Que de fois j'ai grossi ce ruisseau de mes larmes! Et que de si tendres amours, , Mais rien ne peut égaler dans ce genre le charme de cet épilogue de la fable des deux Pigeons par la Fontaine, morceau que tout homme de goût fait par cœur; mais que personne ne nous reprochera de transcrire encore dans cet article. Amants, heureux amants, voulez vous voyager? Soyez-vous l'un à l'autre un monde toujours beau, Je servis engagé par mes premiers ferments. Ai-je paffe le tems d'aimer? Les lois & la justice maintiennent les renonciations des particuliers: mais celles des princes n'ont lieu qu'autant que leur fituation & leurs intérêts les empéchent d'en appeler à la force des armes. L'a mour du repos n'est pas toujours le motif des démissions; le mécontentement ou le soin de sa famille en est souvent la cause. Certains plaideurs de profession ne se mêlent des procès & n'y interviennent que pour faire acheter leur désistement. Il ne faut abandonner que ce que l'on ne fauroit retenir; abdiquer, que lorsque l'on n'est plus en état de gouverner; renoncer, que pour avoir quelque chose de meilleur; se demettre, que quand il n'eft plus permis de remplir ses devoirs honneur; & se desister, que lorsque ses poursuites sont injustes, ou inutiles, ou plus fatigantes qu'avan tageuses. (L'abbé GIRARD). avec (N.) ABANDONNER. DÉLAISSER. Syn. Abandonner se dit des choses & des personnes. Délaisser ne se dit que des personnes. Nous abandonnons les choses dont nous n'avons pas besoin. Nous délaissons les malheureux à qui nous ne donnons aucun secours. On se sert plus communément du mot d'Abandonner que de celui de Délaisffer. Le premier eft également bien employé à l'actif & au passif. Le dernier a meilleure grâce au participe qu'à ses autres modes; & il a par lui seul une énergie d'universalité, qu'on ne donne au premier qu'en y joignant quelque terme qui la marque précisément. Ainsi, l'on dit, C'est un pauvre délaissé, il est généralement abandonné de tout le monde. On est abandonné de ceux qui doivent être dans nos intérêts. On est délaisssé de tous ceux qui peuvent nous secourir. Souvent nos parents nous abandonnent plus tôt que nos amis. Dieu permet quelquefois que les hommes nous délaissent, pour nous obliger à avoir recours à lui. dérables, & suppose de plus un abandon volontaire; | pour annoncer un genre d'ouvrage, qui, à leurs au lieu que Se démettre peut être forcé, & peut s'appliquer aux petites places comme aux grandes. (M. D'ALEMBERT.) Christine, reine de Suède, abdiqua la couronne. Edouard II, roi d'Angleterre, fut forcé de se démettre de la royauté. Philippe V, roi d'Espagne, s'en démit volontairement en faveur du prince Louis, fon fils. Tel se déshonore en se faisant donner ordre de se démettre d'une charge, qui pouvoit se faire honneur d'une démission spontanée. (М. BEAUZÉE). (N.) ABÉCÉ, f. m. C'est ainsi qu'on prononce, quoiqu'on écrive ordinairement ABC. Mais puisqu'on a fait un nom unique des noms réunis des trois premières lettres de l'alphabet, ne vaut-il pas mieux écrire ce nom avec les voyelles qu'on y prononce, & comme yeux, ne mérite peut-être pas même d'être remarqué. J'avoue que la Lecture est la moindre des parties nécessaires à une éducation: mais ce n'est pas la moins nécessaire; & l'on peut même dire qu'elle est fondamentale, puisque c'est la clef de toutes les autres sciences & la première introduction à la Grammaire, quæ nifi oratori futuro fundamenta fideliter jecerit, quidquid fuperftruxeris corruet: c'est Quintilien qui en parle ainsi (Inftit. I. jv.) Lui-même, dès le premier chapitre de son excellent ouvrage, s'est occupé dans un affez grand détail de ce qui choque ici une fausse délicatesse, à laquelle je ne veux opposer que les propres paroles de ce sage rhéteur; dès son temps il avoit à prèvenir de pareilles objections. Quod fi nemo reprehendit patrem qui hæc non negligenda in fuo filio putat ; cur improbetur, fi quis ea quæ domi Jucæ rectè faceret on les écrit en effet quand on veut peindre le nom