Bailly et Lafayette qui avait déjà signé l'ordre à tous les gardes nationaux du royaume d'arrêter le roi; elle reçut leurs explications, et fit afficher une proclamation annonçant : « Qu'elle assumait à elle tous les pouvoirs, qu'elle garantissait l'ordre, et que les mesures les plus sévères étaient prises pour suivre la trace des machinateurs de l'évasion. » Par respect pour la royauté, l'Assemblée feignait de croire que la famille royale avait été enlevée. L'intendant de la liste civile, Delaporte, remit au président un mémoire où le roi, avant son départ, avait exposé tous ses griefs contre la révolution et les motifs de sa fuite. Cette proclamation du roi avait été rédigée, dit-on, par son frère, le comte de Provence, qui s'était aussi échappé du Luxembourg dans la nuit du 20 au 24 et s'était réfugié à Bruxelles. Les courriers envoyés à la recherche de la famille royale avaient suivi diverses directions: Romeuf et Baillon, les premiers, avaient trouvé et suivi la trace des fugitifs. Dès que l'Assemblée fut informée de l'arrestation du roi, elle envoya au-devant de lui trois de ses membres: Barnave, Pétion et Latour-Maubourg. Le 23 juin, entre Château-Thierry et Châlons, ces trois commissaires rencontrèrent la voiture royale. Barnave et Pétion y prirent place. Pétion affecta dans sa tenue et dans ses paroles une rudesse de manières blessante pour la famille royale; Barnave, au contraire, respectueux sans cesser d'être digne, s'entretint avec la reine de manière à ménager sa douleur, et se laissa toucher lui-même d'un intérêt et d'une compassion qu'il exprima depuis en conseils trop tardifs pour être utiles, lors même qu'on eût voulu sincèrement les suivre. Le 25 juin, la voiture royale traversa Paris au milieu d'une foule innombrable; on avait écrit sur les murs: « Celui qui applaudira le roi aura des coups de båton; celui qui l'insultera sera pendu. » Il faisait une chaleur étouffante; les vêtements des voyageurs étaient couverts de poussière; le Dauphin pleurait sur les genoux de sa mère. Derrière la berline, Drouet, assis dans une espèce de char, était l'objet d'une ovation. L'attitude du peuple était contenue et méprisante. Ce fut seulement aux portes des Tuileries qu'une bande fit tout à coup irruption : les trois gardes du corps furent meurtris; des représentants protégèrent la famille royale un instant menacée, et elle parvint à entrer saine et sauve dans le château, où, par décret du jour même, le roi, la reine, le Dauphin, furent soumis séparément à la surveillance de gardes particulières. Par le même décret, l'Assemblée nomma un gouverneur au Dauphin, et décida que tous ceux qui avaient accompagné la famille royale seraient arrêtés et interrogés, et que le roi et la reine seraient entendus dans leurs déclarations. « Je m'oppose à ces distinctions d'esclaves, s'était écrié Robespierre. Est-ce que le roi est au-dessus de la loi? Est-ce qu'il n'est pas citoyen? - Le roi n'est pas Après le voyage de Varennes, on était animé de si vifs ressentiments contre le roi et la reine, dans une grande partie de la France, que « les routes furent couvertes pendant plusieurs jours de personnes venant à Paris pour assister à leur procès. » L'Assemblée, qui peut-être eût prévenu de grands maux en prononçant la déchéance de Louis XVI, domina cette émotion publique. Une lettre irritée que lui adressa Bouillé pour assumer sur lui seul toute la responsabilité de la tentative d'évasion et pour menacer la France d'une invasion si l'on attentait à la vie de la famille royale, n'excita que son dédain (30 juin). Les souverains étrangers, divisés entre eux, préoccupés de leurs intérêts particuliers, ne paraissaient pas alors encore assez dévoués à la cause de la contre-révolution pour qu'une invasion fût imminente. « La France, il est vrai, était en désarmement, mais tout un peuple debout est bientôt armé; et, comme le dit plus tard le célèbre Carnot, qu'y a-t-il d'impossible à vingt-cinq millions d'hommes?» (Thiers.) On ne se reposa pas, toutefois, dans une confiance imprudente, et des commissaires furent envoyés aux frontières pour y ordonner des préparatifs de résistance. Puis, résolue à conserver la monarchie constitutionnelle, la majorité de l'Assemblée, après avoir décidé, le 15 juillet, que le roi ne pouvait