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» été la fuite de l'utilité, & ces deux caractères fe font liés de forte que, fi l'on imagine un Capitole fitué dans le ciel, au deffus des nuages, >> il n'aura aucune majefté, à moins qu'il ne foit >> couronné de ce faite qu'on n'inventa que pour » l'écoulement des pluies: Nam quum effet habita ratio, quemadmodum ex utrâque tecti parte aqua delaberetur, utilitatem templi faftigii dignitas confequuta eft; ut, etiamfi in cælo Capitolium ftatueretur ubi imber effe non poffet, nullam fine faftigio dignitatem habiturum effe videatur. De Orat. 1. 3.

Je ne m'engage point à vériffer, dans fes détails, la pensée de ce grand homme; il me fuffira d'obferver, que ce qu'il appelle utilité dans les ouvrages de la nature & dans les productions des arts c'eft ce que j'appelle intelligence, c'est à dire fagefle d'intention & ordonnance de dessein. ) ( M. MARMONTEL.)

* BEAU, JOLI. Synonymes.

Le Beau eft grand, noble, & régulier; on ne peut s'empêcher de l'admirer: quand on l'aime, ce n'eft jamais médiocrement; il attache. Le Joli eft fin, délicat, & mignon; on eft toujours porté à le louer: dès qu'on l'aperçoit, on le goûte; il plaît. Le premier tend avec plus de force à la perfection, & doit être la règle du goût. Le fecond cherche les grâces avec plus de foin, & dépend du goût.

Nous jetons fur ce qui eft beau des regards plus fixes & plus curieux. Nous regardons d'un ceil plus éveillé & plus riant ce qui eft joli.

Les dames font belles dans les romans. Les bergères font jolies dans les poètes.

Le Beau fait plus d'effet fur l'efprit; nous ne lui refufons pas nos applaudiffements. Le Joli fait quelquefois plus d'impreffion fur le cœur; nous lui donnons nos fentiments.

que

Il arrive affez fouvent qu'une belle perfonne brille & charme les yeux, fans aller plus loin; tandis la jolie forme des liens & fait de véritables paffions: alors la première a pour partage les éloges qu'on doit à la Beauté; & la feconde a pour elle l'inclination qu'on fent pour fe qui fait plaifir.

Le teint, la taille, la proportion, & la régularité des traits, forment les belles perfonnes. Les jolies le font par les agréments, la vivacité des yeux, l'air & la tournure gracieuse du visage quoique moins régulière.

En fait d'ouvrages d'efprit, il faut, pour qu'ils foient beaux, qu'il y ait du vrai dans le fujet, de l'élévation dans les penfées, de la jufteffe dans les termes, de la nobleffe dans l'expreffion, de la nouveauté dans le tour, & de la régularité dans la conduite mais le vraisemblable, la vivacité, la fingularité, & le brillant, fuffifent pour les rendre jolis. Quelqu'un a dit que les anciens étoient beaux, & que les modernes font jolis je ne fais s'il a bien rencontré ; mais cela même eft du nombre des jolies chofes, & non des belles.

GRAM, ET LITTÉRAT. Tome I.

Le Beau eft plus férieux, & il occupe. Le Joli eft plus gai, & il divertit. C'eft pourquoi l'on ne dit pas, une jolie tragédie; mais on peut dire, une jolie comédie.

Je mets au rang des belles réponses, celle d'Alexandre à Parménion fur les offres de Darius; celle de Louis XII, au fujet de ceux qui en avoient mal agi à fon égard avant qu'il montat fur le trone; & celle de madame de Barneveld au prince d'Orange, Maurice de Naffau, fur les démarches qu'elle faifoit auprès de ce prince pour fauver la vie à fon fils aîné, qui avoit eu connoiffance de la confpiration de fon frère fans la découvrir. Le premier répond à Parménion, qui lui difoit que, s'il étoit Alexandre, il accepteroit les offres de Darius: « Et moi auffi, & f » j'étois Parménion ». Le fecond réplique à fes courtisans, qui cherchoient à le flatter du côté de la vengeance, qu'il ne convenoit pas au roi de France de venger les injures faites au duc d'Orléans. Enfin madame de Barneveld, interrogée avec une elpèce de reproche par le prince d'Orange, pourquoi elle demandoit la grâce de fon fils & n'avoit pas demandé celle de fon mari, lui répond, que c'eft parce que fon fils eft coupable & que son mari étoit innocent.

