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italiens. La grande maîtrise de la Toison d'or demeura indécise. Les deux monarques se promirent mutuellement des secours pour recouvrer Gibraltar et Port-Mahon; et Philippe accorda aux sujets de l'empereur le droit de trafiquer librement dans ses ports et dans les Indes, droit dont jouissaient déjà les Hollandais et les Anglais.

Vingt-cinq ans de rancune faisaient donc place à une amitié qui éveilla la défiance des cours européennes. On savait que le ministre espagnol Riperda répandait l'or à la cour de Vienne, et qu'il en était même revenu une partie à l'empereur (1). On parlait d'un mariage entre Marie-Thérèse d'Autriche et don Carlos d'Espagne, mariage qui pouvait un jour réunir l'Autriche, l'Espagne et la France. Le roi George songea donc à opposer à de tels projets une alliance des puissances du Nord, et elle fut conclue à Hanovre. Ce traité est remarquable en ce qu'il fut le premier où les princes d'Allemagne s'obligèrent envers un étranger à ne pas remplir les obligations de la constitution germanique, c'est-à-dire à ne pas donner de secours à l'Empire s'il déclarait la guerre à la France. George avait promis de ne pas engager la Grande-Bretagne dans des guerres ou des dépenses relatives à ses possessions sur le continent. Mais il avait un parlement soumis et un ministre habile: il fit résonner haut dans ses discours les termes de machinations papistes, d'intérêts protestants, d'équilibre des pouvoirs, de liberté, de sûreté du royaume; paroles cabalistiques, dit Smollett, qui fascinèrent la nation, et l'entraînèrent à des unions désastreuses.

Il y eut alors une suite d'arrangements particuliers pour obtenir des adhésions aux deux traités de Hanovre et de Vienne; les articles secrets du dernier ayant été ébruités, Charles VI les avait démentis; et, comme preuve, il avait sacrifié l'Espagne en entrant dans la quadruple alliance, tant il était préoccupé de faire reconnaître sa pragmatique sanction.

Mais cette bassesse ne lui profita pas. La paix fut conclue à Séville entre la France, l'Espagne et l'Angleterre, avec renouvellement des traités de commerce qui importaient à cette dernière puissance. Il fut convenu que l'Espagne indemniserait les Anglais, après la cessation des hostilités, des préjudices qu'ils avaient soufferts, et que Livourne, Porto-Ferraio, Parme

(2) Coxe, dans Charles VI, c. 87. Mémoires secrets de FOSCARINI.

1721.

1731.

et Plaisance recevraient six mille hommes de troupes espagnoles pour assurer la succession de ces États à don Carlos.

Mais on fut scandalisé d'un accord qui, contraire à des intérêts soutenus d'abord avec chaleur, avait été conclu sans l'intervention de l'empereur, avec lequel on avait jusqu'alors marché d'accord, et qui disposait des États italiens sans le concours ni des possesseurs actuels ni du suzerain. Nous ne disons rien des peuples, dont personne ne s'occupait dans ces guerres dynastiques, où chacun poursuivait effrontément son intérêt particulier. L'empereur, blessé dans son orgueil et plus encore offensé de voir sa pragmatique rejetée, envoya des troupes en Italie, et occupa les États du prince Farnèse, qui venait de mourir.

Une politique sans pudeur et tout artificielle devait manquer de stabilité, parce qu'elle manquait d'idées; aussi bientôt l'Angleterre se brouilla-t-elle avec la France, et, pour lui faire contrepoids, s'allia avec l'Autriche; puis, dans un second traité de Vienne, la pragmatique sanction fut garantie, la succession de Parme et de Plaisance acceptée et tout commerce des Pays-Bas avec les Indes orientales aboli. L'Espagne adhéra également à ce traité, ce qui valut les deux duchés à don Carlos. Le grand-duc de Toscane, Gaston, se résigna à l'héritier qu'on lui imposait, et conclut à Florence, avec l'Espagne, une convention de famille, en désignant pour lui succéder l'infant don Carlos, qui promit de maintenir les priviléges du pays. Ce fut alors seulement qu'on put considérer comme terminée la guerre de la succession d'Espagne, et, de même qu'au moment où elle avait commencé, les puissances maritimes et l'Autriche se retrouvèrent alliées contre les Bourbons, équilibre qui paraissait un gage de paix. Mais de nouvelles intrigues de cabinets et des ambitions de famille devaient bientôt livrer l'Europe à de nouveaux bouleversements.