être mis en cause pour le fait de son évasion, et avoir renvoyé devant la cour d'Orléans ceux qui avaient coopéré à sa fuite, rendit, le 16, un décret portant que si le roi, après avoir prêté serment à la constitution, se rétractait ou « dirigeait une armée contre la nation, il serait censé avoir abdiqué. >> Ces votes de l'Assemblée soulevèrent des récriminations violentes dans les clubs, dont plusieurs, surtout ceux des Jacobins et des Cordeliers, avaient acquis une influence de plus en plus considérable sur l'opinion populaire. Aux Jacobins, un des affidés du duc d'Orléans, Laclos, avait proposé de présenter à l'Assemblée, avant que le décret ne fût rendu, une pétition pour faire prononcer immédiatement la déchéance de Louis XVI. Le bruit se propagea dans Paris que cette pétition serait déposée, le 47 juillet, dans le Champ de Mars, sur l'autel de la patrie qui était resté debout depuis la première fète de la fédération; tous les citoyens étaient invités à aller la signer. Cette funeste journée du 17 commença par une scène sanglante. A l'une des premières heures du matin, un jeune homme copiait les inscriptions de l'autel de la patrie. Il entend sous ses pieds le bruit d'une vrille; il suppose que des conspirateurs sont cachés sous l'autel, court à l'hôtel de ville, revient avec cent hommes armés d'outils. On soulève les planches, et on découvre deux individus dont l'un, militaire invalide, avait une jambe de bois. Ces hommes, effrayés, donnent des explications embarrassées; la fausse rumeur court dans la foule grossie qu'on a trouvé près d'eux un baril de poudre ce n'était qu'un baril de vin; quelques furieux se précipitent sur les deux malheureux, les traînent à la section on les égorge. On porte la nouvelle de ce crime à l'Assemblée et à la municipalité, déjà inquiètes du rendez-vous donné par les clubs à la population. Il semble que ce soit le commencement de massacres. Bailly et Lafayette reçoivent l'ordre de dissiper les attroupements et d'empêcher les signatures de toute pétition provoquant au mépris de la loi. Cependant près de cinquante mille personnes se dirigent vers le Champ de Mars. Le club des Jacobins avait retiré sa pétition dès la veille: on l'ignorait; quelques citoyens en improvisent une, et hommes, femmes, jeunes filles, montent par milliers à l'autel de la patrie pour la signer. A midi, un aide de camp de Lafayette, entrant avec des troupes au Champ de Mars, est blessé d'un coup de pistolet; Lafayette, qui vient ensuite, est couché en joue. La garde nationale s'irrite; la loi martiale est proclamée; on déploie le drapeau rouge; des bataillons avancent; Bailly fait les trois sommations. Du haut des glacis on jette des pierres aux gardes nationaux, qui répondent par des coups de fusil; une détonation plus forte succède; la cavalerie s'élance sur la masse des citoyens. On n'a point su le nombre de toutes les victimes de cette collision, qui, suivant la municipalité, n'aurait été que de vingt-quatre. Le souvenir du 17 juillet, envenimé par les polémiques, se grava en haine dans l'opinion populaire, et envoya plus tard Bailly à l'échafaud. Provisoirement tout rentra dans l'ordre et le silence. Au mois d'août cependant on eut à s'inquiéter de deux événements graves. Le 24 et les jours suivants, à la suite de l'opposition qu'avait soulevée parmi les blancs le décret du 18 mars 1790 qui avait appelé les hommes de couleur à l'exercice des droits politiques, les nègres se soulevèrent et, commandés par l'un d'eux, nommé Boukmann, se livrèrent à d'affreux excès. Le 24 août, l'empereur d'Autriche, le roi de Prusse, réunis au château électoral de Pilnitz, après avoir entendu le comte d'Artois et Calonne, signèrent une déclaration où, « reconnaissant que la situation du roi de France était un objet d'un intérêt commun pour tous les souverains de l'Europe, ils exprimaient l'espoir que les différentes puissances se joindraient à eux pour lui venir en aide, et qu'en attendant, ils tiendraient l'un et l'autre leurs troupes prêtes à se mettre en activité.» Quelles que fussent les menaces de ce manifeste, elles étaient conçues de manière à ne pas témoigner de beaucoup d'empressement pour une attaque prochaine. L'Assemblée dut se borner à recommander plus de vigilance au pouvoir exécutif et aux