Je place dans l'ordre de ce qui eft joli, les reparties & les faillies gafconnes quand elles ont du fel.

Telle eft, par exemple, la réponse d'un mauvais peintre devenu mèdecin, qui dit à ceux qui lui demandoient raison de fon changement d'état, qu'il avoit voulu choisir un art dont la terre couvrit les fautes. L'abbé GIRARD.)

(Telle eft même la réponse ingénieufe du duc d'Albe à Henri II. roi de France. L'empereur Charles-quint avoit voulu faire croire, que le foleil s'étoit arrêté pour lui donner le temps de rendre sa victoire plus complette à la journée de Mulberg; & fes flatteurs avoient ofé l'écrire, comme en ayant été témoins. Henri II. crut pouvoir, quelques années après, demander au duc d'Albe ce qui en étoit : « J'étois, répondit-il, fi occupé ce jour-là

de ce qui fe paffoit fur la terre, que je ne pris » pas garde à ce qui fe paffoit dans le ciel. ») (M. BEAUZEE.)

Qui dit de belles chofes, n'eft pas toujours écouté avec attention, quoiqu'il mérite de l'être; la converfation en eft quelquefois trop grave & trop favante. Qui dit de jolies chofes, eft ordinairement écouté avec plaifir; la converfation en est toujours enjouée.

Le mot de Beau fe place fort bien à l'égard de toutes fortes de chofes quand elles en méritent l'épithète. Celui de Joli ne convient guère à l'égard des chofes qui ne fouffrent point de médiocrité; telles font la Peinture & la Poéfie: on ne dit ni Un joli poème, ni Un joli tableau; ces fortes d'ouvrages font beaux ; ou, s'ils ne le font pas, ils font mauvais.

Lorsque les épithètes de Beau & de Joli font données à l'homme, elles ceffent d'être fynonymes, leurs fignifications n'ayant alors rien de commun.

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Un bel homme eft autre chofe qu'un joli homme: le fens du premier tombe fur la figure du corps & du vifage; & le fens du fecond tombe fur l'humeur & fur les manières d'agir. (L'abbé GIRARD.)

Il y a quelquefois plus de mérite à avoir trouvé une jolie chofe qu'une belle. Dans ces occafions, une chofe ne mérite le nom de belle, que par l'importance de fon objet; & une chofe n'eft appelée jolie, que par le peu de conféquence du fien: on ne fait alors attention qu'aux avantages, perd de vûe la difficulté de l'invention.

& l'on

Il est fi vrai que le Beau emporte souvent une idée de grand, que le même objet que nous avons appelé beau, ne nous paroitroit plus que joli, s'il étoit exécuté en petit.

L'efprit eft un faifeur de jolies choses; mais c'est l'ame qui produit les belles. Les traits ingénieux ne font ordinairement que jolis ; il y a de la Beauté partout où l'on remarque du fentiment.

Un homme qui dit, d'une belle chofe, qu'elle eft belle, ne donne pas une grande preuve de difcernement: celui qui dit qu'elle eft jolie, est un fot au ne s'entend pas; c'est l'impertinent de Boileau, qui dit que Le Corneille eft joli quelquefois. (M. DIDEROT.)

Notre langue a plufieurs traités eftimés fur le Beau, tandis que l'idole à laquelle nos voifins nous accufent de facrifier fans ceffe, n'a point encore trouvé de panégyriftes parmi nous: la plus jolie nation du monde n'a prefque rien dit encore fur le Joli.

Si le Beau, qui nous frape & nous tranfporte, eft un des plus grands effets de la magnificence de la nature; le Joli n'est-il pas un de les plus doux bienfaits?

La vie de ces aftres qui répandent fur nous, par un cours & des règles immuables leur brillante & féconde lumière; la voûte immenfe à laquelle ils paroiffent fufpendus, le fpectacle fublime des mers, les grands phénomènes, ne portent à l'ame que des idées majestueufes: c'eft l'effet, naturel du Beau. Mais qui peut peindre le fecret & doux intérêt qu'infpire le riant afpect d'un tapis émaillé par le fouffle de Flore & la main du Printemps? que ne dit point aux coeurs fenfibles ce bocage fimple & fans art, que le ramage de mille amants ailes, que la fraicheur de l'ombre & l'onde agitée des ruiffeaux favent rendre fi touchant? Tel eft le charme des grâces; tel eft celui du Joli, qui leur doit toujours fa naiffance: nous lui cédons par un penchant dont la douceur nous féduit.

