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Que de fois j'ai groffi ce ruiffeau de mes larmes!
C'eft fur ce lit de fleurs que le premier baifer,
Pour gage de la foi, diffipa mes allarmes ;

Et que bientôt après vainqueur de tant de charmes,
Sous ce tilleul, au frais, je vins me repofer.
Cet arbre porte encore le tendre caractère
Des vers que je gravai pour l'aimable Bergère:
Arbre croiffez, difois-je, où nos chiffres tracés
Confacrent à l'amour nos noms entrelacés.
Faites croître avec vous nos ardeurs mutuelles ;
Et que de fi tendres amours

Que la rigueur du fort défend d'être éternelles,
N'aient au moins de fin que la fin de nos jours.

Mais rien ne peut égaler dans ce genre le charme de cet épilogue de la fable des deux Pigeons par la Fontaine, morceau que tout homme de goût fait par cœur; mais que perfonne ne nous reprochera de tranfcrire encore dans cet article.

Amants, heureux amants, voulez vous voyager?
Que ce foit aux rives prochaines.

Soyez-vous l'un à l'autre un monde toujours beau,
Toujours divers, toujours nouveau :
Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le refte.
J'ai quelquefois aimé je n'aurois pas alors
Contre le Louvre & fes tréfors,
Contre le Firmament & la voûte céleste,
Changé les bois, changé les lieux,
Honorés par les pas, éclairés par les yeux
De l'aimable & jeune Bergère

Pour qui, fous le fils de Cythère,

Je servis engagé par mes premiers ferments.
Hélas! quand reviendront de semblables moments!
Faut-il que tant d'objets fi doux & fi charmants
Me laiffent vivre au gré de mon ame inquiète !
Ah! fi mon cœur ofoit encor fe renflammer!
Ne fentirai-je plus de charme qui m'arrête?
Ai-je paffe le tems d'aimer ?

(Art. de l'EDITEUR.)

(N.) ABANDONNEMENT. ABDICATION. RENONCIATION. DÉSISTEMENT. DÉMISSION. Syn.

L'abandonnement, l'abdication, & la renonciation fe font; le défiftement le donne; la démiffion fe fait & fe donne.

On fait un abandonnement de fes biens; une abdication de fa dignité & de fon pouvoir; une renonciation à fes droits & à fes prétentions; une démiffion de fes charges, emplois & bénéfices; & l'on donne un défiftement de les poursuites.

Il vaut mieux faire un abandonnement d'une partie de fes revenus à fes créanciers que de laiffer faifir & vendre le fond de fon bien. Quelques politiques regardent l'abdication d'une couronne comme un effet du caprice ou de la foibleffe de l'efprit, plus tôt que comme une grandeur d'ame.

Les lois & la juftice maintiennent les renonciations des particuliers: mais celles des princes n'ont lieuqu'autant que leur fituation & leurs intérêts les empêchent d'en appeler à la force des armes. L'a mour du repos n'eft pas toujours le motif des démiffions; le mécontentement ou le foin de fa famille en eft fouvent la caufe. Certains plaideurs de profeffion ne fe mêlent des procès & n'y interviennent que pour faire acheter leur défiflement.

Il ne faut abandonner que ce que l'on ne fauroit retenir; abdiquer, que lorfque l'on n'est plus en état de gouverner; renoncer, que pour avoir quelque chofe de meilleur ; fe demettre, que quand il n'eft plus permis de remplir fes devoirs avec honneur; & le défifter, que lorfque fes poursuites font injuftes, ou inutiles, ou plus fatigantes qu'avantageufes. (L'abbé GIRARD).

(N.) ABANDONNER.; DÉLAISSER. Syn. Abandonner le dit des chofes & des perfonnes. Délaiffer ne fe dit que des perfonnes.

Nous abandonnons les chofes dont nous n'avons pas befoin. Nous délaiffons les malheureux à qui nous ne donnons aucun fecours.

