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nationalité de leurs parents. La mortalité est également assez élevée parmi les enfants de 1 à 5 ans, qui sont presque tous argentins. Il faut ajouter que la plupart des étrangers viennent se fixer dans le pays dans la force de l'âge, aussi en résulte-t-il que le pourcentage de la mortalité totale doit être réduit pour pouvoir s'appliquer à l'élément étranger. D'après les calculs que nous avons faits dans ce but, nous nous sommes arrêtés à la proportion de 11 % qui est celle du tableau.

Par conséquent la population étrangère s'élevait à la fin de 1902, à 1.281.417 habitants. Si l'on ajoute à ce chiffre le nombre des voyageurs venus des pays voisins par la voie terrestre ou fluviale, nombre que nous évaluons à 70.000, pendant les huit années écoulées depuis le recensement, il en résulte que la population étrangère s'élevait à cette époque-là à 1.350.000 âmes, chiffre qui doit s'approcher beaucoup de la vérité.

On conçoit donc qu'une telle proportion d'étrangers a contribué puissamment à l'augmentation des naissances, et en effet c'est à eux qu'une grande partie de la population doit son origine. Le recensement de 1895, se basant sur la quantité d'enfants nés de femmes étrangères et d'enfants nés de mariages mixtes dans lesquels un des conjoints était argentin, donna le chiffre de 1.250.000 habitants natifs d'origine immédiate étrangère. Ce n'est que par induction que nous pouvons arriver à un résultat qui embrasse jusqu'à 1902. Etant donné le calcul précédent, il nous semble que l'on pourrait évaluer à 350.000 le nombre des individus nés de parents étrangers ou de mariages mixtes, ce qui porterait le total de descendants immédiats d'étrangers à 1.600.000 habitants.

Nous pourrions donc classer de la manière suivante la population de la République Argentine, que l'on évaluait à 5.000.000 d'habitants au 31 Décembre 1902:

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Les étrangers occupent dans la République non seulement le rang que leur assigne leur nombre, mais celui qui leur correspond par suite de leur prospérité acquise.

Ils représentent une force dans l'industrie, le commerce et l'agriculture, et constituent des collectivités très riches qui

possèdent de grandes et de petites fortunes. Le tableau suivant que nous reproduisons du recensement de 1895, permettra de s'en rendre compte, car la proportion n'a pas varié depuis cette époque.

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Il résulte que les étrangers ont profité et profiteront largement des facilités de tout genre que leur offre la République Argentine. Leur existence et leur vie active dans le pays font naître de nombreux problèmes touchant au droit, à la sociologie et à l'économie politique, et dont la discussion intéresse non seulement la science nationale, mais aussi les hommes d'étude des nations étrangères.

Buenos Aires. le 15 Juillet 1903.

CARLOS BAIRES,

L'ENSEIGNEMENT DU DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

Dans la République Argentine

PAR LE DOCTEUR ESTANISLAO S. ZEBALLOS

Traduit par F. BIRABEN

Ingénieur, rédacteur des "Anales de la Sociedad Científica Argentina"

PREMIÈRE PÉRIODE

Extrait du discours du docteur E. S. ZEBALLOS à ses élèves à l'occasion du décès du professeur Amancio Alcorta (1).

Messieurs:

Je vous ai déjà dit quelle était la situation de l'enseignement, lorsqu'en 1878 le docteur Alcorta fut appelé à donner le cours du Droit des Gens. Le Droit International Privé était enseigné incidemment et mécaniquement.

Il s'enseignait en effet incidemment, car on ne lui accordait nulle indépendance, et ne lui attribuait pas toute l'importance qu'il a réellement.

Son enseignement était un simple détail du cours ordinaire de Droit International. C'est que ni l'Université d'abord, ni la Faculté plus tard, pouvaient comprendre la nécessité d'aborder déjà l'étude en détail d'une matière considérée encore

bien que par erreur comme non codifiée. Elles oubliaient que les grandes doctrines et solutions du Droit International Privé se trouvent déjà incorporées à tous les codes argentins, où elles sont conçues dans un esprit qui ne pourra que rejaillir tout à l'honneur du prestige national, une fois que nous aurons une science à nous capable d'informer la science européenne de tout ce qui nous concerne et qu'elle ignore et attend en vain.

