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diatement le conflit des lois, relatif à la personne dans ses rapports avec le patrimoine, ensuite le droit patrimonial réel, y compris ce qui se rattache aux navires, puis les droits patrimoniaux personnels, c'est-à-dire les obligations et les contrats, y compris la lettre de change: après les droits patrimoniaux intellectuels, soit la propriété artistique, littéraire, industrielle et commerciale; enfin les successions dans tous leurs rapports. Un appendice traite de ce que nous appelons les personnes juridiques que le droit français nomme morales. Je tiens du même savant professeur, qu'il travaille activement au cinquième volume, qui, lors de ma visite à Paris au mois de mars dernier, n'était pas achevé. Par les raisons exposées et par la future étendue de cet ouvrage je le considère au point de vue savant, didactique et professionnel, le plus complet et le plus utile sur cette science juridique.

Il serait difficile de citer sans d'omissions regrettables la brillante pléiade d'auteurs de droit international privé qui depuis Felix et Demangeat dans la première moitié du XIX® siècle jusqu'à présent ont contribué et contribuent à honorer la littérature juridique française et à propager la science grâce à sa langue universelle. Mais qu'il me soit permis de faire exception en honneur de M. Lyon Caen, l'éminent professeur de droit commercial à la Faculté de Paris et membre de l'Institut. Quoiqu'il ne se soit pas dédié à l'enseignement du droit international privé, il a consacré une attention toute spéciale aux questions commerciales. J'ai déjà fait remarquer que c'est justement à ce point de vue que la littérature juridique présente une lacune dans notre science, non pas précisément par manque de travaux, mais parce que ceux-ci n'ont pas été coordonnés sous une forme organique. Cette lacune se remarque particulièrement dans la littérature française, ayant déjà mentionné les ouvrages étrangers qui s'en occupent. M. Lyon Caen s'est distingué par son étude persistante et approfondie des questions de droit international privé commercial, spécialement au point de vue maritime. Nous trouvons l'influence de sa préparation et de son talent dans les réunions de l'Institut de droit international, qui ont contribué le plus efficacement au développement de cette branche du droit.

Il a présenté des projets ou des rapports qui ont donné une impulsion considérale à la doctrine et aux travaux de l'insti

tution. Les études les plus importantes ont été publiées successivement dans le Journal de Droit International Privé de M. Clunet.

Dans le Traité de Droit Commercial publié en collaboration avec M. L. Renault, ouvrage justement couronné en 1888 par l'Académie des Sciences Morales et Politiques, avec le prix attribué au meilleur travail sur le droit, écrit dans les dix dernières années, Lyon Caen a fait un résumé de ses enquêtes de droit international privé, pour déterminer dans quelle mesure les principes généraux de ce droit doivent ou non être appliqués à chaque matière de droit commercial. Par conséquent à la fin de chacun des chapitres des huit volumes imprimés jusqu'ici, on trouve un exposé de législation comparée et des solutions de droit international privé sur la matière traitée dans le dit chapitre. A ce point de vue, cet ouvrage comble un vide didactique et professionnel.

Honoré de l'amitié de ce savant professeur, j'ai pris la liberté de lui demander à Paris d'écrire l'ouvrage que la science du droit international privé réclame au point de vue exclusivement commercial. Le succès serait sans doute immédiat en France et à l'étranger, spécialement en Amérique, où le manque de bibliothèques bien outillées augmente les difficultés pour l'étude, l'application professionnelle et l'enseignement de ce droit.

(A suivre).

E. S. ZEBALLOS.

L'enseignement du Droit International Privé
dans la République Argentine (1)

Après la mort du docteur Amancio Alcorta, jurisconsulte illustre et un des hommes d'Etat les plus remarquables qui se soient distingués dans le monde intellectuel argentin, un

(1) Revista de Derecho, Historia y Letras, Buenos Aires, 1903, Nos de Février et de Mars; La enseñanza del Derecho Internacional Privado en la República Argentina, por E. S. Zeballos; Conférence inaugurale du Cours de Droit International Privé, par E. S.

autre juriste non moins distingué fut chargé de la chaire (1) de Droit International Privé, le docteur Estanislao S. Zeballos, personne qui, par ses qualités de persévérance, sa décision et son intelligence, acquit une grande réputation non-seulement dans son pays, mais aussi à l'étranger.

Egalement instruits, sentant tous deux un grand attachement pour la science, dominés par l'amour de la patrie, il ne semble pas cependant que l'intelligence de ces deux hommes ait été façonnée dans de moules semblables.

Du premier, le Bulletin Argentin (2) nous dit : « il n'était pas orateur; il n'avait pas le don d'exposer. Son talent, sa clarté de vues, ainsi que sa remarquable mémoire et sa méthode luttaient contre une difficulté, pour ainsi dire, contre une rébellion obstinée des moyens d'expression. Les conférences étaient donc froides, excessivement laconiques, parfois obscures. .

«

Très souvent, d'après la tradition de ses respectueux élèves, il lui arrivait de suspendre brusquement sa classe, à peine commencée, cédant malgré lui à une insurmontable obstruction organique.