Il faut être de bonne foi. Notre goût pour le Joli fuppofe un peu moins parmi nous de ces ames élevées & tournées aux grandes prétentions de l'héroïsme, qui fixent perpétuellement leurs regards fur le Beau; que de ces ames naturelles, délicates, & faciles, à qui la fociété doit tous les attraits.

Peut-être les raifons du climat & du gouvernement, font-elles les véritables caufes de nos avantages fur les autres nations par raport au Joli: cet

Empire du Nord, enlevé de notre temps à fon ancienne barbarie par les foins & le génie du plus grand de fes rois, pourroit-il arracher de nos mains & la couronne des Grâces & la ceinture de Vénus? Le phyfique y mettroit trop d'obftacles. Cependant il peut naître dans cet Empire quelque homme infpiré fortement, qui nous difpute un jour la place du génie; parce que le fublime & le Beau font plus indépendants des caufes locales.

C'est à l'ame que le Beau s'adreffe; c'est aux fens que parle le Joli: & s'il est vrai que le plus grand nombre fe laiffe un peu conduire par eux; c'eft de là qu'on verra des regards attachés avec ivrelle fur les grâces de Trianon, & froidement furpris des Beautés courageufes du Louvre.

Le Joli a fon empire féparé de celui du Beau: celui-ci étonne, éblouit, perfuade, entraine; celuilà féduit, amufe, & fe borne à plaire. Ils n'ont qu'une règle commune, c'eft celle du vrai. Si le Joli s'en écarte; il fe détruit & devient maniéré, petit, ou grotesque nos arts, nos ufages, & nos modes, font aujourdhui pleins de fa fauffe image. (ANONYME.)

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Il y a dans le monde beaucoup de fous qu'on ef time, beaucoup de terrein qu'on néglige, & beaucoup de mérite qu'on ne connoît pas. Parmi les perfonnes qui fe piquent de goût & de difcernement, il y en a plufieurs qui, ne regardant les objets que par un feul point de vue fans faire attention qu'ils en ont plufieurs, les dépouillent enfuite mal à propos de plufieurs qualités réelles, fur le feul fondement qu'elles ne les y ont point vues.

L'oppofé de Beaucoup eft Peu. L'oppofé de Plufieurs eft Un.

Afin qu'un État foit bien gouverné, il faut, à mon fens, beaucoup de fubalternes pour l'exécution, peu de chefs pour le commandement, plufieurs minitres pour le détail, & un feul prince pour le général.

Un Critique de nos jours a dit qu'on n'avoit point encore vu de chef-d'œuvre d'efprit être l'ouvrage de plufieurs ; & j'ajoûte que, pour rendre un ouvrage parfait, il faut l'expofer à la cenfure de beaucoup de gens, même à celle des moins connoiffeurs (L'abbé GIRARD.)

(N.) BÉNI, E. BÉNIT, TE. Synonymes.

Ce font deux participes différents du verbe Bénir; mais ils ont deux tens différents.

Béni, e, fe dit pour marquer la protection particulière de Dieu fur une perfonne, fur une famille, fur une ville, fur un royaume ou une nation; ou pour défigner les louanges affectueuses que l'on

donne à Dieu, aux hommes bien faifants, ou même aux inftruments d'un bienfait. Toutes les nations ont été benies en JÉSUS-CHRIST. Les princes qui ne Le croient placés fur le trône que pour faire du bien à l'Humanité, font benis de Dieu & des hommes. La fainte Vierge eft bénie entre toutes les femmes. Benit,te, le dit pour marquer la bénédiction de l'Églife, donnée par un évêque ou par un prêtre avec les cérémonies convenables. Du pain bénit, un cierge bénit, une chapelle benite, une table benite, des drapeaux beniis, une abbeffe bénite,

&c.

On peut donc dire que Béni à un fens moral & de louange; & Béni, un fens légal & de conLécration.

Des armes bénites par l'Eglife avec beaucoup d'appareil, ne font pas toujours bénies du Ciel fur le champ de bataille. (M. BEAUZÉE.)