de ❘ in publicum promit? .... An Philippus, macedo. chacune de ces lettres? B se prononce bé, C s'appelle cé. D'ailleurs il est reçu d'écrire avec ces mêmes voyelles le mot Abécédaire; & l'analogie seroit blessée, si l'on écrivoit le dérivé d'une autre manière que le primitif Abécé. Du reste on doit faire de ce mot un nom déclinable comme tous les autres, pour ne pas charger notre langue d'exceptions inutiles & absurdes; un Abécé, des Abécés, un marchand d'Abécés: quel avantage trouveroit-on à écrire, sans la marque du plurier, des Abécé? Quoi qu'il en soit, un Abécé est un livret qui renferme les premiers éléments de la lecture, en quelque langue que ce soit. On emploie figurément le même terme pour désigner le commencement d'une science, d'un art, d'une affaire un peu longue ou compliquée. Ce n'est là, dira-t-on, que l'Abécé des Mathématiques, de la Théologie, de la Musique, de l'Horlogerie : loin d'avoir terminé fon affaire, il n'en est encore qu à l Abécé. De là viennent les expressions proverbiales & figurées, Renvoyer quelqu'un à l'Abécé, pour dire, Le traiter d'ignorant; & Remettre quelqu'un à l'Abécé, pour dire, L'obliger à recommencer tout de nouveau. Revenons au sens propre, qui eft notre objet principal. Les Abécés ne sont point rares, les bons ne font pas communs, & les meilleurs ne sont pas fans défauts. C'est que tout livre préparé pour l'inftruction, & fur tout pour celle des enfants, doit être conçu & rédigé par la Philofophie: non par cette Philosophie sourcilleuse, qui méprise tout ce qui n'est pas furprenant, extraordinaire, fublime, & qui ne croit dignes de ses regards que les objets éloignés d'elle & placés peut-être hors de la sphère de sa vûe; mais par cette Philofophie modeste & rare, qui s'occupe fnplement des chofes dont la connoissance est nécessare qui les examine avec discrétion, qui les discute avec profondeur, qui s'y attache par eftime, & qui les eftime à proportion de l'utilité dont elles peuvent être. Voilà, diront quelques-uns, un ton bien èlevé, num rex, Alexandro, filio fuo, prima litterarum elementa tradi ab Aristotele, fummo ejus ætatis philofopho, voluiffet, aut ille fufcepiffet hoc officium; fi non ftudiorum initia à perfečtissimo quoque tractari, pertinere ad fummam credidiffet? On le voit: ce n'est pas aux plus malhabiles, que Quintilien abandonne le soin de montrer les premiers éléments, initia; il juge que l'homme le plus parfait n'est pas de trop pour cette première culture, à perfectiffimo quoque tractari ; & il en conclut qu'il ne doit pas avoir honte d'exposer, au commencement de fon ouvrage, ses vûes sur la manière d'enseigner ces choses: Pudeatne me in ipfis ftatim elementis etiam brevia dicendi monftrare compendia? (Inftit. I. j.) Me voilà donc encore bien plus autorisé que Quin tilien même, à proposer ici mes vûes sur la même matière: elles deviennent une partie essencielle d'un ouvrage, qui, ayant pour objet toute la science du Langage prononcé ou écrit, ne peut & ne doit en négliger aucune partie; j'y suis d'ailleurs encouragé par plus d'un exemple dont Quintilien ne pouvoit s'étayer, & le sien même est le principal de tous. , Quelques-uns de nos Abécés les mieux faits font de gros in-douze. Ce sont des livres trop volumineux pour des enfants, qui aiment à changer souvent, & qui croient avancer d'autant; fi c'est une illufion, il est bon de la leur laisser, parce qu'elle sert à les encourager. Ajoutez à cette première observation que des livres si considérables sont par là-même, & abstraction faite de ce qu'ils renferment, beaucoup trop chers pour leur destination; la partie la moins aitée des citoyens est la plus nombreuse, & les enfants ont le temps de déchirer plusieurs fois des livres un peu gros avant d'arriver à la fin. Un Abécé doit donc être d'un volume très-mince, tant pour n'être pas fi long temps nécessaire aux enfants, dont il faut ménager & non émouiler le goût, que pour être d'une acquifition plus convenable aux facultés de tous les ordres de