A A A a & a, f. m. Caractère ou figure de la première lettre de l'Alphabet, en latin, en françois, & en presque toutes les langues connues, n'y ayant que l'éthiopique où elle est la treizième. On peut considérer ce caractère, ou comme lettre, ou comme mot. I. A, en tant que lettre, est le signe du son a, qui de tous les fons de la voix est le plus facile à prononcer. Il ne faut qu'ouvrir la bouche & pouffer l'air des poumons. On dit que l'a vient de l'aleph des hébreux : mais l'a, en tant que son, ne vient que de la conformation des organes de la parole; & le caractère ou figure dont nous nous servons pour représenter ce fon, nous vient de l'alpha des grecs. Les latins & les autres peuples de l'Europe ont imité les grecs dans la forme qu'ils ont donnée à cette lettre. Selon les Grammaires hébraïques, & la Grammaire générale de P. R. p. 12. l'aleph ne fert (aujourd'hui) que pour L'écriture, & n'a aucun fon que celui de la voyelle qui lui eft jointe. Cela fait voir que la prononciation des lettres est sujette à variation dans les langues mortes, comme elle l'est dans les langues vivantes. Car il est constant, selon M. Masclef & le P. Houbigant, que l'aleph se prononçoit autrefois comme notre a; ce qu'ils prouvent fur tout par le passage d'Eusèbe, Prép. Ev. liv. X, chap. 6. où ce P. soutient que les grecs ont pris leurs lettres des hébreux: Id ex græca fingulorum elementorum appellatione quivis intelligit. Quid enim aleph ab alpha magnopere differt? Quid autem vel betha à beth? &c. Quelques auteurs (Covarruvias) disent que, lorfque les enfants viennent au monde, les mâles font entendre le son de l'a, qui est la première voyelle de mas; & les filles, le son de l'e, première voyelle de femina: mais c'est une imagination sans fondement. Quand les enfants viennent au monde, & que pour la première fois ils poussent l'air des poumons, on entend le son de différentes voyelles, selon qu'ils ouvrent plus ou moins la bouche. On dit un grand A, un petit a: ainsi, a est du genre mafculin, comme les autres voyelles de notre alphabet. Le son de l'a, aussi bien que celui de l'e, est long en certains mots, & bref en d'autres: a est long dans gráce, & bref dans place: il est long dans tâche, quand ce mot fignifie un ouvrage qu'on donne à faire; & il eft bref dans tache, (macula, fouillure): il est long dans matin, gros chien; & bref dans matin, première partie du jour. Voyez l'excellent Traité de la Profodie de M. l'abbé d'Olivet. Les Romains, pour marquer l'a long, l'écrivirent d'abord double, Aala pour Ala; c'est ainsi qu'on trouve dans nos anciens auteurs françois aage, &c. Enfuite ils inférèrent un h entre les deux a, Ahala. GRAMM. ET LITTÉRAT. Tome I. A Enfin ils mettoient quelquefois le signe de la syllabe longue, āla. On met aujourd'hui un accent circonflexe sur l'a long, au lieu de l's qu'on écrivoit autrefois après cet a: ainsi, au lieu d'écrire mastin, blasme, ajne, &c. on écrit matin, blame, ane. Mais il ne faut pas croire avec la plupart des Grammairiens, que nos pères n'écrivoient cette f après l'a, ou après toute autre voyelle, que pour marquer que cette voyelle étoit longue : ils écrivoient cette s, parce qu'ils la prononçoient ; & cette prononciation est encore en usage dans nos provinces méridionales où l'on prononce mastin, testo, besti, &c. On ne met point d'accent sur l'a bref ou com mun. L'a chez les romains étoit appelé lettre falutaire, littera falutaris. Cic. Attic. jx. 7. parce que, lorfqu'il s'agissoit d'abfoudre ou de condamner un accufé, les juges avoient deux tablettes, sur l'une desquelles ils écrivoient l'a, qui est la première lettre d'abfolvo; & fur l'autre ils écrivoient le c, première lettre de condemno: & l'accusé étoit absous ou condamné, selon que le nombre de l'une de ces lettres l'emportoit fur le nombre de l'autre. On a fait quelques usages de cette lettre qu'il est utile d'observer. 