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Il en est de même des noms composés avec demi et semi qui ont le caractère de particules: les demi-mesures, les semi-preuves.

b) Lorsque le nom composé est formé d'un verbe et d'un autre mot, ce dernier peut être : 1o un substantif, qui est le complément ou le circonstanciel du verbe : crève-cœur, couvre-chef, couvre-pied, chasse-mouche, cure-dent, essuiemain, garde-fou, garde-vue, garde-robe, gobe-mouche, porte-drapeau, serre-tête, tire-balle, tire-bouchon, réveillematin, boute-en-train, fier-à-bras, pince-sans-rire, fouilleau-pot, vol-au-vent, etc. En pareil cas, le substantif devrait toujours être au singulier, parce qu'il est pris dans un sens tout à fait général; mais l'usage varie beaucoup, et tandis que les uns écrivent essuie-main tant au singulier qu'au pluriel, d'autres veulent essuie-mains dans les deux nombres, et d'autres enfin écrivent sans s un essuie-main et avec s des essuie-mains; 2o un autre verbe: passe-passe, chantepleure; 3o une particule : passe-partout.

L'analyse indique l'orthographe de chacun des éléments dont se composent les mots suivants : un ou des coq-à-l'âne, pied-à-terre, tête-à-tête, boute-tout-cuire, va-nu-pieds, etc. Dans le pluriel chevau-légers, il y a suppression de x, on a même formé un singulier: un chevau-léger. De même on a fait gendarme, du pluriel gens d'armes, qui, anciennement, signifiait des chevaliers.

145. Le substantif est souvent suivi d'un autre substantif qui en détermine le sens et qui est ordinairement amené par les prépositions de, à : Les travaux des champs fortifient le corps. L'aigle est un oiseau de proie. La tulipe est une fleur à oignon. Ce dernier s'appelle alors complément déterminatif (§ 24).

Quand le nom employé comme complément déterminatif est sans article, il se met au singulier, s'il éveille une idée d'unité, de matière ou de masse homogène et sert à désigner l'espèce ou la nature de l'objet représenté par le premier substantif: des hommes de talent, des œuvres d'art, des peaux d'agneau, des sacs de blé, des tables de marbre, un banc de pierre, etc.; il se met au pluriel, s'il est pris dans un sens individuel et exprime évidemment la réunion de plusieurs objets que l'on peut compter: une pension de garçons, un troupeau d'agneaux, du bouillon d'herbes, un tas de pierres, etc. On distingue ainsi, d'après le sens : du sucre de pomme et une compote de pommes; un marchand de vin et un marchand de vins fins; un marchand de poisson et une marchande de harengs; une fabrique de porcelaine et une fabrique de joujoux; un fruit à noyau et un fruit à pépins; de l'eau de rose et un bouquet de roses; une fournée de pain et une corbeille de pains, etc.

146. Les substantifs empruntés à des langues étrangères, et qu'un fréquent usage a francisés, prennent uns au pluriel; ainsi on écrira des accessits, des examens, des opéras, des alinéas, des pianos, etc. Sont exceptés: 1o alléluia, amen, ave, bénédicité, confiteor, credo, magnificat, miséréré, pater, requiem, recto, verso; 2o les substantifs étrangers formés de deux ou plusieurs mots liés par le trait d'union : des post-scriptum, des auto-da-, des ex-voto; on écrit cependant des sénatus-consultes; 3 ceux qui, dans la langue d'où ils sont tirés, ont une terminaison particulière pour le pluriel, tels sont carbonari, condottieri, lazzaroni, dont le singulier est carbonaro, condottiere, lazzarone.

CHAPITRE II.

DE L'ADJECTIF.

Espèces d'adjectifs.

147. Le nom adjectif ou simplement l'adjectif sert à nommer les qualités des êtres ou à dire comment sont les personnes et les choses. Ainsi quand je dis: Le boulet est rond, j'exprime comment est le boulet, je nomme sa qualité ; rond est un adjectif qui qualifie le substantif boulet.

Les qualités des personnes et des choses peuvent être des qualités physiques, sensibles ou matérielles, qui tiennent au corps ou à la matière et dont nous avons connaissance par les sens, comme grand et petit, haut et bas, large et étroit, chaud et froid, dur et tendre, doux et amer; ou des qualités morales ou spirituelles, qui ne tiennent pas au corps ou à la matière, mais qui se rapportent à l'âme, à l'esprit ou au cœur, comme diligent et paresseux, triste et gai, bon et méchant.