On fe fert plus communément du mot d'Abandonner que de celui de Délaiffer. Le premier eft également bien employé à l'actif & au paffif. Le dernier a meilleure grâce au participe qu'à fes autres modes; & il a par lui feul une énergie d'univerfalité, qu'on ne donne au premier qu'en y joignant quelque terme qui la marque précifément. Ainfi, l'on dit, C'eft un pauvre délaiffé, il eft généralement abandonné de tout le monde.

On eft abandonné de ceux qui doivent être dans nos intérêts. On eft délaiffé de tous ceux qui peuvent nous fecourir.

Souvent nos parents nous abandonnent plus tôt que nos amis. Dieu permet quelquefois que les hommes nous délaiffent, pour nous obliger à avoir recours à lui.

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dérables, & fuppofe de plus un abandon volontaire ; au lieu que Se démettre peut être forcé, & peut s'appliquer aux petites places comme aux grandes. (M. D'ALEMBERT.)

Christine, reine de Suède, abdiqua la couronne. Edouard II, roi d'Angleterre, fut forcé de le démettre de la royauté. Philippe V, roi d'Espagne, s'en démit volontairement en faveur du prince Louis, fon fils. Tel fe déshonore en fe faifant donner ordre de fe démettre d'une charge, qui pouvoit fe faire honneur d'une démiffion fpontanée. (M. BEAUZEE).

(N.) ABÉCÉ, f.m. C'eft ainfi qu'on prononce, quoiqu'on écrive ordinairement ABC. Mais puifqu'on a fait un nom unique des noms réunis des trois premières lettres de l'alphabet, ne vaut-il pas mieux écrire ce nom avec les voyelles qu'on y prononce, & comme on les écrit en effet quand on veut peindre le nom de chacune de ces lettres? B fe prononce bé, C s'apFelle cé. D'ailleurs il eft reçu d'écrire avec ces mêmes voyelles le mot Abécédaire ; & l'analogie feroit bleffée, fi l'on écrivoit le dérivé d'une autre manière que le primitif Abécé.

Du refte on doit faire de ce mot un nom déclinable comme tous les autres, pour ne pas charger notre langue d'exceptions inutiles & abfurdes; un Abécé, des Abécés, un marchand d'Abécés: quel avantage trouveroit-on à écrire, fans la marque du plurier, des Abécé?

Quoi qu'il en foit, un Abécé eft un livret qui renferme les premiers éléments de la lecture, quelque langue que ce foit.

en

On emploie figurément le même terme pour défigner le commencement d'une fcience, d'un art d'une affaire un peu longue ou compliquée. Ce n'eft là, dira-t-on que l'Abécé des Mathématiques, de la Théologie, de la Mufique, de l'Horlogerie: loin d'avoir terminé fon affaire, il n'en est encore qu'à l'Abécé.

De là viennent les expreffions proverbiales & figurées, Renvoyer quelqu'un à l'Abécé, pour dire, Le traiter d'ignorant; & Remettre quelqu'un à l'Abécé, pour dire, L'obliger à recommencer tout de nouveau.

Revenons au lens propre, qui eft notre objet principal. Les Abécés ne font point rares, les bons ne font pas communs, & les meilleurs ne font pas fans défauts. C'eft que tout livre préparé pour l'inftruction, & fur tout pour celle des enfants, doit être conçu & rédigé par la Philofophie : non par cette Philofophie fourcilleufe, qui méprife tout ce qui n'eft pas furprenant, extraordinaire, fublime, & qui ne croit dignes de fes regards que les objets éloignés d'elle & placés peut-être hors de la fphère de fa vûe; mais par cette Philofophie modefte & rare, qui s'occupe f nplement des chofes dont la connoiffance eft néceffaire qui les examine avec difcrétion, qui les difcute avec profondeur, qui s'y attache par eftime, & qui les eftime à proportion de l'utilité dont elles peuvent être. Voilà, diront quelques-uns, un ton bien élevé,

pour annoncer un genre d'ouvrage, qui, à leurs yeux, ne mérite peut-être pas même d'être remarqué. J'avoue que la Lecture eft la moindre des parties néceffaires à une éducation: mais ce n'eft pas la moins néceffaire; & l'on peut même dire qu'elle eft fondamentale, puifque c'eft la clef de toutes les autres fciences & la première introduction à la Grammaire, quæ nifi oratori futuro fundamenta fideliter jecerit, quidquid fuperftruxeris corruet: c'est Quintilien qui en parle ainfi ( Inftit. I. jv.)