1. L'a chez les grecs étoit une lettre numérale qui marquoit un. 2. Parmi nous, les villes où l'on bat monnoie ont chacune pour marque une lettre de l'alphabet: cette lettre se voit au revers de la pièce de monnoie au dessous des armes du roi. A est la marque de la monnoie de Paris. 3. On dit de quelqu'un qui n'a rien fait, rien écrit, qu'il n'a pas fait une panse d'a. Panfe, qui veut dire ventre, signifie ici la partie de la lettre qui avance; il n'a pas fait la moitié d'une lettre. II. A, mot, est 1. la troisième personne du présent de l'indicatif du verbe avoir. Ila de l'argent, il a peur, il a honte, il a envie ; & avec le supin des verbes, elle a aimé, elle a vu, à l'imitation des latins, habeo perfuafum. Voyez SUPIN. Nos pères écrivoient cet a avec un h; il ha, d'habet. On ne met aucun accent fur a verbe. Dans cette façon de parler il y a, a eft verbe. Cette façon de parler est une de ces expreffions figu❘rées, qui se font introduites par imitation , par abus. ou catachrèse. On a dit au propre, Pierre a de l'argent, il a de l'efprit; par imitation on a dit, il y a de l'argent dans la bourse, il y a del'efprit dans ces vers. Il, est alors un terme abstrait & général comme ce, on. Ce font des termes méthaphysiques formés a l'imitation des mots qui marquent des objets réels. L'y vient de l'ibi des latins, & a la même signification. Il, y, c'est-à-dire, là, ici; dans le point dont il s'agit. Il y a des hommes qui, &c. Il, c'est-à-dire, l'être A 1 2 métaphysique, l'être imaginé ou d'imitation, a dans le point dont il s'agit des hommes qui, &c. Dans les autres langues on dit plus simplement, des hommes font, qui, &c. C'est aussi par imitation que l'on dit, la raison a des bornes, notre langue n'a point de cas, la Logique a quatre parties, &c. 2. A, comme mot, est aussi une préposition, & alors on doit le marquer avec un accent grave à. A, prépofition, vient du latin à; à dextris, à finiftris, à droite, à gauche. Plus souvent encore notre à vient de la préposition latine ad; loqui ad, parler à. On trouve aussi dicere ad. Cic. It lucrum ad me, (Plaute) le profit en vient à moi. Sinite parvulos venire ad me, laissez venir ces enfants à moi. Observez que a, mot, n'est jamais que ou la troifième personne du présent de l'indicatif du verbe avoir, ou une simple prépofition. Ainfi, à n'est jamais adverbe, comme quelques Grammairiens l'ont cru, quoiqu'il entre dans plusieurs façons de parler adverbiales. Car l'adverbe n'a pas besoin d'être suivi d'un autre mot qui le détermine, ou, comme disent communément les Grammairiens, l'adverbe n'a jamais de régime; parce que l'adverbe renferme en soi la prépolition & le nom, prudemment, avec prudence. (V. ADVERBE) au lieu que la préposition a toujours un régime, c'est-à-dire, qu'elle est toujours suivie d'un a tre mot, qui détermine la relation ou l'espèce de rapport que la préposition indique: ainsi, la prépofition à peut bien entrer, comme toutes les autres prépositions, dans des façons de parler adverbiales; mais comme elle est toujours suivie de son complément, ou, comme on dit, de fon régime, elle ne peut jamais être adverbe. A l'esprit observe ensuite un rapport d'approximation, que du ne marque pas. Eloignez-vous du feu; du, lie feu avec éloignez-vous, & l'esprit observe là un rapport d'éloignement. Vous voyez que la même prépofition fert à marquer des rapports oppofés. On dit de même donner à & ôter à. Ainsi, ces fortes de rapports diffèrent autant que les mots diffèrent entre eux. Je crois donc que, lorsque les propositions ne font ou ne paroiffent pas prises dans le sens propre de leur première destination, & que par conféquent elles n'indiquent pas par elles-mêmes la forte de rapport particulier que celui qui parle veut faire entendre, alors c'est à celui qui écoute ou