citoyens. Il s'en faut beaucoup qu'ils puissent tous fournir, à leurs enfants, ces secours ingénieux mais dispendieux, que l'art : : a inventés pour faciliter ou accélérer la Lecture, comme des fiches, des cartes, une boîte typographique, &c: mais il y en a peu qui ne puissent faire l'acquifition d'un petit livre élémentaire; & s'il est assez bien fait pour être utile aux pauvres citoyens, les riches mêmes feront peut-être bien de ne le pas dédaigner. Il n'est pas bien sûr que le méchanisme de l'enseignement par le bureau typographique, n'accoutume pas les jeunes esprits à une espèce de marche artificielle, qu'il n'est ni possible ni avantageux de leur faire fuivre par tout; il y a même quelques expériences qui rendent cette remarque plus que conjecturale. A quoi faut-il donc réduire un Abécé, pour le rendre aussi simple & auffi utile qu'il est possible? A l'expofition juste & méthodique de tous les éléments des mots, & à quelques essais préparés de Lecture. La première partie est ce qu'on nomme communément fyllabaire; voyez cet article : c'est donc la seconde qui va fixer ici l'attention. Quelle matière offrira-t-on aux premiers essais de l'Enfance? Il me semble que jusqu'ici on n'a guère apporté d'attention au choix qu'on en a fait, ou qu'on l'a fait avec bien peu de difcernement. Dans quelques Abécés, c'est l'Oraison dominicale, la Salutation angélique, le Symbole des apôtres, la Confef. fion, les Commandements de Dieu & de l'Église, & quelquefois les Pfeaumes de la pénitence; choses excellentes en soi, mais déplacées ici: 1°. parce qu'elles ne font pas de nature à fixer agréablement l'attention des enfants, dont la curiofité n'y trouve aucune idée nouvelle nettement dèveloppée & tenant à leur expérience : 2°. parce qu'on a soin, dans les familles chrétiennes, d'apprendre de bonne heure aux enfants les mêmes choses qu'on leur met ici sous les yeux; ce qui les expose à rendre très-bien l'enchaînement des syllabes & la suite des mots, sans être plus intelligents dans l'art de lire. D'autres Abecés ne renferment que des choses inutiles, déplacées, ou au dessus de la portée des enfants. J'ai vu dans l'un les déclinaisons chimériques de nos noms qui ne se déclinent pas, nos conjugaisons affez mal digérées, un sommaire de l'histoire sainte, un autre sommaire de la Morale chrétienne; outre cela, de la Morale en vers, des fables de Richer, de la Motte, de la Fontaine, des madrigaux, des sonnets, des épigrammes, des hiftoriettes; & le tout est suivi des vepres & complies du Dimanche, en latin : voilà une collection bien entendue & bien utile! J'ai vu dans un autre les fables d'Ésope, réduites chacune à quatre vers françois, quelquefois difficiles à concevoir pour les lecteurs les plus raisonnables; tandis qu'on a bien de la peine à proportionner la profe la plus fimple à la foible intelligence des enfants. & dont leur petite expérience les rend déja juges coma pétents: mais que cette matière même doit être encore rapprochée d'eux par la manière dont on la leur présente; que le style doit en être concis & clair, les phrases simples & peu recherchées, les périodes courtes & peu compliquées, en un mot le tout assujetti aux foibles lumières des jeunes élèves. Si l'on donne au style le tour dramatique, en faisant parler chacun des acteurs selon son caractère, sa paffion dominante, la diversité des situations, &c; l'imagination vive des enfants croira voir & entendre tous les personnages, se les représentera comme des concitoyens & des gens de connoissance, s'affectionnera à leurs intérêts, animera la curiofité, fixera la mémoire, & préparera l'ame aux impressions de la vertu. L'histoire de JOSEPH, la plus intéressante & la plus instructive de toutes pour les enfants, la plus favorable au développement des premiers germes de vertu qui sont dans leurs cœurs, & la plus propre à mettre dans leurs ames l'idée heureute & la conviction utile des attentions perpétuelles de la Providence sur les hommes, me semble mériter, par tous