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1. A l'égard du rapport d'identité, il est évident que le qualificatif ou adjectif, aufli bien que le verbe, ne font au fond que le substantif même considéré avec la qualité que l'adjectif énonce ou avec la manière d'être que le verbe attribue au substantif: ainfi, l'adjectif & le verbe doivent énoncer les mêmes accidents de Grammaire, que le substantif énonce d'abord; c'est à dire que, fi le substantif est au fingulier, l'adjectif & le verbe doivent être au fingulier, puisqu'ils ne sont que le substantif meme confidèré sous telle ou telle vûe de l'esprit.

Il en est de même du genre, de la personne, & du cas, dans les langues qui ont des cas. Tel est l'effet du rapport d'identité, & c'est ce qu'on appelle Concordance.

3. A l'égard du rapport de détermination, comme nous ne pouvons pas communément énoncer notre pensée tout d'un coup en une seule parole, la nécefûté de l'Élocution nous fait recourir à plusieurs mots, dont l'un ajoûte à la signification de l'autre, ou la restreint & la modifie; ensorte qu'alors c'est l'ensemble qui forme le sens que nous voulons énoncer. Le rapport d'identité n'exclut pas le rapport de dérermination. Quand je dis l'homme savant, ou le favant homme, Savant modifie & détermine homme; cependant il y a un rapport d'identité entre homme & favant, puisque ces deux mots n'énoncent qu'un meme individu qui pourroit être exprimé en un seul mot, doctor.

Mais le rapport de détermination se trouve fouvent sans celui d'identité. Diane étoit fœur d'Apollon; il y a un rapport d'identité entre Diane & fœur: ces deux mots ne font qu'un seul & même individu; & c'est pour cette seule raison qu'en latin ils sont au même cas, &c. Diana erat foror. Mais il n'y a qu'un rapport de détermination entre fœur & Apollon; ce rapport est marqué en latin par la terminaison du génitif destinée à déterminer un nom d'espèce; foror Apollinis; au lieu qu'en françois le mot d Apollon est mis en rapport avec fœur par la préposition de, c'est à dire que cette préposizion fait connoître que le mot qui la suit détermine le nom qui la précede.

Pierre aime la vertu: il y a Concordance ou rapport d'identité entre Pierre & aime; & il y a rapport de détermination entre aime & vertu. En françois, ce rapport eft marqué par la place ou position du mot: ainfi, vertu est après aime: au lieu qu'en latin ce rapport est indiqué par la terminaison virtutem, & il est indifférent de placer le mot avant ou après le verbe; cela dépend ou du caprice & du goût particulier de l'écrivain, ou de l'harmonie, ou du concours plus ou moins agréable des syllabes des mots qui précedent ou suivent.

Il y a autant de sortes de rapports de détermination, qu'il y a de questions qu'un mot à déterminer donne lieu de faire: par exemple, le roi a donné, hé quoi ? une penfion; voilà la détermination de la chose donnée; mais comme penfion est un nom appellatif ou d'espèce, on le détermine encore plus précisément

en ajoutant, uhe penfion de cent pistoles: c'est la détermination du nom appellatif ou d'espèce. On demande encore, à qui ? on répond, à M. c'est la détermination de la personne à qui, c'est le rapport d'attribution. Ces trois sortes de déterminations font aussi directes l'une que l'autre.

Un mot détermine 1o. un nom d'espèce, foror Apollinis.

2o. Un nom détermine un verbe, amo Deum. 3°. Enfin un nom détermine une préposition; à morte Cæfaris, depuis la mort de César.

Pour faire voir que ces principes sont plus féconds, plus lumineux, & même plus aisés à saifir que ce qu'on dit communément, faisons- en la comparaison & l'application à la règle commune de Concordance entre l'interrogatif & le responsif.

Le responsif, dit-on, doit être au même cas que l'interrogatif. D. Quis te redemit ? R. Chriftus : Chriftus est au nominatif, dit-on, parce que l'interrogatif quis est au nominatif.

D. Cujus eft liber? R. Petri: Petri est au génitif, parce que cujus est au génitif.

Cette règle, ajoûte-t-on, a deux exceptions. 1o.. Si vous répondez par un pronom, ce pronom doit être au nominatif. D. Cujus eft liber? R. Meus. 20. Si le responsif est un nom de prix, on le met à l'ablatif. D. Quanti emisti ? R. Decem affibus.