(N.) BÉNIN, DOUX, HUMAIN, Syn. Benin marque l'inclination ou les difpofitions à faire du bien on dit d'un aftre qu'il est bénin; on le dit auffi des princes, mais rarement des particuliers, excepté dans un fens ironique, lorfqu'ils fouffrent les injures avec baffeffe. Doux indique un caractère d'humeur qui rend très-fociable, & ne rebute perfonne: on s'en fert plus communément à l'égard des femmes; parce qu'elles tirent leur principale gloire des qualités convenables à la fociété, pour laquelle il femble qu'elles ayent précisément été faites. Humain dénote une fenfibilité fympathifante aux maux ou à l'état d'autrui: on en fait un plus grand ufage en parlant des hommes, qu'en parlant des femmes; parce qu'ils fe trouvent dans de plus fréquentes occafions de faire paroître leur humanité ou leur inhumanité.

La Bénignité eft une qualité qui affecte proprement la volonté dans l'ame, par rapport aux biens & aux plaifirs qu'on peut faire aux autres : ce qu'il y a de plus éloigné d'elle, eft la malignité ou le fecret plaifir de nuire. La Douceur eft une qualité qui fe trouve particulièrement dans la tournure de l'efprit, par rapport à la manière de prendre les chofes dans le commerce de la vie civile : fes contraires font l'aigreur & l'emportement. L'Humanité réfide principalement dans le cœur; elle le rend tendre, fait qu'on s'accommode & qu'on fe prête aux diverfes fituations où fe trouvent ceux avec qui l'on eft en relation d'amitié, d'affaires, ou de dépendance: rien n'y eft plus oppofé que la cruauté & la dureté, ou un certain amour propre uniquement occupé de foi-même.

Une mauvaise conformation dans les organes & un défaut d'éducation dans la jeuneffe rendent inutile l'influence des aftres les plus bénins; & le même inflant de naiffance fait voir en deux fujets toute la Benignité du ciel & toute la malignité de la nature corrompue. Il est certains tons fi aigres, que les perfonnes les plus douces ne fauroient les fupporter: eh! quelle Douceur pourroit être à

l'épreuve des apoftrophes impertinentes de ces gens que le langage moderne nomme avantageux; qui croient trouver, dans l'eftime ridicule qu'ils ont d'eux-mêmes, le droit d'une raillerie infultante? Le métier de la guerre n'exclut pas l'Humanité; & fi l'on examinoit bien la façon de penfer de chaque état, on trouveroit que le foldat les armes au poing eft plus humain, que le partisan la plume à la main.

Le prince ne doit pas pouffer la Bénignité julqu'à autorifer l'impunité du crime: mais il doit en avoir affez pour pardonner facilement ce qui n'eft que faute, & pour gratifier toujours avec plaifir les fujets qui font à portée de recevoir fes grâces. C'est par une conduite modérée, par des manières modeftes & polies, que l'homme doit montrer la Douceur de fon caractère ; & non par des airs féminins & affectés. La vraie Humanité confifte à ne rien traiter à la rigueur, à excufer les foibleffes, à fupporter les défauts, & à foulager les peines & la misère du prochain quand on le peut. (L'abbé GIRARD.)

BERGERIES, f. f. pl. Belles-Lettres. C'eft le nom qu'on a donné à quelques pièces de Poéfie & de Mufique d'un goût champêtre.

Avant qu'on eût en France l'idée de la bonne Comédie, on donnoit au théâtre, fous le nom de Paftorales, des romans compliqués, infipides, & froids; & pendant quarante ans, on ne fit que traduire fur la fcène en méchants vers la fade Profe de Durfé. Racan, à l'exemple de Hardi, compofa un de ces drames, lequel d'abord eut pour titre Arténice, & qui depuis a été connu fous le nom des Bergeries de Racan. L'intrigue de ce poème chargée d'incidents & dénuée de vraisemblance, réunit tous les moyens de produire le pathétique, & annonce les fituations de la tragédie la plus terrible; avec tout cela rien n'eft plus froid. Ce font les mœurs des bergers que Racan a voulu y peindre, & on y voit des noirceurs dignes de la Cour la plus rafinée & la plus corrompue : un amant qui, pour rendre fon rival odieux, fe rend plus odieux lui-même; un devin fourbe & fcélérat pour le plaifir de l'être; un druïde fanatique & impitoyable; en un mot rien de plus tragique, & rien de moins intéreffant. Cependant, à la faveur d'un peu d'élégance, mérite rare dans ce temps-là & que Racan devoit aux leçons de Malherbe, ce poème eut le plus grand fuccès, & fit la gloire de fon auteur.