ces titres, de paroître la première sous les yeux de l'Enfance. Je voudrois qu'elle fût partagée en plusieurs articles, & que chaque phrase fût en alinéa: Ces alinéas pris un à un, deux à deux, &c. felon la capacité de chaque enfant, fixeroient naturellement les premières tâches; chaque article feroit l'objet d'une répéti-. tion totale. Après avoir fait lire à l'enfant un ou deux versets, on les lui feroit relire assez pour les redire par cœur: ce moyen, en mettant de bonne heure en exercice sa mémoire & l'art de s'en servir, lui pros cureroit plus promptement l'habitude de lire, par la répétition fréquente de l'acte même. En allant ainsi de tâche en tâche, on ne manqueroit pas de lui faire reprendre la lecture de tout l'article quand on seroit à la fin, & de le lui faire répéter en entier par cœur avant d'entamer le suivant. Quand on seroit parvenu à la fin de toute l'histoire, il seroit bon de la reprendre, en faisant alors de chaque article une seule leçon, & enfin de tous les articles une seule répétition ou du moins deux répétitions partielles, qui deviendroient ensuite la matière d'une répétition totale, tant pour la lecture que pour la récitation. Qu'il me foit permis d'analyser ici cette histoire, telle que je pense qu'il la faudroit. I. Haîne des enfants de Jacob contre leur frère Jofeph; ils le vendent à des marchands qui vont en Egypte, & font croire à leur père qu'une béte l'a devoré. II. Jofeph chez Putiphar, puis en prison; il est établi fur tous les autres prifonniers. III. Ses prédictions au grand échanfon & au grand pannetier du roi, prifonniers avec lui. IV. Il explique les fonges du roi. V. Années d'abondance & de stérilité; premier voyage des enfants de Jacob en Egypte. VI. Second voyage. VII. Jofeph reconnu par ses frères. Etablissement de la famille de Jacob en Egypte. Il est conftant qu'ils s'occuperont d'autant plus volontiers de leur Lecture, qu'ils la trouveront plus à la portée de leur esprit & qu'ils auront plus de facilité à l'entendre; que rien n'est moins éloigné de leur intelligence que les faits historiques, parce que J'ai vu employé dans quelques Abécés un expédient ce font des tableaux où ils se retrouvent eux-mêmes, I qu'il seroit très-utile d'employer ici: il confifteroit à On commence à faire lire l'enfant au verso; cela est aisé pour lui, il y retrouve dans un autre ordre les fyllabes qu'il a vues dans les tables du Syllabaire: on l'avertit qu'il faut lire de suite celles qui sont attachées par un tiret. Il est bientôt au fait; & l'on peut, après deux essais, lui cacher le verso & lui faire répéter la même lecture au recão. Mais quand il sortira de l'Histoire de Jofeph, il est bon qu'il trouve à la suite quelque autre chose, qui soit seulement sous la forme ordinaire, afin qu'il s'accoutume à lire sans le secours de la décomposition des mots par syllabes. Cependant il faut que cette addition tourne encore au profit du jeune lecteur. Je choisirois, en premier lieu, des Réflexions fur l'histoire de Jofeph, afin de håter les fruits que peuvent en retirer les jeunes élèves: il faudroit y remarquer combien la probité est avantageuse, même pour réussir dans le monde; quel cas on fait de l'homme de bien, à en juger par les sentiments mémes que nous inspire pour Joseph la lecture de ton histoire; que la suite des évènements dont elle est composée, n'est pas un enchainement fortuit d'aventures produites par le hasard; que le doigt de Dieu y est visiblement marqué par l'accomplissement des prédictions de Joseph, qui ne pouvoit, que par l'esprit de Dieu, prévoir l'avenir avec tant de précision; que les attentions de la Providence sur chacun de nous ne font pas moins réelles aujourd'hui, quoiqu'elles ne se manifestent pas par des prodiges aussi éclatants; qu'il y auroit très-peu d'hommes, qui, en observant bien les divers évènements de leur vie, les diverses situations où ils se trouvent, les différents succès de leurs entreprises avec leurs suites, ne fussent obligés de reconnoître