qui lit, à reconnoître la forte de rapport qui se trouve entre les mots liés par la préposition simplement unitive & indicative. Cependant quelques Grammairiens ont mieux aimé épuiser la Métaphysique la plus recherchée &, fi je l'ofe dire, la plus inutile & la plus vaine, que d'abandonner le lecteur au discernement que lui donne la connoissance & l'usage de sa propre langue. Rapport de caufe, rapport d'effet, d'instrument, de fituation, d'epoque; Table à pieds de biche, c'est-là un rapport de forme, dit M. l'abbé Girard, tome II. pag. 199. Baffin à barbe, rapport de fervice, (id. ib.) Pierre à feu, rapport de propriété productive, (id. ib.) &c. La préposition à n'est point destinée à marquer par elle-même un rapport de propriété productive, ou de fervice, ou de forme, &c. quoique ces rapports se trouvent entre les mots liés par la préposition à. D'ailleurs, les mêmes rapports font fouvent indiqués par des prépositions différentes, & fouvent des rapports opposes sont indiqués par la méme préposition. Il me paroît donc que l'on doit d'abord observer la première & principale destination d'une préposition. Par exemple: la principale destination de la prépofition à, est de marquer la relation d'une chose à une autre, comme, le terme où l'on va ou à quoi ce qu'on fait se termine, le but, la fin, l'attribution, A n'est pas non plus une simple particule qui marque le datif; parce qu'en françois nous n'avons ni déclinaison, ni cas, ni par conféquent de datif. Voy. CAS. Le rapport que les latins marquoient par la terminaison du datif, nous l'indiquons par la prépofition à. C'est ainsi que les latins mêmes se sont ser- ❘ le pourquoi. Aller à Rome, prêter de l'argent à ufu vis de la prépofition ad, quod attinet ad me, Cic. accedit ad, referre ad aliquem & alicui: ils disent aussi également loqui ad aliquem, & loqui alicui, parler à quelqu'un, &c. A l'égard des différents usages de la préposition à, il faut observer 1. que toute préposition est entre deux termes, qu'elle fie & qu'elle met en rapport. 2. Que ce rapport est souvent marqué par la signification propré de la préposition même, comme avec, dans, fur, &c. 3. Mais que souvent aussi les prépositions, fur tout à, de ou du, outre le rapport qu'elles indiquent quand elles sont prises dans leur sens primitif & propre, ne font ensuite, par figure & par extenfion, que de simples prépositions unitives ou indicatives, qui ne font que mettre deux mots en rapport; ensorte qu'alors c'est à l'esprit même à remarquer la sorte de rapport qu'il y a entre les deux termes de la relation unis entre eux par la prépofition: par exemple, approchezvous du feu: du, lie feu avec approchez-vous, & re, à gros intérêts. Donner quelque chose à quelqu'un, &c. Les autres usages de cette préposition reviennent ensuite à ceux-là par catachrèse, abus, extenfion, ou imitation: mais il est bon de remarquer quelques-uns de ces usages, afin d'avoir des exemples qui puissent servir de règle, & aider à décider les doutes par analogie & par imitation. On dit donc : Après un nom substantif. Air à chanter. Billet à ordre, c'est-à-dire, payable à ordre. Chaise à deux. Doute à éclaircir. Entreprise à exécuter. Femme à la hotte? (au vocatif). Grenier à fel. Habit à la mode. Instrument à vent. Lettre de change à vûe, à dix jours de vûe. Matière à procès. Nez à lunettes. Œufs à la coque. Plaine à perte de vue. Question à juger. Route à gauche. Vache à lait. Après un adjectif. Agréable à la vie. Bon à prendre & à laiffer. Contraire à la santé. Délicieux à manger. Facile | Peut-on refuser son cœur à ces yeux, qui font de la à faire. De s'affurer un repos plein d'appas. Quinault. La raison de cette différence est que dans le dernier exemple de n'a pas rapport à facile, mais à il; il, hoc, cela, à savoir de faire, &c. eft facile, est une chose facile. Ainfi, il, de