L'arrêt, d'accord avec ces conclusions fut appelé et la Cour le confirma avec le vote des membres, les docteurs Gimenez, Gonzalez del Solar et Diaz. (Fallos, série V, tome 52, p. 77). Enfin en 1897, le cas de Mme. Marie Metzler se produisit. Le procureur des tribunaux de première instance de la Capitale Fédérale rédigea son rapport, en ces mots : « Si la succession a été liquidée dans le lieu de la mort du » de cujus, ce sont les juges de cette localité qui doivent met» tre en possession des biens l'héritier déclaré au moyen de » lettres rogatoires adressées au juge de la situation. » Dans cette espèce, le procureur et le juge refusèrent la possession; mais la Cour d'Appel l'ordonna. Cette jurisprudence uniforme de la Cour Civile de la Capitale de la République tire ses racines des décisions savantes de la Suprême Cour Fédérale. Voici une de ses décisions des plus importantes. A l'occasion d'une succession ouverte dans la province de Jujuy en 1874, les héritiers se présentèrent devant un juge de la province de Buenos Aires, demandant la possession des immeubles situés dans son territoire. Le juge se déclara incompétent, soutenant que le seul tribunal « qui pouvait connaître » des pétitions déduites à l'occasion de ces biens était le tri» bunal de Jujuy. » Cette doctrine était juste quand à la juridiction pour ouvrir et continuer la procédure de succession ; mais elle était contraire à l'article 3411 du Code Civil, au point de vue de la procédure pour acquérir la possession des biens. On demanda la révocation de cet arrêt, mais on le maintint, déclarant de plus que l'institution d'un héritier, faite par le juge de Jujuy étant nulle, parce qu'elle devait être déclarée dans le lieu de la situation des biens, par le juge de la province de Buenos Aires. Cette décision était contraire à la première que nous avons citée. Un long, coûteux et déplorable procès s'en suivit, à travers la Cour d'appel de la Cour suprême de justice de la dite province, dont les magistrats montrèrent leur manque de préparation de droit international privé, dans son rapport avec le Code civil. Ils se déclarèrent partisans du système féodal de succession, dérogé par le Code. Le tribunal de Jujuy insista par une seconde lettre rogatoire sollicitant qu'on donnât la possession des biens à l'héritier qu'il avait reconnu. Le procureur du tribunal de la province de Buenos Aires demanda qu'on repoussât la lettre rogatoire; et une autre fois la Cour civile d'appel et la Cour suprême locale maintinrent leur première décision, qui causait de si grands dommages aux intérêts en litige. Le cas fut naturellement porté devant la Cour suprême fédérale de justice, en vertu du paragraphe second de l'art. 14 de la loi du 14 septembre 1863. Le demandant se plaignit de la violation de la constitution fédérale et d'une loi du Parlement (1). Le procureur général de la Cour fédérale, l'éminent homme d'Etat et jurisconsulte, ancien ministre des affaires étrangères, le docteur Carlos Tejedor s'unit à la doctrine erronée des tribunaux de la province de Buenos Aires, et opina devant la Cour, qu'on devait refuser l'appel. Néanmoins ce tribunal, le plus élevé du pays, admit l'appel et révoqua les erreurs lamentables et extraordinaires de ces tribunaux, déclarant que le titre à l'héritage, admis par le juge de Jujuy, devait produire tous ses effets légaux dans la province de Buenos (1) Art. 14. «Une fois un procès soumis aux tribunaux d'une >> province, doit être décidé et terminé devant la juridiction pro>>vinciale et il sera seulement permis d'appeler devant la Cour >> suprème dans le cas d'arrêts définitifs, prononcés par les tribu>>naux supérieurs des provinces, dans les circonstances que voici: 1o « Quand dans l'espèce, on aura mis en question la validité » d'un traité, d'une loi du Congrès, ou d'une autorité exercée au » nom de la nation, si la décision a été contre sa validité; 2o«Quand on aura mis en question la validité d'une loi, d'un » décret ou d'une autorité des provinces, en prétendant qu'il est >> répugnant à la Constitution nationale, aux traités et aux lois >> du Congrès, si la décision a été donnée en faveur de la validité » de la loi, ou de l'autorité de province; 3' « Quand il s'agit de l'interprétation de quelques clauses de » la Constitution, d un traité ou d'une loi du Congrès, ou d'une >> commission exercée au nom de l'autorité nationale, si la déci »sion a été contraire à la validité du titre, du droit du privilège » ou de l'exécution fondées en la dite clause, et que celle-ci soit » une matière de litige ». Cette disposition a été reproduite dans l'art. 22, § II, du Code de procédure criminelle de la capitale. D'après l'art. 90 de la loi d'organisation des tribunaux de la capitale fédérale, les arrêts des Cours d'appel de la mème peuvent être appelés devant la Cour suprême fédérale de justice. Aires (1). Voici la doctrine de la Cour fédérale résumée dans un de ses consideradums. « Que l'article du Code civil, invoqué par les tribunaux de » la province de Buenos Aires, ne doit pas être interprété de » manière qu'alors que les biens d'une succession sont dissé» minés dans plusieurs lieux, on entende qu'il est nécessaire » d'ouvrir autant de successions, indépendantes les unes des » autres, qu'il y a de lieux où se trouve une partie de ces » biens, parce que c'est un grave inconvénient que le même › code a voulu éviter en adoptant la doctrine des articles 5 (3263) et 6 (3284) du titre de succession ainsi que l'expliquent leurs notes. » (2). « XIII Les incertitudes et les légères contradictions que nous avons signalées dans la jurisprudence