l'opération de Dieu même dans une infinité de circonstances; que tôt ou tard Dieu punit le crime & récompense la vertu; mais que l'exemple de Joseph est une belle preuve, que les afflictions ne sont souvent qu'une épreuve pour purifier la vertu, ou même un moyen pour lui procurer sa récompense; qu'enfin l'esprit du Christianisme est que nous nous soumettions avec résignation à tous les maux que nous avons à souffrir dans ce monde, que nous allions même jusqu'à aimer les souffrances, parce qu'elles nous affimilent à J. C. notre modèle; que la sagesse éternelle semble avoir particulièrement voulu nous inculquer cette leçon par l'exemple de Joseph, qui est la copie la plus GRAMM. ET LITTÉRAT. Tome I. parfaite de J. C. à tous égards. On developperoit cette dernière réflexion par l'exposition parallèle, des rapports qui se trouvent entre cette copie & son divin modèle, comme l'a faite M. Rollin dans son Traité des Etudes (liv. V Part. II chap. 2). Cette exposition doit être mise sur deux colones parallèles, afin de rendre les rapports plus sensibles; les noms de Jofeph & de Jésus doivent être répétés à chaque article, afin d'éviter toute obscurité par des dénominations précises; l'une des colonnes doit être en caractère romain & l'autre en italique, afin que les enfants s'accoutument à l'un & à l'autre. Ce que j'ai exigé pour l'histoire, par rapport à la simplicité du style, à la brièveté des périodes, à la fréquence des alinéas, à la méthode de les étudier; je le crois encore nécessaire ici, & dans ce qui reste à ajouter pour completter comp ce livret élémentaire. J'intitulerois ce dernier morceau, Remarques pour perfectionner la Lecture. Il comprendroit 1o. ce qui regarde la Ponctuation; non pour enseigner aux enfants l'art de ponctuer, qui ne peut encore être à leur portée; mais pour leur apprendre la proportion des pauses indiquées par ces différents caractères, & les changements de ton qu'exigent les changements de points & la parenthèse: 2°. ce que marquent les guillemets & les changements de caractères dans la suite d'un discours, & l'influence que ces choses doivent avoir sur le ton. Quand les enfants auroient appris ceci comme ce qui a précédé, on leur feroit relire tout ce qu'ils auroient déja lu, en y faisant avec soin l'application de ces remarques. Je crois qu'on ne pense pas assez, dans les écoles, à inf pirer , aux jeunes lecteurs, ce ton d'intelligence sans lequel il n'y a point de véritable Lecture. On rencontre souvent, dans les livres, des chiffres arabes & des chiffres romains; la plénitude de l'art de lire exige donc qu'on connoisse la valeur & les usages de ces chiffres. Il me semble qu'on peut donner aux enfants les principes de cette numération, en leur expliquant de vive voix des tables préparées à cette fin, qui termineroient l'Abécé. Pour les chiffres arabes, on auroit sur une ligne les dix chiffres: Ο. Ι. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. zéro. un. deux. trois. quatre. cinq. fix. sept. huit. neuf. Sur une seconde ligne, on auroit de même les dixaines avec leurs noms : Viendroit ensuite une table qui contiendroit par ordre toutes les combinaisons de deux chiffres : 11, 12, 13, &c. 21, 22, 23, &c. 31, 32, 33 &c. Enfuite une table où les chiffres seroient combinés par trois, un zéro entre deux: 101, 102, 103 &c. 201, 202 203, &c. 301, 302, 303, &c. une autre table pareille où le zéro seroit à droite: 110, 120 130, &c. 210, 220, 230, &c. 310, 320, 330, &c. Enfin une table de plusieurs nombres composés de trois chiffres positifs : 111, 127, 131, &c. 212, 229, 234, &c. 316, 321, 338, &c. Pour les nombres exprimés par plus de trois chiffres, il faut préparer une table où les chiffres feront partagés de trois en trois; ne pas mettre plus de neuf chiffres aux nombres les plus grands, parce que les livres ordinaires n'en présentent point qui passent les centaines de millions; mettre dans cette table quelques nombres en quatre chiffres, d'autres en cinq, d'autres en fix, sept, huit, ou