L'enseignement élémentaire de cette branche était, aussi, mécanique, car il se réduisait à de simples formules ou énoncés

(1) Revista Derecho, Historia y Letras, VII, 583,

de théorèmes, sous formes de tableaux synthétiques, que les élèves apprenaient pour les réciter par cœur aux examens, comme les règles grammaticales du Nebrija, (1) pour les oublier naturellement de suite ou ne savoir pas les expliquer, ou établir leurs fondements, puisqu'ils restaient dans l'ignorance des profondes recherches scientifiques parfois séculaires dont chaque solution était en réalité le fruit laborieux et savant. Le docteur Alcorta eut la vision nette de l'erreur, et il proposa le plan qui devait y remédier. Il obtint en effet la création d'un enseignement scientifique et indépendant, du Droit International Privé, qu'il inaugura lui-même, et auquel il sut imprimer une élévation de vue qui était et demeura toute une nouveauté en Amérique. Il y a peu de jours, vous vous le rappelez bien nous avions l'agréable surprise de recevoir ici-même, pendant notre tâche journalière, la visite d'un professeur de l'Université de San Paulo, une des plus renommées de l'Amérique du Sud et prééminente parmi celles du Brésil, auquel elle a donné ses trois premiers présidents. Vous vous souvenez sans doute encore de ses paroles : « Cet enseignement nous manque dit-il; et, par ce qu'il ajouta dans son improvisation, vous avez pu remarquer tout de suite car vous ne m'avez pas caché votre impression que le Brésil n'accorde pas à cette science la haute importance qu'elle a cependant, au point de vue de la solution de ses questions présentes et de ses destinées futures, comme nation cosmopolite.

«

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Le docteur Alcorta, n'était pas orateur; il n'avait pas non plus le don d'exposer. Son talent, sa clarté de vues, ainsi que sa remarquable mémoire et sa méthode luttaient contre une difficulté, pour ainsi dire contre une rebellion obstinée des moyens d'expression. Ses conférences étaient donc froides, excessivement laconiques, parfois obscures, et cela, s'agissant d'une matière difficile et parfois confuse en elle-même, qui réclame un raisonnement complet, précis et clair comme une démonstration mathématique pour inculquer la conviction et gagner les suffrages des commençants. Très souvent d'après la tradition de ses respectueux élèves il lui arrivait de suspendre brusquement sa classe, à peine commencée, cédant malgré lui à une insurmontable obstruction organique.

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(1) Grammaire latine dont M. Nebrija était l'auteur.

Mais il dominait la matière, avec méthode et systématiquement comme c'était son désir qu'on l'apprit. Il avait d'ailleurs orienté ses études et ses leçons d'après trois sources lumineuses et concordantes avec les institutions fondamentales de notre pays en ce qui concerne les étrangers. Ces trois sources étaient les ouvrages de Savigny, de Freitas et de Vélez-Sarsfield.

Cette orientation nouvelle et si tranchée était d'autant plus remarquable et digne d'éloges sans réserve, que la généralité des auteurs étrangers les plus éminents, s'inspirant d'une conception différente de la liberté civile et des fonctions de l'Etat moderne essentiellement cosmopolite aussi étaient et demeurent opposés aux idées des trois savants mentionnés et de son commentateur argentin.

Ainsi donc, le docteur Alcorta, qui n'était pas satisfait de ses conférences, écrivit le cours qui vous est familier et dans lequel il développe les idées et accumule les témoignages que son élocution ne lui permettait pas d'exposer du haut de la chaire.

Cet ouvrage lui-même a aussi été critiqué: on a attribué à des défauts de style, une certaine obscurité ou difficulté parfois apparente. La critique était fondée, et le docteur Alcorta lui-même, reconnaissait que ses forts volumes avaient été composés bien rapidement, pressé comme il était par les exigences d'un programme d'ailleurs provisoire qu'aucun auteur étranger ne traite sinon partiellement. Mais il se préoccupait de revoir son ouvrage, et de l'augmenter dans les parties pénales et de procédure, laissées jusqu'alors de côté. Ce fut ce qu'il me dit il y a trois ans, lorsque je lui demandais moi-même une nouvelle édition, la première étant épuisée.

Mais son œuvre capitale eut encore une influence extrauniversitaire. En effet, elle mit en branle et divulgua le Droit Internacional Privé, et répandit des clartés, tout en imprimant des directions nouvelles, dans la plupart de nos bibliothèques de droit. Tout le bagage de celles-ci, en fait de Droit International Privé, se réduisait alors aux deux remarquables volumes de l'allemand Fœlix, dont les principes féodaux et exclusifs n'étaient que le commentaire négatif, la condamnation catégorique de nos déclarations constitutionnelles et des codes

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