s'affürer un repos plein d'appas, est le sujet de la proposition, & eft facile en est l'attribut Qu'il est doux de trouver dans un amant qu'on aime Un époux que l'on doit aimer! (Idem). Il, à savoir, de trouver un époux dans un amant, &c. eft doux, est une chose douce. Il est gauche à tout ce qu'il fait. Heureux à la guerre. Habile à dessiner, à écrire. Payable à ordre. Pareil à, &c. Propre à, &c. Semblable à, &c, Utile à la fanté. Après un verbe. S'abandonner à ses passions. S'amuser à des bagatelles. Applaudir à quelqu'un. Aimer à boire, à faire du bien. Les hommes n'aiment point à admirer les autres, ils cherchent eux-mêmes à étre goûtés & à être applaudis. La Bruyère. Aller à cheval, à califourchon, c'est-à-dire, jambe deçà, jambe aelà. S'appliquer à, &c. S'attacher à, &c. Bleffer à, il a été blessé à la jambe. Crier à l'aide, au feu, au Secours. Confeiller quelque chose à quelqu'un. Don ner à boire à quelqu'un. Demander à boire. Etre à. Il est à écrire, à jouer. Il est à jeûn. Il est à Rome. Il est à cent lieues. Il est longiems à venir. Cela est à faire, à taire, à publier, à payer. C'est à vous à mettre le prix à votre marchandise. J'ai fait cela à votre confidération, à votre intention. Il faut des livres à votre fils. Jouer à Colin Maillard, jouer à l'ombre, aux échecs. Garder à vûe. La dépense se monte à cent écus, & la recette à, &c. Monter à cheval. Payer à quelqu'un. Payer à vue, à jour marqué. Perfuader à. Préter à. Puifer à la jource. Prendre garde à foi. Prendre à gauche. Ils vont un à un, deux à deux, trois à trois. Voyons à qui laura, c'est-à-dire, voyons à ceci, (attendamus ad hoc nempe) à savoir qui l'aura. Avant une autre préposition. A se trouve quelquefois avant la préposition de, comme en ces exemples : Peut-on ne pas céder à de fi puissants charmes? A de beaux yeux qui le demandent ? Je crois qu'en ces occafions il y a une ellipse synthétique. L'esprit est occupé des charmes particuliers qui l'ont frappé; & il met ces charmes au rang des charmes puissants, dont on ne fauroit se garantir. Peut-on ne pas céder à ces charmes qui font du nombre des charmes si puissants, &c. Peut-on ne pas classe des beaux yeux? L'usage abrège enfuite l'expreffion, & introduit des façons de parler particulières auxquelles on doit se conformer, & qui ne détruisent pas les règles. Ainfi, je crois que de ou des sont toujours des prépositions extractives, & que, quand on dit des favants Soutiennent, des hommes m'ont dit, &c. des Javants, des hommes, ne sont pas au nominatif. Et de même quand on dit, j'ai vu des hommes, j'ai vu des femmes, &c. des hommes, des femmes, ne font pas à l'accufatif; car, si l'on veut bien y prendre garde, on reconnoîtra que ex hominibus ex mulieribus, &c. ne peuvent être ni le sujet de la propofition ni le terme de l'action du verbe; & que celui qui parle veut dire, que quelques-uns des favants Soutiennent, &c. quelques-uns des hommes, quelques-unes des femmes, disent, &c. Après des adverbes. , On ne se sert de la préposition à après un adverbe, que lorsque l'adverbe marque relation. Alors l'adverbe exprime la forte de relation, & la préposition indique le corrélatif. Ainfi, on dit conformément à. On a jugé conformément à l'Ordonnance de 1667. On dit auffi relativement à. D'ailleurs l'adverbe ne marquant qu'une circonf tance absolue & déterminée de l'action, n'est pas suivi de la préposition d. En des façons de parler adverbiales, & en celles qui sont équivalentes à des prépositions latines ou de quelque autre langue. A jamais, à toujours. A l'encontre. Tour à tour. Pas à pas. Vis à vis. A pleines mains. A fur & à mesure. A la fin, tandem, aliquando. C'est-à-dire, diable nempe, scilicet, Suivre à la piste. Faire le quatre. Se faire tenir à quatre. A cause, qu'on rend en latin par la préposition propter. A raifon de. Jusqu'à, ou jusques