Lui-même, dès le premier chapitre de fon excellent ouvrage, s'eft occupé dans un affez grand détail de ce qui choque ici une fauffe délicatesse, à laquelle je ne veux oppofer que les propres paroles de ce fage rhéteur; dès fon temps il avoit à prèvenir de pareilles objections. Quod fi nemo reprehendit patrem qui hæc non negligenda in fuo filio putat ; cur improbetur, fi quis ea quæ domi fuæ rectè faceret in publicum promit? .... An Philippus, macedo-. num rex, Alexandro, filio fuo, prima litterarum elementa tradi ab Ariftotele, fummo ejus ætatis philofopho, voluiffet, aut ille fufcepiffet hoc officium; fi non ftudiorum initia à perfectiffimo quoque tractari, pertinere ad fummam credidiffet? On le voit : ce n'eft pas aux plus malhabiles, que Quintilien abandonne le foin de montrer les premiers éléments, initia; il juge que l'homme le plus parfait n'est pas de trop pour cette première culture, à perfectiffimo quoque tractari ; & il en conclut qu'il ne doit pas avoir honte d'expofer, au commencement de fon ouvrage, fes vûes fur la manière d'enseigner ces choses: Pudeatne me in ipfis ftatim elementis etiam brevia dicendi monftrare compendia? (Inftit. I. j.)

Me voilà donc encore bien plus autorifé que Quin tilien même, à propofer ici mes vues fur la même ma. tière: elles deviennent une partie effencielle d'un ouvrage, qui, ayant pour objet toute la science du Langage prononcé ou écrit, ne peut & ne doit en négli ger aucune partie; j'y fuis d'ailleurs encouragé par plus d'un exemple dont Quintilien ne pouvoit s'étayer, & le fien même eft le principal de tous.

Quelques-uns de nos Abécés les mieux faits font de gros in-douze. Ce font des livres trop volumineux pour des enfants, qui aiment à changer fouvent, & qui croient avancer d'autant; fi c'eft une illufion, il eft bon de la leur laiffer, parce qu'elle fert à les encourager. Ajoutez à cette première obfervation, que des livres fi confidérables font par là-même, & abftraction faite de ce qu'ils renferment, beaucoup trop chers pour leur deftination; la partie la moins aitée des citoyens eft la plus nombreuse, & les enfants ont le temps de déchirer plufieurs fois des livres un peu gros avant d'arriver à la fin,

Un Abécé doit donc être d'un volume très-mince, tant pour n'être pas fi long temps néceffaire aux enfants, dont il faut ménager & non émouler le goût, que pour être d'une acquifition plus convenable aux facultés de tous les ordres de citoyens. Il s'en faut beaucoup qu'ils puiffent tous fournir, à leurs enfants ces fecours ingénieux mais difpendieux, que l'art

& dont leur petite expérience les rend déja juges coma pétents: mais que cette matière même doit être encore rapprochée d'eux par la manière dont on la leur préfente; que le ftyle doit en être concis & clair, les phrases fimples & peu recherchées, les périodes courtes & peu compliquées, en un mot le tout affu

a inventés pour faciliter ou accélérer la Lecture, comme des fiches, des cartes, une boite typographique, &c: mais il y en a peu qui ne puiffent faire l'acquifition d'un petit livre élémentaire; & s'il eft aflez bien fait pour être utile aux pauvres citoyens, les riches mêmes feront peut-être bien de ne le pas dédaigner. Il n'eft pas bien sûr que le méchanisme de l'enseigne-jetti aux foibles lumières des jeunes élèves. Si l'on ment par le bureau typographique, n'accoutume pas les jeunes efprits à une efpèce de marche artificielle, qu'il n'eft ni poffible ni avantageux de leur faire fuivre par tout; il y a même quelques expériences qui rendent cette remarque plus que conjecturale.