Les qualités des objets peuvent encore se diviser en qualités ou propriétés essentielles, ou en propriétés qui conviennent nécessairement à un objet; comme la propriété d'être blanche pour la neige, et celle d'être noire pour le charbon, ou en propriétés accidentelles, c'est-à-dire en propriétés que les objets peuvent avoir ou ne pas avoir, comme la propriété d'être ronde qu'a une table, qui pourrait aussi être carrée ou allongée sans cesser pour cela d'être une table. Ainsi le miel est doux, c'est sa qualité essentielle; mais il peut être jaune, blanc, épais, propre, vieux, frais, etc. L'homme est mortel : mortel, qualité essentielle. Un homme vertueих : vertueux, qualité accidentelle.

Le mot adjectif vient du latin adjectivus et signifie plutôt qui ajoute à que ajouté à. Le suffixe if exprime en général un sens actif, et l'adjectif a en effet pour fonction d'ajouter à la compréhension de l'idée exprimée par le substantif (§ 116).

148. Sous le rapport de la forme, les adjectifs se divisent en adjectifs primitifs, ex. bon, vieux, et adjectifs dérivés, par ex. orgueilleux, craintif, et en adjectifs simples, par ex. vieux, craintif, et adjectifs composés, par ex. aigre-doux.

149. Sous le rapport de la signification, on distingue ordinairement les adjectifs en adjectifs qualificatifs, par ex. bon, beau, utile, et adjectifs déterminatifs (noms de nombre et pronoms adjectifs), par ex. deux, quelque, топ, се.

Cette distinction toute moderne doit être abandonnée : 1o parce que tous les adjectifs sont déterminatifs, puisqu'ils s'ajoutent aux noms pour en déterminer ou restreindre la signification à l'idée de l'espèce particulière : l'écolier studieux fera des progrès (§ 24); 2o parce que cette distinction a le grand défaut de placer dans deux parties différentes du discours, l'adjectif et le pronom, des mots comme moi et mon, ce (c'est moi) et cet (cet homme), qui et quel, quiconque et quelconque, que la langue ellemême a rapprochés, parce qu'ils sont absolument de même nature, quoiqu'ils ne remplissent pas les mêmes fonctions dans le discours. D'ailleurs, le pronom marque la personne; c'est là sa propriété caractéristique, que le verbe n'a que par emprunt et qui n'appartient à aucune autre partie du discours. Or, du moment que l'on admet que mon, ton, son, etc., sont des adjectifs, on arrive forcément à cette conclusion que l'adjectif, dont l'essence est d'exprimer la qualité des êtres, marque également les personnes grammaticales, ce qui est absurde. Il faut remarquer en outre que cette classification des adjectifs en qualificatifs et déterminatifs n'est nullement en rapport avec le sens même que les grammairiens français attribuent au mot déterminer, puisqu'ils disent, à propos de l'article, qu'un nom commun est pris dans un sens déterminé, lorsqu'il désigne un genre : les enfants sont légers; une espèce: les enfants studieux sont chéris de leurs maitres; ou bien un ou plusieurs individus particuliers: cet enfant est sage. Ainsi voilà le nom enfant qui est déterminé, à des degrés différents il est vrai, par l'adjectif qualificatif studieux aussi bien que par l'adjectif déterminatif cet; pourquoi alors faire une classe à part des adjectifs déterminatifs, puisque tous les adjectifs peuvent remplir cette fonction de terminer le substantif?

Fonction de l'adjectif.

150. L'adjectif se rapporte toujours à un substantif qu'il qualifie; mais il peut être employé de deux manières différentes, comme attribut ou comme déterminatif.

1. Si je dis: Le jardin est petit, j'affirme que la qualité de petit convient au jardin, j'attribue à l'objet désigné par le substantif la qualité exprimée par l'adjectif; le mot petit est employé ici comme attribut. Dans ce cas, l'adjectif et le substantif expriment une pensée et forment une proposition, et l'affirmation est alors marquée par un mot particulier, le verbe être.