Les Bergeries, ou Paftorales, peuvent être intéreffantes, mais par d'autres moyens. Ces moyens font dans la nature partout où il y a des pères, des mères, des enfants, des époux, expofés aux accidents de la vie, aux dangers, aux inquiétudes, aux malheurs attachés à leur condition, leur fenfibilité peut être mife aux épreuves de la crainte & de la douleur. Ainfi, le genre pastoral peut être touchant, mais il fera foiblement comique; parce que le comique porte fur le ridicule & fur les

C'eft envain qu'on fait des leçons à une Béte, la nature lui a refufé les moyens d'en profiter. Tous les foins d'un maître font perdus auprès d'un Stupide, s'il ne trouve le fecret de lui donner de l'émulation & de le tirer de fon affoupiffement. Ce n'est qu'avec beaucoup de peine qu'on peut venir à bout d'inftruire un Idiot; il faut pour cet effet avoir l'art de rendre les idées fenfibles, & favoir fe proportionner à fa façon de penfer, pour élever celleci jufqu'au niveau de celle qu'on veut lui infpirer.

travers de la vanité, & que ce n'eft pas chez les bergers que la vanité domine. Leur ignorance même & leur fottife n'a rien de bien rifiule, parce qu'elle eft naturelle & naïve, & qu'elle n'eft point en contrafte avec de fauffes prétentions. Il eft donc poffible, comme on l'a dit dans l'article PASTORALE, que les bergers ayent des tragédies dans leur genre, mais non pas qu'ils ayent des comédies; & les Bergeries de Racan, que l'on donne pour exemple de la Comédie paftorale, ne font rien moins, comme on vient de le voir. Le Paftoral qui n'eft point pathétique, ne fe peut foutenir qu'autant qu'il eft gracieux & riant, où d'une aménité touchante; mais la foibleffe alors ne comporte pas une longue action: l'Aminte & le Paftor fido, où toutes les grâces de la Poéfie & fon coloris le plus brillant font employés, prouvent eux-mêmes que ce genre n'eft pas affez théâtral pour occuper long temps la fcène: il manque de chaleur, & la chaleur eft l'ame de la Poéfie dramatique. Les italiens dans la Paftorale ont employé les chœurs à la manière des anciens; & c'est là qu'ils font naturellement pla-politeffe pour une infulte. Les Stupides ne fe piquent cés, , par la raison que dans les affemblées, les jeux, les fêtes des bergers, le chant fut toujours en ufage, & qu'il y vient comme de lui-même. Le chour du premier acte de l'Aminte:

O bella età de l'oro!

Il y a des Bétes qui croient avoir de l'efprit: leur converfation fait le fupplice des perfonnes qui en ont véritablement; & leur caractère eft quelquefois très-incommode dans la fociété, furtout lorsqu'à la Bétije & à la vanité elles joignent encore le caprice: comment tenir contre des gens qui, ne comprenant ni ce qu'on leur dit ni ce qu'ils difent euxmêmes, s'arrogent néanmoins une fupériorité de génie; & qui, bouffis d'amour propre, débitent des fottifes comme des maximes, ou font toujours prêts à fe fâcher du moindre mot & à prendre une

point d'esprit, & en cherchent encore moins chez les autres; il ne faut pas non plus fe piquer d'en avoir avec eux; ils n'entrent pour rien dans la fociété, & leur compagnie ne nuit pas à qui cherche la folitude. Les Idiots font quelquefois frappés des traits d'efprit; mais à leur manière, par une

eft un modèle dans ce genre. Voyez ÉGLOGUE. espèce d'éblouiffement & de surprise, qu'ils témoi(M. MARMONTEL.)

BÊTE, BRUTE, ANIMAL. Synonymes.

Bête le prend fouvent par oppofition à Homme; ainfi, on dit: L'homme a un ame, mais quelques philofophes n'en accordent point aux Bétes.

Brute eft un terme de mépris, qui ne s'appli que qu'en mauvaife part. Il s'abandonne à toute la fureur de fon penchant, comme la Brute.