Selon nos principes, ces trois mots quis te redemet font un sens particulier, avec lequel les mots de la réponse n'ont aucun rapport grammatical. Si l'on répond Chriftus, c'est que le répondant a dans l'esprit Chriftus redemit me: ainsi Chriftus eft au nominatif, non à cause de quis, mais parce que Chriftus eft le sujet de la proposition du répondant, qui auroit pû s'énoncer par la voix passive, ou donner quelque autre tour à sa réponse sans en altérer le sens.

D. Cujus eft liber? R. Petri, c'est à dire, hic liber eft liber Petri.

D. Cujus eft liber ? R. Meus, c'est à dire, hic liber eft liber meus.

D. Quanti emisti ? R. Decem assibus. Voici la construction de la demande & celle de la réponse. D. Pro prætio quanti æris emisti ? R. Emi pro decem affibus.

Les mots étant une fois trouvés & leur valeur aussi bien que leur destination, & leur emploi étant déterminé par l'usage, l'arrangement que l'on en fait dans la proposition selon l'ordre successif de leurs relations, est la manière la plus fimple d'analyser la pensée.

Je fais bien qu'il y a des grammairiens dont l'efprit est assez peu philosophique pour désapprouver la pratique dont je parle, comme si cette pratique avoit d'autre but que d'éclairer le bon usage, & de le faire suivre avec plus de lumière, & par conséquent avec plus de goût: au lieu que fans les connoissances dont je parle, on n'a que des observations méchaniques qui ne produisent qu'une routine aveugle, & dont il ne résulte aucun gain pour l'esprit.

Priscien, grammairien célèbre, qui vivoit à la fin du V. siècle, dit que, comme il y a dans l'écriture une raison de l'arrangement des lettres pour en faire des mots, il y a également une raison de l'ordre des mots pour former les sens particuliers du discours, & que c'est s'égarer étrangement que d'avoir une autre pensée,

Sicut recta ratio fcripturæ docet litterarum congruam juncturan, fic etiam rectam orationis compoJitionem ratio ordinationis oftendit. Solet quæri caufa ordinis elementorum, fic etiam de ordinatione cafuum & ipfarum partium orationis folet quæri. Quidam fuæ folatium imperitiæ quærentes, aiunt non oportere de hujufcemodi rebus quærere, fufpicantes fortuitas eise ordinationis pofitiones; quod exiftimare penitùs stuttum eft. Si autem in quibufdam concedunt effe ordinationem, neceffe eft etiam in omnibus eam concedere. (Priscianus de conftruct. Lib. XVII, fub initio.)

A l'autorité de cet ancien, je me contenterai d'ajoûter celle d'un célèbre grammairien du XV. fiècle, qui avoit été pendant plus de 30 ans principal d'un collège d'Allemagne.

In grammatică dictionum Syntaxi, puerorum plurimum interest ut inter exponendum non modò Senfum pluribus verbis utcumque ac confusè coacervatis reddant, fed digerant etiam ordine grammatico voces alicujus periodi, quæ alioqui, apud autores acri aurium judicio confulentes, rhetoricâ compofitione commistæ funt. Hunc verborum ordinem à pueris in interpretando ad unguem exigere quidnam utilitatis afferat, ego ipse, qui duos & triginta jam annos magisterii fordes, moleftias; ac curas pertuli, non femel expertus fum: illi enim hac via, fixis, ut aiunt, oculis intuentur accuratiùsque animadvertunt quot voces fenfum abfol, quo pacto dičtionum structura cohæreat quot modis nodis fingulis omnibus fingula ve deant; quod quidem fieri nequit, præcipuè in longiuscula periodo, nifi hoc ordine, veluti per Scalarum gradus per fingulas periodi partes progrediantur. (Grammatice artis inftitutio per Joannem Sufembrotum, Ravespurgii Ludi magistrum, jam denuò accurate confignata. Bafilee, an. 1529.)

vant

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verba refpon

,

Get usage est si bien fondé en raison, qu'il est recommandé & suivi par tous les grands maitres. Je voudrois seulement qu'au lieu de se borner au pur sentiment, on s'èlevât peu à peu à la connoissance de la proposition & de la période, puisque cette connoif sance est la raison de la construction. (M.DU MARSAIS.)