argentine, disparaîtront sans doute, une fois que cette matière transcendantale aura été étudiée sérieusement par les tribunaux. Nous espérons que le système de succession du Code Civil argentin, qui honore les institutions du pays, sera sauvé avec l'esprit large et humanitaire, qui inspira le codificateur en ce qui touche le Droit International Privé. Les exigences de la morale et de la justice s'associent dans le cas, aux plus hauts intérêts économiques de la nation pour conseiller aux juristes et aux tribunaux la conservation et la défense de la doctrine de la personnalité du droit de succession et de ses solutions, que nous avons essayé d'exposer dans cette étude. E. S. ZEBALLOS. Buenos Aires, le 15 Août 1903. (1) Dans l'organisation fédérale argentine les provinces conservent à plusieurs points de vue leur souveraineté et la Cour fédérale les considère à cet égard comme des Etats indépendants. Les solutions de droit international privé sont donc d'une application nécessaire dans le conflit des lois des provinces. (2) A l'époque de cet arrêt, le Code civil avait une numération différente. Il se divisait en matières avec une numération propre. Le droit de succession dans le Code Civil Argentin Pour ne pas compliquer inutilement cette question, et pour nous en tenir toujours à l'idée qui, à notre sens, la domine, nous nous référons aux deux systèmes bien distincts de législation positive, c'est-à-dire à celui consacré par le législateur italien, et à celui admis par le législateur argentin en matière de succession, en examinant le cas d'un citoyen de la République Argentine, qui décède en Italie où il a son domicile. Aux termes de l'article 8 des dispositions générales, la succession légitime de cette personne, soit à l'égard de l'ordre de la succession, soit à l'égard des droits successifs, devrait toujours être réglée par la loi nationale du défunt, c'est-à-dire par la loi argentine. Or, aux termes de cette loi, non seulement les immeubles sont soumis à la loi territoriale, mais il en est de même des meubles qui ont une situation permanente. Quant à la succession, le législateur argentin admet bien la théorie de l'universalité et de l'unité de la succession; mais, en ce qui concerne la loi qui doit la régir, il dispose que, sans avoir égard ni à la nationalité du défunt ni à la situation des biens héréditaires, la transmission de tout le patrimoine doit être régie par la loi du domicile du défunt. En effet, l'article 3283 du Code civil de la République Argentine est ainsi conçu: Le droit de succession au patrimoine du défunt est régi par le droit local du domicile que le défunt avait au moment de sa mort, soit que ses héritiers soient des nationaux, soit qu'ils soient des étrangers. Cette règle, ainsi formulée d'une manière absolue, se réfère évidemment aussi bien à la succession des étrangers qu'à celle des nationaux. Néanmoins, ici, nous nous limiterons à en examiner la portée à l'égard des nationaux seulement. Il est à noter tout d'abord, qu'étant donné que le législateur argentin admet la théorie éminemment juridique que le patrimoine du défunt doit être considéré comme un tout indivisi (1) Extrait de l'arti le « Du conflit entre les dispositions légis latives de Droit International Privé (théorie du renvoi) », publié dans le Journal de Droit International Privé, Paris, 190!, 424-681. ble, la règle consacrée par l'article 3283 s'applique évidemment à la succession de l'Argentin décédé dans un pays étranger où il avait son domicile, et que, dès lors, les immeubles de ce défunt situés dans la République Argentine seront dévolus en conformité de la loi de son domicile à l'époque de sa mort (1). En vertu des règles formulées dans les articles 10 et 11 du Code argentin, qui soumettent à la loi territoriale les immeubles et les meubles qui ont une siiuation permanente sur le territoire, le droit local est applicable en ce qui concerne la prise de possession des biens composant la succession et les conséquences juridiques dérivant de la possession. Toutefois, pour ce qui concerne les droits successifs et le régime de la succession, on reconnaît l'autorité de la loi du domicile légal sur la succession de l'Argentin décédé dans un pays étranger où il était domicilié, et on admet même que cette loi sera applicable à la partie du patrimoine du défunt située sur le territoire argentin (2). Nous croyons devoir noter que lorsqu'il s'agit de déterminer le domicile légal d'un défunt, on n'attribue pas une importance prépondérante au domicile d'origine, qui peut dépendre de la nationalité et avoir son siège dans la patrie du de cujus ; mais qu'on tient compte de la résidence habituelle de la personne et de la famille, ainsi que du centre principal des affaires et des intérêts. Etant données les législations respectives de l'Italie et de la République Argentine, comment devrait être réglée la succession d'un Argentin décédé en Italie où il était domicilié ? D'après la théorie de jurisconsultes éminents, et notamment de Labbé, Lainé, Pillet, Despagnet, Catellani, Buzzati et Anzilotti, le législateur italien, ayant édicté que la succession doit être régie par la loi nationale, a, par là même, indiqué impérativement à ses magistrats la loi qu'ils doivent appliquer. Par conséquent, les juges italiens, sans avoir égard aux dispositions de la loi_argentine, devraient décider, d'après le Code (1) Voir à ce sujet, l'important article: «De la condition légale des étrangers dans la République Argentine », par le Dr Daireaux, ancien avocat du barreau de Buenos Aires, Clunet 1886, p. 286. (2) Voir l'article cité p. 284-296. |