à. Au delà. Au dessus. Au deffous. A quoi bon, quorsùm. A la vûe, à la préfence, ou en présence, coram. Telles font les principales occasions où l'usage a consacré la préposition à. Les exemples que nous venons de rapporter, serviront à décider par analogie les difficultés que l'on pourroit avoir fur cette prepofition. Au reste la préposition au est la même que la préposition d. La seule différence qu'il y a entre l'une & l'autre, c'est que à est un mot fimple, & que au est un mot compofe. Ainfi il faut considérer la préposition à en deux états différens. I. Dans son état simple: 1o. Rendez à César ce qui appartient à Céfar; 2°. se prêter à l'exemple; 3o. se rendre à la raison. Dans le premier exemple à est devant un nom fans article. Dans le second exemple à est suivi de l'article masculin, parce que le mot commence par une voyelle; à l'exemple, céder à l'attrait, au pouvoir de fi puissants charmes? I à l'esprit, à l'amour. Enfin dans le dernier, la pré A 2 position à précède l'article féminin; à la raison, à l'autorité. II. Hors de ces trois cas, la préposition à devient un mot composé par sa jonction avec l'article le ou avec l'article pluriel les. L'article le, à cause du fon fourd de l'e muet, a amené au, de forte qu'au lieu de dire à le nous disons au, fi le nom ne commence pas par une voyelle; s'adonner au bien: & au pluriel au lieu de dire à les, nous changeons len u u, ce qui arrive souvent dans notre langue, & nous disons aux, soit que le nom commence par une voyelle ou par une confonne; aux hommes, aux femmes, &c. Ainfi, au est autant que à le, & aux que à les. A est aussi une préposition inséparable qui entre dans la composition des mots: donner, s'adonner, porter, apporter, mener, amener, &c. ce qui sert ou à l'énergie, ou à marquer d'autres points de vûe ajoutés à première signification du mot. Il faut encore observer qu'en grec a marque. 1. Privation, & alors on l'appelle alpha privatif, ce que les latins ont quelquefois imité, comme dans amens qui est composé de mens, entendement, intelligence, & de l'alpha privatif. Nous avons conservé plusieurs mots où se trouve l'alpha privatif, comme amazone, abyfme, asyle, &c. L'alpha privatif vient de la préposition ἅτερ, fine, fans. 2. A en compostion marque augmentation, & alors il vient de ἄγαν, beaucoup. 3. A avec un accent circonflexe & un esprit doux a marque admiration, defir, surprise, comme notre ah! ou ha! vox quiritantis, optantis, admirantis, dit Robertson. Ces divers usages de l'a en grec ont donné lieu à ce vers des Racines grèques: A fait un, prive, augmente, admire. En terme de Grammaire, & fur tout de Grammaire grèque, on appelle a pur, un a qui seul fait une fyllabe comme en φιλία, amicitia. (M. DU MARSAIS.) (A Langue Françoife. Cette lettre placée au commencement d'un mot, indique différents rapports ou vûes de l'esprit, qu'il est important de faifir pour bien entendre la véritable acception des termes. Dans certains nors elle tient à la racine primitive du mot; comme dans apre, ame, art, angle, &c. & alors elle n'a aucune énergie particulière. Dans un très grand nombre de termes dérivés des langues anciennes, l'a représente les particules grèques ou latines, à, ab, ad, ana, &c. & n'ajoûte aux mots que les rapports exprimés par ces particules. Ainfi, amovible est évidemment copié du latin, comme les mots abjurer, abnégation, &c. composes des mots movere, jurare, negare, avec les particules a ou ab. Il est également facile de reconnoître la compofition des mots admettre, adapter, & même des mots attirer, applaudir, arriver, afpirer, où la particule at n'est pas moins reconnoissable, quoique la prononciation en ait été altérée par une forte d'euphonie commune dans toutes les langues. Les mots qui commencent par ana, font presque tous tirés du grec. Mais il y a dans notre langue un