Animal eft un terme générique, qui convient à tous les etres organifés vivants. L'Animal vit, agit, fe meut de lui-même.

Si on confidère l'Animal comme penfant, voulant, agiffant, réfléchiffant, &c; on reftreint fa fignification à l'efpèce humaine : fi on le confidère comme borné dans toutes les fonctions qui marquent de l'intelligence & de la volonté, & qui femblent lui être communes avec l'efpèce humaine; on le reftreint à la Bête. Si on confidère la Bête dans fon dernier degré de ftupidité & comme affranchie des lois de la raifon & de l'honnêteté, felon lefquelles nous devons régler notre conduite; nous l'appelons Brute. Voyez, ANIMAL, BETE, Syn. (M.DIDEROT.)

BETE, STUPIDE, IDIOT, Syn.

Ces trois épithètes attaquent l'efprit, & font entendre qu'on en manque prefque dans tout avec cette différence, qu'on eft Bere par défaut d'intelligence, Stupide par défaut de fentiment, Idiot par défaut de connoillance.

gnent d'une façon fingulière, capable de réjouir ceux qui favent le faire des plaifirs de tout. (L'abbé GIRARD.)

(N.) BIEN, BEAUCOUP, ABONDAMMENT, COPIEUSEMENT. Syn.

Tous établis pour marquer une grande quantité vague & indéfinie, ils ne font diftingués entre eux que par certains rapports particuliers que l'un a plus que l'autre à l'une des espèces de la quantité générale.

Bien regarde fingulièrement la quantité qui concerne les qualifications & qui fe divife par degrés. L'on diroit donc, Qu'il faut être ou bien vertueux ou bien froid, pour ne pas fe laiffer féduire par les carelles des femmes; Qu'il n'eft pas rare de voir des hommes qui foient en même temps bien fages pour le confeil & bien foux dans la conduite.

Beaucoup eft à fa place, lorfqu'il s'agit d'une quantité qui résulte du nombre, & qu'on peut ou calculer ou mefurer: comme quand on dit, Que beaucoup de gens qui n'aiment point & ne font aimés de perfonne, fe vantent néanmoins d'avoir beaucoup d'amis; Que les années qui produifent beaucoup de vin, produifent auffi beaucoup de querelles parmi le peuple.

Abondamment renferme dans l'étendue de fa propre valeur une idée acceffoire, qui fait qu'on ne l'applique qu'à la quantité definée au fervice dans l'ulage qu'on doit faire des chofes. Ainfi, l'on dit, Que la terre fournit abondamment au laborieux ce

qu'elle refufe entièrement au pareffeux; Que les oifeaux, fans rien femer, recueillent de tout abondamment.

Copieufement eft un terme peu ufité, depuis qu'on évite ceux qui fentent trop la latinité. Il ne s'emploie avec grace que dans les occafions où il eft queftion des fonctions animales. Un homme qui mange & boit copieufement, eft plus propre aux exercices du corps qu'à ceux de l'efprit.

Quoiqu'une obfervation grammaticale ne paroiffe pas trop bien placée dans un ouvrage uniquement caractérisé par la fineffe des diftinctions & qui ne doit chercher des preuves que dans le choix délicat des exemples: elle eft néanmois fi propre à faire fentir que l'Ufage fonde toujours, fur quelque différence de fens, du moins acceffoire fi elle n'eft totale, la diverfité qu'il met dans les mots; que je ne faurois m'empêcher de faire remarquer au lecteur, que, lorfque Bien & Beaucoup font employés devant un fubftantif, le premier exige toujours que ce fubftantif foit accompagné de l'article, au lieu que Beaucoup l'en exclut ; ce qui n'arriveroit pas, s'il n'y avoit dans la forme de la fignification, quelque différence qui autorife celle du régime. Cette différence, je crois l'avoir affez bien rencontrée dans les diverfités spécifiques de la quantité. Car l'article indiquant en dénomination, & par conféquent emportant une forte d'intégralité ou de totalité, il exclut le calcul: raifon pourquoi Beaucoup ne s'en accommode pas, & que Bien le demande, comme on le voit dans l'exemple fuivant; Les dévots, en fe piquant de beaucoup de raifon, ne laiffent pas d'avoir bien de l'humeur (L'abbé GIRARD.)

