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1. L'hiatus s'évite par l'élision de la voyelle finale du préfixe, comme dans ravoir (re-avoir), entr'acte.

2. Pour éviter la rencontre de deux consonnes, on modifie très souvent la forme des préfixes. Ainsi, lorsque le préfixe finit par un n, cette consonne se change en m devant les mots commençant par b, p ou m : importer. Le préfixe ad, qui entre dans un nombre considérable de mots, ne reste en général intact que devant une voyelle adopter; le d disparaît toujours devant b, d et ch: achever, de ad et chef, mener à chef, finir, et le plus souvent devant g, j, n, m, v: agrandir; enfin devant les consonnes fortes c, t, p, f, s, et les liquides l et r, le d du préfixe ad s'assimile, c'est-àdire devient complétement semblable à la consonne qui commence le mot simple accommoder (ad et commode), apporter (ad et porter), etc. C'est à cette règle d'assimilation que sont dues les doubles lettres si fréquentes au commencement des mots.

L'application de cette règle fait voir pourquoi on écrit affaire avec deux fet Afrique avec un simple ƒ, pourquoi innombrable prend deux n, et inonder un seul, etc.

LIVRE II.

Les éléments formels des mots.

SECTION Ire.

Les espèces de mots et leurs flexions.

CHAPITRE Ier.

DU SUBSTANTIF.

Des espèces de substantifs.

III. Le substantif ou nom exprime l'idée d'un être, c'està-dire d'une personne ou d'une chose d'après sa nature.

L'idée exprimée par un substantif est toujours le résultat d'un jugement; ainsi, le fleuve, c'est ce qui flue ou coule, le coulant (fluvius de fluere); meule, c'est ce qui moud (mola de molere); crapaud, c'est ce qui rampe (du vieux français craper, ramper), etc.

Le substantif s'appelait chez les grammairiens romains nom substantif (nomen substantivum), c'est-à-dire nom qui désigne la notion ou la substance d'un objet (de stans, se tenant, et sub, dessous).

112. Sous le rapport de la forme, les substantifs se divisent: 1o en noms primitifs, par ex. lion, aigle, arbre, et noms dérivés, par ex. aiglon, serrure, grandeur; et 2o en noms simples, par ex. arbre, grandeur, et noms composés, par ex. entrevue, arc-en-ciel.

Dans tout nom composé, quelle que soit sa forme, on

distingue deux membres, dont l'un renferme l'idée principale, qui doit être modifiée par une idée accessoire, exprimée par le second membre ou le déterminatif; ainsi dans maison-de-ville, maison est le mot principal, et ville le mot accessoire ou déterminatif.

Le mot principal est toujours un substantif exprimé ou sous entendu ; le déterminatif peut être :

1° Un substantif: oiseau-mouche, pot-de-vin, ver à soie; 2o Un adjectif coffre-fort, basse-cour, plain-chant; 3o Un adverbe ou une préposition: avant-garde, aprèsmidi.

Mais le nom composé peut aussi être le produit d'une phrase entière dont le verbe, qui est le plus souvent à l'impératif, est déterminé par un complément ou circonstanciel : serre-tête, rendez-vous, passe-partout.

113. Sous le rapport de leur signification, les substantifs se divisent d'abord en noms de personnes et noms de choses. En grammaire, tous les êtres créés sont rangés en deux classes: les personnes et les choses. Il y a ainsi des noms de personnes, comme mère, meunier, domestique, soldat, Jean, et des noms de choses, comme soleil, charrue, poussière.

Les noms de choses comprennent aussi les noms de plantes, comme chêne, lierre, rose.

Les noms d'animaux forment une espèce intermédiaire entre les noms de personnes et les noms de choses quelques-uns, comme les noms d'animaux domestiques, chien, poule, mulet, sont assimilés aux substantifs qui désignent les personnes, mais tous les autres appartiennent à la classe des noms de choses.

La distinction entre les personnes et les choses est de la plus haute importance en grammaire, par exemple pour la théorie du genre; mais c'est surtout pour l'étude des pronoms, et spécialement des pronoms interrogatifs, que cette distinction est essentielle. Comparez: qui (quelle personne) cherches-tu? et que (quelle chose) cherches-tu? je cherche quelqu'un, et je cherche quelque chose; - je ne cherche personne, et je ne cherche rien;-j'ai besoin de lui (d'une personne), et j'en (d'une chose) ai besoin; je pense à lui, et j'y pense.

:

114. Les substantifs se divisent ensuite en noms concrets et noms abstraits.

1o Le nom concret désigne la personne ou la chose ellemême, c'est-à-dire un être réel dont les sens nous font

connaitre les propriétés, comme la forme, la couleur, l'odeur, la saveur ou le goût.

