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On suit ainsi à la trace et sans avoir recours à des influences physiques l'affaiblissement de l'esprit, marchant du même pas que la perversion du sentiment moral, et l'éclipse de toute vraie religion. M. Lemontey a, voulu peindre le déclin nécessaire d'un établissement monarchique, reposant sur le pouvoir absolu. Il eût été bon d'y ajouter l'effet graduel de ce pouvoir sur la constitution morale de celui qui l'exerce. Étudiés sous ce rapport, les innombrables documens contemporains offrent une grande expérience politique et morale. C'est une belle leçon que de voir cette vie royale commencée dans une auréole de gloire, au milieu de l'idolâtrie nationale, avec Turenne et Colbert, pour finir avec Voisin et Villeroy, sans autre pompe funèbre que les malédictions du peuple.

III.

Les

DIE ETRUSKER, VON KARL OTFRIED MULLER, etc. Étrusques, par Ch. OTFRIED MULLER. Ouvrage couronné par l'Académie des Sciences de Berlin. 2 volumes in-8°. Breslau, 1828.

La philologie devient de jour en jour plus nécessaire et plus utile à l'histoire; elle restaure surtout l'antiquité, dévoile les temps primitifs, et seule peut nous donner l'intelligence de ce que le cours des siècles emporte si loin de nous. Sans elle et ses opiniâtres recherches, il ne faut pas espérer de connaître véritablement ce que firent et pensèrent les peuples et les hommes de l'antiquité, le sens de leurs pratiques, la tournure de leurs idées, l'esprit de leur religion et de leur droit. Et les études philologiques ont cet avantage qu'elles se prêtent facilement aux différentes dispositions de ceux qui s'y livrent. Les esprits qui aiment surtout l'examen des détails, qui se plaisent uniquement à l'investigation curieuse de ce que les particularités, les fragmens et les mots d'une langue ont de plus subtil et de plus délié, méritent réellement de la science historique, en déposant dans de simples monographies leurs recherches et leurs conjectures avec cette naïveté qui est le caractère de la véritable érudition. Mais si à la sagacité qui devine, retrouve et restaure les mots, le philologue réunit cette étendue d'esprit qui comprend les choses, alors il se servira luimême des matériaux et des richesses qu'il aura recueillis, et se fera historien. Ainsi les Niebuhr, les Creuzer et les Otfried Müller offrent de nos jours l'heureuse union de la philologie et de l'histoire.

M. Niebuhr à véritablement restauré l'histoire de l'Italie primitive: il a retrouvé ces peuplades dont les destinées viennent se mêler à la fortune de Rome. Les

origines et les migrations de ces peuples, leur caractère, leur génie, leurs prospérités, leurs éclipses, leurs luttes avec Rome, leurs défaites, leur ruine, tout cela revit dans de savantes conjectures, où la sagacité historique est poussée si loin qu'elle ressemble à une imagination puissante, et s'élève parfois à des créations de poète. Les Ænotres et les Pélasges, les Opiques, les Sabelli, les Etrusques, les Ombriens passent devant vos yeux, et vous intéressent taut par eux-mêmes que comme pré. curseurs des Romains; car ici la vérité historique concourt heureusement avec l'art. Si M. Niebuhr a passé de laborieux momens pour nous faire connaître les légendes, les mythes et les traditions de ces peuples en les soumettant à la plus ingénieuse critique, que le célèbre historien en soit récompensé par la curiosité pleine d'émotion qu'il inspire au lecteur; on aime ces races retirées de la nuit des temps; et puis on attend les Romains, peuple historique, s'il en fut, destiné à envelopper dans son sein, les unes après les autres, toutes les peuplades italiques, en attendant qu'il envahisse le monde. On sent qu'avant, d'élever l'édifice, M. Niebuhr a voulu construire comme les propylées de l'histoire romaine'.