L'auteur avoit raifon fe faire une espèce de fcrupule de placer ici fon obfervation grammaticale: elle n'ajoûte rien à la diftinction qu'il avoit bien developée auparavant; & elle n'eft bonne, par fon extrême fubtilité & parce qu'elle fuppofe les principes grammaticaux propres de l'auteur, qu'à donner au lecteur de l'embarras & une peine inutile. (M. BEAUZEE.)

BIEN HOMME DE), HOMME D'HONNEUR, HONNÊTE HOMME. Syn.

Il me femble que l'Homme de bien eft celui qui fatisfait exactement aux préceptes de la religion; l'Homme d'honneur, celui qui fuit rigoureufement les lois & les ufages de la fociété ; & l'Honnéte homme, celui qui ne perd de vûe dans aucune de fes actions les principes de l'équité naturelle.

L'Hommede bien fait des aumônes; l'Homme d'honneur ne manque point à sa promeffe ; l'Honnéte homme rend la justice, même à fon ennemi. L'Honnéte homme eft de tout pays; l'Homme de bien & l'Homme d'honneur ne doivent point faire des chofes que l'Honnéte homme ne fe permet pas. (M. DIDERot.)

* BIENFAIT, OFFICE, SERVICE. Synonymes. Nous recevons un Bienfait de celui qui pour

roit nous négliger fans en être blåmé : nous recevons de bons Offices de ceux qui auroient eu tort de nous les refufer, quoique nous ne puiffions pas les obliger à nous les rendre: mais tout ce qu'on fait pour notre utilité ne feroit qu'un fimple Service, lorsqu'on eft réduit à la néceffité indifpenfable de s'en acquitter; on a pourtant raifon de dire, que l'affection avec laquelle on s'acquitte de ce qu'on doit, mérite d'être comptée pour quelque chofe. (Le Chev. de JAUCOURT).

(Je crois que ces trois termes doivent être dif tingués d'une manière différente & plus précise. Ils expriment tous quelque acte relatif à l'utilité d'autrui. Le mot Office n'a point d'autre fignification fous ce point de vue : c'eft pourquoi il a besoin d'une épithète, qui indique s'il eft pris en bonne ou en mauvaise part; & l'on dit, Rendre de bons ou de mauvais Offices, C'eft un Office d'ami. Les deux autres font toujours pris en bonne part. » Le Bien» fait, dit M. Duclos, eft un acte libre de la >> part de fon auteur, quoique celui qui en eft l'objet puiffe en être digne ». On peut ajouter, que c'eft un bien accordé à celui-ci par le premier. Un Service, eft un fecours par lequel on contribue à faire obtenir quelque bien.

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» Il y a, dit le même auteur, des Services de >> plus d'une espèce : une fimple parole, un mot dit >> à propos avec intelligence ou avec courage eft » quelquefois un Service fignalé, qui exige plus de >> reconnoiffance que beaucoup de Bienfaits maté» riels.) (M. BEAUZÉE.)

BIENSÉANCES, f. f. (Belles-Lettres.) Dans l'imitation poétique, les convenances & les Bienféances ne font pas précisément la même chofe: les convenances font relatives aux perfonnages; les Bienféances font plus particulièrement relatives aux fpectateurs: les unes regardent les ufages, les mœurs du temps & du lieu de l'action; les autres regardent l'opinion & les mœurs du pays & du fiècle où l'action eft représentée. Lorfqu'on a fait parler & agir un perfonnage comme il auroit agi & parlé dans fon temps, on a obfervé les convenances: mais fi les mœurs de ce temps-là étoient choquantes pour le nôtre, en les peignant fans les adoucir, on aura manqué aux Bienséances; & fi une imitation trop fidèle bleffe, non feulement la délicateffe, mais la pudeur, on aura manqué à la décence. Ainfi, pour mieux obferver la décence & les Bienféances actuelles, on eft fouvent obligé de s'éloigner des convenances en altérant la vérité. Celle-ci eft toujours la méine, & les convenances font invariables comme elle : mais les Bienféances varient felon les lieux & les temps; on en voit la preuve frappante dans l'hiftoire de notre théâtre.

Il fut un temps où, fur la fcène françoife, les amantes & les princeffes mêmes déclaroient leur paffion avec une liberté & même une licence qui révolteroient aujourdhui tout le monde.

Ce n'eft donc pas le progrès des mœurs, mais

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