neuf; avoir soin dans chaque espèce d'avoir des exemples entièrement en chiffres positifs, & d'autres mélés de zéros éros, tantôt à la droite, tantôt à la gauche, & tantôt au milieu des ternaires; placer au haut le nom propre à chaque ternaire; & lailler aux maîtres l'explication détaillée de ce méchaisme de la numération sur la table même. Exemple: Quant à la numération en chiffres romains, il faut un tableau, qui sur une première colonne verticale contienne les lettres numérales I, V, X, L, C, D, M; fur une seconde colonne verticale & parallèle, les valeurs de ces lettres numérales en chiffres romains, 1, 5, 10, 50, 100, 500, 1000; & sur une troisième, les noms de ces nombres en toutes lettres. A la suite de ce tableau une remarque, qu'il faut diminuer sur la valeur d'un grand chiffre celle d'un plus petit qui le précède à gauche; exemples: IV, cinq mois un, 4; IX, dix moins un, 9; XL, cinquante moins dix, 40; XC, cent moins dix, 90. On peut ensuite proposer cinq ou fix exemples de plusieurs lettres réunies dont quelques-uns auront la même lettre répétée plusieurs fois de suite. Finissons cet article par une réflexion: c'est qu'un Abécé bien conçu & bien exécuté dans son détail, est un ouvrage d'autant plus digne d'un citoyen xraiment philosophe, que le Public même qu'il serviroit lui en tiendroit moins de compte; parce qu'en effet ce petit ouvrage plus habet operis quam oftentationis. (Quintil. Inftit. I. jv.) (M. BEAUZÉE.) ABÉCÉDAIRE, adj. dérivé du nom des quatre premières lettres de l'alphabet, A, B, C, D. II se dit des ouvrages & des personnes. M. Dumas inventeur du bureau typographique, a fait des livres abécédaires fort utiles, c'est à dire, des livres qui traitent des lettres par rapport à la Lecture, & qui apprennent à lire avec facilité & correctement. Abécédaire est différent d'Alphabétique. Abécédaire a rapport au fond de la chose, au lieus qu'Alphabétique se dit par rapport à l'ordre. Les dictionnaires sont disposés felon l'ordre alphabétique, & ne font pas pour cela des ouvrages abécédaires. Il y a en hébreu des pseaumes, des lamentations, & des cantiques, dont les versets sont diftribués par ordre alphabétique; mais je ne crois pas qu'on doive pour cela les appeler des ouvrages abécédaires. Abécédaire se dit aussi d'une personne qui n'est encore qu'à l'abécé. C'est un docteur abécédaire, c'est-à-dire, qui commence, qui n'est pas encore bien savant. On appelle auffi abécédaires les personnes qui montrent à lire. Ce mot n'est pas fort usité (M. DU MARSAIS.) (N.) ABEILLES. (Mythologie.) On peut, au premier coup d'œil, être surpris de trouver cet article dans un dictionnaire de Littérature; mais on va voir qu'il appartient à l'histoire de la poésie ancienne, comme à l'histoire naturelle. L'Abeille n'est pour nous qu'une mouche induftrieuse à qui nous devons une production de commerce, & un aliment dont on ne fait plus guère usage. Chez les grecs c'étoit un animal précieux & sacré, à qui les hommes devoient en grande partie leur civilisation & l'adoucissement de leurs mœurs. Les Mytologues nous apprennent que la nymphe Mélissa, ayant découvert des rayons de miel & appris aux hommes l'usage de cet aliment délicieux, abolit parmi eux les massacres & l'usage horrible de manger les cadavres. Les Abeilles furent appelées en grec Mélifsfaï du nom de cette nymphe, qui, étant devenue depuis prétresse de Cérès, donna aussi son nom à toutes les prétresses, non seulement de Cérès, mais même des autres divinités. (Voyez le Pindare de Schmid Pithyq. IV. note G. 10.) Il est aifé de reconnoitre dans ces traditions fabuleuses la trace de cet esprit allégorique, qui, chez les anciens peuples & chez les grecs fur tout, défiguroit & embelliffoit à la fois les premiers faits de l'histoire du genre humain. Si l'on observe sans prévention l'état des différents peuples sauvages, que l'histoire & les voyages nous ont fait connoître, on verra que leur caractère géné ral & leurs mœurs tiennent essentiellement à la faci |