celui-là, déclarant l'incompétence des tribunaux argentins pour connaître des successions des étrangers, domiciliés et décédés hors de la République. Il est certain qu'on peut mentionner deux décisions de la Cour en faveur de la juridiction de la situation des immeubles (Fallos, série IV, tome 44, p. 277 et série V, tome 52, p. 177), mais c'étaient des questions internes, c'est-à-dire, de compétence de juridictions dans la République. La Cour décida avec raison que le juge compétent pour connaître de la succession était celui de la province, où les biens étaient situés. Toutefois, les décisions de la Cour d'un caractère nettement international sont toutes d'accord, à l'exception de la dernière dans l'espèce Henderson, pour reconnaître la compétence de juridictions étrangères dans le cas de successions des étrangers, domiciliés et décédés hors de la République. Une telle admission de la compétence des juges du domicile étranger, comporte l'obligation d'exécuter dans le territoire les décisions de ces juges. S'il n'en était pas ainsi, on en arriverait à des résultats juridiques étonnants et incompatibles avec la civilisation, vu que les biens immeubles situés dans la République resteraient dans une étrange situation, n'ayant ni juge argentin, ni juge étranger compétent pour autoriser leur transmission. L'admission de la compétence des juges étrangers et l'exécution de leurs arrêts, soit par l'intervention des parties, soit au moyen de lettres rogatoires, devant les juges et selon la procédure argentine, sont précisément des solutions impératives de notre Code Civil, c'est-à-dire de la lex rei sitae. Seulement en se basant sur un concept féodal de la souveraineté, déjà abondante de notre temps, le procureur Cortés a pu affirmer que le système de succession que nous défendons « était << outrageant pour l'indépendance et la dignité du pays qui le < permettrait ». Cette opinion a été injustement et extraordinairement célébrée dans notre pays, sans doute parce qu'en 1885 les études de Droit International Privé commençaient à peine à intéresser nos juristes. La conclusion du procureur Cortés est la négative du Droit International Privé contemporain, on dirait une restauration du système territorial des comtes et ducs du «siècle de fer» (X). Il a été expressément dérogé par l'article 13 du Code Civil, qui non seulement au torise l'application de lois étrangères dans la République, mais qui déclare obligatoire cette application (1). Permettre l'application du droit étranger n'est pas une imposition des autres souverainetés; c'est au contraire un acte spontané, un digne exercice de cette souveraineté. XII Jusqu'à présent notre attention a été spécialement attirée par le droit de succession au point de vue de la juridiction et de la capacité (le titre à l'héritage de l'article 10 du Code civil), pour transmettre et recevoir des biens immeubles situés dans la République. Considérons maintenant la procédure pour obtenir la possession de l'héritage. C'était une matière jadis soumise à la lex rei sitæ. L'évolution contemporaine qui a mobilisé le droit personnel divise la matière en deux points de vue: le titre à la possession et le mode de l'acquérir. Le titre à la possession de l'héritage se rattache à la capacité de succéder et doit être en conséquence déclaré par le juge du dernier domicile du de cujus. Cette solution n'appartient pas seulement à la théorie moderne on la trouve dans tous les codes civils déjà cités. La seconde question, celle de la procédure pour obtenir la possession des biens héréditaires situés en pays étranger, est soumise à la lex rei sitæ. Ces solutions reposent sur le fait de ce que le régime de la possession et du domaine ne souffre pas d'altération par suite du changement de nationalité ou de domicile des possesseurs ou des propriétaires. D'après la doctrine argentine que nous soutenons, le régime de la propriété reste inaltérable avec les propos d'ordre politique, économique ou social qui l'ont inspiré, soient les propriétaires nationaux ou étrangers, domiciliés dans la République ou en dehors. (1) Art. 13. « L'application de lois étrangères, dans le cas où « elle est autorisée par ce Code, n'aura jamais lieu, qu'à de«mande de la partie intéressée, à laquelle incombe le soin de << prouver l'existence des dites lois. On exceptue les lois étran«gères, rendues obligatoires dans la République par des conven<tions diplomatiques ou en verta d'une loi spéciale.»> C'est une résultante de l'égalité civile entre nationaux et étrangers établie par la Constitution fédérale. L'article 3110 du Code civil argentin dispose que les héritiers ascendants ou descendants, entrent en possession de l'héritage depuis le jour de la mort du de cujus «sans autre formalité ou intervention des juges, et quoiqu'ils ignorent l'ouverture de la succession et son appel à l'héritage ». C'est un droit absolu pour les nationaux et étrangers, domiciliés ou résidents dans la République. Quelquefois les héritiers des biens immeubles ont leur domicile à l'étranger. Ce n'est pas le cas des héritiers domiciliés près du de cujus, qui conservent les clefs, les titres et les valeurs de celui-ci et sont reconnus par tout le monde comme de tels héritiers. Les personnes domiciliées à l'extérieur, soumises à une loi étrangère de capacité ne sont pas protégées dès le premier moment par la notoriété sociale qui donne la possession d'état. Il est sage de procéder d'une manière cauteleuse pour donner la possession de l'héritage, spécialement dans les pays d'immigration. Pendant notre période coloniale des Espagnols mouraient fréquemment dans les pays américains, laissant des successeurs en Europe. Les lois européennes n'avaient pas prévu le cas, et