chefs de l'armée. C'était d'ailleurs à d'autres représentants de la nation qu'il allait appartenir de surveiller la politique étrangère. Le temps était venu pour la Constituante de terminer ses travaux et de se dissoudre. Il eût été nécessaire toutefois de reviser les décrets constitutionnels et de les mettre en harmonie les uns avec les autres. Par suite du refus des représentants monarchiques de voter, il fallut se borner à les réunir. On rendit la liberté au roi en retirant la garde qu'on lui avait imposée, et, le 3 septembre, soixante députés lui présentèrent l'acte constitutionnel. Le 43, il écrivit à l'Assemblée : « J'accepte la constitution; je prends l'engagement de la maintenir au dedans, de la défendre contre les attaques du dehors, et de la faire exécuter par tous les moyens qu'elle met en mon pouvoir... » Cette lettre fut applaudie. Lafayette, profitant de l'émotion de l'Assemblée, demanda et obtint une amnistie politique générale. Le lendemain, le roi vint lui-même renouveler de vive voix son acceptation, qui fut accueillie avec des acclamations d'enthousiasme. Enfin, le 30, il prononça, pour la clôture de l'Assemblée, un discours où il demanda aux députés de dire à leurs concitoyens « qu'il serait toujours leur premier et plus fidèle ami; qu'il avait besoin d'être aimé d'eux, et que l'espoir de contribuer à leur bonheur soutiendrait son courage, comme la satisfaction d'y avoir réussi serait sa plus chère récompense.» Aussitôt après, le dernier président, Thouret, déclara que la mission de l'Assemblée constituante était achevée. <«< Ainsi finit cette première et glorieuse assemblée de la nation: elle fut courageuse, éclairée, juste, et n'eut qu'une passion, celle de la loi. Elle accomplit en deux ans, par ses efforts et avec une infatigable persévérance, la plus grande révolution qu'ait jamais vue une seule génération de mortels.» (Mignet.) Cet éloge sera le jugement même de la postérité. On a reproché tour à tour aux constituants de n'avoir su fonder ni la monarchie constitutionnelle, ni la république; « de n'avoir pas aperçu dans toute leur plénitude les symptômes d'une rénovation radicale, d'avoir, à l'opposé de l'harmonie politique et sociale qu'ils s'étaient flattés d'établir, créé partout des dualités que la violence seule pouvait résoudre.» (Jean Reynaud, Vie de Merlin de Thionville.) Si justes que soient ces critiques, on ne saurait lever les regards vers ces premiers législateurs de la révolution qu'avec estime et respect: il suffit à leur honneur d'avoir détruit à jamais l'ancien régime de par la raison et la justice. La constitution de 1794, œuvre de transition contre le passé, doit être surtout considérée comme une barrière provisoire placée en avant de la France nouvelle. « Il ne faut exiger des hommes et des esprits que ce qu'ils peuvent à chaque époque. » (Thiers.) L'Assemblée constituante avait décidé qu'aucun de ses membres ne pourrait faire partie de l'assemblée qui était près de lui succéder sous le nom de Législative. C'était donc sur des hommes nouveaux qu'allait peser la responsabilité de conduire la révolution entre ses deux écueils: la réaction et l'anarchie. Elle voulut du moins aplanir pour eux les difficultés, trop faciles à pressentir, autant qu'il était en son pouvoir. Le 29, elle avait rendu un décret pour modérer l'action des clubs, qui en étaient venus à contrebalancer et souvent même à dominer l'influence du corps législatif; mais ce décret devait être presque sans puissance. Le club des Jacobins, établi dans le couvent de la rue Saint-Honoré, avait couvert la France d'autres clubs qui lui étaient affiliés et obéissaient à toutes ses impulsions. A son origine, sous divers noms, il avait été le rendez-vous des hommes les plus considérables de l'Assemblée; maintenant son orateur le plus applaudi était Robespierre, qui poursuivait avec une froide tenacité la mise en pratique du Contrat social de Jean-Jacques Rousseau. Après ce club, qu'on a appelé « l'œil de la révolution », venait celui des Cordeliers, plus violent, et dont les membres principaux étaient Danton, Camille Desmoulins, Marat, Fabre d'Eglantine, Legendre. Beaucoup d'autres réunions populaires, et notamment les sociétés fraternelles, concouraient à entretenir l'exaltation publique. Les monarchistes