2. Mais si je dis : J'ai un petit jardin, l'adjectif petit et le substantif jardin n'expriment plus une pensée, mais un simple membre de la proposition. Dans ce cas, l'adjectif est placé avant ou après le substantif auquel il est intimement lié, et les deux mots petit jardin ne représentent plus qu'une idée simple, comme si on disait un jardinet; le mot jardin employé seul n'exprimerait pas la même idée, il est donc déterminé par l'adjectif petit, qui, à cause de cela, s'appelle déterminatif.

Lorsque l'adjectif est employé comme déterminatif, il restreint l'étendue du nom commun auquel il est joint, en même temps qu'il augmente sa compréhension en ajoutant à cette compréhension une idée accessoire qui devient partie de la notion totale énoncée par la réunion du nom et de l'adjectif: petit jardin, grand arbre.

Du genre et du nombre dans les adjectifs.

151. L'adjectif, ne représentant directement ni les personnes ni les choses, ne peut avoir par lui-même ni genre ni nombre; il varie cependant, dans sa terminaison, selon le genre et le nombre du substantif qu'il qualifie; autrement dit, l'adjectif, qu'il soit employé comme déterminatif ou comme attribut, s'accorde en genre et en nombre avec son substantif.

1. Formation du féminin.

152. Tous les adjectifs se terminent au féminin par un e muet. Le féminin des adjectifs se forme donc, comme dans les noms de personnes, en ajoutant au masculin le e caractéristique du féminin : un habit noir, une robe noire.

L'application de cette règle dépend de la lettre qui termine le mot. Les adjectifs sont terminés par une voyelle ou par l'une des consonnes r, l, n, t, s, f; quelques-uns seulement par les consonnes d, x, д, с.

Les noms de personnes ou d'animaux qui marquent la différence du sexe par la différence de terminaison (§§ 125, 126) forment en général leur féminin de la même manière que les adjectifs.

Le latin formait le féminin des adjectifs au moyen de la voyelle a: bonus, bona. Or, a final donne toujours e muet en français; c'est ainsi que le e muet est devenu dans notre langue le signe distinctif du féminin.

Dans certaines locutions encore usitées, comme grand'mère, on est frappé de l'association d'un adjectif masculin avec un substantif féminin. Cette apparente anomalie vient de ce que les adjectifs de l'ancien français suivaient en tout point les adjectifs latins, c'est-à-dire que les adjectifs qui avaient chez les Romains une terminaison pour le masculin et une pour le féminin, bonus - bona, avaient aussi deux terminaisons en français, et que ceux qui en avaient seulement une pour ces deux genres, comme grandis (homo grandis, femina grandis), fortis, prudens, mortalis, vilis, etc., n'en avaient qu'une en français; on disait, au 13e siècle, une grand femme, une âme vil, etc. Plus tard, on a étendu la même distinction du masculin et du féminin à tous les adjectifs, quelle que fût en latin la ressemblance ou la différence des genres, et contrairement à l'étymologie, on a écrit grande, vile, comme on écrivait bonne, etc. Cependant, une trace de la formation primitive est restée dans les expressions grand mère, grand tante, grand rue, grand route, grand messe, grand pitić, grand peine, grand merci, grand ferme, grand chose, etc., que l'on écrit abusivement avec une apostrophe : grand'mère, grand'route, etc.- On dit encore, en style de palais, lettres royaux; de même, fonts baptismaux; or, fonts (pour fontaines) était féminin. Ce dernier mot n'est plus employé comme nom commun qu'au pluriel. Le singulier font ne nous est resté que dans les noms propres de pays, avec l'article la ou un adjectif féminin : La Font, Chaudefond, village de l'Anjou; ce dernier mot devrait s'écrire Chaude-Font ou Chaudefont. Il est encore resté d'autres traces de l'ancien usage dans quelques noms propres, comme Rochefort.

153. Si l'adjectif ou le substantif est terminé par une voyelle, on ajoute au féminin un e qui ne se prononce pas : Un gilet bleu, une robe bleue; un ami, une amie.

Dans les mots en gu, on surmonte du tréma le e muet que l'on ajoute pour former le féminin : un fer aigu, une hache aiguë. Ce tréma est nécessaire pour conserver à u sa valeur propre et empêcher qu'on ne prononce aigue, comme si u était muet, ainsi que dans bègue.

Quand l'adjectif est déjà terminé au masculin par un e

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