CONCORDANT, adj. Rhétor. Vers concord dants; ce sont certains vers qui ont quelques mots communs, & qui renferment un sens opposé ou diffé rent, formé par d'autres mots; tels que ceux-ci: venatur, & omnia fervat. in filva nutritur, vaftat.

Et

canis lupus Did. de Trév.

(N.) CONCRET, E, adj. C'est l'oppofé & le corrélatif d'Abstrait. (Voyez ABSTRACTION, ABSTRAIRE, ABSTRAIT.)

Abstrait lignifie, Considéré hors de son sujet, séparé du sujet par la pensée: Concret, au contraire, fignifie, Considéré dans le sujet & avec le sujet. Disons mieux, ce sont les termes qui font abftraits ou concrets: un terme est abstrait, quand il exprime quelque qualité, quelque manière d'être considérée en elle-même & hors de tout sujet; un terme eft concret, quand il exprime un sujet quelconque revêtu de ses qualités, de ses manières d'être. Tel est sur cela le langage ordinaire, qui est susceptible, je crois, de quelque amélioration. ( Voyez ABSTRACTIF.) (M. BEAUZÉE.)

(N.) CONCUPISCENCE, CUPIDITÉ, AVIDITÉ, CONVOITISE. Synonymes.

La Concupifcence est la disposition habituelle de l'ame à défirer les biens & les plaisirs sensibles: la Cupidité en est le désir violent: l'Avidité en est un désir infatiable: la Convoitise en est un défir illicite.

La Concupiscence eft une suite du péché originel: le renoncement à foi-même est le remède que propose l'Évangile contre cette maladie de l'ame. Ce renoncement, auffi inconnu à la Philosophie humaine que l'origine & la nature du mal dont il est le remède, dispose heureusement le chretien à réprimer les emportements de la Cupidité, à prefcrire des bornes raisonnables à l'Avidité, à détester toutes les injustices de la Convoitise. (M. BEAUZEE.)

C'est ce qui fait qu'on trouve si souvent', dans les anciens commentateurs, tels que Cornutus Servius, Donat, ordo eft, &c. C'est aussi le conseil que le P. Jouvenci donne aux maîtres qui expliquent des auteurs latins aux jeunes gens: le point le plus important, dit-il, est de s'attacher à bien faire la conftruction. Explanatio in duobus maximè confiftit; 10. in exponendo verborum ordine ac ftructurâ orationis: 20. in vocum obfcuriorum expofitient dans les divers ordres qui forment l'économie

tione. (Ratio difcendi & docendi Jof. Jouvenci, S. J. Parifiis, 1715.) Peut-être seroit-il plus à propos de commencer par expliquer la valeur des mots, avant que d'en faire la construction. M. Rollin, Traité des Études, insiste aussi en plus d'un endroit sur l'importance de cette pratique, & fur l'utilité que les jeunes gens en retirent.

(N.) CONDITION, ÉTAT. Synonymes.

La Condition a plus de rapport au rang qu'on

de la république, L'État en a davantage à l'occupation ou au genre de vie dont on fait profeffion.

Les richesses nous font aisément oublier le degré de notre Condition & nous détournent quelquefois des devoirs de notre Érat.

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Il est difficile de décider sur la différence des Conditions, & d'accorder là-dessus les prétentions

1

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CON

des divers États; il y a beaucoup de gens qui n'en | les deux cas: Il viendra, st ses affaires le per

jugent que par le brillant de la dépense.

Quelques personnes font valoir leur Condition, faute de bien connoître le juste mérite de leur État. (L'abbé GIRARD.)

(N.) CONDITION (DE), DE QUALITÉ. Synonymes.

La première de ces expressions a beaucoup gagné sur l'autre; mais quoique souvent très-synonymes dans la bouche de ceux qui s'en servent, elles retiennent toujours dans leur propre fignification le caractère qui les distingue, auquel on est obligé d'avoir égard en certaines occasions pour s'exprimer d'une manière convenable. De Qualité enchérit fur de Condition; car on se sert de cette dernière expression dans l'ordre de la Bourgeoifie, & l'on ne peut se servir de l'autre que dans l'ordre de la Noblesse. Un homme né roturier ne fut jamais un homme de Qualité; un homme né dans la robe, quoique roturier, se dit homme de Condition.