et les modérés avaient fondé, sans succès populaire, le club des Impartiaux, le club de 89, le club Monarchique, etc. Ils publiaient aussi des journaux : les Amis du roi, de Royou et Montjoie; les Actes des Apôtres, de Peltier, Champcenetz et Rivarol; les Sabats jacobites; le Journal des halles, etc. L'attention du peuple s'attachait surtout aux journaux de la démocratie, notamment aux Révolutions de France et de Brabant, rédigées par Camille Desmoulins; aux Révolutions de Paris, dont le rédacteur Loustalot mourut en septembre 1790; aux Annales patriotiques de Carra, et à l'Ami du peuple, de Marat, né à Neuchâtel, ancien médecin des écuries d'Artois, qui, caché dans des caves, publiait chaque matin huit pages où sa fureur horrible excitait le peuple à toutes les cruautés imaginables contre ceux qu'il soupçonnait de pensées contre-révolutionnaires: incendier, marquer d'un fer chaud, couper les pouces, fendre les langues, empaler, ou faire tomber les têtes par centaines de mille. Il est vrai que les journaux royalistes étaient aussi d'une violence extrême. Les Actes des apôtres, par exemple, voulaient que l'on fit brûler à petit feu, comme des crapauds, Lameth, Barnave, Duport, Mirabeau, etc. (no 85); que l'on passât une corde au cou de Camus et Dès le lendemain du jour où les constituants s'étaient séparés, la nouvelle Assemblée ouvrit ses séances (1er octobre 1794); elle se déclara « Assemblée nationale législative », et tous ses membres jurèrent, sur le livre de la Constitution, de « vivre libres ou de mourir. » La première députation que l'Assemblée envoya au roi pour lui annoncer qu'elle était constituée ne fut pas reçue. Lorsqu'elle obtint audience, le roi lui dit froidement : « Je ne puis vous aller voir avant jeudi. » L'Assemblée, offensée de cet ajournement que rien ne justifiait, voulut remplacer les mots Sire et Majesté par le titre de Roi des Français. « Sire veut dire seigneur, dit le représentant Guadet, c'est un mot féodal qui n'a plus de sens; quant au mot Majesté, il ne convient qu'à Dieu et au peuple. » Mais le lendemain l'Assemblée revint sur cette détermination; seulement, le 7, à la séance royale, lorsque le roi fut assis, tous les députés l'imitèrent et le président lui adressa la parole sans se lever. A son retour au palais, Louis XVI, consterné de cette violation de l'étiquette, s'écria : « Tout est perdu! » La reine eut peine à le consoler. (Mme Campan.) : Cependant si, parmi les sept cent quarante-sept nouveaux députés, tous jeunes, on ne comptait aucun partisan de l'ancien régime, la majorité du moins n'était pas encore hostile au principe de la monarchie elle voulait sincèrement mettre en action, s'il était possible, le système politique écrit dans la constitution. La droite se composait des députés constitutionnels, qu'on appela le parti feuillant, du nom d'un club modéré fondé en juillet 1794, dans un ancien couvent des Feuillants, rue Saint-Honoré, vis-à-vis de la place Vendôme, par des dissidents du club des Jacobins; les membres les plus notables de cette partie de l'Assemblée étaient Beugnot, Stanislas de Girardin, Matthieu Dumas, Ramond, Becquey, Pastoret, Vaublanc, de Jaucourt, Lemontey, et ils s'appuyaient au dehors sur Barnave, Duport et Alexandre Lameth, qui, bien que très-dévoués à la révolution, entretenaient alors des relations avec la cour, dans l'espoir de l'éclairer sur ses intérêts véritables et de la rallier aux nouvelles () Les titres seuls des journaux publiés pendant les premières années de la révolution composent un gros volume in-8°. L'auteur de ce catalogue est Deschiens. institutions. A la gauche siégeaient Vergniaud, Gensonné, Guadet, députés de la Gironde, d'où vint le nom de « girondins » donné à tous ceux qui votèrent le plus habituellement avec eux et dont les plus connus furent: Brissot, Isnard, le philosophe Condorcet; leurs principaux adhérents à l'extérieur étaient Buzot, Pétion, Roland et sa femme, douée d'une remarquable énergie. Ce parti, sans désespérer encore entièrement du roi depuis la fuite de Varennes, inclinait à la république. Il y avait de plus une extrême gauche, où ne tardèrent pas à se faire remarquer Merlin de Thionville, Barère, Chabot, Couthon. Ils étaient assis aux sièges les plus élevés, qu'on désignait sous le nom