A quoi faut-il donc réduire un Abécé, pour le rendre auffi fimple & auffi utile qu'il eft poffible? A l'expofition jufte & méthodique de tous les éléments des mots, & à quelques effais préparés de Lecture. La première partie eft ce qu'on nomme communément fyllabaire; voyez cet article : c'est donc la feconde qui va fixer ici l'attention.

ou

Quelle matière offrira-t-on aux premiers effais de l'Enfance? Il me femble que jufqu'ici on n'a guère apporté d'attention au choix qu'on en a fait qu'on l'a fait avec bien peu de difcernement. Dans quelques Abécés, c'est l'Oraifon dominicale, la Salutation angélique, le Symbole des apôtres, la Confef fion, les Commandements de Dieu & de l'Eglife, & quelquefois les Pfeaumes de la pénitence; chofes excellentes en foi, mais déplacées ici: 1. parce qu'elles ne font pas de nature à fixer agréablement l'attention des enfants, dont la curiofité n'y trouve aucune idée nouvelle nettement dèveloppée & tenant à leur expérience: 2°. parce qu'on a foin, dans les familles chrétiennes, d'apprendre de bonne heure aux enfants les mêmes chofes qu'on leur met ici fous les yeux ; ce qui les expofe à rendre très-bien l'enchaînement des fyllabes & la fuite des mots, fans être plus intelligents dans l'art de lire.

donne au ftyle le tour dramatique, en faisant parler chacun des acteurs felon fon caractère, fa paffion dominante, la diverfité des fituations, &c; l'imagination vive des enfants croira voir & entendre tous les perfonnages, fe les repréfentera comme des concitoyens & des gens de connoiffance, s'affectionnera à leurs intérêts, animera la curiofité, fixera la mémoire, & préparera l'ame aux impreflions de la

vertu.

L'hiftoire de JOSEPH, la plus intéreffante & la plus inftructive de toutes pour les enfants, la plus favorable au développement des premiers germes de vertu qui font dans leurs cœurs, & la plus propre à mettre dans leurs ames l'idée heureute & la conviction utile des attentions perpétuelles de la Providence fur les hommes, me femble mériter, par tous ces titres, de paroître la première fous les yeux de l'Enfance.

Je voudrois qu'elle fût partagée en plusieurs articles, & que chaque phrafe fût en alinéa: Ces alinéas pris un à un, deux à deux, &c. felon la capacité de chaque enfant, fixeroient naturellement les premiè res tâches; chaque article feroit l'objet d'une répétition totale. Après avoir fait lire à l'enfant un ou deux verfets, on les lui feroit relire affez pour les redire par cœur ce moyen, en mettant de bonne heure en exercice fa mémoire & l'art de s'en fervir, lui pro cureroit plus promptement l'habitude de lire, par la répétition fréquente de l'acte même. En allant ainfi de tâche en tâche, on ne manqueroit pas de lui faire reprendre la lecture de tout l'article quand on feroit à la fin, & de le lui faire répéter en entier par cœur avant d'entamer le fuivant. Quand on feroit parvenu à la fin de toute l'histoire, il feroit bon de la reprendre, en faisant alors de chaque article une feule leçon, & enfin de tous les articles une seule répétition ou du moins deux répétitions partielles, qui deviendroient enfuite la matière d'une répétition totale, tant pour la lecture que pour la récitation.

