien n'est plus facile que d'expliquer l'emploi de cette forme dans les phrases suivantes, qui seraient de véritables solécismes s'il était vrai, comme le croient les grammairiens, que tout conditionnel suppose une condition exprimée ou sous-entendue: L'assemblée décréta que le roi serait jugé (Mignet). Il se doutait bien qu'on en viendrait là. Vous m'avez dit que vous reviendriez le lendemain (J.-J. R.). Vous avez bien prévu que cette lettre m'attendrirait (J.-J. R.). Il obtint de lui qu'Eurydice retournerait parmi les vivants (Fén.). Une dame demandait, en plaisantant, à un jeune homme s'il viendrait à son enterrement, au cas où elle mourrait avant lui. «Oh! certainement, madame, avec plaisir ! » Savez-vous pourquoi Jérémie A tant pleuré dans sa vie? C'est qu'en prophète il prévoyait Qu'un jour Lefranc, le traduirail (Volt.). Avez-vous prétendu qu'ils se tairaient toujours (Rac.)? Pensant qu'il pleuvrait, je restai à la maison (Bon.). Jésus-Christ a promis qu'il viendrait juger les vivants et les morts (Wailly). Nous convinmes que nous partirions le lendemain (Chât.). Un seul espoir restait à Napoléon: c'est que le vice-roi s'y serait réuni à Davoust et à Ney (Ségur). On promit une récompense à qui découvrirait le voleur. Le conditionnel appartient au mode indicatif, même lorsqu'il dépend d'une condition ou d'une supposition, car dans ce cas il marque également la réalité, soit la réalité supposée (v. liv. II).

Outre les temps que nous venons d'étudier, la langue française possède encore des formes surcomposées pour exprimer d'une manière plus précise l'antériorité de l'action au parfait, au plus-que-parfait, au futur ou au conditionnel parfait de la conjugaison active: Je suis parti ce matin, dès que j'ai eu écrit (Bon.). Quand j'ai eu reçu mon argent, je m'en suis allé. Si j'avais eu dîné, je ne vous aurais pas fait attendre. Il sera sorti dės qu'il aura eu achevé sa lettre (Restaut). J'aurais eu fini plus tôt, si l'on ne m'avait pas interrompu. Ces temps sont fort peu usités.

394. IMPÉRATIF. L'impératif, mode de la nécessité, a deux temps: le présent et le parfait.

1. Le présent de l'impératif exprime toujours un temps à venir, car on ne commande que des choses futures: Finis ta tâche. Cieux, écoutez ma voix. Terre, prête l'oreille (Rac.). Pour faire croitre le mérite, semez les récompenses (Prov. persan).

2. Le parfait de l'impératif marque l'action achevée dans le futur: Aie fini ta tâche avant la nuit. Cette forme est

assez rare.

L'impératif n'ayant de formes que pour la 2o p. du S. et les 1re et 2e p. du P. (§ 258), le commandement à la 3o р. s'exprime par le présent du subjonctif avec que: Allons, que l'on détale de chez moi (Mol.). Holà, madame la belette, Que l'on déloge sans trompette (La F.). Qu'on appelle le cardinal (A. de Vigny). Qu'en paix chacun chez soi s'en aille. (La F.). Qu'ils partent sans tarder.

Pour adoucir le commandement, on emploie les impératifs veuillez, daignez, ayez la bonté, n'allez pas, etc, suivis de l'infinitif: Veuillez me le dire. N'allez pas le lui dire. On se sert de or ou de or çà pour renforcer l'impératif : Or çà, sire Grégoire, Que gagnez-vous par an? (La F.).

L'impératif marque l'action comme nécessaire en vertu de notre volonté. Si je dis: Tu ouvres la lettre, j'indique ce que fait la personne à qui je m'adresse: c'est l'indicatif. Mais si je dis: Ouvre la lettre, je n'indique pas ce qui se fait, mais je dis ce qu'on doit faire. La pensée exprimée par l'impératif est donc un acte de la volonté, comme une prière ou un commandement. Il y a toutefois une bien grande différence entre un ordre et une prière; mais la langue se sert de la même forme pour exprimer l'un et l'autre cette forme s'appelle le mode impératif ou simplement l'impératif, d'un mot latin (imperare) qui signifie commander.

Le simple désir ne se marque pas par l'impératif; 'impératif; on se sert pour l'exprimer: 1o du subjonctif employé comme optatif (§ 353): Dieu le veuille! Puissions-nous avoir la paix! -2o du conditionnel nditionnel (§392): Que je voudrais savoir le dessin! -3o de l'imparfait de l'indicatif avec si: Oh! si je pouvais le voir!

395. SUBJONCTIF. Le subjonctif présente une action non comme un fait réel, mais comme une simple idée; c'est le mode de la conception, c'est-à-dire de l'idéal ou du possible, par opposition à l'indicatif, qui est le mode de la perception, c'est-à-dire du réel ou du positif. Le subjonctif a quatre temps: le présent et le parfait, qui correspondent aux temps absolus de l'indicatif, l'imparfait et le plus-que-parfait, qui sont des temps relatifs.