Il semble que de tous les citoyens partagés en deux portions, les gens de Condition en faffent une, & le peuple l'autre, distinguées entre elles par la nature des occupations civiles; les uns s'attachant aux emplois nobles, les autres, aux emplois lucratifs : & que, parmi les personnes qui composent la première portion, celles qui font illustrées par la naiffance, soient les gens de Qualité.

Les personnes de Condition joignent, à des mœurs cultivées, des manières polies; & les gens de Qualité ont ordinairement des sentiments élevés.

Il arrive souvent que les personnes nouvellement devenues de Condition donnent dans la hauteur des manières, croyant en prendre de belles; c'est par là qu'elles se trahissent, & font sur l'esprit des autres un effet tout contraire à leur intention. Quelques gens de Qualité confondent l'élévation des sentiments, avec l'énormité des idées qu'ils se font fur le mérite de la naissance, affectant continuellement de s'en targuer & de prodiguer les airs de mépris pour tout ce qui est Bourgeoisie; c'est un défaut qui leur fait beaucoup plus perdre que gagner dans l'estime des hommes, soit pour leur perfonne soit pour leur famille. (L'abbé GIRARD.)

(N.) CONDITIONNELLE (CONJONCTION). Les Conjonctions conditionnelles sont celles qui désignent, entre les propositions, une liaison condizionnelle d'existence, fondée sur ce que la seconde est une suite de la supposition de la première. Elles font ainsi nommées, parce qu'elles servent à énoncer conditionnellement, & non positivement, la première des deux propositions.

Les latins ont trois Conjonctions conditionnelles bien reconnues; fi, nisi, & fin: nous n'en avons que deux en françois; fi & finon. Le si latin étoit ine Conjonction conditionnelle positive; nifi étoit 'gative. Pour nous, nous nous fervons de fi dans

mettent, $1 fon devoir ne le retient pas.

dites

C'est encore le même si conditionnel que nous
employons dans les phrases où les latins se servoient
d'an, d'utrum, ou de l'enclitique ne; comme Je
ne fais si cela est vrai. Les grammairiens ont cou-
tume de dire que, dans ce cas, c'est une particule
dubitative; & le Dictionnaire de l'Académie le dit
de même. Mais le doute & l'incertitude des phrases
si est employé dans ce sens, font toujours mar-
qués par le verbe qui précède cette Conjonction:
je ne fais si, je doute si, on demande si,
moi si; & la Conjonction est toujours conditionnelle.
Je ne fais, je doute, on demande, dites-moi si
cela est vrais c'est à dire, si cela est vrai, je ne
le fais pas, j'en doute, on le demande, dites-le
moi: & nous employons même assez souvent ce
second tour en françois. Ce qui a trompé nos gram-
mairiens, c'est qu'en effet an est une Conjonction
conditionnelle, qui renferme en outre l'idée accef-
soire du doute; & c'est pour cela qu'elle s'emploie
à la tête des phrafes interrogatives; an audis ? &
dans les dubitatives; nefcio ou dubito an venturus
fit. Mais d'ailleurs elle avoit le même sens que si.
1o. Il est évident que c'est la conditionnelle grèque
ἄν. 2o. Elle ne diffère, que par une nasale diffé-
rente à la fin, de la conditionnelle hébraïque אמ
(am), qui meme est אן )an) en syriaque, en chal-
déen, & en samaritain. 3°. Il y a apparence que
les latins employoient sans scrupule fi pour an; &
en voici la preuve dans le discours que Virgile fait
tenir à Vénus (En. jv. 110.):

Sed fatis incerta feror SI Jupiter unam
Effe velit tyriis urbem Trojâque profectis,
Mifcerive probet populos aut fædera jungi.

Ce tour n'étoit pas extraordinaire en latin: car Servius ne fait fur cela aucune remarque; ce qu'il auroit fait sans doute, si c'eût été une licence contre le génie ou seulement contre l'usage ordinaire de sa langue. Ne trouve-t-on pas dans Cicéron (Topic. xxij. 84), Quæritur... fi expetendæ divitiæ, fi fugienda paupertas? & ailleurs (V. Verr. xxjx. 66), Tum mittit ad iftum, fi fibi videatur ut reddat.