de la Montagne. Enfin une fraction, indécise, sans énergie, formait ce que l'on a désigné ironiquement sous les noms de « marais >>> et de « ventre », et, dans les temps plus modernes, sous celui de «< centre ». Du reste, l'opinion populaire se préoccupait peu de toutes ces nuances et ne divisait les députés qu'en deux camps aristocrates et patriotes. Le danger du moment était l'émigration, qui appauvrissait le pays, irritait le peuple et menait à la guerre. Aussitôt après l'arrestation du roi à Varennes, cette expatriation volontaire avait redoublé. « Le vertige de l'émigration est incompréhensible! De toutes les parties du royaume il sort des flots de militaires et de nobles; beaucoup de familles, frappées de terreurs paniques ou entraînées par la mode du jour, suivent ce torrent et abandonnent la France... Étrange doctrine, de poser en principe que, quand un chef d'empire est en péril, celui qui le quitte le premier et qui se sauve le plus loin atteint le plus haut degré de la pureté et de la fidélité d'un sujet loyal! » (L'abbé de Montgaillard.) Louis XVI, que cette fuite des royalistes isolait, affaiblissait et rendait suspect, écrivit ostensiblement à ses deux frères réunis à Coblentz pour les inviter à revenir en France, et adressa dans le même sens une proclamation aux émigrés (14 octobre). Ses exhortations, dont les partisans de l'ancien régime et les démocrates niaient également la sincérité, n'arrêtèrent personne. Dans un court intervalle de temps, dixneuf cents officiers désertèrent le drapeau national et portèrent leurs épées à l'armée que le prince de Condé rassemblait contre la France sur les bords du Rhin. L'Assemblée législative rendit, le 18 octobre, un décret qui enjoignait à Monsieur, frère du roi, de rentrer en France dans le délai de deux mois, sous peine d'être déchu de son droit éventuel à la régence. Le 9 novembre, après une discussion longue et animée, elle vota un autre décret qui frappait de séquestre les biens des princes sortis du royaume, et déclarait coupables de conspiration les Français attroupés au delà des frontières, s'ils n'étaient rentrés avant le 1er janvier 1792. Louis XVI donna sa sanction au décret contre Monsieur; mais il opposa son veto à celui du 9 novembre, en invo serait impuissant au jour où viendrait à faire explosion la colère du peuple. La confiance aveugle de la cour, soit dans ses moyens secrets d'influence dont elle s'exagérait la portée, soit dans les victoires des souverains coalisés qu'elle considérait comme certaines parce qu'elle les désirait, l'entraînait à repousser toute alliance avec les hommes qui étaient le mieux disposés à la servir et à la protéger. Bailly avait donné sa démission de maire; le parti constitutionnel proposait de faire élire à sa place Lafayette, qui, depuis le 8 octobre, n'était plus le chef de la garde nationale. La reine, par ressentiment, lui préféra Pétion qu'elle mépri (') On a reproduit, dans cette gravure, tous les détails sérieux d'une estampe satirique publiée au commencement de 1792 et qui porte cette légende : « Grande séance aux » Jacobins en janvier 1792, où l'on voit le grand effet in» térieure (sic) que fit l'annonce de la guerre par le ministre >> Linotte (Narbonne; voy. p. 472), à la suite de son grand » tour qu'il venait de faire. »> sait, mais qu'elle redoutait moins, parce qu'elle le croyait trop médiocre pour devenir jamais un chef de faction. Pétion fut donc élu maire de Paris le 44 novembre, grâce en partie aux efforts du ministre de la marine, Bertrand de Molleville, qui cherchait des expédients contre-révolutionnaires dans la corruption, achetant avec l'argent de la liste civile des votes, des écrivains, et des applaudissements dans les clubs ou aux tribunes de l'Assemblée. Ces manœuvres, dénoncées par les feuilles démocratiques, envenimaient encore les haines populaires. Les événements devenaient d'ailleurs de jour en jour plus sombres. Les contre-coups de la révolution française à Saint-Domingue étaient affreux, et les familles des colons rentraient en France épouvantées. La ville d'Avignon était en proie à la terreur. Un décret de l'Assemblée constituante avait réuni à la France cette ville et le Comtat une partie de la population, hostile au décret, s'ameuta le 46 octobre, s'empara du |