<< Ainsi donc, le Docteur Alcorta, qui n'était pas satisfait de ses conférences, écrivit le cours qui vous est familier et dans lequel il développe les idées et accumule les témoignages que son élocution ne lui permettait pas d'exposer du haut de la chaire. »

Le Docteur Zeballos dispose d'un talent plus malléable et plus plastique. La science que son prédécesseur fonda, peuton dire, dans la République Argentine, il va la divulgant par la chaire et par la presse, et recherchant avec cette ardeur communicative qui caractérise les apôtres de la science. L'opinion générale peut ne pas approuver ce que le patriotisme du savant professeur appelle LA THÉORIE ARGENTINE

Zeballos, Buenos Aires, 1902; Bulletin Argentin de Droit International Privé, fondé et publié per E. S. Zeballos, No 1. Buenos Aires, Juillet 1903.

(1) Le docteur Zeballos fut nommé professeur substitut en 1892, et dès lors dicta le cours de Droit International Privé. A la mort du docteur Alcorta il fut nommé professeur titulaire (M. B.)

(2) Pages 20-21

DE DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ (1); mais elle doit reconnaître ce labarum sacré, le Docteur Zeballos dépensant une somme considérable de talent et d'efforts, faisant que la science étrangère porte ses regards sur le laboratoire d'idées qu'il a établi dans la capitale de son pays.

Dans une claire exposition publiée dans l'excellente REVISTA DE DERECHO, HISTORIA Y LETRAS (numéro de Mars), le Docteur Zeballos se justifie devant ses élèves de donner une orientation nouvelle, mais sûrement scientifique et plus efficace, au point de vue des intérêts internationaux, à l'étude de cette branche du droit qui a pour but naturel ces mêmes intérêts quand ils se rapportent aux relations privées. Pour connaître son orientation scientifique et les conséquences internationales, suite de cette orientation, nous avons le long et détaillé programme présenté à l'Université de Buenos Aires, l'exposition justificative de ce plan d'études, la leçon inaugurale et LE BULLETIN ARGENTIN, dont le premier fascicule vient d'être publié.

on

De l'ensemble de ces divers travaux la première impression qui se détache est celle de confiance dans la victoire prochaine, ce qui est déjà presqu'une victoire remportée. Et comme l'enthousiasme est communicatif, j'ai l'espoir que l'exemple donne des résultats, que parmi nous commencera à consacrer aussi plus d'attention au droit international privé, qui par la valeur doctrinaire des questions qu'il traite, et par l'importance que ces questions prennent dans la vie des peuples civilisés, de jour en jour plus liés, est en train d'exiger le concours de tous les juristes. Je suis convaincu que dans le droit comparé et dans l'international privé, la jurisprudence contemporaine trouvera le terrain le plus fécond pour ses recherches. L'aide plus active que les juristes prêteront à la construction sociologique devra être tirée de cette riche mine.

Il faut par conséquent que nous lui reconnaissions sa valeur réelle.

(1) Les nombreux témoignages des savants européens que nous avon- publiés dans nos numéros antérieurs prouvent que la théorie argentine a été acceptée par les uns et accueillie avec sympathie par les autres, (M. B.)

Le programme du Docteur Zeballos est minutieux et vaste; il est l'indice analytique d'un traité qui épuisera la matière. Pour le développer, l'auteur demande deux ans, et peut-être que dans cet espace de temps il n'ait pas la possibilité d'expliquer avec la netteté souhaitée par le distingué professeur, les idées, les problèmes et les discussions suscités.

Ensuite selon ses propres paroles, ce plan d'études prend l'homme « dans son évolution historique et juridique, il l'accompagne jusqu'à nos jours, à travers les législations ayant exercé et exerçant encore l'influence la plus considérable dans les destinées humaines ». Et le professeur argentin est convaincu de l'excellence de cette méthode qui va dominant la science du droit, et qui consiste à demander à l'histoire la raison d'être des institutions et à l'étude comparative des renseignements, au sujet de l'efficacité de leur action sur la vie sociale.

Dans les civilisations des egyptiens, des assyriens, des babyloniens, des phéniciens, des hébreux, des hindous, le programme va chercher ces antiques esquisses des relations internationales d'ordre privé, qui plus tard seulement devaient s'accentuer avec le rapprochement et avec le développement de ce noble sentiment que l'humanité va avançant, lentement, mais sûrement, vers un idéal de civilisation qui brille d'une façon séduisante dans l'avenir, comme le royaume de la justice, de la science et de la paix.

Puis il pénètre en Grèce, d'où se détachent à une époque plus rapprochée les racines de la pensée philosophique moderne, et à Rome, qui fournit les bases de notre droit privé; continue à travers le moyen-âge, s'y arrête auprès des commentateurs; arrive à nos jours prenant en considération les évènements nationaux dans leurs rapports avec le droit international, mettant en lumière les grands principes autour desquels s'est développé le mouvement progressif de la doctrine, et accentuant les relations et les situations juridiques selon la manière dont elles se réflètent dans le terrain du droit international privé, embrassant dans toute leur extension le droit civil, le commercial, le criminel et la procédure. C'est comme on le voit un programme définitif. Grâce à lui nous connaissons non-seulement le terrain sur lequel le professeur va démontrer sa compétence, mais aussi sa méthode

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