grand nombre de mots où la lettre a, ajoutée à la tête du primitif, donne une énergie particulière, & semble exprimer dans tous ces composés un rapport commun assez facile à faifir; comme dans ceux-ci, accourcir, allonger, abétir, accroire, adoucir, affoiblir, appaiser, applaudir, atténuer, &c. Il y avoit aufli dans notre ancien langage d'autres mots formés d'après les mêmes principes & que nous avons perdus; comme affagir, affauvagir, advenir, pour devenir, &c. Nous avons plusieurs expressions, composées primitivement de deux mots & qui ne présentent plus qu'une idée simple; comme affaire, afin, &c. par une composition analogue, on a fait aboutir, de à bout; anéantir de à néant, &c. A la place des étymologies fi gratuïtes & fi inutiles qu'on va chercher dans les langues hébraïque, celtique, &c. & ce qui est plus ridicule encore dans une langue primitive imaginaire, dont il ne reße aucun élément positif, ne seroit-il pas plus intéreffant de rechercher & de suivre la compofition & l'altération successive des mots de notre langue dans les monuments autentiques qui nous en restent? C'est en grande partie le plan du Dictionnaire qu'avoit entrepris M. de Sainte-Palaye, & dont le premier volume est, dit-on, prêt à paroître). (Add. de l'EDITEUR). A, lettre fymbolique, étoit un hiéroglyphe chez les anciens égyptiens, qui, pour premiers caractères, employoient ou des figures d'animaux ou des signes qui en marquoient quelque propriété. On croit que celle-ci représentoit l'Ibis par l'analogie de la forme triangulaire de l'A avec la marche triangulaire de cet oiseau. Ainsi quand les caractères phéniciens qu'on attribue à Cadmus furent adoptés en Egypte, la lettre A y fut tout à la fois un caractère de l'écriture symbolique consacrée à la religion, & de l'écriture commune usitée dans le commerce de la vie. (L'abbé MALLET.) ære. A, lapidaire, dans les anciennes inscriptions sur des marbres, &c. fignifoit Augustus, Ager aiunt, &c. felon le sens qu'exige le reste de l'inscription. Quand cette lettre est double, elle fignifie Augufti; triple, elle veut dire auro, argento Ifidore ajoûte que, lorsque cette lettre se trouve après le mot miles, elle fignifie que le soldat étoit un jeune homme. On trouve, dans des infcriptions expliquées par d'habiles Antiquaires, A rendu par ante; & felon eux, ces deux lettres AD équivalent à ces mots ante diem. (L'abbé MALLET.) (N.) ABAISSEMENT. BASSESSE. Syn. Une idée de dégradation, commune à ces deux 1 termes, en fonde la synonymie, mais ils ont des différences bien marquées. Si on les applique à l'ame, l'abaissement volontaire où elle se tient, est un acte de vertu; Pabaisfement où on la tient, est une humiliation paffagère, qu'on oppose à sa fierté afin de la réprimer: mais la baffefse est une disposition ou une action incompatible avec l'honneur, & qui entraîne le mépris. Si l'on applique ces termes à la fortune, à la condition des hommes; l'abaissement est l'effet d'un évènement qui a dégradé le premier état, la bajjeffe est le degré le plus bas & le plus éloigné de toute confidération. L'abaissement de la fortune n'ote pas pour cela la considération qui peut être due à la personne; mais la bassesse l'exclut entièrement : ainfi, les mendiants sont au dessous des eíclaves; car ceux-ci ne sont que dans l'abaissement, & ceux-là sont dans la baffeffe. On peut encore appliquer ces deux termes à la manière de s'exprimer, & la méme nuance les difiérencie toujours. L'abaissement du ton le rend moins élevé, moins vif, plus soumis: la baffelje du style le rend populaire, trivial, ignoble. (M. BEAUZÉE). (N.) ABANDON, f. m. Qualité du style, plus clairement désignée par ce mot qu'elle ne pourroit l'être par une définition ou une périphrase. Elle exprime cette négligence, presque toujours agréable, qu'on sent dans le discours, lorsque l'orateur ou