PRÉFACE L'idée de ce livre m'a été suggérée par la lecture de Catulle; c'est par la poésie latine du temps de César et d'Auguste que je suis remonté à la poésie grecque du temps des Ptolémées. Il est impossible en effet de lire Catulle, Properce, Ovide, Virgile même, sans y remarquer, outre l'inspiration romaine et celle des classiques grecs, une inspiration assez différente à laquelle ces auteurs ont dû quelques idées nouvelles, d'autres façons de penser, d'autres habitudes d'écrire que celles des âges précédents. Entre la période classique de la littérature grecque et la période correspondante de la littérature latine, il y a comme une solution de continuité; la seconde ne procède pas directement de la première. Le poème de Catulle sur les noces de Thétis et de Pélée, les élégies de Properce, les Métamorphoses, les Tristes et les Héroïdes d'Ovide, ne relèvent pas immédiatement d'Homère, de Mimnerme et de Théognis ou de Sophocle. Dans 1. Quelques-unes des idées que j'ai exposées dans ce livre se trouvent déjà dans ma thèse sur Catulle; mais depuis cet essai, publié en 1875, j'ai dů non seulement rectifier un certain nombre d'erreurs, mais encore élargir le point de vue trop étroit auquel je m'étais d'abord placé en parlant de la littérature alexandrine. Plusieurs articles publiés dans l'Annuaire de la Société pour l'encouragement des études grecques et dans les Annales de la Faculté des lettres de Bordeaux, de 1877 à 1881, ont été remaniés et refondus dans ce volume. Pintervalle qui sépare les deux époques classiques, s'est développée une littérature intermédiaire, celle qu'on est convenu d'appeler alexandrine. Il n'en faut pas davantage pour faire comprendre l'importance de la poésie alexandrine, et la nécessité, pour qui veut être au courant de l'histoire littéraire de l'antiquité, de n'en pas ignorer une des principales périodes. Chercher comment la poésie grecque, après trois siècles de maturité féconde, s'est, pendant une vieillesse encore productive, transformée et dans une certaine mesure renouvelée; comment d'autre part la poésie latine a recueilli ce double héritage et a su combiner ces deux manifestations successives du génie grec, voilà, ce me semble, un sujet fait pour tenter l'ambition et susciter les efforts d'un ami des lettres anciennes. De ce vaste sujet je n'ai entrepris que la première partie; il importe d'en marquer nettement les limites et d'indiquer la méthode que j'ai suivie. Cette seconde et tardive floraison poétique de l'esprit grec se produit presque tout entière en un siècle ou un siècle et demi. Préparée déjà par les derniers poètes classiques, notamment par Euripide, elle commence véritablement avec la conquête d'Alexandre et, sur les traces de l'armée grecque, s'épanouit en Asie mineure, et surtout à Alexandrie, sous les règnes de Ptolémée Philadelphe et de Ptolémée Évergète, pour s'arrêter enfin sous leurs successeurs. Ce sont ces années d'activité créatrice dont je me suis proposé de tracer le tableau; celles qui précèdent et celles qui suivent n'en sont que les préliminaires ou le prolongement. Comme Alexandrie fut le centre principal, sinon unique, de ce mouvement littéraire, il a paru inutile de renoncer à une dénomination consacrée ar l'usage pour y substituer un autre nom moins connu |