D'autres Abecés ne renferment que des chofes inutiles, déplacées, ou au deffus de la portée des enfants. J'ai vu dans l'un les déclinaifons chimériques de nos noms qui ne fe déclinent pas, nos conjugaifons affez mal digérées, un fommaire de l'hiftoire fainte, un autre fommaire de la Morale chrétienne; outre cela, de la Morale en vers, des fables de Richer, de la Motte, de la Fontaine, des madrigaux, des fonnets, des épigrammes, des hiftoriettes ; & le tout eft suivi des vepres & complies du Dimanche, en latin : voilà une collection bien entendue & bienfants de Jacob contre leur frère Jofeph; ils le venutile!

J'ai vu dans un autre les fables d'Éfope, réduites chacune à quatre vers françois, quelquefois difficiles à concevoir pour les lecteurs les plus raifonnables; tandis qu'on a bien de la peine à proportionner la profe la plus fimple à la foible intelligence des enfants.

Il eft conftant qu'ils s'occuperont d'autant plus volontiers de leur Lecture, qu'ils la trouveront plus à la portée de leur efprit & qu'ils auront plus de facilité à l'entendre; que rien n'eft moins éloigné de leur intelligence que les faits hiftoriques, parce que ce font des tableaux où ils fe retrouvent eux-mêmes,

Qu'il me foit permis d'analyfer ici cette hiftoire. telle que je pense qu'il la faudroit. I. Haîne des en

dent à des marchands qui vont en Egypte, & fons croire à leur père qu'une bête l'a devoré. II. Jofeph chez Putiphar, puis en prifon; il est établi fur tous les autres prifonniers. III. Ses prédictions au grand échanfon & au grand pannetier du roi, prifonniers avec lui. IV. Il explique les fonges du roi. V. Années d'abondance & de fterilité; premier voyage des enfants de Jacob en Egypte. VI. Second voyage. Vil. Jofeph reconnu par fes frères. Établissement de la famille de Jacob en Egypte.

J'ai vu employé dans quelques Abécés un expédient qu'il feroit très-utile d'employer ici: il confifteroit

à

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On commence à faire lire l'enfant au verso ; cela eft aifé pour lui, il y retrouve dans un autre ordre les fyllabes qu'il a vues dans les tables du Syllabaire : : on l'avertit qu'il faut lire de fuite celles qui font attachées par un tiret. Il est bientôt au fait; & l'on peut, après deux effais, lui cacher le verfo & lui faire répéter la même lecture au recto. Mais quand il fortira de l'Hiftoire de Jofeph, il eft bon qu'il trouve à la fuite quelque autre chofe, qui foit feulement fous la forme ordinaire, afin qu'il s'accoutume à lire fans le fecours de la décompofition des mots par fyllabes. Cependant il faut que cette addition tourne encore au profit du jeune lecteur.

Je choifirois, en premier lieu, des Réflexions fur l'hiftoire de Jofeph, afin de hâter les fruits que peuvent en retirer les jeunes élèves: il faudroit y remarquer combien la probité eft avantageufe, même pour réuffir dans le monde; quel cas on fait de l'homme de bien, à en juger par les fentiments mémes que nous infpire pour Jofeph la lecture de fon hiftoire; que la fuite des évènements dont elle eft compofée, n'eft pas un enchainement fortuït d'aventures produites par le hafard; que le doigt de Dieu y eft vifiblement marqué par l'accompliffement des prédictions de Jofeph, qui ne pouvoit, que par l'efprit de Dieu, prévoir l'avenir avec tant de précision; que les attentions de la Providence fur chacun de nous ne font pas moins réelles aujourd'hui, quoiqu'elles ne fe manifeftent pas par des prodiges auffi éclatants; qu'il y auroit très-peu d'hommes, qui, en obfervant bien les divers évènements de leur vie, les diverfes fituations où ils fe trouvent, les différents fuccès de leurs entreprifes avec leurs fuites, ne fuffent obligés de reconnoitre l'opération de Dieu même dans une infinité de circonftances; que tôt ou tard Dieu punit le crime & récompense la vertu ; mais l'exemple de Jofeph eft une belle preuve, que les afflictions ne sont fouvent qu'une épreuve pour purifier la vertu, ou même un moyen pour lui procurer fa récompenfe; qu'enfin l'efprit du Chriftianifme eft que nous nous foumettions avec réfignation à tous les maux que nous avons à fouffrir dans ce monde, que nous allions même jusqu'à aimer les fouffrances, parce qu'elles nous affimilent à J. C. notre modèle; que la fageffe éternelle femble avoir particulièrement voulu nous inculquer cette leçon par l'exemple de Joseph, qui eft la copie la plus GRAMM. ET LITTERAT. Tome I.