Mais nous avons en françois un autre fi, qui n'est pas Conjonction, qui est un véritable adverbe, & qui répond à peu près à l'adeò des latins; comme SI favant homme, dans ces phrases: Il est si favant que tout le monde l'admire, Je ne connus jamais un Il n'est pas si favant qu'on le pense. Cet adverbe, quoique matériellement semblable à la Conjonction conditionnelle, n'a pas la méme origine: ce seroit, dans la génération des mots, un véritable monstre; & l'Ufage n'en admet dans aucune langue. Le SI conditionnel est le si même des latins; & le si adverbe vient du fic latin, dont nous avons retranché le c final, afin d'adoucir la prononciation: nous disons si fait, comme on diroit en latin sic factum; & l'on dit dans le patois de Verdun, un s' fat feu,

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une s' fate fumée, pour dire, un si fait feu, une SI faite fumée, c'est à dire, un pareil feu, une pareille fumée, un feu fait ainsi, une fumée faite ainfi, fic.

Je ne parlerai point ici de finon; j'analyse cette Conjonction en parlant des disjonctives (Voyez DISJONCTIF), parmi lesquelles quelques grammairiens ont voulu la placer, (M. BEAUZÉE.)

(N.) CONDUIRE, GUIDER, MENER. Syn. Les deux premiers de ces mots supposent dans leur propre valeur une supériorité de lumières que le dernier n'exprime pas; mais en récompenie, celui-ci enferme une idée de crédit & d'ascendant tout à fait étrangère aux deux autres, On conduit & l'on guide ceux qui ne savent pas les chemins; on mène ceux qui ne peuvent pas aller seuls.

Dans le sens littéral, c'est proprement la tête qui conduit, l'œil qui guide, & la main qui mène, On conduit un procès. On guide un voyageur, On mène un enfant.

L'intelligence doit conduire dans les affaires. La politesse doit guider dans les procédés. Le goût peut mener dans les plaisirs.

On nous conduit dans les démarches, afin que nous fassions précisément ce qu'il convient de faire, On nous guide dans les routes, pour nous empécher de nous égarer. On nous mène chez les gens, pour nous en procurer la connoissance.

Le sage ne fe conduit par les lumières d'autrui, qu'autant qu'il se les est rendues propres, Une lecfure attentive de l'Évangile suffit pour nous guider dans la voie du salut. Il y a de l'imbécilité à se laisser mener dans toutes ses actions par la volonté d'un autre; les personnes sensées se contentent de consulter dans le doute, & prennent leurs résolutions par elles-mêmes. (L'abbé GIRARD.)

(N.) CONFÉRER, DÉFÉRER. Synonymes. On dit l'un & l'autre en parlant des dignités & des honneurs que l'on donne. Conférer est un acte d'autorité; c'est l'exercice du droit dont on jouit. Déférer est un acte d'honnêteté; c'est une préférence que l'on accorde au mérite.

Quand la conjuration de Catilina fut éventée; les romains, convaincus du mérite de Cicéron & du besoin qu'ils avoient alors de ses lumières & de son zèle, lui déférèrent unanimement le consulat: ils ne firent que le conférer à Antoine, (M. BEAUZÉE.)

(N.) CONFISEUR, CONFITURIER. Syn. Tous deux ont rapport aux confitures: le Confiseur les fait, le Confiturier les vend.

Un homme nécessaire dans l'office d'une grande maison est un habile Confiseur; il ne seroit ni bienséant, ni sûr, ni bien entendu, de recourir sans cesse à un Confiturier. (M. BEAUZÉE.)

CONFIDENT, TE, fubf. Poésie dramatique. Dans la Tragédie ancienne il y avoit deux fortes

de Confidents; les uns publics, les autres intimes. Par la nature de l'action théâtrale, qui étoit communément une calamité ou quelque évènement politique, une foule de témoins y pouvoient être mis en scène; souvent même la fimplicité de la fable, la pompe du spectacle, &, comme je l'ai dit, la nécessité de remplir un théâtre immense qui sans cela auroit paru désert, sollicitoient ce concours de témoins; & c'est ce qui formoit le chœur. Mais le chœur n'étoit pas seulement occupé à remplic l'intervalle des actes par ses chants & la pantomime; il étoit Confident de la scène, & alors un seul de ses personnages parloit au nom de tous.