l'écrivain, vivement pénétré de ce qu'il veut dire, se laisse aller au mouvement naturel de fon sentiment & de sa pensée, fans rechercher ni ses tours & ses expressions, ni la liaison & l'ordre rigoureux des idées. Quelquefois l'abandon n'est que le fruit de la paresse dans ces écrivains d'une imagination mobile & d'un esprit facile, qui répandent, pour ainsi dire, leurs sentimens, & produisent sans étude leurs idées, avec les couleurs & dans l'ordre qu'elles prennent en naiffant. Le sentiment qui a conduit la plume de l'écrivain imprime au style un caractère des impressions analogues dans le lecteur sensiole: par tout où il fent Leffort, il semble partager la peine de l'écrivain; il est choqué de l'affectation; un artifice trop marqué le refroidit; mais la rapidité l'entraine; la facilité, la négligence même lui plaît: c'est l'effet de la grâce, de la beauté naïve qui se montre fans songer qu'on la regarde, & qui plait sans chercher à plaire. Tel est aussi l'effet de l'abandon dans le style, qui est presque toujours accompagné de rapidité, de chaleur, de précision, & Couvent de grâce. L'imagination échauffée substitue l'expreffion figurée au terme propre, fupprime les liaisons grammaticales qui ralentissent sa marche & n'enchaine les idées que par ces nuances imperceptibles qui les lient dans l'esprit même où elles naiffent. L'incorrection du style & Fincohérence des idées font les deux défauts qui tiennent d'ordinaire à l'a bandon du flyle; mais quand on est bien pénétré d'une idée, dit Voltaire, quand un esprit juste & >> plein de chaleur poffède bien sa pensée, elle fort >> de fon cerveau toute ornée des expressions conve>> nables, comme Minerve sortit tout armée du cer>> veau de Jupiter ». Voltaire fait fentir dans tous ses ouvrages de vers & de prote, la justesse de cette comparaison; ils sont pleins de cet abandon d'entrainement & de rapidité, qui donne à son style un ton si animé & fi naturel, & des couleurs fi brillantes, sans défordre & fans incorrection. On trouve le même abandon dans les lettres de Madame de Sévigné, & il faut convenir que le genre épistolaire est celui auquel cette manière semble convenir davantage. C'est sur tout dans ce fentiment inépuisable de tendresse, que ses lettres offrent mille traits de cet abandon aimable & piquant. Nous n'en citerons qu'un exemple : « Ma chère fille, >> ce que je ferai beaucoup mieux que tout cela, c'est >> de penser à vous : je n'ai pas encore cessé depuis » que je fuis arrivée ; & ne pouvant contenir tous >> mes sentiments, je me fuis mise à vous écrire au >> bout de cette petite allée sombre que vous aimez, >> afsine sur ce fiége de mousse où je vous ai vue quel> que fois couchée. Mais, mon Dieu! où ne vous >> ai-je point vue ici? & de quelle façon toutes ces >> pensées me traversent-elles le cœur ? Il n'y a point >> d'endroit, point de lieu, ni dans la maison, ni >> dans l'église, ni dans le pays, ni dans le jardin, où >> je ne vous aie vue. Il n'y en a point qui ne me > fasse souvenir de quelque chose. De quelque ma>> niere que ce soit, je vous vois, vous m'étes pré>> sente, je pense & repense à tout, ma tête & mon >> esprit se creusent : mais j'ai beau tourner j'ai >>> beau chercher, cette chère enfant que j'aime avec >> tant de paffion, est à deux-cens lieues de moi; » je ne l'ai plus: fur cela je pleure fans pouvoir m'en >> empêcher ». , Parini nos Poëtes, la Fontaine & Chaulieu font ceux qui offrent le plus de traits de cet abandon, qui n'est que l'épanchement naturel d'un sentiment qui déborde. L'Építre de Chaulieu au Chevalier de Bouillon en offre un exemple charmant. Après avoir décrit l'Élisée où il se transporte en idée, il ajoûte : AINSI, libre du joug des paniques terreurs, Et ne pouvant formet que d'impuissants défirs;" Mes souvenirs à la place Ces fontaines, ces bois où j'adorai Silvie, |