On fait rentrer dans cette dernière catégorie les noms des êtres immatériels qui existent réellement, quoiqu'ils ne tombent pas sous nos sens, comme Dieu, l'âme.

2o Le nom abstrait ne désigne pas une chose réelle que nous puissions voir, toucher, goûter ou sentir, mais il exprime l'idée d'une action ou d'une qualité n'ayant d'existence que dans l'esprit qui la personnifie ou la réalise en la séparant, par abstraction, du sujet à qui elle appartient.

Les qualités n'existent pas en dehors des personnes et des choses. Mais notre esprit peut se les représenter comme séparées ou abstraites des corps qui les contiennent, et c'est de cette manière que nous formons des substantifs d'une nature particulière, que l'on appelle pour cette raison noms abstraits. Ainsi, par ex., quand je dis : un beau cheval, une belle fleur, j'exprime la qualité de beau comme inhérente à quelque chose, au cheval ou à la fleur; mais si je fais abstraction du cheval ou de la fleur, je sépare en quelque sorte cette qualité des objets où elle réside, je lui donne une existence indépendante, et, l'assimilant dans mon esprit à une substance, j'en fais un être de raison que j'appelle la beauté. Je dirai de même la course, la brûlure, la souffrance, pour désigner d'une manière absolue l'action, l'effet qu'elle produit ou l'état qui en résulte, abstraction faite du sujet, c'està-dire de l'agent qui en est l'auteur.

Les noms abstraits de qualité sont généralement formés d'adjectifs par le moyen de certains suffixes, comme té, eur, esse, ice, etc.: la bonté, la grandeur, la justesse, la justice. Ils sont tous féminins.

Les noms d'action ou d'état dérivent de verbes au moyen des suffixes ion, ment, age, ure, ance, etc.: l'invention, le frottement, le labourage, la brûlure, la souffrance.

Dans les noms concrets, l'être se désigne par l'une de ses qualités ou propriétés distinctives, et les deux idées de l'être et de la qualité n'en forment qu'une seule, que l'on appelle idée concrète (du latin concretus, formé de concrescere, croître ensemble, se réunir). Dans les noms abstraits, au contraire, la qualité, étant séparée de son sujet, n'est plus qu'une idée abstraite (du latin abstractus, formé d'abstrahere, séparer). Ainsi l'abstrait est l'opposé du concret: le concret désigne toujours la qualité unie au sujet, et l'abstrait la qualité séparée du sujet.

115. On appelle noms collectifs les substantifs qui, quoique

au singulier, désignent une collection ou une pluralité d'individus de la même espèce que l'on se représente comme un seul et même objet foule, peuple, troupeau, multitude, chrétienté, armée. Ces substantifs sont en général des mots dérivés et peuvent être considérés comme des noms abstraits.

116. On divise enfin les substantifs en noms communs ou appellatifs, et noms propres ou individuels.

1o Le nom commun est le nom qui convient, qui est commun à toutes les personnes et à toutes les choses de la même espèce : le garçon, la rose, le canif.

2o Le nom propre est le nom particulier donné à une personne ou à une chose pour la distinguer de tous les autres individus de la même espèce: Jules, le Rhin, Paris.

Le substantif désigne les êtres comme individus, espèces ou genres. L'individu, c'est l'être pris seul, isolément; un groupe d'individus de même nature forme une espèce; plusieurs espèces réunies constituent un genre. Ainsi l'homme, voilà le genre; le blanc, voilà l'espèce; César, voilà l'individu.

Le nom commun est le nom de l'espèce, et le nom propre, le nom de l'individu.

Le mot fleuve, par exemple, se dit de tous les fleuves, du Rhin comme du Rhône, de la Seine comme de la Tamise : c'est le nom de l'espèce, le nom commun. Le mot Rhin désigne un fleuve particulier qui se distingue de tous les autres fleuves c'est le nom de l'individu isolé, c'est le nom propre.

Les noms propres sont essentiellement des noms de personnes. Parmi les choses, il n'y a que les villes, les pays, les fleuves, les montagnes qu'on soit en général obligé de distinguer les uns des autres par des noms propres.

La première lettre ou lettre initiale d'un nom propre est toujours une majuscule ou grande lettre : Jules, Paris, le Rhin.

Il est essentiel de remarquer deux choses dans les noms communs et dans les noms propres : la compréhension de l'idée et l'étendue de la signification.

Le nombre plus ou moins grand d'individus ou d'objets compris dans la signification d'un terme s'appellé extension ou étendue; le nombre plus ou moins grand d'attributs caractéristiques que comprend une idée

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