Son emploi le plus important étoit de former l'intermède. Frappé de ce qu'il avoit vu, il entretenoit, par ses réflexions & par ses chants paffionnés, l'émotion des spectateurs; il résumoit la moralité de l'action theatrale, & la gravoit dans les esprits; ami des bons, ennemi des méchants, il consoloit les malheureux, victimes de leur imprudence ou jouets de la destinée. Le chœur avoit donc fon avantage, comme témoin, ou nécessaire ou vraisemblable; mais comme Confident intime, il étoit souvent déplacé. Il est dans les mœurs de tous les pays & de tous les temps, d'avoir un ami ou un homme affidé, à qui l'on se confie; mais il ne sera jamais vraisemblable qu'on prenne un peuple pour Confident de ses secrets les plus intimes, de ses crimes les plus cachés, comme dans l'Oreste & la Phèdre. Il n'est pas plus naturel de voir une troupe de gens, témoins des complots les plus noirs & des crimes les plus atroces, ne jamais s'opposer à rien & se lamenter sans agir.

Le partage étoit fait naturellement, & de luimême, si Euripide eût voulu l'observer, entre la nourrice de Phèdre & le chœur des femmes de Trézène; celles-ci devoient être Confidentes de l'égarement, de la douleur, & des remords de Phèdre, fans en savoir la cause; mais la honte de sa passion, la noirceur de son imposture, ne devoient étre révélées qu'à sa nourrice: c'est une distinction que les grecs n'ont jamais faite avec assez de soin.

Notre Théâtre, en renonçant à l'usage du chœur, a conservé les Confidents intimes; mais il en a porté l'abus jusqu'à un excès ridicule,

On aura dela peine à croire que, jusqu'aux premières pièces de Corneille, les nourrices dans le tragique, comme les servantes, dans le comique, étoient toujours le même personnage, sous le nom d'Alison, & qu'Alison étoit un homme, avec un masque & des habits de femme,

Depuis Corneille, le personnage des Confidentes, comme celui des Confidents, a été décemment rempli: mais fi les grands poètes ont su y attacher de l'importance & de l'intérêt, comme au personnage de Néarque dans Polieučte, d'Exupère dans Héraclius, de Pylade dans Andromaque, d'Acomat dans Bajazet, de Narcisse dans Britannicus, d'Enone dans Phedre, d'Omar dans Mahomet, &c. ils ont aussi quelquefois eux-mêmes trop négligé ces

rôles

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rôles subalternes; & cette négligence est de tous leurs exemples le plus fidèlement suivi.

Dans la Tragédie, comme dans les vieux romans, presque pas un héros ne paroît sans un Confident à Ta fuite, & ce Confident est communément aussi dénué d'esprit qu d'intérêt: il ne fait pretque jamais que penser, ni que dire; rien de plus froid que ses réflexions, rien de plus mal reçu que ses avis. Comme le héros doit toujours avoir raison, le Confident a toujours tort, & l'un brille aux dépens de l'autre. Le plus souvent le Confident ne hasarde quelques mots que pour donner lieu à la réplique, & pour empécher que la scène ne soit un trop long monologue: tantôt il fait d'avance tout ce qu'on lui apprend, tantôt il n'a aucun intérêt à le savoir; fans paffions & sans influence, il écoute pour écouter; & l'on n'a d'autre raison de l'instruire de ce qui se passe, que le besoin d'en instruire le specta

teur.

....

Mais c'est bien pis, lorsque le Confident se mêle de se passionner: ses surprises, fes alarmes, ses exclamations, Quoi Seigneur! ... Mais Seigneur! ... O Ciel! est-il poffible! deviennent encore plus ridicules par le ton faux & l'action gauche qu'il y met. En général plus une action est vive & pleine, moins elle admet de Confidents. Voyez CHOUR. (M. MARMONTEL.)