Le subjonctif appartient essentiellement à la proposition composée; comme son nom l'indique, il est ordinairement sous la dépendance, pour ainsi dire sous le joug du verbe de la principale. Mais le subjonctif peut s'employer d'une manière indépendante dans les cas suivants :

1o Comme optatif, pour exprimer un désir, un souhait ; mais ce subjonctif n'est usité qu'au présent et à l'imparfait et ordinairement à la troisième personne : a) au présent, surtout avec le verbe pouvoir suivi d'un infinitif et employé dans la forme interrogative aux trois personnes : Puisses-tu réussir! Puissent les dieux vous conserver à votre père (Fén.)! avec d'autres verbes, comme finir, vouloir, être, etc., mais seulement à la troisième personne: Fasse l'Esprit divin que la religion règne dans mes discours (Fléch.)! Grand bien vous fasse (Rac.)! La volonté du Ciel soit faite en toute chose (Mol.)! Veuillent les immortels, conducteurs de ma langue, Que je ne dise rien qui doive être repris (La F.)! La peste soit de l'avarice et des avaricieux (Mol.)! Dieu me soit en aide! Vivent les gens d'esprit! Périsse le Troyen, auteur de nos alarmes (Rac.)! Dieu garde leurs Etats (Delille)! A Dieu ne plaise! Le diable m'emporte (Ac.)! b) à l'imparfait, et même au plus-que-parfait, quand la chose est le moins probable; on emploie surtout plaire dans ce sens: Plût à Dieu qu'il en fût ainsi! La peste de ta chute, empoisonneur, au diable! En eusses-tu fait une à te casser le nez (Mol.)!

L'emploi du subjonctif comme optatif était beaucoup plus fréquent autrefois, comme le prouvent les exemples suivants tirés de Molière: Je meure, si je savais cela! Je sois exterminé, si je ne tiens parole! Me confonde le ciel, si la mienne est frivole! Si fait, bien moi, je meure! Ah! que vois-je? Je meure! Sois-je du ciel écrasé, si je mens! Qui manquera de constance, le puissent perdre les dieux! Aujourd'hui, sauf pour le verbe pouvoir, on n'emploie guère l'optatif qu'à la 3me personne, et on le renforce presque toujours par la conjonction que: Que Dieu vous soit en aide! Que je sois foudroyé, Jupiter, si je mens (Ponsard).

2o Comme impératif, à la 3e personne, presque toujours avec que (§ 394): Qu'il parte tout de suite. Que tout ce qui respire S'en vienne comparaître aux pieds de ma grandeur (La F.). Sans que: Qui m'aime me suive. Sauve qui peut. Quiconque est loup agisse en loup (La F.).

3o On emploie encore le présent du subjonctif pour exprimer une concession ou une condition: Ecrive qui voudra (Boil.). Mais veille qui voudra, voici mon oreiller (Rac.). Vous le voulez: soit (Ac.). Qu'il parle, tout se tait (Ac.).

4o On se sert de l'imparfait et du plus-que-parfait du subjonctif, mais à l'interrogatif seulement, pour remplacer la proposition subordonnée d'une phrase concessive: On résolut sa mort, fût-il coupable ou non (La F.). Eût-il été Richelieu ou Sully, il fût tombé de même (Mignet). On peut aussi remplacer par le plus-que-parfait du subjonctif le conditionnel passé de la proposition principale d'une phrase concessive ou conditionnelle: L'âne, s'il eût osé, se fût mis en colère (La F.); avec ellipse de la condition: Le galant en eût fait volontiers un repas (La F.). (V. liv. II.)

5° Enfin le français emploie le présent je ne sache pas ou que je sache comme subjonctif dubitatif: Je ne sache rien de si beau. Il n'y a personne à la maison, que je sache.

3. Formes nominales ou impersonnelles du verbe.

396. INFINITIF. L'infinitif est la forme substantive ou le nom du verbe. Il n'exprime ni le mode ni les relations de personne et de nombre, mais il marque toujours le rapport de temps.

L'infinitif a deux temps: le présent et le parfait. Le présent marque le futur ou la postériorité; c'est pourquoi il a servi à former le futur de tous les verbes (§ 258): Il veut écrire une lettre. Il voulait partir. Il va pleuvoir. - Le parfait de l'infinitif exprime l'antériorité : Il croit avoir fait son devoir. Si le prince est prisonnier, il est censé être mort (Mont.).

L'infinitif est pur ou prépositionnel, selon qu'il est employé seul, comme dans les exemples cités, ou qu'il est précédé d'une préposition : Il commande au soleil d'animer la nature (Rac.). Un homme de cœur pense à remplir ses devoirs (La B.). J'irai le voir avant de partir (Ac.).

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