les lois sanctionnées en Espagne spécialement pour outre-mer, dites Recopilación des lois des Indes, organisèrent une procédure spéciale pour donner la possession des biens. dans ce cas. Elles établirent la fiction de ce qu'en mourant une personne qui laissait des biens en Amérique et les héritiers en Europe, la possession de ces biens passait ipso facto au juge du lieu de la situation, qui les conservait pour les rendre à ceux qui prouvaient leur titre légal ou pour la déclarer vacante en cas contraire. Le titre 32, du livre II, des Lois des Indes (1) contient une admirable combinaison de Droit International Privé, sous le titre du jugement des biens des défunts, et leur administration et compte dans les Indes (2), formée (1) Recopilación de Leyes de los Reinos de las Indias, mandadas imprimir y publicar por Su Majestad Católica del Rey Don Carlos II, etc., etc. Madrid, 1841, 5o Edition. (2) Del juzgado de bienes de difuntos y su administración y cuenta en las Indias. par soixante dix lois qui commencent avec un édit de l'empereur Charles-Quint, daté du 16 Avril 1550. Le codificateur argentin accepta ce système du droit colonial espagnol, comme la garantie la plus efficace des droits des étrangers et des nationaux, domiciliés hors de la République. Telle est l'origine de l'article 3410 du Code Civil, selon lequel la possession des biens du de cujus passe ipso facto au juge de leur situation. Le dit juge la conserve provisoirement et prescrit les mesures conservatrices, représentant la personne des héritiers absents, lorsque les traités diplomatiques ne défèrent pas cette représentation aux consuls. Lorsque les héritiers apparaissent devant le juge, la possession leur est dévolue sans d'autre formalité que la preuve de la mort du de cujus et le titre exigé par l'article 10 aux réclamants de l'héritage (1). Les lois locales de procédure réservées aux provinces, comme attribut de leur autonomie, établissent toutefois une procédure uniforme, basée dans le Code Civil national, pour la protocolisation des documents qui accréditent les circonstances exigées par l'article 3411. Une fois les documents protocolisés par ordre du juge du lieu de la situation des biens, la possession est dévolue par le juge aux héritiers. Cette procédure si simple, si juste et si prévoyante ne requiert donc pas l'ouverture d'une nouvelle succession, qui serait tout à fait sans objet. La lex rei sitæ, formée par la combinaison des articles 10, 3286 et 3411 du Code Civil, exige seulement que le titre à la possession soit déclaré par la loi du domicile de l'héritier et que l'ordre de possession soit décrété par le juge du lieu de la situation ou que ce juge concède son exequatur à la demande de son collègue du dit (1) Article 3410. « Quand la succession a lieu entre ascendants >> et descendants, l'héritier entre en possession de l'héritage dès le » jour de la mort du de cujus sans aucune formalité ou interven» tion des juges, quoiqu'il ignorât l'ouverture de la succession et » son appel à l'héritage. » Article 3411. « Si l'auteur de la succession était mort et ses » héritiers légitimes ascendants ou descendants étaient hors de » de la République ou hors de la province, où se trouvent les >> bieas, pour prendre possession de l'héritage, ils doivent la » demander au juge du territoire, prouvant la mort de l'auteur de a succession et leur titre à l'héritage. »> domicile. C'est un cas d'unité de succession, n'existant pas de conflit entre le droit national et le droit étranger, le Code civil permettant au nom de la souveraineté nationale l'application des lois étrangères de succession, au moyen de cette prudente combinaison. Mais si des héritiers, des légataires ou des créanciers apparaissent dans la République, en opposition d'intérêts avec les domiciliés hors de celle-ci, le conflit se résoudrait, soit par l'ouverture d'une autre succession, soit simplement en initiant d'autres actions légales, selon les circonstances du cas. La jurisprudence nationale a sanctionné ces conclusions. Dans la succession du sieur Enrique Cadmus, la Cour Civile d'Appel de la Capitale reconnaît que le juge du lieu de la situation doit donner la possession des biens, d'après l'article 3411. (Fallos, serie IV, tome 44 p. 277). Dans le cas du sieur Capurro, le juge Docteur Pizarro décida: A Que si l'auteur de la succession était mort et ses héritiers légitimes, ascendants ou descendants, comme il arrive dans » l'espèce, étaient hors de la République ou hors du lieu de la > situation des biens, pour prendre la possession de l'héritage, » il faudrait la demander au juge du territoire, prouvant la » mort du de cujus, et leur titre à l'héritage ». Et comme dans l'espèce, les biens étaient situés dans la province de Buenos Aires, c'est-à-dire, en dehors de la juridiction métropolitaine du juge Docteur Pizarro, celui-ci se déclara incompétent pour donner la possession, obéissant à la combinaison étudiée de la lex rei sitæ. Le procureur des tribunaux de première instance le Docteur Rodriguez Bustamante, maintenant juge d'instruction criminelle à la capitale fédérale, posa la question en ces termes, d'accord avec la vraie doctrine: « Les juges argentins sont incompétents pour connaître > d'une succession, dans laquelle le de cujus est mort hors de › la République, sans y avoir son dernier domicile. La plura> lité de successions a été éliminée de notre législation. L'hé> ritage d'une personne est une universalité, un tout qui ne › peut pas être soumis à autant de juges qu'il y a de groupes de > biens immeubles ou meubles dans les différentes localités où le de cujus a pu vivre et les acquérir. Voilà la saine doctrine soutenue par notre codificateur, le Docteur Velez Sarsfield. » |