(N.) CONFRÈRE, COLLÈGUE, ASSOCIÉ. Synonymes. L'idée d'union est commune à ces trois termes; mais elle y est présentée sous des aspects différents. Les Confrères sont membres d'un méme corps, religieux ou politique; les Collègues travaillent conjointement à une même opération, soit volon

CONFUS, adj. Gramm. Il désigne toujours le vice d'un arrangement, foit naturel soit artificiel de plusieurs objets, & il se prend au simple & au figuré: ainsi, il y a de la Confufion dans ce cabinet d'Histoire naturelle; il y a de la Confufion dans ses pensées. De l'adjectif confus, on a fait le substantif Confusion. La Confufion n'est quelquefois relative qu'à nos facultés; il en est de même de presque toutes les autres qualités & vices de cette nature. Tout ce qui est susceptible de plus ou de moins, soit au moral, foit au physique, n'est ce que nous en assûrons que selon ce que nous sommes nous-mêmes. (M. DIDEROT.)

CONFUTATION, f. f. Rhétoriq. Partie du discours qui, selon la division des anciens, consiste à répondre aux objections de son adversaire & à résoudre ses difficultés.

On réfute les objections, soit en attaquant & détruisant les principes sur lesquels l'adversaire a fondé ses preuves, soit en montrant que de principes vrais en eux-mêmes il a tiré de fausses conséquences. On découvre les faux raisonnements de son adversaire, en faisant voir, tantôt qu'il a prouvé autre chose que ce qui étoit en question, tantôt qu'il a abusé de l'ambiguïté des termes, ou qu'il a tiré une conclufion abfolue & fans restriction de ce qui n'étoit vrai que par accident ou à quelques égards, &c.

On peut de même développer les faux raisonnements dans lesquels l'intérêt, la passion, l'entète ment, &c. l'ont jeté; relever avec adresse tout ce que l'animofité & la mauvaise foi lui ont fait hafarder: quelquefois il est de l'art de l'orateur de tourner les objections de forte qu'elles paroissent ou ridi

tairement soit par quelque ordre supérieur; les ❘ cules, ou incroyables, ou contradictoires entre elles,

Affociés ont un objet commun d'intérêt.

Le fondement nécessaire de l'union entre des Confrères, c'est l'estime réciproque; entre des Collègues, c'est l'intelligence; entre des Associés, c'est l'équité.

Il importe à notre tranquillité personnelle, de bien vivre avec nos Confrères; de captiver leur estime; de leur accorder la nôtre; &, s'ils nous forcent de la leur refuser, de garder au moins les bienséances.

Il importe au succès des opérations où nous sommes chargés de concourir, de nous entendre avec nos Collègues; de leur communiquer toujours nos vûes; de déférer souvent aux leurs; &, si nous sommes forcés de les contredire ou de leur résister, de le faire avec les plus grands ménagements: la conduite de Cicéron à l'égard d'Antoine, fon Collègue dans le consulat, est un modèle de conduite en ce genre.

ou étrangères à la question. Il y a aussi des occasions où le ridicule qu'on répand sur les preuves de l'adversaire produit un meilleur effet, que si l'on s'attachoit à les combattre sérieusement. Cette partie du discours comporte la plaisanterie, pourvu qu'elle soit fine, délicate, & ménagée à propos. (L'abbé MALLET.)

(N.) CONGLOBATION, f. f. Figure de pen sée par dèveloppement, qui, à la place d'une idée simple, substitue une énumération rapide, ou des propriétés differentes qui la caractérisent, ou des parties qui la constituent, ou des effets qu'elle produit, &c.

Cette figure est une de celles qui ont le plus d'effet dans l'Eloquence & dans la Poéfie: le détail où elle entre est comme une grande lumière, qui jette de la splendeur sur les choses les plus obscures; la rapidité qu'elle amène dans l'Élocution, y répand en même temps une chaleur, qui se communique à ceux à qui l'on parle; & le ton de confiance qui naît de cette rapidité, & de ce qu'on paroît serré & emporté par l'abondance des matières qu'on accuMmm

Il importe à nos propres intérêts, de respecter ceux de nos Associés; de leur inspirer de la confiance par nos principes; de la confirmer par notre équité; &, fi la perte n'est pas excessive, de faire même quelques facrifices à leurs prétentions. (M. BEAUZER.) | mule, fait passer la perfuafion dans les ames, qui

GRAMM. ET LITTÉRAT. Tome I. Partie II.

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