que

parfaite de J. C. à tous égards. On développeroit cette dernière réflexion par l'expofition parallèle. des rapports qui fe trouvent entre cette copie & fon divin modèle, comme l'a faite M. Rollin dans fon Traité des Etudes (liv. V Part. II chap. 2). Cette expofition doit être mife fur deux colones parallèles, afin de rendre les rapports plus fenfibles; les noms de Jofeph & de Jésus doivent être répétés à chaque article, afin d'éviter toute obfcurité par des dénominations précises; l'une des' colonnes doit être en caractère romain & l'autre en italique, afin que les enfants s'accoutument à l'un &

à l'autre.

Ce que j'ai exigé pour l'hiftoire, par rapport à la fimplicité du ftyle, à la brièveté des périodes, à la fréquence des alinéas, à la méthode de les étudier; je le crois encore néceffaire ici, & dans ce qui refte à ajouter pour completter ce livret élémentaire. J'intitulerois ce dernier morceau, Remarques pour perfectionner la Lecture. Il comprendroit 1. ce qui regarde la Ponctuation; non pour enfeigner aux enfants l'art de ponctuer, qui ne peut encore être à leur portée; mais pour leur apprendre la proportion des pauses indiquées par ces différents caractères, & les changements de ton qu'exigent les changements de points & la parenthèse: 2°. ce que marquent les guillemets & les changements de caractères dans la fuite d'un difcours & l'influence que ces chofes doivent avoir fur le ton. Quand les enfants auroient appris ceci comme ce qui a précédé, on leur feroit relire tout ce qu'ils auroient déja lu, en y faisant avec foin l'application de ces remarques. Je crois qu'on ne pense pas affez, dans les écoles, à infpirer, aux jeunes lecteurs, ce ton d'intelligence fans lequel il n'y a point de véritable Lecture.

On rencontre fouvent, dans les livres, des chiffres arabes & des chiffres romains; la plénitude de l'art de lire exige donc qu'on connoiffe la valeur & les ufages de ces chiffres. Il me femble qu'on peut donner aux enfants les principes de cette numération, en leur expliquant de vive voix des tables préparées à cette fin,qui termineroient l'Abécé.

Pour les chiffres arabes, on auroit fur une ligne les dix chiffres:

O. I. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. zéro. un. deux. trois. quatre. cinq. fix. fept. huit. neuf. Sur une feconde ligne, on auroit de même les dixaines avec leurs noms :

10. 20.30. 40. 50. 60. 70. dix. vingt. trente. quarante. cinquante. foixante. foixante-dix 80. 90. quatre-vingt. quatre-vingt-dix. Sur une troisième ligne, les centaines avec leurs

noms :

100.200. 300. 400. 500. 600. cent, deux-cens, trois-cens. quatre-cens. cinq-cens, fix-ceus. 700. 802. 900. Sept-cens, huit-cens. neuf-cens. B

Viendroit enfuite une table qui contiendroit par ordre toutes les combinaifons de deux chiffres: 11, 12, 13, &c. 21, 22, 23, &c. 31, 32, 33 &c. Enfuite une table où les chiffres feroient combinés par trois, un zéro entre deux: 101, 102, 103 &c. 201, 202 203, &c. 301, 302, 303, &c. une autre table pareille où le zéro feroit à droite: 110, 120 130, &c. 210, 220, 230, &c. 310, 320, 330, &c. Enfin une table de plufieurs nombres compofés de trois chiffres pofitifs: 111, 127, 131, &c. 212, 229, 234, &c. 316, 321, 338, &c.

