religieuse et politique dut être empruntée de l'Étrurie. Denys raconte que, dans l'année 274 de Rome, l'aristocratie étrusque, pour soutenir la guerre de Veies, rassembla comme ses serfs (TevéσTas), et en forma une armée considérable. On peut se représenter les nobles comme de grands propriétaires fonciers qui armaient leurs paysans; à coup sûr il y eut contre cette aristocratie des émotions populaires, car les factions des villes grecques ne restèrent pas étrangères à l'Italie. Ici, M. Otfried Müller voudrait tirer de l'antique constitution romaine quelques inductions pour les institutions de l'Étrurie. Il ne doute pas qu'il n'y eût chez le peuple étrusque une division parallèle aux trois tribus primitives ou des Romains, Ramnenses, Titienses, Luceres, la même organisation de Curies, et croit pouvoir établir que Rome dès son berceau l'avait empruntée à l'Étrurie. Les innovations successivement tentées dans la constitution romaine, notamment par Servius Tullius, paraissent aussi à M. Otfried Müller avoir dû se reproduire chez les Étrusques. Nous ignorons entièrement quels étaient les rapports civils, le droit privé et l'administration de la justice de ce peuple. Ici encore, M. Otfried Müller pense que le droit romain peat fournir des analogies exactes. Seulement il est constant que la femme jouissait dans la famille d'une considération véritable; le nom de la mère se trouve aussi souvent que celui du père dans les inscriptions sépulcrales ajoutez que les femmes nobles 1. M. Micali (chap. 21 Du gouvernement et des lois civiles des anciens Italiens) reconnait, que par la perte des livres d'Aristote et de Théophraste, il est impossible de savoir quelque chose de positif sur le gouvernement civil des Toscans. Il cite, comme M. Otfried Muller, ce passage d'Héraclide de Pont : όταν δέ τις ὀφείλων χρέος μὴ ἀποδίδῷ, παρακολουθοῦσιν οἱ παίδες ἔχοιTEC Ravov Ochúmor sis vooríav. Quand un débiteur n'acquittait pas sa dette, il était suivi d'une foule d'enfans qui agitaient une bourse vide pour lui faire honte. étaient admises à la connaissance de la divination; on sait les prophéties de Tanaquil. L'aîné de la famille avait probablement des privilèges; il en était le prince et la représentait dans le sénat : ou peut croire que le nom de lar ou lars lui était affecté, et que le mot aruns désignait au contraire les fils plus jeunes des familles patriciennes. La religion domine la civilisation étrusque : elle y était une science et un art, et se liait intimement à la pratique des affaires publiques et privées. Entre les mains d'une aristocratie sacerdotale, où se perpétuaient des traditions à la fois théologiques et scientifiques', la divination prit chez les Étrusques un empire et un essor qui ne se retrouvent dans l'histoire d'aucun peuple. Rome leur emprunta toute la discipliue de sa religion, et il y eut entre elle et l'Étrurie un véritable commerce de pratiques et de recettes religieuses. Nous ne suivrons pas M. Otfried Müller dans son exposition de la divination et de la religion des Étrusques qu'il est curieux de comparer avec M. Creuzer. Nous signalerons seulement ce fait important pour le droit romain, c'est que la discipline augurale de Rome se distinguait en plusieurs points de celle de l'Étrurie. Romulus, qui le premier prit les auspices, avait été élevé à Gabie suivant la tradition; et, dans la pensée des Romains, les auspices qui jouent un si grand rôle dans le droit public et privé, avaient une origine latine et non pas étrusque. Toutefois, M. Otfried Müller remarque que Gabie, où la tradition veut que Romulus ait passé sa jeunesse, n'était pas étranger à la civilisation étrusque; et sans nier les intermédiaires et les différences, il considère toujours l'Etrurie comme l'école des superstitions savantes de Rome. 1. Voyez M. Creuzer, t. 11. première partie, p. 404. Résumons rapidement les traits principaux de la civilisation politique des Étrusques. Une confédération de douze ou dix-sept villes indépendantes ayant sous leur domination des villes inférieures; Une constitution aristocratique ; Un sénat; Une