Des incidents fâcheux éclatèrent alors entre l'Espagne et l'Angleterre. Philippe V avait toujours enduré impatiemment les onéreuses conditions imposées au commerce de son pays par les Anglais à l'époque de la paix d'Utrecht, d'autant plus que ceux-ci, à l'aide d'une contredande active, avaient de beaucoup accru les avantages de leurs opérations en Amérique, au grand détriment de l'Espagne. Les protestations de ce prince étant restées sans effet, il envoya des vaisseaux en croisière pour visiter les bâtiments rencontrés sur les côtes de l'Amérique espa

gnole, et séquestrer toutes marchandises de contrebande ou autres destinées aux colonies de l'Espagne ou qui en seraient exportées.

Les Anglais jetèrent les hauts cris et demandèrent la guerre ; et quoique le ministre Walpole cherchât à l'éviter, elle éclata avec l'impétuosité d'un mouvement national. Des bruits absurdes couraient sur les cruautés dont se rendaient coupables les croiseurs espagnols; et le roi ainsi que ses ministres feignirent d'y croire. Pope finit sa carrière et Johnson commença la sienne en appelant le pays aux armes; Glover fit entendre des chants belliqueux; la populace s'assembla en tumulte et se livra à de violentes manifestations, tandis que le prince de Galles, se mêlant à la tourbe exaltée, buvait et vociférait avec elle. Des ordres furent aussitôt envoyés aux esc adres anglaises d'exercer des représailles contre les bâtiments du roi d'Espagne ; et comme elles avaient déjà pris l'offensive lorsque la guerre fut déclarée publiquement, elles firent aussitôt des prises, et occupèrent PortoBello. Cependant la Grande-Bretagne resta isolée dans ce conflit, que l'Europe regardait comme injuste. Les hostilités n'en continuèrent pas moins pendant la guerre de la succession d'Autriche, et elles ne finirent point à la paix d'Aix-la-Chapelle. Enfin il fut stipulé, par le traité de Madrid, que la Grande-Bretagne renoncerait à l'assiento moyennant cent mille livres sterling, que l'Espagne payerait à la compagnie anglaise; inais le droit de visite ne fut pas supprimé.

1789.

1750.

CHAPITRE II.

LA FRANCE. LA RÉGENCE.

Portons maintenant nos regards vers la France, et voyons quels étaient les compétiteurs de Philippe V et d'Albéroni. Louis XIV avait porté au comble l'unité de son gouvernement, mais sans lui donner une base solide, attendu qu'il la faisait dépendre entièrement de la volonté du roi, après avoir détruit tout ce que les anciennes institutions auraient pu y apporter d'obstacles. Rien ne protégeait donc cette centralisation ni contre l'action légitime du peuple ni contre l'œuvre du temps. En effet, ces deux forces sapèrent ce pompeux édifice; et il

T. XVII.

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en résulta une époque sans dignité, où tout fut dirigé par l'intrigue et la faveur, roi, ministres, généraux, gouvernement, et où la politique changea avec les maîtresses.

Louis XIV laissait un petit-fils, âgé de cinq ans et demi, sous la tutelle de Philippe, duc d'Orléans, chargé de protéger ce berceau resté au milieu de tant de cercueils. Le duc réunit le parlement, qui, pressé de protester contre son propre anéantissement en insultant mort le lion devant lequel il avait tremblé vivant, cassa le testament injurieux par lequel Louis XIV posait des limites à l'autorité du tuteur et grandissait celle du duc du Maine, l'un de ses bâtards légitimés; le parlement établit, comme septième loi fondamentale du royaume, que, pendant les minorités, le prince du sang le plus proche serait régent de droit (1).