De tous les peuples de l'ancienne Italie, les Etrusques sans contredit sont le plus important et le plus curieux. Nation forte, douée d'un caractère et d'une langue originale, pères en grande partie de la civilisation romaine, les Étrusques semblent destinés dans l'histoire à former le lien entre l'Orient et l'Occident; par leur sacerdoce on

1. Il serait injuste de ne pas reconnaître que M. Micali, dans son Histoire de l'Italie avant la domination des Romains, a éclairci quelques points importans de l'histoire de l'Italie primitive et des peuples qui ne succombèrent sous les armes romaines qu'après une longue résistance. Mais on doit regretter qu'à force de patriotisme il ait souvent compromis sa critique. M. Niebuhr, si sévère pour l'ouvrage même, signale le mérite et le prix de l'atlas. Première et deuxième édit., p. 138.

les dirait tout à la théocratie; là, comme en Orient, la connaissance du ciel est nécessaire aux affaires, et les hommes se mènent par l'interprétation des signes, des phénomènes et des astres. Mais par le patriciat l'activité du citoyen commence, et l'indépendance des droits politiques s'annonce. La Toscane antique fut donc le théâtre d'une des époques les plus instructives de l'histoire.

M. Niebuhr caractérise à grands traits les Etrusques dans son livre. Il les montre connus des Grecs comme maîtres de la mer Tyrrhénienne, au temps de la guerre des Perses; habitant l'Etrurie proprement dite, et les pays voisins du Pô à l'époque de leur grandeur; jouant un rôle important dans l'histoire romaine depuis les rois jusqu'à la prise de Rome par les Gaulois; au plus haut point de splendeur à la fin du troisième siècle; perdant la Campanie dans le quatrième, ainsi que tout le pays depuis les Apennins, Veïes et Capenne; s'épuisant pendant le cinquième dans de molles résistances contre Rome. <«< Enfin, au temps de Sylla, l'antique nation étrusque <«< périt avec ses sciences et sa littérature; les nobles qu'y <<< avait conduits la lutte tombèrent sous le glaive. Dans les «< cités les plus considérables, on établit des colonies mi<«< litaires, et la langue latine régna seule. La plus grande «< partie de la nation perdit toute propriété foncière, et languit dans la pauvreté sous des maîtres étrangers, qui s'appliquaient dans leur tyrannie à effacer la trace des «< souvenirs nationaux et à tout rendre romain'. » Mais les ruines des villes étrusques, l'originalité de leurs arts et de leurs monumens, le charme qui s'attache au mystère de leur langue demeurée une énigme pour nous, tout cela a tourné vers les Étrusques l'intérêt et la curio

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1. Creuzer, Religions de l'antiquité, traduction de M. Guigniaut, t. 11, première part., p. 479, 480 et passim.

2. Niebuhr, deuxième édition, t. 1, p. 11 et 12.

sité des modernes ; et, selon la spirituelle remarque de M. Niebuhr, ils sont sans comparaison plus célèbres aujourd'hui et en meilleur renom qu'au temps de Tite-Live. L'historien de Rome ne les quitte pas sans parler de leur religion et de leurs arts.

Un autre philologue, professeur à l'université de Goeltingue, célèbre par d'admirables travaux sur l'antiquité grecque, entre autres sur les Doriens', a entrepris, touchant les Étrusques, le même travail que pour la race dorique. C'est la même pensée historique, à peu près les mêmes divisions. M. Otfried Müller a voulu, pour ainsi dire, écrire la biographie des Étrusques dans l'histoire, comme il avait tracé celle des Doriens. Dans une introduction, il recueille ce que l'on peut savoir de l'histoire extérieure des Étrusques; puis il divise sa vaste monographie en quatre livres: dans le premier, il traite de l'agriculture, de l'industrie et du commerce; dans le second, de la vie sociale et domestique; dans le troisième, de leur religion et de leur divination; dans le quatrième enfin, de l'art et de la science chez les Étrusques. C'est ainsi que venant après Dempster' et Lanzi, M. Otfried Müller traite spécialement un sujet qui n'est qu'un épisode pour M. Creuzer dans sa Symbolique, ainsi pour M. Niebuhr dans son Histoire de Rome.

que

Quel fut précisément l'état politique des Étrusques, voilà, il faut en convenir, ce qui nous a préoccupés surtout dans nos études de jurisprudence historique, et ce que nous avons principalement cherché dans l'ouvrage de M. Otfried. Aussi, les rapports de la religion avec le droit, la nature et l'originalité de cette aristocratie sacerdotale, la condition politique de la nation, voilà ce

1. Die Dorier. 2 vol. Breslau, 1824.

2. Etruria regalis. 1723. Florence.

3. Saggio di lingua etrusca, et di altre antiche d'Italia, per servire alla storia dé popoli, delle lingue et delle arti. Rome, 1789.

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