Pour les nombres exprimés par plus de trois chiffres, il faut préparer une table où les chiffres feront partagés de trois en trois; ne pas mettre plus de neuf chiffres aux nombres les plus grands parce que les livres ordinaires n'en préfentent point qui pallent les centaines de millions; mettre dans Cette table quelques nombres en quatre chiffres, d'autres en cinq, d'autres en fix, fept, huit, ou neuf; avoir soin dans chaque efpèce d'avoir des exemples entièrement en chiffres pofitifs, & d'autres mélés de zéros, tantôt à la droite, tantôt à la gauche, & tantôt au milieu des ternaires; placer au haut le nom propre à chaque ternaire ; & lailler aux maîtres l'explication détaillée de ce méchaaifme de la numération fur la table même. Exemple:

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ABÉCÉDAIRE, adj. dérivé du nom des quatre premières lettres de l'alphabet, A, B, C, D. II fe dit des ouvrages & des perfonnes. M. Dumas inventeur du bureau typographique a fait des livres abécédaires fort utiles c'est à dire, des livres qui traitent des lettres par rapport à la Lecture, & qui apprennent à lire avec facilité & correctement.

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Abécédaire eft différent d'Alphabétique. Abécédaire a rapport au fond de la chofe au lieu qu' Alphabétique le dit par rapport à l'ordre. Les dictionnaires font difpofés felon l'ordre alphabétique, & ne font pas pour cela des ouvrages abécédaires.

Il y a en hébreu des pleaumes, des lamentations, & des cantiques, dont les verfets font diftribués par ordre alphabétique; mais je ne crois pas qu'on doive pour cela les appeler des ouvrages abécédaires.

Abécédaire le dit auffi d'une personne qui n'est encore qu'à l'abécé. C'est un docteur abécédaire, c'est-à-dire, qui commence, qui n'eft pas encore bien favant. On appelle auffi abécédaires les perfonnes qui montrent à lire. Ce mot n'est pas fort ufité (M. DU MARSAIS. )

(N.) ABEILLES. (Mythologie.)

On peut, au premier coup d'œil, être furpris de trouver cet article dans un dictionnaire de Littérature; mais on va voir qu'il appartient à l'hiftoire de la poéfie ancienne, comme à l'histoire naturelle.

L'Abeille n'eft pour nous qu'une mouche induc trieufe à qui nous devons une production de com→ merce, & un aliment dont on ne fait plus guère ufage. Chez les grecs c'étoit un animal précieux & facré, à qui les hommes devoient en grande partie leur civilitation & l'adouciffement de leurs mœurs.

Les Mytologues nous apprennent que la nymphe Méliffa, ayant découvert des rayons de miel & appris aux hommes l'ufage de cet aliment délicieux, abolit parmi eux les maffacres & l'ufage horrible de manger les cadavres.

Les Abeilles furent appelées en grec Mélissaï du nom de cette nymphe, qui, étant devenue depuis prétreffe de Cérès, donna auffi fon nom à toutes les prétreffes, non feulement de Cérès, mais même des autres divinités. (Voyez le Pindare de Schmid Pithyq. IV. note G. 10.) Il eft aifé de reconnoitre dans ces traditions fabuleuses la trace de cet efprit allégorique, qui, chez les anciens peuples & chez les grecs fur tout, défiguroit & embellifoit à la fois les premiers faits de l'hiftoire du genre humain.

Si l'on obferve fans prévention l'état des différents peuples fauvages, que l'histoire & les voyages nous ont fait connoître, on verra que leur caractère géné ral & leurs mœurs tiennent essentiellement à la facin

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