Le parlement, caressé par le régent, se hâta de profiter de l'occasion d'un règne nouveau et vacillant pour recouvrer le droit de remontrances, que lui avait enlevé le grand roi. Il rappela ceux qui avaient été bannis en vertu de la bulle Unigenitus, et songea à rétablir aussi les huguenots dans leurs droits; puis il rabaissa les princes légitimés en les déclarant inhabiles à succéder. Il instruisait ainsi la nation à désobéir et à ne plus croire à l'infaillibilité des rois.

Le régent paraissait, de son coté, vouloir agir en tout à l'opposé de Louis XIV. Il fit imprimer le Télémaque, et lui emprunta les phrases dont se composait son premier discours. Il ouvrit au public sa bibliothèque particulière, fit faire le procès aux agioteurs et aux financiers, paya les soldats, diminua les dépenses, modéra les impôts, mit en liberté les jansénistes, et institua, au lieu des secrétaires d'État du règne précédent, divers conseils qui devaient discuter les affaires avant de les

(1) Lemontey, Hist. de la régence et de la minorité de Louis XV. — VOLTAIRE, Précis du siècle de Louis XV. - CAPEFIGUE, Philippe d'Orléans. Voyez en outre divers mémoires, parmi lesquels ceux du maréchal de Richelieu, publiés par Soulavie, sont une source de renseignements très-riches sur la cour de Louis XV. Ce bas intrigant gagna tellement la confiance du maréchal que celui-ci lui livra toute sa correspondance et lui fournit tous les éclaircissements qu'il lui demanda. Soulavie répéta avec impudence ses récits, où se fait remarquer un penchant cynique à dénigrer la vertu et à révéler les plus grandes turpitudes.

LACRETELLE a écrit l'histoire du dix-huitième siècle et de la révolution française, ouvrage où il a cherché à donner à l'histoire moderne ce mouvement de narration dont les anciens nous ont laissé des exemples inimitables.

présenter au conseil de régence. Ces actes, inspirés par la haine ou par la politique, furent applaudis, parce que Louis XIV était haï. L'unité despotique de son gouvernement parut détruite par la création des conseils; mais on vit à l'épreuve qu'ils constituaient en réalité soixante-dix oppresseurs cherchant tous à se donner de l'importance malgré leur ignorance des applications et des détails. Le duc d'Orléans finit en conséquence par les dissoudre.

Il employa beaucoup le duc de Saint-Simon, dont les Mémoires sont un véritable trésor. Janseniste ardent, mal avec les princes légitimés, zélé partisan des priviléges de naissance, il poussa le régent à rappeler au ministère la noblesse, qui en semblait exclue depuis Mazarin, et à rabaisser les littérateurs ainsi que les avocats. Mais la noblesse s'était accoutumée à mettre sa dignité dans les chaînes dorées de la cour.

Philippe d'Orléans, né d'un père que Louis XIV avait d'abord tenu dans l'ignorance, puis éloigné des affaires, était doué d'une intelligence rare, d'une bonté et d'une justice naturelle. La nature lui avait donné les plus heureuses qualités pour faire le bien. Louis XIV, qui l'avait forcé d'épouser une de ses filles naturelles, le tint constamment dans l'inaction; et s'il lui permit de montrer sa valeur et son intelligence dans la guerre de la succession espagnole, il en prit bientôt ombrage, et fut sur le point de le mettre en accusation, comme coupable d'avoir aspiré à la couronne d'Espagne.

Quarante années passées sans chance probable de régner le mirent à même de connaître les hommes et les choses plus qu'il n'est donné d'ordinaire aux princes nés sur le trône. Il était instruit, et, discoureur agréable, sa mémoire lui fournissait toujours à propos des histoires et des anecdotes pour récréer les conversations; juste et exact dans les choses positives, il n'avait ni prétention ni arrogance; son désir eût été plutôt de commander les armées que de gouverner le royaume. Il lisait avec rapidité, et retenait ce qu'il avait lu; mais il lui était impossible de s'arrêter longtemps sur une même chose, et il avait plus d'aptitude à deviner les affaires qu'à les étudier. Malheureusement il avait été élevé par l'abbé Dubois, fils d'un apothicaire de Brives, qui lui enseigna à considérer la morale comme un préjugé vulgaire et la religion comme une invention humaine. Sous cette malfaisante influence et aussi pär dépit de la bigoterie du vieux roi, il se jeta dans un libertinage

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