aristocratie sacerdotale que l'opinion des peuples croit en commerce avec les dieux dont elle les rapproche beaucoup; Un amas de superstitions et de disciplines religieuses, qui se confond avec le droit public et presque toujours le constitue; Un peuple soumis, libre de sa personne, mais vivant dans les liens d'une sorte de hiérarchie féodale. Nous ne savons rien de positif sur le droit civil, sur l'administration de la justice. Quelle que soit l'origine des Étrusques, l'originalité de leur civilisation est incontestable; mais comme ils n'avaient pas l'esprit exclusif de l'Égypte, ils reçurent de plusieurs peuples, notamment des Grecs, de sensibles influences. L'histoire de l'art le prouve suffisamment. Eux-mêmes exercèrent sur les Romains un grand empire par leurs institutions. La religion et le patriciat de Rome sont inexplicables sans l'Étrurie. Toutefois nous ne pouvons nous empêcher de faire une remarque. M. Niebuhr, dans son chapitre sur les Étrusques, en réfutant une opinion de Denys d'Halicarnasse, demande si l'historien romain, que suivait dans son récit l'écrivain grec, n'a pas reporté sur les institutions de l'Etrurie les idées que lui suggéraient la curie et la commune romaines. On pourrait demander aussi à M. Otfried Müller si parfois il n'est pas tombé dans le même inconvenient, et n'a pas conclu des Romains aux Étrusques. Lui-même avoue d'ailleurs que tel a été en plusieurs endroits son procédé. Mais n'y a-t-il pas une sorte de pétition de principes à chercher dans les institutions romaines, le reflet et la preuve de celle de celles de l'Étrurie, puisque précisément il s'agit de savoir jusqu'à quel point ces deux peuples se ressemblent, et de constater où est l'imitation, où est l'originalité? Au reste c'était l'inévitable écueil du sujet; car la perte des his toires originales, l'ignorance où l'on est de la langue étrusque, condamnent l'historien et le philologue à nc connaître l'Étrurie qu'à travers la littérature grecque et romaine. Il n'est donc pas étonnant si la monographie de M. Otfried Müller sur les Étrusques est loin d'être aussi féconde en résultats que ses admirables recherches sur les Doriens, dont l'étude est si utile pour la connaissance véritable de tout ce qui en Grèce n'est pas athénien, et particulièrement de la constitution de Lacédé mone. IV. DES COLONIES MILITAIRES DE L'EMPIRE DE RUSSIE'. LES colonies militaires ont été établies sous le règne de l'empereur Alexandre. Il paraît que la première pensée en est due au général Araktcheieff, qui jouissait d'un grand crédit auprès de ce souverain. Alexandre adopta avec empressement ce projet, et y appliqua toute son attention. Plusieurs réglemens furent faits sous ses yeux et en partie par lui-même; et, peu d'années après la paix de 1815, les travaux de colonisation furent commencés dans le gouvernement de Novogorod pour l'infanterie, et dans le gouvernement de Karkhoff pour la cavalerie. En Russie, le soldat est obligé de servir pendant vingt-cinq ans; au bout de ce temps, il est libre; mais, séparé de sa famille depuis tant d'années, il se trouve entièrement isolé, inhabile à embrasser une nouvelle profession, et à la charge du gouvernement. L'étendue de l'empire, la vénalité et l'impéritie de l'administration, rendent le recrutement très-difficile et très-vexatoire; il est fort onéreux pour les nobles propriétaires, dont les revenus s'évaluent par le nombre de leurs paysans; et c'est péniblement et à grands frais que les recrues, décimées par les fatigues et les maladies, rejoignent leur corps. Les colonies militaires ont eu pour but d'assurer le recrutement de l'armée sur les lieux même occupés 1. Tous les faits que contient cet article ont été observés et recueillis sur les lieux mêmes; et aucun moyen n'a manqué à ses auteurs, soit pour bien voir, soit pour constater l'exactitude des renseignemens qui leur étaient donnés. On peut donc considérer leur travail comme la relation la plus précise et la plus authentique que nous possédions sur cet important`sujet Jusqu'ici presque entièrement inconnu. (Note de l'Éditeur.) |